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Police et pouvoir :

26 Juillet 2023, 07:24am

Publié par PCF Villepinte

 Pourquoi ces liaisons dangereuses?

Les propos tenus par le directeur général de la police nationale en début de semaine, que refuse de condamner l’exécutif, relancent le débat sur les réponses à apporter au malaise dans la profession, loin des outrances très droitières d’une partie de ses syndicats. 

L’Humanité Mardi 25 juillet 2023

Marceau TaburetAlexandra ChaignonCamille Bauer

Le directeur général de la police, Frédéric Veau, (à gauche) a estimé qu'«avant un éventuel procès, un policier na pas sa place en prison». Ici, avec son ministre de tutelle, Gérald Darmanin, qui, lui, garde le silence total sur le sujet. © AFP

Une interview en forme de coup de pression. Pour le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, un policier ne doit pas dormir en prison dans l’attente de son procès, «même sil a commis une faute grave». Une façon explicite de demander la libération de l’agent de la BAC détenu après des faits de violences policières commis à Marseille.

Des propos d’une extrême gravité qui ont suscité l’indignation et la colère de tous ceux qui, attachés à l’État de droit, considèrent qu’un policier est un justiciable comme un autre et que la police ne saurait exercer quelque pression que ce soit à l’endroit de l’institution judiciaire.

Des élus de gauche, le Syndicat de la magistrature, l’ancien procureur de la République François Molins se sont notamment élevés contre ce qu’ils considèrent être une dérive claire. Les principaux syndicats de policiers ont, de leur côté, applaudi la prise de position de leur chef.

Rappelons que les fonctionnaires concernés par l’affaire initiale, à Marseille, ont été applaudis par leurs collègues à la sortie de leur garde à vue. Plusieurs centaines d’entre eux se sont même mis en arrêt maladie pour montrer leur opposition aux décisions prises par la justice. Une initiative qui n’a pas déplu à Frédéric Veaux, qui dit «comprendre l’émotion et même la colère».

En Macronie, surtout ne pas critiquer la police

Le pouvoir a-t-il peur de la police? Depuis dimanche, le malaise est palpable en Macronie. Il ny a qu’à écouter le député Renaissance Mathieu Lefèvre nous dire que «le président est dans le camp des policiers qui font un métier extraordinaire» ou le ministre Olivier Dussopt appeler à «ne pas faire le procès de la police» pour comprendre que la crainte de se mettre à dos la profession est réelle au sein de la majorité.

Ainsi, lundi midi à la télévision, Emmanuel Macron a expliqué que, « dans notre pays, les policiers servent la bonne application de la loi » , avant de reconnaître du bout des lèvres que «nul nest au-dessus» de celle-ci. Des propos repris quasiment mot pour mot mardi par la première ministre, lors d’un déplacement au Havre.

Pour le sociologue Paul Rocher, cette tendance du gouvernement à ne pas vouloir se montrer trop critique à l’égard des agents en uniforme s’explique assez facilement. «L’État fonctionne soit par le consentement volontaire des masses, soit par la force.  Or le néolibéralisme ne peut obtenir le consentement de tous puisque c’est une redistribution des richesses à l’envers, où une minorité d’ultrariches prend à la majorité. Cela ne peut passer que par le recours à la force, une gestion policière et autoritaire de la contestation», analyse-t-il.

Le parallèle avec la position de fermeté adoptée par François Mitterrand en 1983, quand un début de fronde commençait à naître dans les rangs de la police, est saisissant: le socialiste avait fini par limoger le directeur de la police. Aujourdhui, un exécutif sans relais dans le pays, sans majorité à lAssemblée, et confronté à une forte opposition sociale ne peut se permettre de se mettre ainsi sa police à dos.

Les syndicats font-ils la loi à Beauvau?

C’est à se demander qui tient le manche du bâton. Si l’exécutif n’a pas désavoué la prise de position des deux hauts fonctionnaires pourtant sous ses ordres, comme il n’avait d’ailleurs pas réagi au tract incendiaire publié début juillet par les syndicats Alliance et Unsa police, c’est aussi en raison de la puissance des syndicats de police.

Élus par 70 à 80% de leurs pairs, ils jouissent dune légitimité qui rend crédible leurs menaces. Ils se vantent ainsi de pouvoir mettre «1  000, 2  000, 10 000 flics dans la rue» , alors que les policiers n’ont pas le droit de grève.

Le taux de syndicalisation flirte avec les mêmes pourcentages, en raison du rôle des syndicats au sein du comité social d’administration ministériel, auquel ils siègent et où se décident les avancements de carrière comme les sanctions. Ils adoptent des positions d’autant plus radicales qu’ils se battent entre eux pour représenter la base, depuis l’éclatement au milieu des années 1990 de la Fédération autonome des syndicats de police, qui jouait le rôle de syndicat unique. Cette concurrence, alimentée aussi par l’émergence périodique de mouvement de protestation hors syndicats et souvent instrumentalisés par l’extrême droite, radicalise leurs positions.

Pour autant, la défense des collègues et les attaques contre la justice ne sont pas une nouveauté. Ce qui change, c’est la réponse du pouvoir. «Aujourdhui, je pense que le gouvernement a peur. On le voit, l’équilibre du rapport de force est très précaire. Les syndicats de police ont le pouvoir quon leur donne et celui-ci dépend de la solidité du gouvernement», rappelle le politologue Sebastian Roché, dans Télérama.

Un ministre de l’Intérieur aux abonnés absents

Où est Gérald Darmanin? Sur la photo du nouveau gouvernement publiée par Élisabeth Borne lundi, son absence a été remarquée par de nombreux internautes. Où est Gérald Darmanin quand il sagit de défendre l’État de droit, réaffirmer la séparation des pouvoirs et fermer la porte à la création dun régime dexception dont bénéficieraient les policiers, exempts de séjourner en prison dans lattente de leur procès, comme le propose Frédéric Veaux?

Il brille, là encore, par son absence. Sa dernière expression publique remonte au 21 juin. Le ministre de l’Intérieur participe au voyage en Océanie jusqu’à vendredi aux côtés du président. Le décalage horaire et les 17 000 kilomètres qui le séparent de la métropole l’empêchent peut-être de prendre la parole…

Pourtant, selon le Parisien, son directeur de cabinet a bien relu et validé l’interview de Frédéric Veaux avant publication. Sans juger bon d’en avertir ni Matignon ni l’Élysée. Le patron de la DGPN rejoint par le préfet de police peuvent donc dénoncer un prétendu acharnement judiciaire contre leurs agents sans que Gérald Darmanin n’y trouve rien à redire. Le député écologiste Benjamin Lucas demande sa démission, expliquant que «la place Beauvau a besoin dun ministre de lIntérieur, pas dun laquais dAlliance».

Derrière la fronde, un malaise plus profond

Et si le problème était plus profond? Le mouvement de protestation, qui essaime sur tout le territoire, dépasse le sujet de la détention provisoire du policier marseillais. Il révèle aussi les difficultés auxquelles sont confrontés les agents pour exercer leurs missions. Manque de moyens, de personnels, politiques du chiffre, missions recentrées sur le seul « maintien de l’ordre »

En juin, des centaines de policiers ont ainsi manifesté, de Champigny-sur-Marne à Roubaix, pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, qui mène, entre autres, à l’empilement des dossiers. Et c’est sans compter le racisme, la violence, internes ou externes à l’institution.

Ceux qui en parlent sont malheureusement souvent mis au ban de l’institution, après avoir voulu les dénoncer. Fabien Bilheran, ex-officier de police judiciaire, et Agnès Naudin, capitaine de police et porte-parole de la FSU intérieur (tous deux auteurs d’un livre, Police : la loi de l’omerta), peuvent ainsi en témoigner . Et la réforme de la police judiciaire, qui risque de se traduire par une réduction de moyens et une dilution des compétences, n’améliorera en rien le malaise grandissant dans les rangs.

 

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Quel avenir pour la commune et le maire en France ?

14 Juin 2023, 07:23am

Publié par PCF Villepinte

Quel avenir pour la commune

et le maire en France?

Après plusieurs réformes territoriales successives, les motifs d’inquiétude sont nombreux pour les municipalités. Le Sénat a créé une mission sur cet enjeu qui doit achever ses travaux à l’été 2023.

L'Humanité Mardi 13 juin 2023

Le premier espace d’expression de la démocratie et du service public est confronté à une double confrontation due à l’État et à la métropolisation.

Créée par la Révolution française, la commune est un rempart face à un sentiment d’abandon croissant et au risque de délitement de la République.

PHILIPPE LAURENT

Maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), vice-président de l’Association des maires de France

Vérité parfois oubliée, le maire est un héritage de la Révolution française. C’est en effet l’Assemblée constituante qui, en 1789, crée les municipalités et désigne les communes nouvellement instaurées comme la première division administrative du pays.

Prenons-en toute la mesure: depuis que la République existe, la commune représente donc la cellule démocratique première, au plus près de la vie des citoyens et on loublie trop souvent, y compris au plus haut niveau le maire est aussi le représentant de lÉtat.

La commune est donc le socle de notre vie démocratique. Elle incarne la proximité et la gestion des affaires locales, elle est partout présente dans notre vie quotidienne. À cet égard, le maire constitue, plus que tout autre échelon de responsabilité, un pilier de notre édifice républicain et l’une des conditions de sa résilience.

La gestion de la crise sanitaire aura permis de le rappeler de la plus éclairante manière. Qui peut contester que, sans l’agilité et l’intelligence du terrain, incarnées au premier chef par les maires, sans le concours décisif de ces derniers, l’État, ultra-centralisé, aurait su et pu faire face à la pandémie de la même façon?

En outre, alors même que la demande de services publics de proximité, de participation citoyenne, d’horizontalité n’a jamais été aussi affirmée, ceux qui en sont les principaux vecteurs n’ont jamais été aussi maltraités. D’abord – et c’est naturellement très inquiétant – par un nombre croissant de Français, comme le montre l’augmentation de la violence envers les élus.

Ensuite, par le pouvoir central lui-même, qui semble trop souvent considérer les maires comme de simples sous-traitants de l’action publique que lui seul serait capable de définir. Car, si la République voit son organisation décentralisée selon les textes, la décision, elle, reste bien d’abord étatique.

L’avenir de la commune réside donc, en premier lieu, dans la nécessaire confiance que doit manifester l’administration centrale envers les élus locaux et l’action collective. L’avenir de la commune en France réside également dans sa capacité à se réinventer, à s’adapter aux nouveaux enjeux et à répondre aux attentes des citoyens.

Les questions relatives aux transitions, au logement, à l’éducation et à la culture, aux nouvelles formes de solidarité… tout cela nécessite des réformes structurelles, des investissements ambitieux et une véritable volonté politique. Face à la complexité du monde actuel et au besoin de sécurité, cela peut nécessiter également une forme de mutualisation des moyens, à l’impérative condition qu’elle repose sur un volontariat.

Dans le contexte de défiance généralisée qui caractérise notre époque, le fait communal est le rempart face à un sentiment d’abandon croissant et au risque de délitement de la République. Il revient aux responsables politiques de veiller à le préserver, à le développer et à le rendre plus juste et efficace.

 

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Quel avenir pour la commune et le maire en France ?

14 Juin 2023, 07:18am

Publié par PCF Villepinte

Quel avenir pour la commune

et le maire en France?

Après plusieurs réformes territoriales successives, les motifs d’inquiétude sont nombreux pour les municipalités. Le Sénat a créé une mission sur cet enjeu qui doit achever ses travaux à l’été 2023.

L'Humanité Mardi 13 juin 2023

Le premier espace d’expression de la démocratie et du service public est confronté à une double confrontation due à l’État et à la métropolisation.

 

JACQUELINE BELHOMME

Maire PCF de Malakoff (Hauts-de-Seine)

La commune est une réalité quotidienne vécue par tou·te·s nos concitoyen·ne·s, de façon plus concrète que d’autres échelons politiques ou administratifs. C’est le premier espace d’exercice et d’expression de la démocratie, le premier chaînon du service public de proximité.

La commune est l’espace naturel d’expérimentation de nouvelles pratiques politiques: budgets participatifs, conseils de quartiers, concertation et coconstruction de politiques publiques. Cest là que sexpriment les besoins, les demandes et les revendications, et là que s’imaginent les réponses que leur apportent les élu·e·s. Pour autant, les maires doivent affronter une double contradiction.

Il existe d’abord une contradiction dans le rapport qu’entretient l’État avec les communes. Ces dernières subissent en effet une désertion des services publics. De plus en plus, l’État abandonne ses missions et laisse les communes gérer l’urgence et, peu à peu, se substituer à lui.

Dans le même temps, les communes doivent composer avec un assèchement de leur financement et la baisse continue de la dotation forfaitaire. C’est ainsi qu’en montant cumulé depuis 2010, Malakoff a perdu presque 20 millions d’euros! Cest autant de moyens en moins pour la satisfaction des besoins des habitant·e·s, ou pour faire vivre la mixité sociale.

Enfin, l’État développe depuis quelques années une forme de mise sous tutelle déguisée, qui se retrouve, par exemple, dans les atteintes répétées contre la libre administration des communes (temps de travail des agents communaux) ou dans la multiplication des financements par appels à projet sur des thématiques imposées, dont les communes ne connaissent ni les critères, ni les modes d’attribution.

 Les maires sont, ainsi, les gestionnaires désabusé·e·s d’une injonction contradictoire: gérer les contraintes de l’État et dégager de nouvelles marges de manœuvre pour dynamiser leurs communes. Rappelons que, à cet égard, 70% de linvestissement public repose sur les communes. La seconde contradiction est démocratique: elle est posée par l’évolution législative du rôle des collectivités, qui s’exprime en particulier dans la loi NOTRe de 2015.

La métropolisation et la création des établissements publics territoriaux (regroupement de communes dans la métropole) ont profondément modifié le paysage. Les communes sont contraintes de déléguer des compétences à ces nouvelles instances.

De plus, la suppression de la taxe d’habitation prive les communes d’une ressource dynamique, affadit le lien entre fiscalité et services publics locaux et provoque une perte de sens dans le lien entre les habitant·e·s et leur territoire. Dans le même temps, les maires continuent d’affronter, sur le terrain, les conséquences de politiques publiques sur lesquelles leur capacité d’intervention se réduit.

Le maire demeure pourtant, pour ses administré·e·s, le premier et le dernier recours. L’avenir des communes ne peut s’écrire que dans une nouvelle définition de ses rapports avec l’État, qui donne aux premières les capacités réelles d’action sur le quotidien en s’appuyant sur sa proximité et sa capacité d’innovation démocratique. Les communes veulent être maîtresses de leur destin et avoir les moyens d’agir dans l’intérêt commun.

 

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JEUNESSES

31 Mars 2023, 09:38am

Publié par PCF Villepinte

Maintien de l’ordre, 

à quoi joue l’Intérieur ?

Depuis plusieurs semaines le MJCF constate d’importantes dérives dans la stratégie de maintien de l’ordre vis-à-vis du mouvement social. Celles-ci alertent sur l’application de notre droit à manifester et à contester.

Le conflit autour des méga-bassines de Sainte-Soline se solde par une répression inouïe. Le pronostic vital d’un manifestant reste aujourd’hui engagé, suite aux manifestations de samedi.

Si nous ne nous reconnaissons pas dans les actes de violence d’une minorité de manifestantes et manifestants, rien ne peut justifier la stratégie choisie par l’Intérieur et la Préfecture. Le SAMU a même reçu l’ordre de ne pas intervenir sur les lieux pour évacuer des manifestantes et manifestants grièvement blessé·e·s.

Le comportement de la BRAV-M dans les manifestations parisiennes contre la réforme des retraites nous alarme. Comment tolérer l’intimidation raciste d’un manifestant étranger dont les enregistrements ont été récemment révélés ? Comment justifier les charges arbitraires ou le gazage massif lors de fins de manifestation de plus en plus tendues ? Quid également de l’usage de garde-à-vue sans poursuites ou suite ? Ces exactions ne relèvent en aucun cas d’un État de droit. Elle témoigne d’une stratégie de pourrissement et de répression d’un mouvement social massif et déterminé.

Nous ne pouvons, enfin, tolérer les réquisitions et le déblocage par la force d’entreprises mobilisées. Ceux-ci témoignent d’une remise en cause délétère du droit de grève.

Le gouvernement, minoritaire sur sa réforme, est acculé. Il tente de polariser, diviser et rendre violent un mouvement de grève, de manifestation et de blocage largement soutenu par l’opinion publique.

En utilisant systématiquement la répression, en amalgamant les manifestants à des factieux, Emmanuel Macron est un pyromane qui pave la voie à toujours plus de violences.

Le MJCF répondra toujours à la casse sociale par la force du nombre, le calme, la détermination et l’organisation. Devant chaque lycée, chaque université, auprès des jeunes travailleuses et travailleurs, nous nous battrons pour massifier le mouvement social et faire reculer la réforme des retraites.

Le MJCF demande que les réquisitions cessent.

Le MJCF demande la dissolution de la BRAV-M et de la BAC.

Le MJCF demande une remise à plat en urgence de la stratégie de maintien de l’ordre. Le maintien de l’ordre doit garantir la liberté de manifester, qui est un droit fondamental de notre République.

Le MJCF revendique la création d’un observatoire national des violences policières, sous statut public, indépendant du ministère de l’Intérieur, chargé de recenser et d’analyser les violences commises par des agents de police ainsi que les suites administratives et judiciaires qui sont données, et d’en informer les citoyennes et citoyens.

Le MJCF appelle la jeunesse et l’ensemble de la population à continuer de se mobiliser massivement contre la réforme des retraites.

 

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Macron, méprisant de la République.

29 Mars 2023, 08:45am

Publié par PCF Villepinte

L’arrogance crasse de l’exécutif

L'Humanité Mercredi 29 mars 2023

Jean-Emmanuel Ducoin

Au royaume en perdition du monarque élu, le mépris n’a donc plus de limites. Alors que la dixième journée de mobilisation se déroulait, ce mardi 28 mars, avec le succès que nous connaissons, les thuriféraires du prince-président en ont rajouté dans la provocation.

Le secrétaire général de la CFDT en sait quelque chose. Après avoir proposé «une pause» dans le processus de la loi sur les retraites, Laurent Berger était mandaté par l’intersyndicale pour une demande de «médiation», sachant qu’un courrier devait être envoyé à l’Élysée.

Croyez-le ou non, mais la manifestation parisienne ne s’était même pas encore élancée que le porte-parole du gouvernement, dans son compte rendu du Conseil des ministres, lançait un nouveau bras d’honneur à l’intersyndicale: «Nous saisissons la proposition de se parler, mais nul besoin de médiation», expliquait Olivier Véran. La stratégie du pire et de l’escalade. Au point que nous pouvons désormais nous demander: où sarrêtera larrogance crasse de lexécutif?

«Ça commence à suffire, les fins de non-recevoir», répliquait Laurent Berger, jugeant la réponse du gouvernement «insupportable». Une idée sans doute partagée par certains membres de la majorité présidentielle – du moins ce qu’il en reste. Les députés Modem, par exemple, n’hésitaient pas à se déclarer «favorables» à une médiation. Manière d’affirmer, sans le crier trop fort: jusquoù ira le président, qui n’écoute ni la rue, ni les syndicats, ni les forces politiques, pas même ses partisans?

Emmanuel Macron, tout seul, accroché à cette idée sarkozienne selon laquelle le courage en politique (sic) consiste à affronter la colère populaire et à ne «jamais céder», se vit peut-être en héros thatchérien dans le secret de son intimité. Il devient surtout le fossoyeur de la démocratie française.

Comme le dit dans nos colonnes l’écrivain Nicolas Mathieu: «Lidée quil se fait de son rôle et du bien du pays menace la paix civile, parce quelle implique un déni de laltérité et que lautoritarisme qui en découle enflamme des pans entiers de notre société.» Et le lauréat du prix Goncourt 2018 précise: «Par sa méthode et son obstination, son mépris et sa surdité, il a libéré des réserves de rage quil nimagine pas.» Rien à ajouter.

 

 

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Pérou

9 Décembre 2022, 09:14am

Publié par PCF Villepinte

 Les dessous de la destitution

de Pedro Castillo

Le président de gauche est le sixième chef d’État du pays à être démis en six ans par le Parlement. Il vient d’être arrêté, dix-sept mois après son élection. Les rivalités dans son parti et dans son camp l’ont empêché de présenter un front uni face à la bourgeoisie.

L'Humanité Vendredi 9 Décembre 2022

Lina Sankari

AFP

Sans chars ni fusils, Pedro Castillo a été destitué. Ce 7 décembre, au terme d’une journée rocambolesque, le président de gauche péruvien a échoué en détention, pour une durée de quinze jours, dans une base des forces spéciales de la police de Lima. Elle abrite déjà un autre détenu, l’ancien dirigeant du pays, Alberto Fujimori (extrême droite). Selon la police, Pedro Castillo aurait tenté de trouver refuge à l’ambassade du Mexique pour y demander l’asile avant d’être appréhendé.

Jusqu’au dernier instant, le chef de l’État, minoritaire au Parlement, aura tout tenté pour échapper à la destitution. Dans un pays en crise politique permanente, il est le sixième président en six ans à être démis. Élu en juillet 2021, il affrontait sa troisième procédure de destitution. «Cest presque une surprise quil ait tenu aussi longtemps face au front permanent emmené à la fois par les médias et la bourgeoisie.

Au Parlement, les conservateurs ont déployé pendant dix-sept mois tous les outils législatifs et administratifs, dont déjà deux autres tentatives de destitution, pour faire entrave et empêcher Pedro Castillo d’appliquer son programme», analyse Lissell Quiroz, professeure d’études latino-américaines à l’université de Cergy-Paris. À l’annonce du résultat du vote, les organisations syndicales se sont rassemblées devant le Parlement afin de protester contre cette décision. Mais elles ne sont parvenues à réunir que quelques centaines de participants.

Des perquisitions au palais présidentiel et une enquête pour «rébellion»

Peu avant la tombée du couperet, Pedro Castillo avait prononcé la dissolution du Parlement sans en avoir toutefois les moyens légaux et constitutionnels. Pour sortir de l’ornière, le président avait également annoncé un «gouvernement durgence exceptionnel» et fait part de sa volonté de convoquer «dans les plus brefs délais» une Assemblée constituante.

Retransmise en direct à la télévision, sa destitution pour «incapacité morale» a été votée par 101 des 130 parlementaires, dont 80 de l’opposition. Dans la foulée, la vice-présidente Dina Boluarte, issue de Pérou libre, la formation politique d’inspiration marxiste dont Pedro Castillo avait été exclu en juillet, a été investie comme nouvelle cheffe de l’État, fonction qu’elle devrait assumer jusqu’en 2026.

Quelques heures auparavant, elle dénonçait, dans un troublant concert avec la droite et l’Organisation des États américains, la «tentative de coup d’État promue par Pedro Castillo (c’est-à-dire de violation de l’article 117 de la Constitution qui garantit le fonctionnement du Parlement – NDLR) qui n’a trouvé aucun écho dans les institutions de la démocratie, ni dans la rue». Les États-Unis se sont, de leur côté, empressés d’acter le changement de tête à la présidence.

Mercredi soir, le parquet a ordonné des perquisitions au palais présidentiel et une enquête pour «rébellion» a été ouverte contre Pedro Castillo, en plus des six autres déjà en cours pour corruption et trafic dinfluence. Une «soi-disant» guerre hybride «est menée en Amérique ­latine () pour persécuter, accuser et évincer les dirigeants qui défendent le peuple et affrontent les politiques néolibérales (qui génèrent) la faim», a réagi l’ex-président bolivien Evo Morales, lui-même renversé en 2019. 

«Nous sommes dans un schéma qui, à bien des égards, a à voir avec la situation de Salvador Allende, dans les années 1970, afin d’entraver l’accès du peuple aux institutions», abonde Lissell Quiroz. Le président élu du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, a pour sa part trouvé «toujours regrettable quun président démocratiquement élu subisse un tel sort», tout en indiquant que le processus avait été «mené dans le cadre constitutionnel».

Les élites n’ont jamais digéré l’élection de l’instituteur et syndicaliste Pedro Castillo

Dans un pays centralisé à l’extrême autour de la capitale, Lima, pur produit de la colonisation, les élites n’ont jamais digéré l’élection de l’instituteur et syndicaliste Pedro Castillo. Originaire des Andes, il avait été porté au pouvoir par les populations pauvres et délaissées. C’est dans cette région, où le mouvement social reste vivace, que Pedro Castillo a effectué plusieurs déplacements afin d’organiser un front qui lui permette de gouverner. Durant ces visites, qui l’ont tenu éloigné de Lima parfois pendant plusieurs jours du fait des difficultés d’accès, la droite avait les mains libres.

En moins d’un an et demi, Pedro Castillo a procédé à quatre remaniements ministériels, mais la gauche, défaite et affaiblie par le ­fujimorisme, souffre également de ses divisions. Si l’ex-président a pâtit des rivalités politiques internes à sa formation Pérou libre, dirigée par Vladimir Cerrón, il s’est également heurté à la difficulté de constituer une alliance avec la gauche réformiste de Veronica Mendoza, plus proche de Gabriel Boric au Chili, qui s’adresse surtout à la jeunesse urbaine issue des classes moyennes à travers des thèmes sociétaux.

 «Les alliances se font et se défont en fonction des intérêts», relève Lissell Quiroz. En plus des manifestations, où la bourgeoisie n’a pas hésité à rémunérer des casseurs pour amplifier le chaos, Pedro Castillo a fait face à la fronde des transporteurs privés et des agriculteurs contre l’augmentation des prix des carburants.

La droite, dans toutes ses composantes, a désormais une carte à jouer malgré ses divisions. De la démocratie chrétienne aux fujimoristes, les mois qui viennent risquent d’être marqués par d’âpres luttes de pouvoir. Keiko Fujimori, candidate à trois reprises à la présidence et contre laquelle le parquet requiert trente années de prison pour corruption, a déjà exhorté la nouvelle cheffe de l’État à constituer un gouvernement d’union nationale. 

«Dans un pays qui vit une crise politique permanente, elle insistera sur le chaos dans ­lequel la gauche a plongé (ce dernier) et endossera les habits du sauveur, de l’ordre et du progrès», pointe Lissell Quiroz. Dans un climat de dégagisme qui favorise l’extrême droite, la seule porte de sortie résiderait dans le lancement d’un processus de Constituante, comme l’avait proposé Pedro Castillo. Pas sûr que Dina Boluarte emprunte ce chemin.

 

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Le poison

9 Décembre 2022, 08:56am

Publié par PCF Villepinte

Consternation, colère

L'Humanité Vendredi 9 Décembre 2022

 

PAR CATHY DOS SANTOS

Consternation, colère. C’est ce que nous inspire cette vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux. On y voit des petites frappes fascistes faisant irruption dans une réunion publique à Bordeaux où intervenaient deux députés de la FI. «La France est à nous!» éructent ces nervis armés de matraques et cagoulés. Le courage n’a jamais étouffé ces gens-là.

Et de brandir une pancarte barrée de cette injonction: «Quils retournent en Afrique!» Même slogan putride proféré par un parlementaire du Rassemblement national que sa formation s’est empressée de défendre au nom d’une prétendue liberté d’expression. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit puni par la loi. Les propagateurs de ce poison doivent être poursuivis. Qu’ils portent des rangers ou un costume-cravate à l’Assemblée.

On ne compte plus les librairies, les locaux du PCF souillés, vandalisés, les militants menacés et molestés, cibles du racisme, de la haine et de la violence de l’extrême droite. La banalisation des idées et des discours du RN, présenté comme respectable et fréquentable, a déchaîné la peste brune. L’État ne peut rester passif face à ces agissements qui menacent la démocratie. Sauf à en être complice.

Une nouvelle fois, le gouvernement se refuse à condamner l’attaque de Bordeaux. Service minimum pour Gérald Darmanin, qui s’est fendu d’un tweet laconique où il réussit le tour de force de ne pas évoquer l’extrême droite! On a connu le ministre de lIntérieur bien plus volubile, dès lors quil sagissait de casser du «gauchiste». Une lutte résolue contre les milices identitaires s’impose pourtant, plus que jamais. Le recyclage, la digestion des thèses de l’extrême droite par ceux qui se revendiquent de la République doit pour cela cesser.

Tout le commande. Regardons vers l’Allemagne, où des disciples du IIIe Reich ont été arrêtés alors qu’ils fomentaient un coup d’État. Les nostalgiques des dictatures et des pouvoirs autoritaires, biberonnés au conspirationnisme, ne sont pas une exception allemande. Ils prospèrent sur les politiques de violence sociale qui font le lit du fascisme et des populismes. On ne joue pas avec l’extrême droite. Jamais, en aucune circonstance.

 

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DROITS HUMAINS 

7 Décembre 2022, 09:25am

Publié par PCF Villepinte

Israël a décidé de maintenir

Salah Hamouri en prison

Pieds et mains enchaînés, l’avocat franco-palestinien a été présenté mardi devant un tribunal israélien qui le maintient en détention jusqu’au 1er janvier. Face aux pressions et à la mobilisation, Tel-Aviv n’a pas osé prononcer son expulsion.

L'Humanité Mercredi 7 Décembre 2022

Pierre Barbancey

Le 2 décembre, à Jérusalem-Est. Hassan Hamouri avec une photo de son fils. Mostafa alkharouf/anadolu agency/afp

Anadolu Agency via AFP

Au mépris de toutes les lois internationales et des droits humains, la «justice» israélienne a décidé de maintenir en prison Salah Hamouri. Deux audiences se sont déroulées mardi, dans lenceinte de la prison de Givon, à Ramleh. Lune pour examiner le recours déposé contre la suspension de son permis de résident de Jérusalem, la seconde pour examiner l’ordre de déportation émis par le ministère de l’Intérieur.

Salah Hamouri et ses représentants légaux, y compris l’avocat Lea Tsemel, l’avocat Mahmoud Hassan et le centre HaMoked pour la défense de l’individu, étaient présents, ainsi qu’un représentant du consulat général de France à Tel-Aviv. Pendant tout ce temps, Salah Hamouri a été présenté avec deux paires de menottes métalliques aux mains et aux pieds, une chaîne reliant les deux. En détention administrative depuis le mois de mars, l’avocat franco-palestinien ne l’est plus depuis dimanche minuit. Ce qui n’a pas empêché les autorités israéliennes de le garder enfermer depuis lors.

Les deux parties ont présenté leurs arguments oraux mais, à la fin de la session, le tribunal n’a pas rendu de décision sur l’expulsion. Les «juges» ont dabord pris acte que le statut de résident permanent à Jérusalem du Palestinien Salah Hamouri avait été révoqué par le ministère de lIntérieur.

Mais, comme lavocat possède un passeport émis par la République française, il lui est normalement possible, comme n’importe quel ressortissant français, de séjourner en Israël. Encore faut-il remarquer que, si Israël occupe Jérusalem-Est depuis 1967 et l’a annexée quelques années plus tard, elle reste territoire palestinien au regard du droit international.

Donc, ces «juges» ont décidé que le Français Salah Hamouri ne devait pas rester dans leur pays, mais sans oser prononcer son expulsion. En conséquence de quoi ils ont choisi de le maintenir enfermé à la prison d’Hadarim, estimant qu’il se trouve en toute illégalité sur le territoire israélien et que, de plus, il est toujours catégorisé comme «sagav  », désignation israélienne pour un détenu de haute sécurité.

«Nous avons demandé que Salah soit libéré et quil reste à Jérusalem-Est, voire en Cisjordanie, avec des garanties quil répondra à toute convocation concernant et sa ­révocation de résidence et son expulsion, ce qui permettrait qu’il ne reste pas en prison», a expliqué à l’Humanité, sans grand optimisme, Mahmoud Hassan, l’un des défenseurs de Salah Hamouri. Ce dernier a redit son refus d’être déporté.

Le tribunal a prévu une audience de révision judiciaire concernant sa détention le 1er janvier, où il examinera les mises à jour concernant sa révocation de résidence. Interrogé lundi matin par l’Humanité, le ministère français des Affaires étrangères a répondu tard dans la soirée: «Nous avons signifié de la manière la plus claire notre position aux autorités israéliennes: Salah Hamouri ne doit pas être expulsé.» Il est clair que, sous la pression, Israël tergiverse mais n’abdique pas. Pas encore. À l’évidence, seule la mobilisation forcera Tel-Aviv à cesser son harcèlement contre Salah Hamouri et sa famille.

 

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Les chantiers de Lula

30 Septembre 2022, 07:31am

Publié par PCF Villepinte

Au Brésil,

l’attente d’un printemps démocratique

Ueslei Marcelino/reuters

Cathy Dos Santos L'Humanité

Vendredi 30 Septembre 2022

Rarement quatre lettres auront été le symbole d’un tel espoir. Lula, l’ancien président du Brésil, est en mesure de déloger le triste personnage qui occupe le palais du Planalto. Ce serait une délivrance. D’abord pour les Brésiliens, après quatre années marquées par le grand retour de la faim, des violences et un racisme débridé. La possible victoire du leader du Parti des travailleurs signerait la fin des dépeçages des conquis sociaux qui ont dopé la misère.

Cette présidentielle a aussi une portée mondiale. L’issue des législatives en Italie a montré combien fascistes et populistes tissent une dangereuse internationale. À l’heure où la gauche connaît un regain d’influence sur le continent, le basculement de cette nation-continent conforterait les dynamiques progressistes d’intégration régionale face à l’hégémonie contestée des États-Unis.

Les chantiers qui attendent Lula sont immenses, après un mandat de débâcles. Tout est à reconstruire dans cette puissance mondiale où les privatisations ont dopé les inégalités sociales. Mais il n’est pas écrit que l’ancien métallo et ses alliés auront les coudées franches. Au sein de la Chambre des députés, les bancs des «BBB» le lobby des armes, des églises évangélistes et de lagrobusiness seront encore ultra-influents au point de contraindre la gauche à se rabattre sur le vieux système de «présidentialisme de coalition» trop souvent synonyme de compromissions.

La défaite annoncée de Jair Bolsonaro ne signe pas l’arrêt de mort du bolsonarisme. Le discrédit des dirigeants politiques et des institutions, dont le coup d’État contre Dilma Rousseff fut une dramatique conséquence, ou encore la machine tentaculaire de fake news des réseaux sociaux ont participé à l’adhésion idéologique d’une bonne partie de la population à l’extrême droite.

Cette fracture ne disparaîtra pas au lendemain du scrutin. L’appât du gain non plus. Bolsonaro et ses acolytes, une partie de l’armée et des corps de police ne sont pas prêts à renoncer au pouvoir. C’est bien le devenir de la démocratie qui se joue aussi au fond des urnes ce dimanche.

 

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Italie. « L’héritage empoisonné du fascisme perdure »

26 Septembre 2022, 07:40am

Publié par PCF Villepinte

Grand historien du fascisme, Mimmo Franzinelli démonte l’imposture de la banalisation de l’extrême droite, en mettant en lumière les continuités dans la police, la magistrature et la presse entre régime fasciste et démocratie, de l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui. ENTRETIEN

Thomas Lemahieu L'Humanité 

Dimanche 25 Septembre 2022

© Miguel Medina/ AFP

Bologne (Italie), envoyé spécial

En Italie, une page a été tournée, et un chapitre, clos, mais non, le fascisme ne s’est pas achevé à la Libération, le 25 avril 1945. À travers son livre (1) paru au printemps dans une collection montée par de jeunes historiens pour intervenir dans un débat public toujours plus empoisonné en Italie (Fact Checking aux éditions Laterza), leur aîné, Mimmo Franzinelli, l’un des meilleurs spécialistes du fascisme, décrit la continuité entretenue et organisée, juste après la guerre mais bien au-delà, pendant les décennies ultérieures, entre le régime mussolinien et une démocratie au sein de laquelle ses ramifications ont, en réalité, pu prospérer…

L’enjeu est important, tant le déni impose sa loi dans la mémoire collective, comme l’illustrent, pour le pire, les élections qui se sont déroulées ce dimanche dans la Péninsule.

Comment comprendre que l’Italie paraît n’en avoir jamais fini avec le fascisme ?

Le fascisme, en Italie, ce n’est pas une parenthèse qui se serait ouverte et refermée: il n’est pas venu, comme tombé du ciel, et reparti, disparu du jour au lendemain. Même s’il a trouvé des expansions en Allemagne, en Espagne ou ailleurs, c’est en Italie qu’est son berceau et qu’il reste enraciné en profondeur. Après la Marche sur Rome, en octobre 1922, la dictature fasciste a duré plus de vingt ans.

Deux décennies sans la moindre place pour l’opposition, deux décennies de propagande dédiée au nationalisme exacerbé et au culte de la personnalité. Quand tout s’effondre avec la guerre - et la guerre n’est pas un accident de parcours, c’est le débouché naturel du fascisme -, les ramifications perdurent après la Libération. L’hérédité est évidente dans le Mouvement social italien (MSI) dont le logo renvoie directement à Benito Mussolini: il représente la tombe du Duce avec la flamme tricolore.

Et ce symbole demeure, comme chacun peut le constater, sur les matériel électoral de Frères d’Italie, le parti dirigé par Giorgia Meloni ! Mais ça n’est pas tout car, dans l’après-guerre, tous les journalistes, ou presque, qui avaient participé à la propagande mussolinienne restent en place: l’opinion publique est conditionnée par leur vision bénie-oui-oui et nostalgique, celle d’un Mussolini débonnaire, d’un régime petit-bourgeois et d’une Italie qui, au fond, n’allait pas si mal.

Passés de la presse fasciste à la presse démocratique, les dirigeants des grands journaux veulent bien reconnaître que le chef avait quelques vices d’un dictateur, mais en même temps, prétendent-ils, c’était une bonne pâte, pleine d’humanité ! Cette vision pénètre les esprits d’une part significative de l’opinion, et elle persiste aujourd’hui dans une sorte de mythologie totalement falsificatrice…

Les ramifications sont également structurelles: dans votre livre, vous décrivez méticuleusement les parcours de nombreux magistrats, policiers, dirigeants des hautes administration qui ont pu passer sans heurts du service pour le régime fasciste à celui pour la République italienne. Parmi tous ceux-ci, un personnage emblématique se détache: Marcello Guida. Qui est-ce ?

Marcello Guida peut effectivement être considéré comme la personnification des milliers de fonctionnaires qui ont servi le régime mussolinien, embrassant souvent des carrières au plus haut niveau, avant de continuer leurs parcours dans les institutions de la démocratie. En l’occurrence, Guida devient, très jeune, à la fin des années 1930, le directeur d’une colonie pénitentiaire, Ventotene, sur une île au large du Latium. Il était chargé de la répression de centaines d’antifascistes, et il l’a fait, avec cruauté, refusant notamment d’accorder des soins aux malades de la tuberculose, jusqu’à les laisser mourir…

Dans les années après la Libération, Marcello Guida est bien aidé par le climat de la Guerre froide: les gouvernements centristes voient d’un bon œil la perspective de récupérer des fonctionnaires ayant contribué au régime fasciste. Lui, comme tant d’autres au sommet de la police, de la magistrature, des forces armées, continue une carrière remarquable, et cela le portera, au fil des décennies, à devenir questeur (chef de la police, NDLR) à Turin pendant les révoltes ouvrières de la Fiat dans les années 1960.

À l’époque, il sera même payé en pots-de-vin par les patrons de l’entreprise, la famille Agnelli, pour réprimer le mouvement. Ensuite, à Milan, lors de « l’automne chaud » de 1969, quand les actions terroristes néofascistes commencent, le 12 décembre, avec l’attentat de la Piazza Fontana, Marcello Guida joue un rôle décisif pour brouiller les pistes: c’est lui qui présente l’assassinat du cheminot anarchiste Giuseppe Pinelli - jeté par la fenêtre du quatrième étage de la questure de Milan, où il était détenu illégalement - comme un suicide.

Par cette manœuvre, il protège les fascistes et expose à la Une des médias des « monstres anarchistes ». Cette thèse finit par s’effondrer grâce au travail de quelques journalistes. Et à ce moment-là, Guida, subitement devenu infréquentable, est mis à la retraite… Attention, ceci dit, je voudrais rappeler qu’en France, vous avez eu des profils du même genre: pensez à Maurice Papon en particulier !

Oui, bien sûr, mais comme vous le rappelez dans votre travail, entre les collaborateurs français et les fascistes italiens, l’ampleur du recyclage n’est peut-être pas la même ?

Oui, dans un autre livre consacré à ce qu’on appelle « l’amnistie Togliatti », en Italie, du nom du dirigeant du Parti communiste italien qui fut, à la Libération, ministre de la Justice, je relève les différences énormes qui existent dans l’épuration entre la France et l’Italie. En Italie, l’épuration a été une sorte de farce, alors qu’en France ou en Belgique, ça a été pris bien plus au sérieux…

En Italie, écrivez-vous, « les épurateurs n’ont jamais été épurés »…

Oui, voilà.

Le droit lui-même contient encore des éléments hérités de la dictature mussolinienne… Avec l’affaire Vincenzo Vecchi, un jeune manifestant contre le G8 de Gênes en 2001, réfugié en France et menacé d’extradition aujourd’hui après une condamnation à une peine de 12 ans de prison sur la base d’un délit émanant directement du fascisme (« dévastation et pillage »), on voit bien comment des éléments du Code pénal mis au point pendant les deux décennies de régime mussolinien par le ministre Alfredo Rocco perdurent. Comment est-ce possible ? 

Le Code Rocco est resté en vigueur en Italie jusqu’en 1989. Et cette persistance pose de sérieuses interrogations sur la conscience, appelons-la comme ça, de la classe dirigeante antifasciste pendant les décennies après la Libération. Au niveau juridique, dans les textes de loi essentiels, elle n’a jamais tourné la page résolument, mais elle a, au contraire, utilisé une part des lois répressives datant du fascisme pour ses propres activités de gouvernement.

A la sortie de la guerre, vous pointez un renversement qui paraît s’être accentué au fil du temps: d’un côté, les nazifascistes, engagés dans la république de Salò (République sociale italienne, RSI) de Mussolini après 1943, finissent par être reconnus comme « combattants légitimes », tandis que les partisans sont, eux, persécutés et poursuivis… 

C’est la période des procès à la Résistance qui s’ouvre pour plusieurs années, après les élections parlementaires le 18 avril 1948. À ce moment-là, la magistrature, les forces de police et de gendarmerie s’emparent des épisodes sanglants survenus entre 1943 et 1945, et dans la presse dominante, cela permet une interprétation des refrains contre la gauche et les communistes. Des centaines de partisans sont arrêtés, d’autres doivent s’enfuir vers la Yougoslavie ou vers la Tchécoslovaquie pour ne pas être emprisonnés.

Ces procès servent à donner, dans le cadre de la nouvelle République, une image dégradée de la Résistance. Et cela, alors que, dans le même temps et en dehors d’une petite dizaine de cas, la magistrature militaire escamote des centaines et des centaines de dossiers sur des crimes de guerre nazifascistes (massacres dans des villages, exécutions sommaires, etc.) afin de ne pas perturber l’opinion publique italienne, au moment où la République fédérale allemande est intégrée dans le pacte atlantique. Cela donne une situation où tous les feux sont braqués sur des exactions commises par les résistants, tandis que les massacres nazifascistes sont camouflés par la justice elle-même…

Aujourd’hui, ces représentations paraissent s’être largement imposées en Italie où il n’est pas rare de mettre un signe d’égalité entre fascistes et Résistants en matière de barbarie… Comment contrecarrer ce sens devenu commun ?

Je suis d’accord, il y a des lieux communs qui n’ont aucune vérité d’un point de vue factuel. Une part des intellectuels ont participé à ériger une « légende noire » décrivant des persécutions de fascistes après la Libération. Cela a été très accentué au fil des décennies. Et moi, je démontre, faits à l’appui, que ça n’a pas été comme ça. Cette assimilation obscène dans la barbarie n’explique toutefois pas tout…

Dans le passé, il y a eu une sorte de rhétorique antifasciste qui dépeignait la dictature de Mussolini comme un événement impliquant peu de gens et imposé à un peuple réticent. Ce qui était une manière de nier les racines profondes du fascisme, et cela s’est révélé absolument délétère. Je dois tout de même souligner une évolution réconfortante: ces dernières années, il y a une nouvelle génération d’historiens - on peut citer Carlo Greppi, Francesco Filippi et Eric Gobetti - qui ont, avec une conscience civique très développée, pris de front cette « légende noire » pour contester toutes ces visions erronées. Il y a désormais en Italie une production historiographique qui est très importante et qui a, sans doute, beaucoup manqué dans le passé…

Comment cette « dérive de la mémoire » a-t-elle pu se produire avec les résultats que l’on voit aujourd’hui en Italie ?

Vaste question! Et c’est sûr que des journalistes comme Giampaolo Pansa ont joué un rôle fondamental dans la vulgate renvoyant dos à dos fascistes et résistants (lire notre entretien avec le collectif Nicoletta Bourbaki dans l’Humanité du 22 août)… Mais puisque nous parlons de l’information, moi, j’aimerais regretter une forme d’inattention des journalistes. En Italie, ils ont vraiment la mémoire courte. Je prends un exemple qui s’est passé ces derniers jours.

Aux funérailles d’un fasciste à Milan, Romano La Russa, adjoint dans le gouvernement régional de Lombardie, a multiplié les saluts fascistes devant le cercueil. Or, son frère, le député Ignazio La Russa qui est l’un des très proches de Giorgia Meloni, la dirigeante de Frères d’Italie, a pris ses distances avec ce geste, en le grondant… Et dans les médias, tout le monde a évoqué ces reproches.

Mais les journalistes italiens, ils ne devraient pas avoir oublié que, lors d’autres funérailles, celles du terroriste fasciste Nico Azzi - un personnage important qui avait voulu mettre une bombe dans un train en 1973, mais qui, par sa maladresse, la fait exploser, se blesse et est arrêté, avec en poche un exemplaire du quotidien d’extrême gauche, Lotta Continua, qu’il aurait dû laisser, comme une signature, dans ce train pour orienter les enquêtes de ce côté-là -, ce même Ignazio La Russa s’était livré à une série de saluts fascistes…

Eh bien voilà, ça, c’est le personnel politique qui gravite autour de Giorgia Meloni. C’est un fait, ce n’est pas mon interprétation ! Mais malheureusement, dans le débat politique, personne ne rétablit les faits en opposant aux paroles de La Russa sa solidarité directe avec un terroriste! 

Mais une fois qu’on a réussi à désigner, comme le font les médias dominants en Italie, la coalition rassemblant deux formations d’extrême droite (Frères d’Italie et Ligue) comme « centre-droit » et que les milieux d’affaires les plébiscitent, le niveau d’alarme face à la menace s’abaisse considérablement, non?

Oui, il y a une question qui est désormais de vocabulaire, d’étiquettes. Les fascistes sont effectivement présentés comme le « centre-droit », ce qui est une manière de les rendre propres. En revanche, on utilise le terme de « gauche » pour parler d’Enrico Letta, par exemple, le dirigeant du Parti démocrate (PD). C’est un brave gars, pas de doute, mais pour moi, toute son histoire fait de lui un centriste.

Quand le centre-gauche est désigné comme la « gauche » et que la droite radicale néofasciste apparaît comme une droite respectable, ces glissements dans la langue produisent des effets non négligeables… Mais on s’habitue à ce long empoisonnement de l’information. Ce qui est évidemment très grave.

Dans votre livre, vous rappelez que Giorgia Meloni se présente comme la fille spirituelle de Giorgio Almirante, l’homme qui a dirigé, pendant près de 40 ans, le parti néofasciste (MSI) fondé après la Libération. Qu’est-ce que cela signifie ?

Meloni a émergé comme jeune activiste politique au sein du MSI. En soi, on ne peut pas dire que c’est une faute. Mais son chemin, son évolution politique ont été linéaires. Elle n’a jamais renié son passé. Elle est entourée de conseillers qui sont évidemment fascistes. Je parlais d’Ignazio La Russa, mais on peut aussi évoquer l’eurodéputé Carlo Fidanza.

Son insistance sur Giorgio Almirante est un signe évident: elle présente comme un simple « patriote » un des pires fascistes qui soit, engagé dans la bataille raciste, avec les lois antisémites, entre 1938 et 1945, et qui, ensuite, s’est inséré dans la politique italienne comme protagoniste de premier plan du MSI mussolinien, avec sa double stratégie qui alternait la matraque et le costume deux-pièces, entre la violence politique et la respectabilité parlementaire.

D’un point de vue personnel, je pense que Giorgia Meloni a, en réalité, une consistance politique proche de zéro. Elle hurle, elle gagne. C’est comme ça en Italie: pendant une brève période, celui ou celle qui hurle remporte la mise. On l’a vu avec Beppe Grillo et son mouvement des 5 Etoiles…

Mon pronostic, c’est donc qu’après sa percée, Giorgia Meloni laissera assez vite de marbre les Italiens. Sur le versant autoritaire, je trouve ainsi bien plus inquiétant encore Matteo Salvini qui a l’obsession de reprendre le poste de ministre de l’Intérieur et donc de la police. C’est extrêmement dangereux.

J’ai suivi toute cette campagne électorale avec un certain accablement. Ce qui est démoralisant, c’est que, dans la gauche, il y a eu une acceptation que Meloni se présente depuis un mois au moins comme celle qui a gagné l’élection. Cela me semble une attitude préoccupante pour la démocratie. Le centre-gauche, à commencer par Enrico Letta, a considéré le résultat comme joué d’avance. Ce qui est un paradoxe car cela signifie accepter de perdre sans même avoir commencé le match!

Le fascisme ne reviendra pas sous la forme du régime mussolinien, c’est évident. Mais, comme le démontre l’assaut contre la CGIL à l’automne 2021 fomenté par des militants du groupe Forza Nuova, sur fond de mobilisations contre les restrictions anti-Covid, il peut survenir notamment dans des manifestations de « squadrisme », ces descentes organisées par des milices paramilitaires contre des adversaires et des minorités… Cela vous préoccupe-t-il?

Une des caractéristiques fondamentales du fascisme a toujours été de disqualifier ses opposants politiques en les traitant non pas comme antifascistes mais comme des éléments « anti-nationaux », subversifs, anti-patriotes. Par exemple, les exilés politiques ne sont pas qualifiés comme des « exilés » parce que le terme a une dignité, mais comme des « fugitifs ».

Aujourd’hui, ce qui m’inquiète, c’est moins le squadrisme des matraques et des barres de fer que le squadrisme verbal et idéologique, répandu chez Salvini et Meloni… Ils ne peuvent concevoir une démocratie dans laquelle l’opposition ait pleinement voix au chapitre et droit à la citoyenneté. Pour eux, ceux qui ne sont pas d’accord, qui s’opposent, sont des éléments antipatriotiques. Cette manière de refuser absolument toute dignité à l’opposition demeure, à mes yeux, l’héritage le plus empoisonné du fascisme. Et je suis convaincu que Meloni et ses alliés vont l’endosser, d’une manière ou d’une autre.

(1) Mimmo Franzinelli, « Il fascismo è finito il 25 aprile 1945 » (« Le fascisme s’est terminé le 25 avril 1945 »), Éditions Laterza, Bari-Rome, 14 euros (non traduit).

 

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