Le président syrien, Bachar al Assad, au pouvoir de depuis onze ans, est confronté à la plus grande vague de contestation de son régime alors que les manifestations se sont étendues vendredi
dans plusieurs villes du pays.
Comment ressentez-vous les événements qui ont secoué Deraa ?
A Alep, c’est très calme. Nous sommes à l’extrême nord de la Syrie, donc très éloignés de Deraa et des événements qui s’y
déroulent. Aujourd’hui, c’était un vendredi comme les autres, avec, aux alentours de midi, les habitants qui pique-niquaient sur le bord des routes. Il y a simplement eu quelques manifestations
pro-gouvernementales hier et aujourd’hui, à la sortie de la grande prière. L’ambiance était très familiale, il y avait des drapeaux, des sourires, on entendait des coups de klaxon, des tambours
et des cris de joie. Le président reste globalement très populaire, parce qu’il a su incarner une image jeune et ouverte du pouvoir. Sa femme est très émancipée, elle travaille beaucoup dans le
social. C’est un couple abordable, proche du peuple et particulièrement actif sur le plan culturel.
Comment l’actualité vous parvient-elle ?
Nous avons une vision extrêmement floue de ce qui se passe. Nous nous informons à la fois à travers les médias étrangers et
nationaux, et le décalage est tel entre les différentes sources que ça laisse une drôle d’impression. Les informations locales, par exemple, présentent les manifestants comme des infiltrés,
missionnés depuis l’étranger. Comme s’il était inenvisageable qu’ils viennent de l’intérieur. Par contre, personne n’explique au service de qui ils pourraient agir… On sait aussi qu’une enquête
vient d’être ouverte pour savoir qui a tiré sur les manifestants à Deraa. La ville a même présenté ses excuses au gouvernement, qui a assuré que les services de sécurité avaient reçu l’ordre,
au contraire, de calmer le jeu. Mais bien sûr, nous n’avons aucune preuve de quoi que ce soit.
Vous parliez de manifestations de soutien à Bachar El-Assad, mais les opposants sont-ils soutenus par certaines
franges de la population ?
Plusieurs points de vue s’affrontent. Mais en Syrie, on touche très peu à la politique. Personne n’a jamais appris à
s’opposer. Culturellement, on a toujours été pour. Nous assistons donc à un moment historique : les manifestations sont un mode d’expression complètement nouveau pour nous, ça nous laisse
sur le derrière. D’habitude, le peuple vaque à ses occupations, les décisions sont prises d’en haut et personne n’y trouve à redire. Pourtant, il y a des choses à faire, à changer,
c’est indéniable. Mais ici, la démocratie ne fonctionne pas comme ailleurs. La liberté doit s’acquérir en douceur, sinon on court à notre perte. Même s’il nous manque des choses, si le régime
est dur, on se sent en sécurité et c’est une donnée essentielle pour nous.
Parce que cette sécurité est précaire ?
Je fais partie, pour ma part, de la minorité chrétienne. Nous vivons très bien, nous sommes bien considérés dans la société
syrienne. Ayant souvent moins d’enfants, notre pouvoir d’achat est plus élevé et nous avons un meilleur accès à la culture, à l’enseignement. Certains souffrent de la pauvreté, mais à moindre
échelle. Pourtant, politiquement, nous avons pour habitude de nous écraser, de raser les murs pour ainsi dire. Parce qu’on préfère la paix. Nous vivons toujours dans la hantise d’une
crise politique, sachant que nous serons les premiers visés dans un pays à majorité musulmane. C’est aussi pour cette raison que nous soutenons Bachar El-Assad. Parce qu’il est lui-même issu
d’une minorité religieuse, les Alaouites, qui représentent un islam modéré et progressiste.
Cette peur que vous évoquez est-elle répandue ou propre à la minorité chrétienne ?
Tout le monde a peur du chaos. La Syrie est une mosaïque de nationalités et de confessions diverses. Il y a des
Palestiniens, des Irakiens, des Libanais… Des Chrétiens, des Druzes, des Sunnites : c’est une belle harmonie, mais elle reste très fragile et chacun sait qu’elle risque de voler en
éclats et de se transformer en poudrière si le gouvernement s’effondre. C’est pourquoi de nombreux Syriens préfèrent vivre sous un régime dur mais qui, de par son autorité, force tout le monde
à s’entendre.
Malgré cette position pro-gouvernementale, vous concédez que des progrès sociaux sont nécessaires, mais
partagez-vous les revendications des manifestants ?
Je fréquente la haute société, j’ai plus de libertés que les classes populaires. Je ne partage ni leurs souffrances
ni leurs privations, même si je tiens à préciser que la Syrie ne connaît pas de misère noire. Nous disposons en effet de nombreuses infrastructures, l’école et l’accès aux soins
sont gratuits pour tous, les produits de consommation courante sont à bas prix et il y a même des aides de l’Etat pour le fioul. J’ai conscience de compter parmi les privilégiés, de pouvoir
voyager, me cultiver, consommer plus que la moyenne. Mes revendications sont donc forcément différentes, même si je vois d’un œil positif les annonces de réformes qui se sont
multipliées ces derniers jours. La hausse des salaires de 20 %, notamment, est un vrai pas en avant, car c’est un décret présidentiel, ce qui signifie qu’il sera forcément appliqué, même
s’il ne prend pas effet dans l’immédiat.
Les opposants demandent également la levée de l’Etat d’urgence, décrété par le pouvoir depuis 1963. Qu’en
pensez-vous ?
Sur ce point, je ne peux pas en dire plus au téléphone. D’une part parce que je connais mal le sujet, de l’autre
parce que toutes les lignes sont sur écoute depuis toujours…
Propos recueillis par Flora Beillouin
Commentaires 1
C'est une déclaration de guerre aux révolutions arabes dans la stratégie américaine et ses marionnettes. La Libye est le bon prétexte. Ils ne savaient pas comment arrêter le processus révolutionnaire dangereux car c'est le capitalisme qui est remis en question: impossible de résoudre les problèmes posés dans son cadre. C'est cela qu'il faut dire. Cette déclaration du PCF n'est pas à la hauteur: elle est timide, pas claire,sans idéologie, sans ambition. La direction attend peut-être de savoir ce qui dirait le leader Melenchon...Regardez le monde ensemble, pas un bout. Vous verrez que dès le début il était question que l'OTAN occupe la Libye..et on y est en train d'arriver et cela il faut le dénoncer haut et fort et avec fondement...pas avec timorés! C'est partie du communisme de ce siècle!