Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte
Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
Appel. "Plus jamais ça ! Préparons le jour d'après"
18 responsables d'organisations syndicales, associatives et environnementales parmi lesquels Philippe Martinez (CGT), Aurélie Trouvé (Attac), Jean-François Julliard (Greenpeace) et Cécile Duflot (Oxfam), signent une tribune commune publiée, vendredi 27 mars.
Ces organisations lancent vendredi, sur le site de franceinfo un appel "à toutes les forces progressistes et humanistes [...] pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral".
Le texte de l'appel :
En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des "décisions de rupture" et à placer "des services (…) en dehors des lois du marché". Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l'alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l'opportunité historique d'une remise à plat du système, en France et dans le monde.
Dès à présent, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des populations celle des personnels de la santé et des soignant·e·s parmi lesquels une grande majorité de femmes, doivent être mises en œuvre, et ceci doit largement prévaloir sur les considérations économiques. Il s'agit de pallier en urgence à la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé, dont les hôpitaux publics et les Ehpad. De disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent : réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche massive, mise à disposition de tenues de protection efficaces et de tests, achat du matériel nécessaire, réquisition des établissements médicaux privés et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé, annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de manœuvre budgétaires... Pour freiner la pandémie, le monde du travail doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des salarié·e·s respecté.
Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires
La réponse financière de l’État doit être d'abord orientée vers tou·te·s les salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur d'activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du personnel, au lieu de gonfler les salaires des dirigeant·e·s ou de servir des intérêts particuliers. Pour éviter une très grave crise sociale qui toucherait de plein fouet chômeurs·euses et travailleurs·euses, il faut interdire tous les licenciements dans la période. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les droits sociaux et le gouvernement ne doit pas profiter de cette crise pour aller encore plus loin, ainsi que le fait craindre le texte de loi d’urgence sanitaire.
Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Des mesures supplémentaires au nom de la justice sociale sont donc nécessaires : réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal logés, y compris les demandeurs·euses d’asile en attente de réponse, rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les factures impayées d'énergie, d'eau, de téléphone et d'internet pour les plus démunis. Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger les femmes et enfants victimes de violences familiales.
Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises doivent être dirigés en priorité vers les entreprises réellement en difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME, dont les trésoreries sont les plus faibles. Et pour éviter que les salarié·e·s soient la variable d’ajustement, le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises, qui ont atteint des niveaux record récemment, doivent être immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme.
Des mesures fortes peuvent permettre, avant qu’il ne soit trop tard, de désarmer les marchés financiers : contrôle des capitaux et interdiction des opérations les plus spéculatives, taxe sur les transactions financières… De même sont nécessaires un contrôle social des banques, un encadrement beaucoup plus strict de leurs pratiques ou encore une séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires.
Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle injection de 750 milliards d’euros sur les marchés financiers. Ce qui risque d’être à nouveau inefficace. La BCE et les banques publiques doivent prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes publiques. Celles-ci vont fortement augmenter à la suite de la "crise du coronavirus". Elles ne doivent pas être à l’origine de spéculations sur les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire, comme ce fut le cas après 2008.
Une réelle remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l'évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.
Par ces interventions massives dans l’économie, l’occasion nous est donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques. Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique : maintien de l'emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place d'un plan contraignant de respect des accords de Paris... Car l'enjeu n'est pas la relance d'une économie profondément insoutenable. Il s’agit de soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités les plus polluantes et climaticides, d’opérer un vaste partage des richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais. De même, des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes…
La "crise du coronavirus" révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production et d'enclencher une transition écologique et sociale des activités.
La relocalisation n’est pas synonyme de repli sur soi et d’un nationalisme égoïste. Nous avons besoin d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d'instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des États les plus puissants. De ce point de vue, la "crise du coronavirus" dévoile à quel point la solidarité internationale et la coopération sont en panne : les pays européens ont été incapables de conduire une stratégie commune face à la pandémie. Au sein de l’Union européenne doit être mis en place à cet effet un budget européen bien plus conséquent que celui annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé sont les plus vulnérables, notamment en Afrique.
Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise.
Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre "jour d’après". Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.
La liste des signataires :
Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac France
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France
Eric Beynel, porte-parole de l'Union syndicale Solidaires
Clémence Dubois, responsable France de 350.org
Pauline Boyer, porte-parole d'Action Non-Violente COP21
Léa Vavasseur, porte-parole d'Alternatiba
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au Logement
Lisa Badet, vice-présidente de la FIDL, Le syndicat lycéen
Jeanette Habel, co-présidente de la Fondation Copernic
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature
Mélanie Luce, présidente de l'UNEF
Héloïse Moreau, présidente de l'UNL
Face au Coronavirus, nous avons besoin de solidarité entre les peuples et les nations d’Europe (Fabien Roussel)
Dans son allocution de Mulhouse, le Président de la République a beaucoup parlé de « guerre ». Mais, bien qu’il se soit exprimé à l’une des frontières de notre pays, il n’a qu’à peine évoqué la solidarité européenne. Et pour cause : l’union européenne est aux abonnés absents !
La crise sanitaire, économique et sociale que précipite la pandémie de coronavirus met à nu la totale faillite de la construction capitaliste de l’UE. La passivité de la Commission européenne et des gouvernements européens face à une crise mondiale aussi grave est proprement scandaleuse.
Ceux-ci sont incapables d'impulser de la coopération ou de l'entraide entre les États, livrés à eux-mêmes. En quelques jours, les critères budgétaires de l’Union européenne appliqués aux États sont apparus ubuesques. Ils ont d'ailleurs été levés, preuve qu'ils sont un frein aux politiques d'investissement et de soutien aux économies nationales.
De plus, les mesures proposées telle que le rachat de dettes souveraines par la BCE sont loin d'être à la hauteur de la crise qui frappe les Etats membres.
La pandémie exige une grande solidarité et une totale coopération entre les peuples et les nations d’Europe. Elle requiert une mutualisation des moyens, notamment en matière de production de matériels sanitaires. Comment peut-on croire que les 27 pays de l’Union européenne seraient incapables de réunir des industriels, des ingénieurs, des outils de productions pour faire face aux besoins criants de tous les hôpitaux ? Nous disposons des forces suffisantes pour produire en urgence des respirateurs, des masques, des médicaments.
De même, la Banque centrale européenne doit répondre immédiatement aux besoins de tous les pays de l’Union européenne confrontés à l’arrêt de leur économie. La création de monnaie et les prêts à taux 0% sont des outils à mettre au service des Etats de manière exceptionnelle.
La crise de l’Union européenne démontre la nécessité d’en finir avec les dogmes de la « concurrence libre et non faussée », comme avec les politiques d’austérité européennes. Pour reconstruire une Europe de la coopération et de la solidarité entre les peuples, il faudra demain mettre en place un nouveau pacte européen pour sortir enfin des règles d’or budgétaires qui ont tant affaibli les services publics, dont ceux de la santé.
Le Président de la République aime à évoquer « le jour d’après ». Pour le PCF, le jour d’après se prépare maintenant, avec ses alliés et partenaires européens.
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF,
Conséquence(s)
Avons-nous déjà changé de monde?
Évidence. Voir, écouter, tâcher de comprendre, puis dire, essayer de transmettre sans même savoir qui de l’émetteur ou du récepteur s’avère le mieux capable d’ingurgiter en bloc, avant d’esquisser des analyses parfois démenties dès le lendemain…
Tout va trop vite, n’est-ce pas? Quand plus de trois milliards d’individus se trouvent désormais en situation de confinement sur notre Terre et que l’ONU déclare que «l’humanité entière» est menacée, nous ne pensons pas seulement à établir un impitoyable bilan de faillite généralisée ou à instruire en justice les mécomptes d’une globalisation folle. Non, nous imaginons, déjà, notre conduite future.
Si nous avons le droit de croire que «plus rien ne sera comme avant» et que nous vivons les prémices d’une sorte de révolution anthropologique, cela signifie qu’une évidence s’impose à beaucoup d’entre nous: cette crise nous oblige à mûrir (pour certains), à mieux verbaliser (pour d’autres), sachant qu’il importe de combler l’écart entre la conscience et l’action. L’urgence tient en une phrase: la limitation de la casse économique ne doit pas prévaloir sur la limitation de la casse sanitaire. L’à-venir se concentre autrement: la pandémie doit nous conduire à habiter autrement le monde.
Dogmes. Sans vouloir philosopher et politiser à outrance, le bloc-noteur accepte volontiers la parole des autres. Celle de Léa Guessier, par exemple, pseudonyme d’un collectif de hauts fonctionnaires tenus au devoir de réserve, qui écrivait dans le Monde cette semaine: «Nous avons déjà changé de monde et le gouvernement fait mine de ne pas le voir.»
Cette phrase n’a l’air de rien, mais à la faveur de la gravité de la crise encore devant nous, elle résonne fort. D’autant que ledit collectif ajoutait: «Mettons de côté les croyances et les dogmes liés au “bon fonctionnement du marché”.» Les gens d’esprit plus ou moins en vue, les talons rouges de la «démocratie d’opinion» peuvent aller se rhabiller devant de tels mots. Leurs présupposés libéraux ne tiennent plus la route.
Cette petite noblesse par raccroc, qui se gonflait, se pavanait et s’emplumait, arrive à l’âge terminal des vanités. Leur légèreté conceptuelle est balayée par la réalité et le poids de la prise de conscience sur les dispositions prioritaires. Comme l’écrivait un jour Régis Debray, sorte de rappel à l’ordre des choses aux classes dominantes: «Sachez, messeigneurs, que Rousseau n’était pas seulement un éloquent et un gracieux. Il vous a aussi envoyé le Contrat social dans les gencives, souvenez-vous-en!»
Vœux. Chaque décennie sa dominante, mais, en tout cas, la page n’est jamais blanche, et le moule jamais vide. Dans les années 1960, le fond de toile était rouge; il passa au rose, puis au bleu thatchérien par alternance, puis aux couleurs de la bannière étoilée made in USA, etc. Nos modes de vie et tout notre système économique ont été orientés sur une forme de démesure, de toute-puissance financière, consécutive à l’oubli de notre corporéité et de l’essentiel: l’humain d’abord. Tempérance, bon sens, humanité: autant de valeurs piétinées par le capitalisme rendu à sa sauvagerie.
En écho, la philosophe Corine Pelluchon, qui ne passe pas pour une enragée gauchiste, n’appelle pas pour rien à «une transformation collective et individuelle». Elle écrit: «Notre modèle de développement génère des risques sanitaires colossaux et des contre-productivités sociales, environnementales, psychiques. Non, le soin, la protection des plus fragiles, l’éducation, l’agriculture et l’élevage ne peuvent pas être subordonnés au diktat du rendement maximal et du profit financier à tout prix. Il importe d’organiser le travail en fonction du sens des activités et de la valeur des êtres impliqués.» Ce qu’elle appelle de ses vœux? Un «vrai projet de civilisation». L’idée progresse, se propage, se diffuse à la manière d’une épidémie. Paradoxe cruel: les conséquences du virus feront peut-être changer les hommes plus vite que tous nos illustres combats réunis…
Coucou
Après un gros rhume, il semble que notre blog s'est rétabli.
Rationalité(s)
Vivons-nous une période inédite d’«informa-tiovirus»?
Sucre. Cette peur contagieuse… Si l’homme reste une espèce hautement sociale, pour le meilleur et parfois pour le pire, l’histoire des sociétés nous instruit que les grandes paniques collectives peuvent provoquer autant de dégâts qu’un virus. L’instinct de panique fonctionne comme du sucre pour nos esprits. Ainsi, avec le coronavirus, le monde vit l’un de ces moments «globalisés» les plus étranges de ces dernières décennies, pour ne pas dire le plus important.
Nous voilà fascinés et inquiets, sans savoir où penchera la balance, à mesure que le flot d’informations se répand, nous traverse, nous disperse à ne plus savoir ni les prioriser, ni les trier, même pour les plus aguerris des professionnels de la profession – le bloc-noteur parle là de journalisme, bien sûr. Rendez-vous compte: tout change et tout évolue d’une heure sur l’autre, ici et partout sur la planète, de minutes en minutes exaltées, de quoi remettre toutes les priorités sur le métier en des temps qui défient les lois du genre, comme si, depuis quelques jours, tout devait passer au tamis du virus mondialisé.
Ne négligeons pas l’importance de la crise sanitaire en cours: ce serait déplacé et dangereux à plus d’un titre. Mais, pour le présent propos, la question se situe ailleurs et mérite qu’on s’y arrête à l’aune de notre époque. Vivons-nous, oui ou non, une période absolument inédite d’«informatiovirus»?
Recul. Régis Debray avait bien raison, il y a près de vingt ans, quand il nous annonçait, prophétique, l’avènement de ce qu’il appelait «l’ère de Maître Lapin». Quand tout doit aller vite, même à la va-vite, telle une exigence de consommation immédiate et brutale, atteignant toutes les strates de nos vies. L’information n’y échappe pas. Bien au contraire, elle semble plutôt devenir l’épicentre de cet irrésistible phénomène.
Alors que l’expansion du Covid-19 suscite beaucoup d’inquiétudes légitimes, entraînant quelquefois des décisions irrationnelles, rappelons que la présente épidémie est la première à s’inscrire sous le sceau des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu, les secondes nourrissant les premiers, à moins que ce ne soit l’inverse. En somme, restons-nous rationnels face à ce qui nous tombe sous les yeux et dans les oreilles? Sommes-nous prêts à entendre et à comprendre ce qui est réellement proféré, et non pas que nous fantasmons ou que les «médias» sociaux détournent de la réalité?
Bref, devons-nous avoir peur, un peu peur, beaucoup peur? Et si «oui», quelle place encore accorder au minimum de raisonnement nous permettant de la rationalité, de l’ouverture d’esprit, de l’altruisme aussi, alors que l’essentiel des «messages» que nous délivrons en masse véhicule souvent tout le contraire, la crainte démesurée, la méfiance déplacée, sans parler des comportements réactionnaires et uniquement intéressés par nos propres intérêts? En temps de pandémie, la vigilance et la gravité n’empêchent en rien l’obligation du sang-froid, du recul, de la stratégie, de l’analyse, etc.
Vérité. Chacun le sait: personne ne peut s’extraire de son époque et beaucoup de victimes de ces comportements sont comme entraînées dans une spirale infernale devant la frénésie médiatique. Même la politique s’est mise au diapason, jouant la majorité de ses partitions au rythme de cette hystérie collective sans précédent. L’émotionnel embarque tout sur son passage, y compris l’information – avec les meilleures intentions du monde – alors que le rôle de l’information serait de tempérer la peur avec discernement. Notre société dite de «l’attention permanente», soumise à l’infobésité galopante, ne serait-elle pas parvenue à un stade qui défie son rapport à la vérité, et à la manière dont elle doit se poser la question de ce dilemme?
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 13 mars 2020]
Publié par Jean-Emmanuel Ducoin
Coronavirus/Macron : réaction de Fabien Roussel
Publié le 12/03/2020 par PCF
Coronavirus/Macron : réaction de Fabien Roussel
L'heure est à la mobilisation nationale pour délivrer la réponse la plus efficace face à la crise sanitaire et à la crise économique exceptionnelles que nous affrontons.
Les flottements de ces dernières heures sur les décisions à prendre ne doivent pas fragiliser la capacité d'action de l'État.
Les annonces du Président de la République supposent aussi des engagements précis que les services publics, notamment ceux de la santé, attendent depuis longtemps ! Les annonces de ce soir impliquent donc de remettre en cause les politiques d'austérité.
La fermeture des établissements scolaires et universitaires ou le report des soins non essentiels ne pouvaient plus être différés. Mais aucun engagement précis n'est annoncé en moyens humains et financiers concernant la crise sanitaire contrairement à d'autres pays comme l'Italie ou le Royaume uni qui ont annoncé mobiliser plusieurs dizaines de milliards d'euros. Et aucune mesure structurelle n'est engagée sur le plan économique.
Coordonner et financer la réponse sanitaire
Notre système de santé public, déjà sous tension, a besoin de moyens pour protéger ses personnels et pour élargir ses capacités d'accueil des patients atteints de coronavirus. Le Président de la République annonce qu'il prendra les mesures nécessaires « quoi qu'il en coûte ». Aux actes ! Les personnels de santé sonnent l'alarme depuis des mois ! De même, dans encore beaucoup de territoires, les médecins et les infirmières libéraux, les personnels de secours comme les pompiers, les laboratoires sont en attente du matériel tel que les masques pour se protéger et protéger les patients ou pour réaliser les tests épidémiologiques. La puissance publique doit demander aux hôpitaux privés de se mettre à la disposition de la nation.
Des mesures structurelles fortes pour faire face à la crise économique
Une crise financière historique, elle aussi d'ampleur mondiale, est en cours. La crise sanitaire en est le catalyseur et non la cause. Ce sont les politiques monétaires et néolibérales qui en sont les principaux déclencheurs. Si des mesures de soutien et d'accompagnement des entreprises et des salariés doivent être mises en place rapidement, il faut donc aussi revoir les règles d'intervention de la BCE pour que les sommes débloquées soutiennent l'économie réelle et non la éculation financière. Le « Pacte de stabilité » budgétaire européen doit être abandonné. Les secteurs stratégiques du pays doivent être protégés. Nous demandons enfin le report de la réforme de l'assurance chômage dont l'entrée en application est prévue pour le 1er avril.
Eléments de langage
Publié le 11/03/2020 par PCF
Eléments de langage
Le QG de Macron s’attend à une dérouillée aux municipales. Aussi, selon la presse, il travaille déjà les « éléments de langage », comme on dit aujourd’hui, à caser absolument ce prochain dimanche soir.
Thème n°1 : « Le président a déjà enjambé le scrutin. » Autrement dit : les élections ? Quelles élections ? Thème n°2 : « Il y aura des gains puisque nous partons de zéro. » Ce qui est une entourloupe car LREM a des sortants, toute la faune des retourneurs de veste. Thème n°3 : « Entre le raz de marée et la Bérézina, il y a un juste milieu », dit leur porte-parole Aurore Bergé. Bref, elle a du mal à trouver le mot juste, aidons-là : bide, déculottée, débandade, déconfiture, pile, rouste. Le lecteur complètera.
Gérard Streiff
Affiches - Un siècle de luttes du PCF sur les murs de France
Publié le 11/03/2020 par PCF
Affiches - Un siècle de luttes du PCF sur les murs de France
Les initiatives nationales organisées par le PCF dans le cadre de son centenaire débuteront le 2 avril, avec une grande exposition d’affiches retraçant un siècle d’histoire et de luttes des communistes en France.
Historiquement, l’affiche figure au rang des outils privilégiés des organisations du mouvement ouvrier pour s’adresser aux masses. Le PCF, dès sa création, s’est emparé de ce moyen de communication. Par milliers, ses affiches collées sur les murs des villes et des villages, au gré de l’actualité politique et sociale en France et dans le monde, constituent assurément une porte d’entrée pour illustrer l’histoire de ce parti à maints égards « pas comme les autres ».
S’appuyant sur l’immense collection – près de 4 000 affiches – conservée dans les archives du Parti déposées aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, cette exposition propose deux parcours aux visiteurs.
Le premier dépeint à grands traits la chronologie du PCF. De l’adhésion à l’Internationale communiste lors du congrès de Tours de 1920 aux conquêtes du Front populaire, des années sombres de la clandestinité aux combats victorieux de la Libération, des campagnes pour la paix à l’opposition au gaullisme, du programme commun aux campagnes actuelles contre Macron « méprisant de la République »… c’est un siècle d’histoire politique et sociale de la France qui transparaît à travers ces affiches.
Le second parcours invite les visiteurs à déambuler entre plusieurs circuits thématiques. Ces derniers abordent l’évolution – avec ses constances et ses ruptures – des positions du PCF sur des questions particulières. Ainsi des femmes, des premières tentatives d’organisation des travailleuses aux campagnes contre le harcèlement sexuel. La question coloniale, des campagnes de fraternisation pendant la guerre du Rif jusqu’aux mobilisations pour la paix en Algérie, est également présentée. L’internationalisme n’est pas en reste, cette exposition donnant à voir un échantillon des innombrables campagnes de solidarité internationale menées par le PCF auprès des populations en lutte aux quatre coins du globe. Enfin, les rapports à l’URSS, de la solidarité infaillible des premières décennies à la réprobation de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, sont abordés, avec nuances et à rebours des postures caricaturales.
L’affiche n’est pas seulement porteuse d’un message politique ou revendicatif. Elle est aussi une création graphique, qui évolue au fil des temps, des techniques et des styles artistiques. De nombreux artistes ont mis leur créativité au service des combats menés par le PCF. Grandjouan, Fougeron, Eiffel, le collectif Grapus ou Wolinski… autant de noms et d’engagements qui attestent de la profondeur de l’empreinte communiste dans la société française.
Au total près d’une centaine d’affiches originales, dont certaines inédites et restaurées spécialement pour l’occasion, sont exposées. Plusieurs dizaines d’autres documents de nature différente – journaux, cartes postales, photographies, brochures, cartes d’adhérents, tracts, livres… –, également témoins de l’activité et de la production graphique du PCF, viennent compléter en vitrine cette histoire singulière du PCF.
Les affiches et autres documents iconographiques exposés ont été rassemblés dans un bel ouvrage à paraître aux éditions Helvétius. Une édition spéciale à tirage limité offrira en sus deux DVD proposant une sélection de films issus de la collection de Ciné-Archives (1).
Corentin Lahu, archiviste.
1. Les deux versions (24€/35€ avec les DVD) du catalogue de l’exposition peuvent déjà être précommandées en ligne :
https://editionshelvetius.com/boutique/livres/livres-dart/les-rouges-saffichent/
Exposition 100 d’histoire de France et du PCF sur les murs. Les communistes s’affichent. Du 3 avril au 30 mai 2020 à l’Espace Niemeyer (2, place du Colonel-Fabien, Paris 19e). Vernissage jeudi 2 avril. Ouverture du lundi au samedi de 11 h à 19 h. Fermeture le jeudi. Nocturne (11 h-21 h) les mardis.
Stéphanie Roza : « Sans droits universels, pas de libération des femmes »
L'Humanité Vendredi, 6 Mars, 2020
Philosophe, spécialiste de la Révolution française, la professeure de philosophie politique vient de publier un ouvrage au titre qui interroge : la Gauche contre les Lumières ? Dans ce livre, elle démonte les critiques radicales qui s’attaquent à l’héritage des Lumières et aux avancées rationalistes et universalistes.
La Gauche contre les Lumières ? D’où vient ce titre très contradictoire de votre dernier ouvrage ?
STÉPHANIE ROZA Du constat que l’héritage des Lumières, sous plusieurs formes, était l’objet d’attaques de la part de gens qui soit se disaient de gauche, soit étaient populaires dans les milieux de gauche. Ils étaient repris par les militants, invités à s’exprimer dans des espaces de gauche comme des autorités qui intéressaient la gauche. C’est le paradoxe qui m’a fait écrire. J’ai voulu interroger leur côté anti-Lumières, antirationaliste, antiprogressiste, antiuniversaliste.
Comment est-il possible que des « anti-Lumières » puissent avoir la sympathie de milieux de gauche ?
STÉPHANIE ROZA Je ne prétends pas résoudre cette question avec ce livre. J’ai voulu faire l’histoire intellectuelle de ce phénomène. À mon avis, les causes sont historiques et politiques. Il faut remonter au contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale, avec le début des luttes de la décolonisation et l’attitude ambiguë, voire colonialiste dans certains cas, de la tradition socialiste, et les hésitations des communistes. Le stalinisme a également amené des intellectuels de l’époque à se radicaliser dans une posture où ils rejetaient tout ce qui constituait l’héritage de la gauche depuis les Lumières. Le phénomène s’est accentué à partir de la fin des années 1970. La perte de vitesse puis l’effondrement des grands partis de gauche traditionnels ont libéré de l’espace politique. La montée de l’islamisme dans les pays de tradition musulmane a également joué comme une forme de pression politique sur les courants de la gauche.
Pourtant, vous rappelez que, dans les luttes anticoloniales, on s’est appuyé sur les Lumières…
STÉPHANIE ROZA C’est le second paradoxe. Les décolonisations se sont faites dans une très grande majorité des cas au nom des idéaux universalistes, du respect des droits de l’homme. Il s’agissait même d’une démarche de radicalisation de l’héritage des Lumières, plus éclairées que les Lumières hypocrites de la bourgeoisie coloniale. Dans les années 1970, avec les déceptions qui suivent les indépendances, des courants anti-Lumières se développent, concurrents des nationalismes classiques. Les nationalistes hindous en Inde ou les islamistes au Pakistan, par exemple.
Vous critiquez également le féminisme intersectionnel dans votre livre. Est-ce que prendre en compte tous les facteurs d’oppression des femmes, autres que le genre, n’est pas plus efficace pour conduire la lutte ?
STÉPHANIE ROZA Que l’on enrichisse le féminisme avec des luttes féministes qui se produisent ailleurs, c’est très bien. Mais le problème, c’est que ces féminismes-là ne se sont pas développés dans une démarche d’enrichissement et de dialogue avec le féminisme traditionnel européen. Ils se sont développés en concurrence, en rivalité, et avec une très forte agressivité à l’égard du féminisme universaliste. Car, au fond, ce n’est pas un féminisme européen. Des féministes progressistes, universalistes, il y en a dans les pays du Sud. Et depuis des décennies. Les intersectionnelles, les décoloniales, voudraient faire croire en une binarité des luttes entre les féministes blanches européennes et les féministes non blanches du Sud. Mais ça ne marche pas comme ça. Des universalistes, on en trouve partout, y compris dans les pays du Sud. C’est un combat politique, pas un combat racial ou religieux. Or on assiste à une racialisation et une confessionnalisation du débat qui sont profondément délétères parce qu’elles nous font entrer dans une logique de confrontation.
Toutes les idéologies de gauche se sont affaiblies ces dernières années. C’est la toile de fond que je décris dans mon livre. Or, au lieu de se rassembler pour trouver des solutions collectives, on se détruit mutuellement. Des jeunes qui ont envie de lutter contre le racisme, d’être féministes, anticapitalistes, de combattre toutes les oppressions, découvrent un champ de bataille où les gens s’insultent, où l’on est incapable de trancher les débats démocratiquement.
Le féminisme intersectionnel est aussi un courant qui nous vient d’outre-Atlantique. Je ne connais pas suffisamment les États-Unis, mais certains militants estiment que la barrière des races est tellement importante que, dans un premier temps, organiser les Noirs à part se justifie. En France, il n’y a jamais eu de ségrégation légale sur notre sol. On a connu une autre configuration avec les colonies. Il y a du racisme, mais la barrière est moins hermétique. En France, séparer les gens en fonction de leur ethnie est donc une régression terrifiante.
Comment sortir de cette confrontation ?
STÉPHANIE ROZA L’héritage des Lumières, c’est le plus petit dénominateur commun. C’est la base. Je propose de revenir à ce qui nous est commun, à ce qui nous a fait naître, à l’élan de la Révolution française. Construisons à partir de ça. La gauche a fait beaucoup d’erreurs au XXe siècle et il faut en tirer le bilan. Mais on ne peut pas saper les fondements de la gauche, sinon on perd notre identité politique.
Vous estimez également que ces mouvements en viennent à se retrouver parfois sur des positions conservatrices, involontairement…
STÉPHANIE ROZA Ils ne se rendent pas compte qu’objectivement ils viennent renforcer notamment l’islamisme. Dans le cas du féminisme décolonial, c’est très clair. En promouvant de prétendus « féminismes musulmans », qui pour certains sont directement des officines des Frères musulmans, ils renforcent des gens qui veulent détruire la gauche et qui l’ont fait dans les pays du Sud. C’est ce qui est terrifiant. On renforce ainsi des gens qui, dès qu’ils sont au pouvoir, fusillent les militants socialistes, communistes et syndicalistes de leur pays. Je pense à l’Iran et à l’Algérie par exemple. Ces régimes ont détruit la gauche dans les pays du Sud, et chez nous, des gens de gauche leur font de la publicité sans se rendre compte des enjeux.
Les Lumières sont aussi accusées d’avoir théorisé le colonialisme. Pourquoi ?
STÉPHANIE ROZA On peut trouver par exemple chez Voltaire des propos hostiles aux religions juive et musulmane, insultants pour les Noirs. Certains en concluent que les Lumières sont racistes. En réalité, à l’époque, les sociétés sont profondément ethnocentriques. Au contraire, les Lumières sont un courant de pensée qui, le premier, fait un effort pour sortir de cette conception. Évidemment, on n’en sort pas d’un coup. Je prends l’exemple de Voltaire parce que c’est celui qui est le plus attaqué. Mais il a défendu les protestants, les juifs en tant que personnes, tout en disant du mal de leur religion en tant que dogme.
C’est l’esprit des Lumières : ils ne sont pas tendres avec les dogmes, mais souvent, ils défendent les gens. Ainsi, les Lumières ont accompli le premier effort réel dans l’histoire pour sortir de l’ethnocentrisme, du racisme, du colonialisme. Les premières critiques de l’esclavagisme viennent des Lumières. La Révolution française, son processus même aboutit à l’abolition de l’esclavage. Tout le monde n’était pas d’accord au départ pour l’abolir, mais c’est un processus. La Déclaration des droits de l’homme a un effet dans ce sens. En se replaçant dans une perspective historique, c’est le mouvement impulsé par les Lumières qui a mené à des points de vue puis des politiques antiesclavagistes, anticolonialistes. Il y avait des contradictions chez les penseurs, mais si les Lumières sont colonialistes, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Il est aberrant de s’appuyer sur les acquis des combats des Lumières tout en les taxant de colonialisme…
L’universalisme est aussi présenté comme une forme d’impérialisme culturel, politique ?
STÉPHANIE ROZA Les premiers à avoir porté ce genre d’accusations étaient les contre-révolutionnaires, partisans de la monarchie absolue et du maintien de la France dans le giron de l’Église catholique jusqu’à la fin des temps. Edmund Burke, député anglais opposé à la Révolution française, a été le premier à écrire une charge contre les droits de l’homme en clamant que l’universalisme faisait violence à la nature humaine. Il affirmait que les peuples ont des droits forgés par leur histoire, qui ne sont donc pas les mêmes. Edmund Burke considérait donc qu’il n’y avait pas de principes universels. Mary Wollstonecraft, philosophe et féministe anglaise du XVIIIe siècle, lui avait reproché à l’époque d’enfermer les individus dans leurs communautés traditionnelles, et de leur interdire d’en sortir.
Dans sa défense des droits de la femme, elle relie étroitement l’oppression des femmes et l’oppression esclavagiste et coloniale. Pour elle, il s’agit du même combat pour l’émancipation. Olympe de Gouges était également anticolonialiste et antiesclavagiste. Condorcet, qui était un grand féministe, était membre de la Société des amis des Noirs et œuvrait à l’abolition de l’esclavage. Sans droits de l’homme transversaux, qui s’appliquent à tous les individus, la petite fille qui grandit dans une société qui pratique l’excision n’a aucun moyen d’en sortir. Ainsi, on ne pourrait pas opposer les droits de l’homme à quelqu’un qui vient avec un couteau. Personnellement, si les droits s’imposent aux coutumes, je suis pour. Et si on veut la libération des femmes, on est forcément pour les droits humains.
Comment la gauche pourrait-elle sortir de ce que vous voyez comme une forme d’autodestruction ?
STÉPHANIE ROZA En 2010-2012, avec le Front de gauche, j’espérais que nous avions trouvé un cadre commun, capable de mettre tout le monde autour d’une table et de trancher démocratiquement certaines questions. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. Ça ne peut pas continuer comme ça. Si nous trouvions un cadre pour discuter et trancher certaines questions en votant, je suis persuadée que c’est le camp des Lumières qui l’emporterait.
Vous évoquez à la fin de votre livre un possible retour à la « pensée jaurésienne ». C’est une voie ?
STÉPHANIE ROZA Jaurès a essayé toute sa vie de rassembler le plus largement possible tous les militants qui se reconnaissaient dans le projet socialiste avec ses différentes sensibilités. Dans toutes les batailles politiques qu’il a menées (la colonisation du Maroc, la guerre…), il a essayé de tenir un cap universaliste, rationaliste, progressiste et de rassembler les gens. Quand on parle aux gens de gauche, quelle que soit leur sensibilité, Jaurès fait sens. Le programme des Jours heureux du CNR également. Ce sont des marqueurs qui nous mettent un peu tous d’accord, des symboles qui peuvent servir de socle sur le plan des idées. Il faut également une transmission de la mémoire des luttes et des combats de la gauche. C’est un problème du temps présent. Les organisations politiques et syndicales ne proposent plus de formations. On rejette de cette façon la verticalité…
Or, s’il y a rupture dans cette transmission, il faudra tout recommencer de zéro. On ne rappelle pas comment les Noirs ont gagné leur liberté dans les colonies, mais aussi comment ils ont lutté contre la ségrégation aux États-Unis. Malcolm X, par exemple, a cheminé au long de sa vie, un peu comme Jaurès concernant l’affaire Dreyfus, justement parce qu’il était universaliste. Avant d’être assassiné, Malcolm X prônait une alliance internationale des peuples. Son cheminement le conduit à penser que le problème, ce n’était pas les Blancs, mais le système d’oppression.
Nelson Mandela avait lui aussi compris que l’affrontement racial ne mènerait nulle part. En revanche, s’enfermer dans une posture de pureté idéologique, morale, voire raciale comme le font certains courants intersectionnels et/ou décoloniaux est une attitude sectaire.
Entretien réalisé par Diego Chauvet
Dans son livre paru aux éditions Fayard, Stéphanie Roza dresse un inventaire de certaines idées et penseurs qui ont l’oreille des militants de gauche. Elle y décrit « les procès intentés contre tout ou partie de l’héritage des Lumières des “droits bourgeois” de l’homme aux supposés “effets de despotisme” du rationalisme ». Elle tente de les décrypter par leur généalogie intellectuelle, et l’évolution de leurs penseurs, tel Michel Foucault, décrit comme néolibéral à la fin de sa vie. Stéphanie Roza propose alors de revenir aux plus petits dénominateurs communs de la gauche, dont la pensée universaliste de Jaurès.