Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
Vingt bandes dessinées sur la ligne de départ, huit finalistes à l’arrivée. Le jury du prix de la BD citoyenne Bulles d’Humanité s’est arraché les cheveux pour trouver un successeur à « Révolution », « les Deux Vies de Pénélope » et « Fourmies, la Rouge », lauréats des trois premières éditions.
Le vainqueur 2022 de ce prix, remis en partenariat avec le Comité des travaux historiques et scientifiques, sera annoncé lors de la Fête de l’Humanité. Pour patienter, notre magazine consacre ses pages estivales aux huit albums encore en lice. Cette semaine,«Faut faire le million» fait entendre le cri de rage d’un banlieusard quinquagénaire. Avec son ironie amère, Gilles Rochier est au sommet de son art.
Faut faire le million, Gilles Rochier, 6 pieds sous terre, 96 pages, 18 euros.
Gilles Rochier en a marre. Tout l’énerve. Autour de la cinquantaine, il a passé l’âge de zoner dehors pour retrouver ses potes sur le même banc et entendre les mêmes vannes lancées pour conjurer la merde et le désespoir. Alors il part, il marche toujours plus loin pour ne plus voir personne et essayer de comprendre ce nouveau besoin de solitude qui le saisit au mitan de sa vie: ce drôle de goût, «un mélange de trouille et d’envie d’en découdre, entre violence et fuite».
Depuis vingt ans maintenant, l’artiste se raconte en BD, lui, ses copains, son quartier, cette banlieue qu’il n’a jamais quittée. Des premiers fanzines à «Ta mère la pute», l’album qui l’a fait connaître, et jusqu’à aujourd’hui, cet autodidacte a trouvé dans les livres une porte de sortie où sublimer son ironie.
Le trait est âpre, dur, fragile aussi, comme une ligne tracée sur une corde raide, vacillante, qui penche toujours du mauvais côté du périph, mais à laquelle il s’accroche vaille que vaille. Sauf que rien ne va plus. Le corps s’use. Ras le bol, fatigue et lassitude: les angoisses prennent le dessus. À l’heure du bilan d’une existence passée àêtre honnête, responsable, «bon fils, bon père, bon républicain», il constate: «On s’est bien fait baiser.»
L’expression n’a rien de vulgaire. La franchise détonne, au contraire, dans cette capacité singulière à parler du vécu, à dire le lot des faibles, le quotidien des perdants qui regardent Paris brûler pendant une manifestation de gilets jaunes, des spectateurs cloués au bitume, exilés en haut d’une tour de béton. Comme eux, Gilles subit. Sa résistance s’exprime dans cette lucidité cinglante avec laquelle il observe cette réalité morose, monochrome, bleu-gris mélancolie.
Son style inimitable dit mieux que personne la banlieue fantasmée par les atermoiements misérabilistes des uns ou les frissons sensationnalistes des autres. Au fil des cases, du vrai, du banal, du terrible, de l’humour aussi. Il y a ceux qui font la manche, le mec en costard dans le métro, le toqué qui déclame devant la caméra de surveillance, celui qui pète les plombs, la sœur de son pote battue par son mari, les tarés qui rêvent de braquages, la foule des paumés, naufragés, radicalisés. Et puis l’électrochoc, un cadavre retrouvé dans une poubelle. C’est David, un ancien camarade d’école. En compilant ces instantanés de la folie ordinaire, Gilles n’épargne personne et surtout pas lui-même.
Découvrez en avant-première les planches de la BD, « René.e aux bois dormants », dans le N°816 de l'Humanité magazine
Coincé, il devient hargneux. Il disjoncte et fouille avec autodérision au-delà du malaise, aux racines d’une société du tout pour le fric. Triomphe du paraître, faillite de l’être. L’argent qui manque cimente les rêves de gagner au Loto. La dignité s’achète avec une paire de baskets. Le constat fait mal. «Faut faire le million» témoigne de vies à crédit et donne rendez-vous au cimetière. Chaque planche bat la mesure de la colère, crie l’aveu d’une impuissance où percent aussi, malgré le marasme et le dégoût, la confidence d’un humanisme sincère, la fraternité qui reste comme unique richesse.
PRIX DE LA BD CITOYENNE, LES HUITS FINALISTES DE LA SÉLECTION 2022
De Salem à Édimbourg, le mouvement de réhabilitation de milliers de femmes persécutées et exécutées pour «sorcellerie», entre les XVe et XVIIIe siècles, marque des points. Quelle est la modernité de ce combat?ANALYSE
Elle était la dernière des sorcières de Salem… non graciée. Son nom s’était perdu dans les limbes de l’Histoire. Ce sont des collégiens qui l’en ont sorti. Célibataire sans enfant, Elizabeth Johnson avait 22 ans lorsqu’elle fut dénoncée comme sorcière et condamnée à la pendaison. Sans être acquittée, elle a échappé à la potence après que le gouverneur royal de l’État du Massachusetts, un certain William Phips, a mis fin à l’hystérie presque générale qui saisissait, à la fin du XVIIe siècle, cette partie de la Nouvelle-Angleterre.
Une « pécheresse » examinée lors de son procès, « créature » forcément insensible à la douleur puisque protégée par le diable. La puissante vague misogyne a culminé en Europe au XVIIe siècle.
En mai dernier, Elizabeth Johnson a finalement été réhabilitée par le Sénat de ce même État, trois cent vingt-neuf ans après sa condamnation. Au cours d’une recherche sur les fameuses «sorcières de Salem», des collégiens de North Andover ont découvert son nom, un an plus tôt. Ils n’ont dès lors cessé de plaider sa cause auprès des élus de l’État, qui ont pris l’affaire en mains, comme un point final au mouvement de vérité et de réhabilitation concernant cette tache – une de plus – dans l’histoire des États-Unis. En quelques mois, 20 personnes de Salem et des villages environnants avaient été tuées (19 par pendaison et une par lapidation) et des centaines accusées durant une grande crise puritaine.
Les théocrates conduisent la chasse
Nous sommes en 1692. Soixante-douze ans plus tôt, à bord du « Mayflower », les «pères pèlerins» ont accostéà Plymouth, à une centaine de kilomètres au sud de Salem. Persécutés en Angleterre pour leur croyance religieuse, ils ont traversé l’Atlantique afin d’y trouver une «nouvelle Jérusalem» et d’y installer sur terre le royaume de Dieu. Ils sont puritains. Leur présence n’a qu’un but: instaurer une théocratie. Alors que le siècle tire à sa fin, la jeune colonie n’est toujours qu’une enclave anglaise en territoire indien mais trop éloignée de sa maison mère pour être protégée.
Tout a commencé par des jeux de divination de la fille et de la nièce – respectivement âgées de 9 et 11 ans – du révérend Samuel Parris. Lors d’une séance, l’une des deux gamines assure avoir eu la vision d’un spectre, accompagnée d’une angoisse et d’une respiration coupée. Un médecin diagnostique une possession satanique. D’autres «cas» de fillettes prises de convulsions et de troubles du langage s’ajoutent. Pressées par les adultes, elles évitent de dire qu’elles se sont elles-mêmes adonnées à ce qui peut s’apparenter à de la sorcellerie et, de peur de contrevenir à la norme chrétienne de la communauté, donnent les noms de trois femmes: une mendiante, une vieille femme alitée et l’esclave barbadienne du pasteur…
Le parti républicain et le «bloc évangélique»
La mécanique est enclenchée. Les arrestations se multiplient mais en dehors de toute légitimité judiciaire, un vide que le gouverneur comble en instituant une cour ad hoc. Cette dernière condamne à la chaîne, évitant seulement la mise à mort pour celles qui avouent. Elizabeth Short, condamnée alors qu’elle est enceinte, est pendue juste après avoir donné naissance. Quatorze femmes – presque toutes vieilles et pauvres – sont assassinées, ainsi que cinq hommes: un ministre du culte respecté, un ancien policier qui a refusé d’arrêter davantage de prétendues sorcières, et trois personnes disposant d’une certaine fortune. La microcommunauté se vide de ses habitants injustement accusés ou effrayés de l’être. Sans doute est-ce cela qui oblige le gouverneur à stopper le délire collectif.
Les historiens se disputent encore sur l’origine de ce sombre épisode – de l’ergotisme (mal provoqué par l’ergot de seigle, qui contient une substance voisine du LSD) à l’hallucination collective d’une communauté enfermée dans le puritanisme. En tout état de cause, selon l’historien George Lincoln Burr, «la sorcellerie de Salem a été le roc sur lequel la théocratie s’est brisée». Lorsque les États-Unis se fondent, ils établissent, selon la formule de Thomas Jefferson, rédacteur de la déclaration d’indépendance, un «mur de séparation»… que le «bloc évangélique» et le Parti républicain, avec leur bras armé, s’efforcent aujourd’hui d’abattre, criant, à la première résistance, à… la «chasse aux sorcières» !
En Europe, les premiers mouvements vers une réhabilitation des sorcières persécutées au nom de l’humanisme et de la science en pleine Renaissance émanent des périphéries, ou de nations sans État comme la Catalogne et l’Écosse. Dans les deux cas, ce sont les formations indépendantistes de gauche au pouvoir qui ont, l’an dernier, remis le sujet sur la table.
Sur la table du Parlement écossais
À Édimbourg, où les autorités ont, en 1563, trois ans après avoir épousé le protestantisme, édicté une loi déclenchant une chasse aux sorcières particulièrement sanglante – près de 4000 femmes, dans leur écrasante majorité, avaient été poursuivies, torturées et, pour une bonne part, exécutées –, le principe général d’une réhabilitation est désormais en cours d’examen au Parlement écossais.
Selon Natalie Don, députée du Parti national écossais (SNP) à Holyrood – le nom de l’assemblée locale – et promotrice de la proposition de loi, tout échec dans la tentative de rendre enfin justice à ces milliers de personnes ne ferait que «prolonger une misogynie ancestrale».Plusieurs textes de loi du même acabit se sont déjà heurtés à un veto des plus réactionnaires au début des années 2000. Mais le sens de l’Histoire a tourné, semble-t-il.
Au printemps dernier, la première ministre indépendantiste écossaise Nicola Sturgeon a pris les devants en formulant des «excuses officielles»à toutes celles qui ont pu être frappées à travers la «misogynie profonde» qui inspirait la loi sur les chasses aux sorcières. «La seule manière d’avancer contre le patriarcat, c’est de réparer une fois pour toutes ces injustices de notre passé, ajoute encore Natalie Don. La plupart des femmes ont été visées parce qu’elles étaient un peu différentes, qu’elles étaient pauvres ou bannies. De nos jours, même si leurs caractéristiques peuvent ne pas être les mêmes qu’à l’époque, on continue de constater que, quand les femmes cherchent à être différentes ou indépendantes, cela met les hommes dans une rage folle.»
Résolution solennelle en Catalogne
Inspirés au départ par la campagne initiée par des féministes écossaises, rassemblées dans le collectif Witches of Scotland (Sorcières d’Écosse), les parlementaires catalans ont été plus rapides que leurs homologues d’Édimbourg et de Glasgow. Le 26 janvier dernier, une large majorité des députés membres de l’assemblée régionale ont adopté une résolution visant à réhabiliter la mémoire de plus de 700 femmes torturées et mises à mort en tant que sorcières.
«Jadis, ils nous appelaient sorcières, maintenant ils parlent de nous comme des “féminazies”, des hystériques, des frustrées ou des “mal baisées”, dénonce Jenn Diaz, journaliste féministe et députée de la Gauche républicaine catalane (ERC) à l’origine du texte législatif catalan.Les chasses aux sorcières qu’ils menaient portent un autre nom aujourd’hui. On les appelle des féminicides.»
D’après «Sapiens», une revue scientifique qui a, avec les recherches de l’historien Pau Castell, servi de base pour l’exposé des motifs de la résolution votée par l’assemblée locale, la Catalogne a été l’une des premières régions d’Europe où ont eu lieu des actes antisorcellerie, à partir de 1471. Elle est aussi considérée comme l’une des régions où ont eu lieu le plus grand nombre d’exécutions de femmes accusées d’être des sorcières. «Les accusations à notre encontre n’ont pas disparu au XXIe siècle, prolonge Jenn Diaz.
Elles se sont adaptées au climat, à l’environnement. Nous traiter de sorcières, ce n’est que légitimer un discours qui veut voir des femmes dociles, belles et silencieuses… Et si nous refusons de nous taire, on veut nous le faire payer cher. Les bûchers d’aujourd’hui auront une forme différente selon l’endroit où vous êtes née, mais ce sont les mêmes. Ce qui a changé, en l’occurrence, c’est nous, les descendantes, les héritières des sorcières et des guérisseuses. Nous ne sommes plus isolées et nous sommes organisées.»
Après un arrêt presque total pendant la crise du Covid, l’activité de l’aéroport parisien a aujourd’hui retrouvé des niveaux similaires à ceux de 2019. Mais, alors que les 800 entreprises de la plateforme aéroportuaire s’étaient séparées de nombreux salariés pour absorber le choc de la chute d’activité liée à la pandémie, avec la promesse de réembaucher dès la reprise du trafic aérien, les travailleurs restés en poste n’ont rien vu venir depuis.
Un vide qui rend leurs tâches infiniment plus compliquées. Qu’ils soient salariés d’entreprises historiques de l’aviation ou de sous-traitants, ils sont nombreux à s’être mobilisés en juin et juillet pour voir leurs mini-salaires s’envoler et recevoir ainsi une marque de reconnaissance pour leurs métiers pourtant très réglementés et dont dépendent chaque année la sécurité de millions d’usagers.
Car, si Roissy ne s’endort jamais, c’est que des travailleurs font vivre nuit et jour la deuxième plateforme aéroportuaire d’Europe, la neuvième au monde. Suivez le guide.
6 heures. Imad Dachroune, agent de piste
Le jour se lève sur le tarmac. Au loin, un avion amorce sa descente, approche de la piste et se pose enfin. Au sol, la discrète chorégraphie d’Ihmad Dachroune commence. Il a été informé par un collègue régulateur de l’engin à prendre en charge et de sa place de parking.
Une fois l’avion stationné, c’est à lui de jouer. « On commence par le mettre en sécurité. On arrive avec le matériel, on le bloque, on met les cales, on dispose l’escabeau, explique l’agent de piste. C’est une grande responsabilité. » Une fois les moteurs coupés, ce sont 35 minutes chrono pour assurer les manœuvres et vider les soutes. «Je travaille sur de petits avions, donc il faut s’agenouiller dedans, voire s’allonger. Au total, on manipule trois à quatre tonnes de bagages par jour. C’est difficile», dit-il, à raison de cinq à six avions dans la journée.
Un labeur d’une grande intensité que sa rémunération peine à récompenser. Au bout de vingt-cinq ans d’ancienneté chez Gibag, société sous-traitante de la filiale de court-courriers d’Air France, HOP!, son salaire net ne dépasse pas 1700euros, hors primes.
D’autant plus qu’à la pénibilité viennent s’ajouter des risques très concrets: «Le taux d’accident du travail est cinq fois plus important que la moyenne chez les agents de piste», explique celui qui est aussi délégué syndical SUD aérien.
7 heures. Willy Plantier, agent de tri chez FedEx
À l’autre bout de la piste, au nord-ouest de la zone aéroportuaire, l’entreprise américaine FedEx s’étend sur 45 hectares: c’est le plus grand hub hors États-Unis du spécialiste du transport international de fret, qui fait office de porte d’entrée et de sortie européennes des colis en provenance et vers le monde entier. Willy Plantier y occupe un poste d’agent de tri, un de plus dans la fourmilière FedEx qui compte 3200 salariés. Tous y jouent un rôle essentiel pour maintenir à flot la mécanique bien rodée qui traite plus de 60000 colis et enveloppes par heure, soit un volume de 1200 tonnes qui transitent tous les jours ici.
«Je suis aussi agent de piste: nous sommes plusieurs à avoir cette double casquette parce qu’il manque du personnel. Mais c’est aussi la volonté de l’entreprise d’avoir du personnel polyvalent», précise celui qui est aussi délégué CGT. «
Polyvalent et flexible », ajoute-t-il: «Le statut d’intérimaire est souvent préféré car les contrats sont de 35 heures par semaine, contre 25 pour ceux qui se font embaucher. Certains travaillent comme ça depuis huit, parfois dix ans. Nous sommes déjà montés à 900 intérimaires sur une même journée.»
Charger, décharger, dispatcher, parquer, sécuriser, tracter les containers, aller et revenir au centre de tri déployé sur 72000 m²…« C’est très physique, avec beaucoup de manutention», précise-t-il en rappelant que les déclarations d’accidents du travail oscillent ici entre 700 et 900 par an.
Toutefois, les payes restent clouées au sol: après vingt années d’ancienneté, Willy Plantier touche un salaire de base (hors primes et majorations heures de nuit) de 1700euros net par mois. «C’est peu, vu la difficulté du travail, les horaires de nuit…» À 7heures et demie du matin, il rentre enfin chez lui. Derrière lui, la flotte de 340 avions de FedEx poursuit son ballet incessant.
10h20.Nourdine Sghiri, chauffeur super poids lourds, Transdev
À 5,5 kilomètres de là, retour en plein cœur de la zone aéroportuaire, au terminal 2F. Nourdine Sghiri s’affaire autour d’un Airbus A350 d’Air France. L’avion décollera dans une heure pour emmener ses 324 passagers de l’autre côté de l’Atlantique. Le chauffeur super poids lourds transporteur de fret aérien est employé d’Aero Piste, filiale de la multinationale Transdev qui sous-traite pour la compagnie française.
Peu de monde le sait: les vols long-courriers d’Air France emportent parfois dans leur soute jusqu’à 15 tonnes de fret, en plus des bagages des passagers. «C’est une activité très rentable», assure celui qui est aussi délégué du personnel «non syndiqué», avant de dénoncer le sous-effectif: «Ils se sont servis de la crise du Covid pour se défaire de personnels; aujourd’hui, on est à 100% de l’activité mais avec deux fois moins de salariés. Les cadences sont trop élevées. Logiquement, ça se répercute sur la sécurité et sur la qualité du service.»
Difficile de ne pas se plaindre quand le salaire de base plafonne à 1800euros net. Charger, décharger les palettes, conduire les engins de plusieurs tonnes sur les pistes. «Beaucoup de stress et de responsabilité, mais peu de sentiment de valorisation, d’autant plus que nous travaillons en horaires décalés, le week-end. On finit tard le soir… C’est éreintant pour la santé», complète le chauffeur.
14 heures. Sylvia, agent de sûreté
Dans le hall du terminal, à l’entrée des points de contrôle qui ouvrent les portes de la zone d’embarquement, la file d’attente s’allonge et les passagers commencent à perdre patience. Les longues minutes à attendre provoquent de plus en plus souvent des invectives, des bousculades. « Il y a de plus en plus de tension », confirme Sylvia, agent de sûreté syndiquée FO.
Derrière le portique où s’enchaînent les voyageurs, elle et ses collègues s’assurent qu’aucun d’entre eux n’apporte en vol d’objets interdits ou dangereux. Mais depuis le Covid, les effectifs de sa société, le sous-traitant ICTS, ont fondu alors que le nombre de passagers a quasiment retrouvé son niveau d’avant la crise. Conséquence: les agents de sûreté sont sommés de mettre les bouchées doubles, au péril, parfois, de la sécurité. «On nous dit qu’il faut que les passagers passent coûte que coûte, quitte à mal faire notre travail. Mais si un couteau ou une bombe passe, c’est nous qui sommes responsables», souffle la salariée, dans l’entreprise depuis vingt-huit ans.
Son employeur chercherait à recruter, mais à 1500euros net sans les primes pour une si grande responsabilité, les candidats ne se bousculent pas. D’autant plus que les agents, même après trente années de fidélité, n’ont pas la garantie de l’emploi: tous doivent passer une certification tous les trois ans et risquent le licenciement en cas d’échec.
15h30. Makan Dembele, agent de manutention
Voilà dix-huit ans que Makan Dembele s’occupe du nettoyage et de la manutention de pièces d’avion comme des moteurs, qu’il transporte et met à disposition des mécaniciens chargés ensuite de les monter sur les aéronefs. Un travail minutieux dont se chargeaient auparavant les salariés d’Air France, «mais l’entreprise a préféré sous-traiter pour faire des économies».
Aujourd’hui employé par Acna, Makan Dembele a vu défiler plusieurs patrons au gré des marchés remportés à chaque fois par la société qui affichera les prix les plus bas en rognant sur tout. «En réalité, nous sommes des CDI intérimaires, car tous les trois ans, à chaque nouvel appel d’offres, nous ne sommes pas sûrs d’être repris. À chaque fois, c’est la même angoisse et avec une seule certitude: à nouvel employeur, nouvelle perte de salaire», dénonce cet élu CGT qui gagne aujourd’hui 1500euros par mois alors qu’il en gagnait auparavant 1800.
«C’est dû aussi aux accords que certains syndicats ont signés pendant le Covid. Sur la plateforme, beaucoup ont perdu leur treizième mois, d’autres leurs primes… Il y a un gros malaise à Roissy.» Pour ce syndicaliste, sous-traitance et appels d’offres sans critères sociaux fixés par les donneurs d’ordres, qu’il s’agisse d’Air France ou d’ADP, ne peuvent qu’avoir des conséquences négatives sur les salaires et les droits des travailleurs.
23 heures. Samira Abdallaoui, employée de restauration
Dans n’importe quel autre restaurant, les fours seraient déjà éteints, les tables nettoyées. Mais Samira Abadallaoui, hôtesse de salle dans une brasserie de l’aéroport Charles-de-Gaulle, n’a pas encore fini sa journée de travail. Ses clients arrivent par les airs et leur vol est en retard. «On travaille avec Aéroports de Paris (ADP), il nous arrive de faire des heures supplémentaires et de rester lorsque les vols sont retardés», explique-t-elle.
Les horaires décalés font partie du travail. Mais depuis quelque temps, l’employeur demande également aux salariés de multiplier les missions, pour faire face au manque de personnel. «Avant, on faisait ce pour quoi on était payés: servir le client et débarrasser la table. Aujourd’hui, le patron nous demande aussi de faire l’accueil, la plonge, de nous occuper du bar. Il n’y a pas assez de personnel», déplore la salariée de SSP, société spécialisée dans la restauration en aéroports et gares.
Pour la travailleuse, syndiquée à la CGT, ce sont les salaires qui dissuadent les candidats de venir grossir leurs rangs. «Ici, on commence au Smic. On n’arrive pas à joindre les deux bouts. Certains de mes collègues dorment dans leur voiture. Nos salaires ont été augmentés de 2 %, mais ce n’est même pas 100 euros brut. Les jeunes ne veulent plus venir, et je les comprends.»
Ce soir-là, ses heures supplémentaires l’emmènent jusqu’à tard. Alors qu’elle finit sa «journée», Imad Dachroune, sur les pistes, et Willy Plantier, dans son hub, s’apprêtent à commencer la leur.
Dans un Paris déjà électrisé par le péril et l’angoisse de la guerre imminente, ce coup de feu fait l’effet d’un coup de tonnerre : "Ils ont tué Jaurès, ils ont tué Jaurès !" Celui que beaucoup voyait comme le dernier rempart contre la guerre est assassiné au Café du Croissant devant ses amis et ses collègues de l’Humanité. Récit d’une journée où s’est noué le destin.
L'Humanité Publié le Vendredi 29 Juillet 2022
Par Michel Vovelle, historien.
Extrait de l’article publié le 24 avril 2004 dans l’Humanité hebdo.
31 juillet, fin d’une harassante journée. Jaurès a appris à la Chambre la mobilisation autrichienne, l’annonce de l’état d’urgence par l’Allemagne et tenté une ultime démarche auprès du sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Abel Ferry, pour inciter à de derniers efforts pacifiques. Il se rend alors à l’Humanité, dans l’intention d’y dicter un article qu’il veut « décisif » pour prendre position et appeler à l’action.
Auparavant, il va dîner au Café du Croissant avec ses amis et ses collaborateurs. Bref moment de détente. Puis c’est le drame que l’un de ceux-ci, Émile Poisson, nous relate : « Horreur ! le rideau, mon rideau derrière sa tête vient de se plier, de se soulever légèrement ; un revolver s’est glissé, tenu par une main ; et cette main, seule, apparaît à 20 centimètres derrière le cerveau. Pan ! pas d’éclair, pour ainsi dire, une étincelle rougeâtre.
La fumée d’un cigare : je regarde, figé, abruti, un quart de seconde ; puis un deuxième coup, mais Jaurès déjà est tombé sur Renaudel. […] Je regarde la fenêtre, Landrieu vient de tirer, d’arracher le rideau ; j’aperçois une ombre, un chapeau, un verre de bière qui tombe sur une figure, je me dresse comme une bête en fureur. Dans le silence qui n’a pas encore été troublé, j’entends un déchirement, un cri indéfinissable, qui devait être perçu à plusieurs centaines de mètres, puis quatre mots hurlés, glapis, puissamment, férocement répétés deux fois : "Ils ont tué Jaurès, ils ont tué Jaurès !" C’est ma femme qui, la première, a recouvré la parole. »
Un coup de tonnerre dans un Paris déjà électrisé
Jean Jaurès meurt presque immédiatement. Rattrapé, l’assassin se nomme Raoul Villain, 29 ans, fils d’un greffier au tribunal de Reims. Il affirme avoir voulu « supprimer un ennemi de mon pays » et n’appartenir à aucun mouvement. C’est la thèse du crime solitaire qu’adoptera l’acte d’accusation dressé le 22 octobre 1915.
Sur le moment, la nouvelle fait l’effet d’un coup de tonnerre, dans un Paris déjà électrisé par le péril et l’angoisse de la guerre imminente, comme au gouvernement, qui l’accueille dans une consternation embarrassée. Mais, pour spectaculaire qu’il soit, l’événement va être non point occulté mais immédiatement relayé par l’entrée en guerre de la France aux côtés de la Russie contre l’Allemagne, dès les jours suivants.
Il n’y a pas eu de troubles – émotion certes et cortèges spontanés –, mais pas de mobilisation populaire : en France comme en Allemagne, c’est la mobilisation générale qui s’impose. Jaurès est mort et sa cause est perdue.
Une course haletante depuis ce printemps
On peut formuler deux questions qui au demeurant s’enchaînent : au-delà de l’effet de surprise, le double événement – l’assassinat, la guerre – apparaît dans le temps court de la crise de l’été 1914 comme l’aboutissement d’un cheminement sinon inexorable, du moins préparé.
C’est en résumant, brièvement, les dernières semaines de la vie de Jaurès qu’on en prend conscience. Une course haletante depuis ce printemps où les élections législatives avaient conforté les positions des socialistes français, où le ministre Viviani (à défaut d’un ministère Caillaux-Jaurès dont on avait parlé) pouvait sembler une solution acceptable pour les défenseurs d’une politique pacifique : même après [l’assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à] Sarajevo, Jaurès pouvait conserver un relatif optimisme, confiant dans les capacités de la classe ouvrière, brandissant l’arme de la « grève générale simultanément et internationalement organisée » au congrès extraordinaire de la SFIO le 14 juillet.
Mais alors que le président de la République Poincaré et son Premier ministre Viviani se rendaient à Saint-Pétersbourg pour mettre au point une ultime négociation plus avancée qu’il ne le croyait, Jaurès, apprenant l’ultimatum autrichien contre la Serbie, prenait conscience dans son discours de Vaise, le 25 juillet, du péril des « massacres à venir ».
Une sorte de « J’accuse », peut-être...
On lui a fait grief d’avoir adopté dans les colonnes de l’Humanité une attitude réservée à l’égard de la manifestation populaire sur les Grands Boulevards le 27. Mais c’est qu’il croyait encore pouvoir faire pression sur le gouvernement français, auquel le groupe socialiste exprime alors une confiance inquiète : Paris et Berlin voudront-ils retenir les velléités guerrières de leurs alliés russe et autrichien ?
Le 29 et le 30, le voici à Bruxelles, où se réunit l’Internationale socialiste et où il veut encore voir dans le gouvernement français le meilleur appui de la proposition de médiation britannique, tout en appelant les prolétaires allemands et français à renforcer leur pression.
NOUS NOUS RETROUVONS AU SOIR DU 31 JUILLET, IL PRÉPARE UN ARTICLE POUR DÉNONCER LES RESPONSABLES, CES « MINISTRES À TÊTE LÉGÈRE ».
Soucieux toutefois de ne pas la faire monter prématurément, il convainc à son retour les responsables de la CGT de reporter au 9 août la manifestation prévue pour le 2, car s’il convient que le prolétariat rassemble toutes ses forces, il importe aussi de garder le sang-froid nécessaire, laissant le champ à la diplomatie.
En cet instant peut-être, sa vigilance est en défaut : reçu par les ministres, par Viviani qui cache une partie de ses informations, il découvre le 31, en apprenant que l’Allemagne a décrété l’état de péril de guerre avancé, que le gouvernement français s’apprête lui aussi à sauter le pas.
Nous nous retrouvons au soir du 31 juillet, il prépare un article pour dénoncer les responsables, ces « ministres à tête légère » : une sorte de « J’accuse », peut-être. Mais il sent le souffle de la mort, il l’a dit, il le répète à Paul Boncour : « Ah ! croyez-vous, tout, tout faire encore pour empêcher cette tuerie ?... D’ailleurs on nous tuera d’abord, on le regrettera peut-être après. »
Il y a des moments dans la vie politique où nous nous demandons ce qu’il faudrait convoquer pour en finir avec l’indécence des puissants. Le «bon sens»? Un peu de «justice»? Et pourquoi pas la «morale», tant que nous y sommes? Alors que, dans les foyers, les fins de mois difficiles voire impossibles rendent si rude la vie quotidienne, le gouvernement, aux abois et contraint à quelques compromissions avecLR et leRN, se félicite à cor et à cri du second volet de mesures sur le pouvoir d’achat adoptées à l’Assemblée… et conclut par un vote contre le sort des retraités.
Tout un symbole. Pas de revalorisation des prestations ou pensions au niveau de l’inflation. Et refus catégorique de taxer les superprofits.
«Taxer» s’avère un verbe assez impropre.
Parlons plutôt d’imposition. Cela empêchera au moins Bruno LeMaire de déclarer:«Une taxe n’a jamais amélioré la vie de nos compatriotes.» Propos absurdes. Reste une réalité: les Français galèrent, mais les grandes entreprises du CAC 40 ont déboursé en dividendes 174 milliards d’euros à leurs actionnaires. Les patrons de TotalEnergies, Engie, LVMH ou Carrefour vont bien, merci pour eux!
Ils sont sortis renforcés de la pandémie, ils bénéficient de la guerre en Ukraine et du «choc énergétique». En toute impunité capitalistique, ils profitent de toutes les crises sans se soucier de la solidarité nationale. Ils ont même eu le toupet d’appeler les citoyens à «réduire leur consommation d’énergie»,à commencer par celui de Total, qui a augmenté son propre salaire de 52% en2021, passant à 5,9millions d’euros annuels.
Jeudi, la compagnie a annoncé avoir plus que doublé son bénéfice net au deuxième trimestre, à 5,7milliards, soit 17,7milliards sur le seul premier semestre 2022. Sachant que le groupe n’aurait pas payé d’impôts sur les sociétés en France, ni en 2019, ni en 2020. Une honte.
L’imposition des superprofits figurait dans le contre-projet présenté par la Nupes, sous la forme d’une taxe exceptionnelle de 25% sur les dividendes des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime et des concessionnaires d’autoroutes qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
Voilà l’une des réponses à l’urgence sociale absolue. Pas la révolution. Juste le début d’une nouvelle répartition des richesses…
Le rapport des experts climats de l’ONU (GIEC) publié le 28 février 2022 est la suite de « l’alerte rouge » du rapport d’août 2021 alors que ce jeudi 28 juillet marque le jour du dépassement.
Ce jeudi 28 juillet marque le jour du dépassement.
À cette date, l'humanité aura consommé l'ensemble de ce que la planète peut produire en un an sans s'épuiser et vivra à crédit le reste de l'année.
Sans surprise le GIEC revient sur tous les bouleversements subits par l’ensemble des citoyens :
sécheresse,
intempérie violente,
ouragan,
inondation.
Ceux-ci sont à l’origine d’insécurité alimentaire et de la raréfaction de l’accès à l'eau.
Contenir le réchauffement climatique à +1,5°C est désormais une obligation pour éviter de grands désastres et l’explosion des inégalités.
Le GIEC évalue que 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont dans des habitats considérés comme hautement vulnérables face au changement climatique concentrés dans les pays du Sud dont les ressources et les travailleurs sont les plus exploités.
Plus de la moitié de la population mondiale a manqué d’eau en 2021.
Dès lors, pour faire face au défi posé, le GIEC recommande de planifier, d’évaluer les politiques publiques environnementales, de lutter contre les inégalités sociales et contre la colonisation.
La CGT ne peut qu’être favorable aux préconisations portées dans le rapport et qui doivent être précisées dans le prochain rapport du groupe III du GIEC.
En revanche, celles-ci doivent être associées à des politiques publiques et économiques en rupture franche avec les politiques capitalistes et libérales que nous subissons actuellement.
Politiques génératrices d’inégalités sociales et de dégâts environnementaux.
Seul un développement humain durable permettant de répondre aux besoins des populations d’aujourd’hui sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs est de nature à préserver les droits des populations et de notre environnement.
Churchill, quoi qu’on en pense, avait le sens de la formule:«La démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres.» C’est connu mais ça reste à méditer au sein de la majorité relative, comme au gouvernement et à l’Élysée.
Pour exemple, le vote par une majorité de députés, samedi soir, d’un amendement non prévu par l’exécutif sur la compensation de la hausse du RSA pour les départements leur est resté en travers de la gorge. Bruno Le Maire est «stupéfait». Aurore Berger, la présidente du groupe Renaissance, a parlé d’un vote «à la hussarde». Comment? Des parlementaires ont voté comme ils pensaient devoir le faire vis-à-vis de celles et ceux qui les ont élus?
On peut toujours penser à des petits calculs, aussi, comme à des rapprochements stratégiques plus inquiétants vers la droite et le RN. Mais l’Assemblée nationale n’est plus ce qu’elle a été pendant cinq ans: la chambre d’enregistrement et de vote automatique des textes émanant de l’Élysée et du gouvernement.
Alors il est vrai que le débat, la confrontation des propositions ce n’est pas comme le vélo. Ça s’oublie un peu. Les caricatures et les anathèmes parasitent trop les débats. D’une manière on ne peut plus pavlovienne, le président du groupe LR parle encore des votes pavloviens de la gauche. Tel autre qui se garde bien de tailler le moindre costard aux patrons du CAC 40 s’engage dans une pitoyable guerre du port des cravates…
Mais que veut-on? Une Assemblée muette? Des élus dociles surveillant du coin de l’œil le premier qui osera cesser d’applaudir? Celles et ceux dans le monde politique et dans les médias qui ne cessent d’opposer nos démocraties aux régimes totalitaires s’inquiètent maintenant des turbulences de l’Hémicycle!
Le couvercle mis pendant cinq ans sur la représentation nationale l’était aussi sur les électeurs, sur les attentes populaires quand il n’était plus question pour les élus que de «pédagogie» et de diffusion de la bonne parole pour faire avaler les pilules des «réformes». Ce n’est plus le cas. C’est mieux.
Assemblée nationale. Le gouvernement a fait revoter les députés en pleine nuit afin d’empêcher une revalorisation des retraites de 5,5 %, adoptée quelques heures plus tôt, mardi soir, contre l’avis de l’exécutif.
« Le scrutin est ouvert. » « Le scrutin est clos. » La séance s’est tenue dans la confusion générale.
Hans Lucas via AFP
Il y a des jours où la Macronie promet de «nouvelles méthodes», du «dialogue», du «compromis» et de la «coconstruction». Et puis, il y a des nuits où les troupes présidentielles retombent dans leurs travers. L’examen du budget rectificatif, voté par 293 voix contre 146 lors d’une séance nocturne entre mardi et mercredi, s’est achevé sur un psychodrame.
Tout commence lorsque le gouvernement est battu, une nouvelle fois, par l’opposition. Et pas sur n’importe quelle mesure: le centriste Charles deCourson présente un amendement pour que la hausse des retraites prenne en compte le niveau réel de l’inflation pour 2022, soit 5,5 % à ce jour, contre 4 % comme proposé par Bercy. Sans surprise, le gouvernement appelle à voter contre.
Dans la confusion générale
La Macronie fait bloc, mais les députés de gauche, ceux du RN et neuf élus LR, votent pour. L’amendement est adopté par 186 voix contre 181. La gauche jubile. «Victoire! Contre l’avis du gouvernement, l’Assemblée vient de relever les pensions à hauteur de l’inflation. Une bonne nouvelle pour ceux qui ont travaillé toute leur vie et ont droit à une vie digne !» s’enthousiasme le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.
Oui, mais voilà, tard dans la nuit, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, revient à la charge et demande un second vote, comme le règlement l’y autorise. Alors que plusieurs députés brandissent le règlement intérieur, protestent contre la manœuvre et réclament une suspension de séance, la députée Modem Élodie Jacquier-Laforge, qui préside les débats, convoque subitement le vote.
Dans la confusion générale, la hausse de 5,5 % des retraites est rejetée par 224 voix contre 121. «Plein de collègues n’ont pas eu le temps de voter ou se sont trompés de bouton dans la précipitation. J’ai déjà vu des ministres organiser une seconde délibération après avoir été battus, ce que je trouve déjà très problématique. Mais là, c’était lunaire. C’est la pire séance à laquelle j’ai assisté de toute ma vie, à plus d’un titre !» s’indigne le député FI Ugo Bernalicis.
40 demandes de rectification de vote!
Plusieurs parlementaires se ruent pour remplir des feuilles de correction, ce qu’ils font quand ils se trompent de vote. Quarante «mises au point» ont été comptabilisées. Un chiffre rare, preuve d’un scrutin tenu loin de toute la sérénité nécessaire à un vote. Beaucoup d’élus crient leur colère. Les députés RN, qui étaient 80 à s’être prononcés pour la hausse de 5,5 %, semblent désemparés. Lors du deuxième scrutin, 9 ont voté avec le gouvernement et 24 contre.
Beaucoup réclament un nouveau décompte, à droite comme à gauche. C’est possible: il suffit que l’exécutif dépose un nouvel amendement. Mais Élodie Jacquier-Laforge propose aux élus revendicatifs de se rattraper en votant pour ou contre l’article8, lequel comporte pourtant d’autres mesures que la revalorisation des retraites… Scandalisés, les députés RN quittent l’Hémicycle et refusent de participer au vote final sur le budget rectificatif.
Le gouvernement, qui sait pourtant qu’un scrutin dans les règles lui serait favorable puisque les députés LR ont changé de position en quelques heures et assurent la bascule, ne cherche même pas à dissiper le doute. «Réglementairement, vous avez raison. Mais politiquement, vous avez fondamentalement tort. Cette méthode du rattrapage, du passage en force, on l’a vécue de 2017 à 2022. À chaque fois que l’on gagnait un amendement, vous reveniez dessus!» alerte le président FI de la commission des Finances, Éric Coquerel, qui ajoute à l’adresse de la Macronie:«Laissez le texte vivre sa vie, transmettez-le au Sénat et à l’arrivée, on verra bien. Mais ne revenez pas à ces méthodes de passage en force. Vous ne tiendrez pas cinq ans comme ça.»
Le gouvernement aurait pu lever le gage
Reste que Charles de Courson lui-même a voté avec le gouvernement lors du second scrutin, l’exécutif s’étant engagé à revaloriser les retraites en… janvier 2023. «L’amendement de Courson aurait eu de fâcheuses conséquences: 500millions d’euros auraient été retirés aux retraites militaires», pointe le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve.
Le texte était ainsi techniquement rédigé car toute nouvelle dépense doit être compensée par une économie pour qu’un amendement soit recevable. «Mais le gouvernement peut lever le gage,note Ugo Bernalicis. C’est ce qu’il a fait quand nous avons voté contre son avis l’aide de 230 millions d’euros pour les ménages se chauffant au fioul. Elle était financée via des ponctions sur les politiques de la ville. Mais cette conditionnalité a été retirée: le gouvernement a levé le gage.» Il a décidé de ne pas le faire pour une hausse des retraites de 5,5 %. Alors que, selon l’Insee, l’inflation globale pour 2022 sera de 7 %.
À Sète, du 22 au 30 juillet, rues, places, jardins, port et bateaux,... invitent les visiteurs à la découverte de la poésie méditerranéenne contemporaine.
Du 22 au 30 juillet 2022, plus de 80 poètes contemporains se rejoignent dans la ville de George Brassens et Paul Valéry pour célébrer la beauté des mots et la mise en commun des histoires dans un cadre idyllique. Conteurs, musiciens ou comédiens, ils investissent la «Venise du Languedoc» pendant neuf jours. Une invitation à la découverte de la poésie méditerranéenne contemporaine et de l’imaginaire poétique et littéraire des territoires de la Grande Bleue. Les rues, places, jardins, ports et bateaux de Sète accueillent les visiteurs de 10 heures à minuit.
Un voyage à travers les cultures des quatre Méditerranées
Le Festival invite en résidence, pendant toute sa durée, des poètes venus de toutes les rives de notre mer commune et d’ailleurs. Un voyage à travers les cultures des quatre Méditerranées: africaine, latine, balkanique et orientale. À leurs côtés, sont réunis des poètes issus d’une «cinquième Méditerranée», celle que l’Histoire a exportée dans le monde, vers l’Amérique du Sud, l’Amérique Centrale, l’Afrique de l’Ouest et la Francophonie. Les messages délivrés s’imprègnent d’une identité propre aux territoires des poètes. Échanges d’expériences, de différences et d’histoires rythment les rues et les places où les poètes se répondent, s’écoutent et dialoguent. D’une passion commune pour leur art éclôt un échange culturel bienveillant.
La diversité proposée par le festival retrace les différentes tendances de la poésie contemporaine méditerranéenne. Une scène libre est également à disposition pour toute personne souhaitant s’inscrire. Voix vives ouvre ainsi ses portes à tous, initiés ou non, à la poésie, et des ateliers d’écriture et d’art plastique mêlent les générations. L’évènement est également le premier festival à avoir fait sa place à la langue des signes, organisant, chaque jour, des rencontres poétiques en direction des publics sourds. Les textes des poètes invités sont traduits grâce à la collaboration des associations Arts Résonances et Des’L.
Lectures intimistes en voiles latines ou barques à rames
Devant la mairie de Sète, sur la Place Léon Blum renommée Place du livre pour l’occasion, le Marché de la poésie réunit plus de 100 éditeurs. Lieu d’échanges et de rencontres avec les poètes et les visiteurs, il accueille chaque jour de nombreuses manifestations poétiques et musicales. En journée, les publics peuvent écouter des lectures en bateaux. Lectures intimistes en voiles latines ou barques à rames, le choix est libre. Enfin, 11 concerts et spectacles nocturnes au Théâtre de la Mer et au Jardin du Château d’eau s’ajoutent à la programmation. Ainsi, le chanteur espagnol Paco Ibáñez offrira un hommage à “su maestro” et ami George Brassens le samedi soir. C’est un évènement inclusif, intergénérationnel et gratuit, tourné vers le partage des cultures de la Mare Nostrum que nous propose le Festival Voix vives, grâce à la collaboration des artistes, et l’implication des associations sétoises.