réforme territoriale
Une réforme des collectivités
au péril de la démocratie.
Le Sénat examine depuis le mardi 19
janvier, et pour une durée d’environ trois semaines, le projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales. Loin de ne concerner que les élus locaux, cette réforme
initiée par Nicolas Sarkozy aura, si elle aboutit, de nombreux effets sur la vie des Français : moins de services publics de proximité, moins de démocratie, des élus moins nombreux et moins
proches. Avec elle, les collectivités territoriales deviendraient de simples échelons administratifs, privées de financement et de la capacité d’agir pour satisfaire les besoins des populations.
Couplée avec la suppression de la taxe professionnelle, elle offrirait aussi aux grands groupes privés un énorme marché qui pour l’essentiel leur échappait jusqu’à présent. Elle signerait de fait
la fin de la décentralisation au profit d’un dirigisme autoritaire de l’Etat. Les sénateurs du groupe CRC-SPG ont annoncé leur intention de se mobiliser contre un texte « qui porte
fondamentalement atteinte à la démocratie en brisant la décentralisation au profit d’une recentralisation des pouvoirs » et qui « porte en lui la mort des communes et départements,
institutions structurantes de la République ». Ils ont déposé 216 des 650 amendements qui seront discutés au cours de ce débat.
Réforme des collectivités territoriales : création des conseillers territoriaux
Par Jean-François Voguet / 27 janvier 2010
Mon explication de vote sera brève, car nous nous sommes exprimés à plusieurs reprises dans le débat.
Nous voterons bien sûr contre l’article 1er, et ce pour deux raisons.
La première est une raison de fond évidente : la création de ce conseiller territorial vise en quelque sorte à réduire l’activité des régions et des départements, alors que, selon nous, la situation actuelle, notamment économique et sociale, va à l’encontre de cette volonté.
Il faut, au contraire, préserver l’activité de ces deux strates de collectivités territoriales, qui, chacun le reconnaît aujourd’hui, jouent un rôle important dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Je pense notamment à l’action qu’elles mènent au travers des services publics locaux que j’ai évoqués tout à l’heure et qui irriguent une partie importante des activités humaines, qu’il s’agisse notamment de la petite enfance, de l’action sociale, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, du cadre de vie, du développement économique, de la jeunesse et des lycées.
Le but de la présente réforme et de l’article 1er est, nous semble-t-il, de diminuer la dépense publique et, de ce fait, de réduire le service public territorial de proximité. Nous ne pouvons être d’accord avec cet objectif.
La seconde raison pour laquelle nous voterons contre l’article réside dans la complexité du processus qui nous est proposé, comme nous l’avons vu tout au long de ce débat. Je dirais même – mais je n’ose le croire ! – que les propositions qui nous sont faites souffrent d’une certaine impréparation.
Nous venons d’en avoir une illustration à l’instant sur la question du statut de Paris. Sur ce point, qui soulève des problèmes particuliers, la réflexion est totalement inexistante aujourd’hui. Il nous a été dit : « On verra plus tard ».
D’ailleurs, le Président de la République, lorsqu’il a présenté au palais de Chaillot le projet du Grand Paris, a clairement dit : « Faisons, et nous verrons la gouvernance après ! ». À l’évidence, il n’était pas prêt ! La population de la région parisienne ne semble pas être prête non plus, et l’on comprend bien pourquoi !
Au-delà des interrogations sur son rôle, la création du conseiller territorial tel qu’il nous est proposé pose de nombreuses autres questions.
Tout d’abord, le mode de scrutin met en cause, d’une certaine façon, la représentativité nationale.
Ensuite, quid des cantons ruraux et des cantons urbains, de la représentation des villes et des campagnes, du nombre d’élus, du nombre de voix nécessaires ?
De même, cela a été nettement démontré au cours du débat, la parité est remise en cause par le projet. Personne n’a pu faire la démonstration inverse : la proportion de femmes parmi les élus conseillers territoriaux diminuera. C’est inacceptable !
Enfin, se pose également la question de la juste représentation des différents courants de pensée existants dans notre pays. Ils sont bien réels et constituent une de nos particularités. Or, avec le mode de scrutin qui nous est proposé, ils ne seront pas représentés dans ces instances, en tout cas proportionnellement à leur réalité.
Pour toutes ces raisons, des raisons de fond et des raisons plus particulières liées au mode de scrutin et à la façon dont les choses sont présentées aujourd’hui, nous voterons contre l’article 1er qui, s’il était appliqué avec la création des conseillers territoriaux, serait, nous en avons la conviction, un recul démocratique.