6 juin
Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte
Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
La Macronie ne décolère
toujours pas contre Justine Triet
Lauréate de la Palme d’or à Cannes, la réalisatrice Justine Triet subit depuis samedi 27 mai les attaques des soutiens du président, dont elle a critiqué la politique.
L'Humanité Mardi 30 mai 2023
La cinéaste Justine Triet a été primée pour son film «Anatomie d’une chute».
Christophe Simon/AFP
Il n’a fallu qu’une petite minute dans son discours pour que Justine Triet change de statut. Une minute pour passer de réalisatrice récompensée de la Palme d’or par le plus grand festival de cinéma au monde à ennemie publique numéro 1. Une minute à l’issue de laquelle le Festival de Cannes a laissé place au festival du n’importe quoi politique.
À la tête d’un jury informel quasi exclusivement composé de responsables macronistes et de droite, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak s’est dite, à propos de la lauréate, « estomaquée par son discours si injuste » dans lequel elle perçoit « un fond idéologique d’extrême gauche ».
« Ingrate », « enfant gâtée » ou « rebelle de salon »
Ici et là, la cinéaste primée pour Anatomie d’une chute est jugée « ingrate », « enfant gâtée » ou « rebelle de salon » issue d’un « microcosme bourgeois qui se pavane sous les dorures du Festival de Cannes biberonné à l’argent public ». On l’accuse de « cracher dans la soupe », de « mordre la main qui la nourrit » et même de « salir » l’image de la France.
Tout ça pour avoir osé critiquer la politique d’Emmanuel Macron alors que son film est partiellement financé par des fonds publics. Un crime de lèse-Jupiter pour les marcheurs, qui, depuis, donnent du « prends le fric et tais-toi ».
« Je ne peux me contenter d’évoquer la joie que je ressens, a confié Justine Triet, samedi soir, sur la scène du palais des Festivals. Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime, de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. » Et d’ajouter que « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française (…) sans laquelle je ne serais pas là ».
La contestation sociale en haut des marches
Jusqu’alors, tout avait été fait pour que la colère populaire soit reléguée aux marges du Festival, loin du tapis rouge. C’était compter sans Justine Triet, qui a fait de son triomphe une tribune pour la contestation sociale, la ramenant à sa place : en haut des marches.
Les soutiens d’Emmanuel Macron y voient plutôt une cinéaste qui, selon les mots du député Karl Olive, « passe plus de temps à cracher sur l’État – qui nourrit la grande famille du 7e art – qu’à savourer son propre trophée ».
En clair, la Macronie en veut pour son argent. Problème : ce n’est pas son argent. Elle n’est pas non plus l’État. « Vous ne financez pas le cinéma et la culture mais NOUS finançons le ciné et la culture via des dispositifs de solidarité collective dont vous n’êtes que les organisateurs temporaires, a répondu l’écrivain Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour son roman Leurs enfants après eux. La main qui nourrit les artistes n’est pas la vôtre. C’est celle de la communauté nationale. »
Mais lorsqu’on doit tout au président de la République, difficile pour les marcheurs de concevoir que d’autres ne lui doivent rien. Un chef de l’État susceptible qui, contrairement à l’usage, n’a d’ailleurs pas salué la Palme d’or obtenue par Justine Triet.
Publié le 24/05/2023 par PCF
Travailler plus tôt, plus longtemps et maintenant à n’importe quel prix !
La Première ministre a commencé à esquisser les premières mesures du projet de loi France Travail. Parmi elles, la conditionnalité du versement du RSA ou des allocations à une vingtaine d’heures d’activités.
Il s’agit de supprimer tout ou partie des allocations et prestations sociales beaucoup plus facilement, la ministre reprenant un discours réactionnaire qui voudrait que les personnes bénéficiant des minima sociaux soient des « fainéants », « qui n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un emploi ».
La première conséquence sera la mise à disposition d’une main-d’œuvre gratuite pour les entreprises ou les collectivités, constituant par ailleurs un risque pour l’ensemble des travailleurs en poussant les salaires vers le bas.
Le gouvernement oublie également que certains bénéficiaires du RSA ne seront pas en capacité de répondre à ces heures d’activités. De nombreuses femmes sont contraintes au RSA pour garder leurs enfants. Comment vont-elles faire les heures d’activités obligatoires ? Quid des aidants et aidantes familiaux ? Des personnes non reconnues comme travailleurs handicapés ou en incapacité et ayant pourtant des problèmes de santé ? Des problèmes de transports ou de logements ?
Encore une fois ce seront les femmes qui seront les plus fragilisées. L’État doit donner des moyens aux travailleurs sociaux pour accompagner les bénéficiaires du RSA pour lever les différents freins à l’emploi au lieu de vouloir les sanctionner.
Enfin, quelle ironie quand on sait que les dernières réformes des retraites ont augmenté massivement le nombre de seniors bénéficiaires du RSA et que celle de 2023 aura la même conséquence si elle est appliquée !
Les jeunes avaient déjà subi une culpabilisation similaire à travers le contrat d’engagement jeune. Cela n’est pas suffisant pour l’exécutif qui prévoit une quasi-suppression des missions locales. Au profit de « France travail jeunes » reniant les missions d’accompagnement de la jeunesse dans sa globalité au profit du seul accompagnement vers l’emploi.
Le gouvernement poursuit en réalité deux objectifs avec ses différentes réformes : rendre la classe travailleuse corvéable à merci pour le patronat et faire baisser artificiellement les chiffres du chômage.
Le MJCF revendique une politique d’emploi et de formation de long terme qui réponde aux besoins du plus grand nombre, pas aux intérêts du capital. En ce sens, nous revendiquons une politique de prérecrutement et de création massive d’emplois rémunérés correctement, dans des domaines qui répondent aux enjeux de la société.
Le MJCF revendique la démocratisation des entreprises. Ceux qui produisent doivent décider des conditions dans lesquelles ils le font.
Le MJCF revendique un accompagnement digne des bénéficiaires du RSA pour réduire les freins à l’emploi (création de crèches, augmentation du Smic, fin des temps partiels imposés, gratuité du permis de conduire, moyens pour les travailleurs sociaux…).
Le Mouvement jeunes communistes de France appelle à se mobiliser contre le projet France Travail. Nous appelons à une autre politique : travailler mieux, travailler tous, travailler moins.
Léon Deffontaines
L'appel de 25 syndicats,
associations et partis politiques
à « sauver le fret ferroviaire »,
Mathilde Panot, Fabien Roussel et Marine Tondelier signent une tribune avec 25 syndicats, cheminots, usagers, élus et militants associatifs pour s’opposer à la liquidation de Fret SNCF. Ils proposent notamment la création d'un service public pour sortir le fret ferroviaire du marché de la concurrence.
"Il faut réaménager dans notre pays notre fret ferroviaire, qui a été un échec français il y a une vingtaine d’années et qu’il faut développer. " Voici les mots d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle en avril 2022. Face au défi de notre siècle que représente la lutte contre le changement climatique, la question des mobilités et celle du transport de marchandises doivent être revues de fond en comble. Il est temps de sortir des déclarations d’intention et de remettre le fret ferroviaire au cœur de notre économie et de nos modes de vie.
Nous savons que les transports sont responsables de plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, dont près de 95 % incombent au transport routier de marchandises et voyageurs, en hausse de plus de 39 % depuis 1990. Depuis près de vingt ans, les choix politiques effectués, l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006 ont eu pour effet de favoriser le transport routier et d’encourager le dumping social au détriment des objectifs écologiques et sociaux.
La SNCF a dû progressivement abandonner sa vocation de transfert de marchandises de la route vers le rail
Les opérateurs privés se sont rués sur les parties rentables du fret ferroviaire au détriment de la SNCF, sans créer de nouveaux trafics. La SNCF s’est ainsi vu retirer la possibilité de procéder à une péréquation entre trafics rentables et trafics déficitaires et a dû progressivement abandonner sa vocation de transfert de marchandises de la route vers le rail.
Alors que nous avons besoin d’un outil efficace pour piloter une transition énergétique très exigeante, la Commission européenne a ouvert une enquête ciblant Fret SNCF et considérant que cette entité a reçu des aides incompatibles de l’État français par rapport aux dogmes libéraux de Bruxelles. Diligentée au nom du prétendu principe de « concurrence libre et non faussée », elle a comme objectif de faire disparaître Fret SNCF avec pour conséquence le transfert de plusieurs milliers de camions supplémentaires par an sur nos routes.
En effet, seule la SNCF, opérateur de transport territorial, peut avoir des capacités fédératrices au niveau des territoires, qui sont nécessaires pour massifier les trafics, pérenniser et renouveler l’offre ferroviaire. Un chiffre : un train de 35 wagons, c’est 55 camions de 32 tonnes en moins sur nos routes.
Pour préserver le climat et nos emplois, il faut sortir des logiques libérales et de la soumission du transport de marchandises par rail à l’économie de marché. Face à l’inaction de l’État, nous ne pouvons laisser faire ce scandale écologique et social ! L’application des règles européennes ne peut pas passer avant l’intérêt commun ; le gouvernement français doit s’opposer à cette épée de Damoclès de l’Union européenne sur Fret SNCF et ses 5 000 cheminotes et cheminots.
Face à l’inaction de l’État, nous ne pouvons laisser faire ce scandale écologique et social !
Rien n’est inéluctable, il est encore temps d’agir ! Collectivement, nous pouvons changer les choses. Des choix s’imposent, à contre-courant des orientations libérales actuelles. Il est temps de passer des mots aux actes concrets. Le fret ferroviaire ne peut plus être qu’une simple alternative ; il doit être incontournable.
Nous, syndicalistes, cheminot·e·s, usagers, élu·e·s militant·e·s associatif·ive·s, appelons l’État français à ne pas sacrifier Fret SNCF sur l’autel de la concurrence.
Nous proposons de sortir le fret ferroviaire du marché de la concurrence et de créer un grand service public, unifié et cohérent, de transport ferroviaire et routier de marchandises ; prélever 1 milliard d’euros par an sur les profits réalisés sur les sociétés d’autoroutes pour les investir dans le développement des infrastructures ferroviaires fret ; fixer une écotaxe poids lourds qui concernerait les poids lourds en transit qui refuseraient la solution du report modal, destinée à alimenter un fonds national d’investissement à destination de projets de fret ferroviaire et maritime ; prendre les initiatives législatives visant à développer le fret ferroviaire en imposant le réseau ferré pour le transit routier et en interdisant des nouvelles constructions de zones logistiques si celles-ci ne sont pas embranchées au réseau ferré ; déterminer les orientations nécessaires pour assurer un vivre-ensemble aux êtres humains, compatibles avec les exigences de justice sociale, de protection de l’environnement et d’autonomie des territoires.
Nous proposons de créer un grand service public, unifié et cohérent
L’ensemble des signataires de cette tribune s’engage à faire converger les forces syndicales, politiques et associatives qui veulent organiser démocratiquement une politique alternative des transports vraiment efficace de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique, tout en tenant compte des conditions sociales des salarié·e·s.
Liste des signataires
Fédérations cheminotes :
CGT Thierry Nier Secrétaire Général Adjoint
UNSA Ferroviaire Didier Mathis Secrétaire Général
SUD-Rail Erik Meyer Secrétaire Fédéral
CFDT : Thomas Cavel Secrétaire Général
FO Cheminots : Philippe Herbeck
Secrétaire Général Organisations interprofessionnelles :
CGT : Sophie Binet Secrétaire Générale confédérale
CFE-CGC François Hommeril Président
UNSA : Laurent Escure Secrétaire Général
Union syndicale Solidaires Murielle Guilbert et Simon Duteil
Co-délégué·es généraux
SU : Benoit Teste Secrétaire Général
Confédération Paysanne Laurence Marandola Porte-parole
Associations :
Alternatiba : Anthony Yaba Porte-parole
Attac France : Alice Picard, Co-porte-parole
Convergence Nationale Rail : Didier Le Reste Président
Coudes à Coudes : Willy Pelletier Coordinateur général
Dernière Rénovation Amine Référent Partenariats Dernière Rénovation Fondation Copernic Marie Pierre Vieu et Karl Ghazi
Co-Présidents
Greenpeace France : Jean-François Julliard Directeur Général
Les Amis de la Terre : Khaled Gaiji Président
Oxfam France : Cécile Duflot Directrice générale
Organisations politiques :
Europe Ecologie Les Verts : Marine Tondelier Secrétaire nationale
Génération S : Arash Saedi
Coordinateur National La France Insoumise Mathilde Panot - Députée et Présidente du groupe parlementaire de la France Insoumise
Parti Communiste Français : Fabien Roussel – Secrétaire national
Parti Ouvrier Indépendant Jérôme Legave Député
Parti Socialiste : Olivier Faure – Premier Secrétaire
NPA : Olivier Besancenot - Porte-parole
Cynisme fiscal
L'Humanité Samedi 27 mai 2023
Un militant d'Oxfam se met en scène pour dénoncer les paradis fiscaux.
© Emmanuel Dunand / AFP
C’est l’obsession maladive des plus riches : échapper au prétendu « matraquage fiscal ». C’est aussi le comble du cynisme libéral : faire croire aux autres que baisser leurs impôts améliorera significativement leurs conditions de vie. Ce mantra, Emmanuel Macron ne cesse de le décliner sur tous les tons.
En recherche désespérée de popularité, il a annoncé, le 15 mai, une future baisse de 2 milliards de l’impôt sur le revenu pour les « classes moyennes ». Cette mesure, qui demeure extrêmement floue, n’aidera pas beaucoup le « pouvoir d’achat » des Français. Si le locataire de l’Élysée veut réellement l’améliorer, qu’il s’attaque aux inégalités de patrimoine, à la spéculation, et qu’il pousse à l’augmentation des salaires !
Emmanuel Macron s’enorgueillit d’avoir déjà réduit les impôts, lors de son premier quinquennat, de 50 milliards d’euros (la moitié de cette baisse concerne les entreprises). Depuis sa réélection, il a encore engagé une quinzaine de milliards d’euros de baisses, avec notamment la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Faute de taper au portefeuille des plus fortunés, les recettes de l’État fondent comme neige au soleil, ce qui obère d’autant le financement de la solidarité nationale.
Ce qu’il donnera d’une main par la fiscalité, le président le reprendra au centuple de l’autre, en fragilisant la protection sociale et les services publics, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Autrement dit, à long terme, l’addition, pour toutes les baisses d’impôts consenties, s’avérera beaucoup plus salée pour une grande majorité de Français.
Pourtant, face à l’urgence climatique, à la crise du logement, ou aux enjeux de réindustrialisation, les investissements à engager sont immenses. La fiscalité représente un puissant moyen de financement pour répondre à ces besoins et réduire les inégalités. À condition que l’effort soit justement réparti. Et c’est là que le bât blesse.
Quelques chiffres dressent un bilan implacable des mesures prises lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : le 1 % le plus riche a vu son niveau de vie augmenter de 2,8 %, soit la plus forte proportion sur l’ensemble de la population. En 2021, les impôts des ménages représentaient une contribution équivalente à 23,8 % du PIB, tandis que les impôts payés par les entreprises, 5,9 %. Le capital est moins taxé que le travail.
Dans ces conditions, le consentement à l’impôt est fortement écorné. Summum de démagogie, le gouvernement a lancé, le 25 avril, alors que les Français remplissaient leur déclaration annuelle, une consultation intitulée « En avoir pour mes impôts ».
Un questionnaire biaisé, dont l’exécutif sait d’avance qu’il viendra donner du grain à moudre à ses futures coupes dans les dépenses publiques. En nourrissant le rejet de l’impôt, quand une majorité de Français refusent en réalité l’injustice fiscale, Emmanuel Macron joue là encore un jeu dangereux.
Dans les années cinquante, dénonçant une « Gestapo fiscale » et appelant artisans et commerçants à se rebeller contre l’impôt, Pierre Poujade avait fait élire 52 députés de son mouvement. Parmi eux, un jeune loup de 27 ans, Jean-Marie Le Pen. « La tyrannie fiscale, ça suffit ! » déclare, encore aujourd’hui, sa progéniture, à la tête du Rassemblement national. Si la haine de l’impôt est l’une des marques de fabrique de l’extrême droite, c’est qu’il touche au cœur de la redistribution et à l’universalité des droits.
L’impôt n’est pas le problème, mais la solution. Tout pousse à une révolution d’ampleur. Les propositions existent. Elles sont sérieuses, chiffrées. « Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme, écrivait Karl Marx : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts. »
Le G7
face à la fin de l’hégémonie occidentale
L'Humanité Dimanche 28 mai 2023
Le sommet des 7 pays les plus riches de la planète, qui vient de se tenir sous présidence japonaise, à Hiroshima, est extrêmement instructif sur les évolutions profondes et durables de l’ordre mondial. Il y a quatre ans, au lendemain d’un G7 sous présidence française, à Biarritz, Emmanuel Macron avait brisé un tabou en déclarant devant quelque 200 ambassadeurs de France réunis à Paris : « Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. »
Depuis lors, l’affaiblissement de la Chine dû à la stratégie du « zéro Covid », puis celui de la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine et des lourdes sanctions qui s’ensuivirent pouvaient faire penser que les puissances occidentales avaient recouvré, au moins pour un temps, leur suprématie mondiale d’antan.
Or, si, grâce à la désastreuse initiative de Poutine, « les États-Unis ont repris en main la destinée de l’Europe » (Thierry de Montbrial), les efforts de Washington et de ses alliés pour amadouer le « Sud global » ou le sommer de choisir son camp n’ont pas eu l’effet escompté : le fossé entre l’Occident et le reste du monde n’a fait que s’élargir. On vient d’en avoir confirmation tant au sommet d’Hiroshima que dans d’autres enceintes.
Ainsi, le premier ministre de l’Inde – le plus choyé des huit pays « émergents », invités au G7, en sa qualité de rival de la Chine – a précisé qu’il se rendait au G7 pour « amplifier la voix et les préoccupations du Sud global ».
Quant au président du Brésil, Lula, sa venue au sommet occidental ne l’a pas davantage conduit à dévier de sa stratégie de « non-alignement ». Ces deux exemples sont d’autant plus significatifs qu’ils concernent deux géants du Sud, piliers des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Rappelons que ce groupe de nations – qui, par-delà ce qui les sépare, coopèrent sur leurs points de convergence – se voit collectivement comme un contrepoids à la domination des États occidentaux. Il s’est doté de sa propre banque de développement pour s’affranchir de la tutelle du dollar, du FMI et de la Banque mondiale.
Le siège de la Banque des Brics est en Chine ; son premier directeur général fut indien ; son actuelle dirigeante est l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff. Symbole fort : la contribution des Brics au produit intérieur brut mondial, en parité de pouvoir d’achat, dépasse depuis 2020 celle des États du G7 !
Enfin, pas moins de 19 pays – d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et du Moyen Orient – ont la volonté de rejoindre ce pôle alternatif, tout en préservant leur souveraineté. L’hégémonie occidentale et même l’hégémonie mondiale, en général, sont bien mortes. On assiste, selon la belle formule de Bertrand Badie, à « l’impuissance de la puissance ».
Une réalité difficile à admettre parmi les « élites » occidentales. Nul mieux que Christine Lagarde n’a exprimé cette nostalgie d’un monde « sous la direction hégémonique des États-Unis » : « Dans la période qui a suivi la guerre froide, poursuivit la présidente de la Banque centrale européenne, le monde a bénéficié d’un environnement géopolitique remarquablement favorable » (1).
Cette page est définitivement tournée. L’avenir reste à écrire.
(1) Discours devant l’US Council on Foreign Relations, à New York, en avril 2023.
Justine Triet,
une palme d’or au nom des luttes
Deuxième Française à recevoir la récompense, la réalisatrice d’Anatomie d’une chute a défendu l’exception culturelle et la mobilisation contre la réforme des retraites.
L'Humanité Dimanche 28 mai 2023
La réalisatrice Justine Triet a reçu la prestigieuse palme d'or, le 27 mai, au festival de Cannes.
Christophe Simon/AFP
On ne pouvait rêver mieux.
La française Justine Triet, l’une des sept réalisatrices en compétition, s’est vue remettre la palme d’or par la sublime Jane Fonda, égérie de la gauche américaine et militante historique de la cause des femmes. « Il reste du chemin à parcourir mais il faut célébrer le changement quand il se produit », a martelé l’actrice, rappelant que lors de son premier festival de Cannes, en 1963, aucune femme n’était en compétition.
Recevant le trophée, la cinéaste qui arborait pour la montée des marches, le badge du Collectif des précaires des festivals de cinéma, s’est saisie de la tribune qui lui était offerte pour prononcer un discours politique fort et courageux. « Je ne peux me contenter d’évoquer la joie que je ressens.
Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime, de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante et ce schéma de pouvoir dominateur, de plus en plus décomplexé, éclate dans plusieurs domaines », a-t-elle rappelé, sous les applaudissements d’une partie du public.
Dédiant son prix aux jeunes réalisatrices et réalisateurs qui peinent à tourner leurs films, elle a défendu l’exception culturelle française dont elle est le produit et qui est aujourd’hui en danger : « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française ».
L’audace de la jeune génération récompensée
C’est la quatrième fois que Justine Triet est présente à Cannes, avec la Bataille de Solferino (ACID, 2013) Victoria (Semaine de la critique), Sybil (Compétition) et enfin Anatomie d’une chute. Co-écrit avec l’acteur et réalisateur Arthur Harari, le film met en scène le procès d’une romancière (Sandra Hüller, époustouflante), accusée du meurtre de son mari.
Dans la lignée de ses précédents longs métrages, Justine Triet signe un magnifique portrait de femme mise en cause parce qu’étrangère, romancière à succès, épouse et mère jugée défaillante par la société. Par ce geste fort, le jury, présidé par le Suédois Ruben Ostlund, choisit de récompenser la jeune génération et l’audace, dans une sélection qui a parfois donné le sentiment d’en manquer.
On peut aussi voir dans le prix d’interprétation féminine remis à l’actrice turque Merve Dizdar pour les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, une façon de saluer le combat des femmes à la veille du 2e tour des élections présidentielles en Turquie.
Assez bon reflet des films qui ont fait vibrer la Croisette pendant deux semaines, le reste du palmarès est assez équilibré : prix d’interprétation masculine pour le formidable acteur japonais Koji Yakusho pour le très beau Perfect Days de Wim Wenders (notre palme de cœur), portrait subtil d’un homme mutique et vieillissant qui nettoie les toilettes publiques de Tokyo.
C’est un autre japonais, Sakamoto Yuji, qui rafle le prix du scénario pour Monster, d’Hirokazu Kore-eda, habitué de Cannes. Le Grand prix va à l’implacable la Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, qui filme hors-champ la barbarie nazie en suivant les derniers mois de Rudolf Höss, commandant des camps d’Auschwitz-Birkenau. Enfin le prix du jury revient au finlandais Aki Kaurismaki pour les Feuilles mortes, fable épurée sur la romance de deux prolétaires aux prises avec le chômage et la faim. Du grand art, ramené à l’essentiel.
Outsider de la compétition en raison d’un sujet un peu plan-plan, le franco-vietnamien Tranh Anh Hung repart avec le prix de la mise en scène pour la Passion de Dodin-Bouffant, l’histoire d’amour épicurienne entre un célèbre gastronome français et sa cuisinière. On regrettera bien sûr l’absence de Ken Loach qui a ému aux larmes avec The old oak, grande œuvre sociale et humaniste sur la rencontre de réfugiés syriens et des habitants paupérisés d’une petite ville minière du nord de l’Angleterre.
Commencé par une bonne grosse polémique dont Cannes a le secret (la présence sur le tapis rouge de Johnny Depp, accusé de violences par son ex-femme), le festival s’achève donc par un palmarès plutôt satisfaisant, en prise avec le monde. Et ce malgré une sélection assez fragile voire ronronnante qui faisait la part belle aux valeurs sûres et aux anciens lauréats de la palme d’or (Loach, Moretti, Ceylan, Kore-eda, Wenders) plutôt qu’à la découverte.
Dans cette compétition prudente, deux films dérangeants, qui ont en commun une proximité avec les arts visuels, ont créé la surprise : la Zone d’intérêt et le très gonflé Club Zéro de Jessica Hausner, critique cruelle et glacée d’une jeunesse anorexique, embrigadée par une gourou au visage d’ange. On notera aussi la présence du documentaire avec le puissant Jeunesse (le printemps), portrait de jeunes ouvriers et ouvrières du textile.
Portes ouvertes à de nouvelles voix
Comme souvent, les œuvres les plus audacieuses, formellement et dans les sujets abordés, ont été présentées dans des sections parallèles – Un certain regard, la Quinzaine des cinéastes, l’ACID- qui ont ouvert grand les portes aux nouvelles voix venues de Mongolie (If only I could hibernate), de Singapour (The Breaking Ice), du Soudan (Goodbye Julia) ou du Québec (Simple comme Sylvain de Monia Chokri).
Côté français, le Règne animal de Thomas Cailley, dystopie écologique sur la frontière entre humains et non-humains, aurait largement mérité d’être en compétition. De même que le Procès Goldman, austère huis clos dans un tribunal, servi par la mise en scène à l’os de Cédric Kahn et le jeu bluffant d’Arieh Worthalter.
Il faudrait aussi parler des bonnes surprises, toutes sélections confondues, venues du Pakistan ( In Flames), du Chili ( les Colons), d’Espagne ( Fermer les yeux de Victor Erice) ou du Vietnam, récompensé par la Caméra d’or ( L’Arbre aux papillons d’or), des États-Unis ( The Sweat East et How to have sex, prix un certain regard), et de la présence en force des cinémas d’Afrique (voir notre dossier du jeudi 25 mai) avec le Maroc (les Meutes et la Mère de tous les mensonges) ou la Guinée Bissau ( Nome).
Comme l’a rappelé Justine Triet, un combat reste à mener, celui de l’exception culturelle. Il passe par le refus de la marchandisation et le maintien d’un financement pérenne du cinéma, cet art des prototypes dont Cannes a pu accueillir certaines des plus enthousiasmantes réalisations.
Odette Nilès,
vaillante parmi les vaillantes, est décédée
JulienJaulin/hanslucas
Elle était la mémoire de Châteaubriant. Grande figure de la Résistance et communiste, Odette Nilès, dont le nom fut à jamais associé à celui du fusillé Guy Môquet, est morte dans la nuit du vendredi 26 au 27 mai. Elle avait cent ans, un siècle de combats chevillés au corps et "une mémoire non pas recroquevillée sur le passé, mais porteuse des valeurs pour la citoyenneté d’aujourd’hui, génératrice d’espérances d’un autre monde pour l’avenir", nous confiait-elle.
L'Humanité Samedi 27 mai 2023
La résistante communiste Odette Nilès était officier de la Légion d’honneur. Jusqu'à son dernier souffle, elle a eu à cœur de transmettre l'histoire aux jeunes générations.
Figure de la résistance française au nazisme, Odette Nilès est partie rejoindre ses camarades de lutte.
Elle s’est éteinte à l’âge de 100 ans dans la nuit du 26 au 27 mai. Elle avait cent ans et une vie chargée de combats. Vaillante parmi les vaillants, elle incarnait cette jeunesse courageuse qui dès 1940 décide de s’engager contre l’Occupation allemande. À 17 ans, à peine, en août 1941, la militante communiste est arrêtée par les brigades spéciales avec 16 de ses camarades, tous âgés de moins de 20 ans. La plupart sont envoyés en prison en Allemagne. Trois sont exécutés.
Odette, pour sa part, est incarcérée à la Petite Roquette puis, en septembre 1941, internée avec 48 autres femmes au camp de Choisel, à Châteaubriant. « Là, ce sera le temps de la débrouillardise, de la camaraderie, de la révolte plus ou moins silencieuse, rappelait l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, à l’occasion de son centenaire en décembre 2022. Mais aussi celui d’une courte mais éternelle idylle avec le vaillant Guy Môquet. Le temps des otages, des exécutions, malheureusement. Elle va en voir tellement, des amis, partir pour le peloton ! »
Odette passe trois ans dans les camps de Châteaubriant, Aincourt, Gaillon, la Lande de Mons et Mérignac, dont elle s’évade pour rejoindre les maquis de la région bordelaise et participer activement aux combats de la Libération. En Charente, elle devient responsable des Forces unies de la jeunesse et rencontre le commandant FFI Maurice Nilès, qu’elle ne quittera plus. Elle participe avec celui qui est devenu son époux à la reconstruction d’une France ravagée par la guerre, l’Occupation et la collaboration. À 94 ans, Odette devient officier de la Légion d’honneur et demeure, six ans plus tard, l’une des dernières femmes à pouvoir témoigner vivante de son engagement dans la Résistance.
Présidente de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.
Elle a eu à cœur de transmettre aux jeunes générations, notamment dans les établissements scolaires, la mémoire de ses camarades tombés pour que plus jamais ne se répète l’horreur nazie. "Une mémoire non pas recroquevillée sur le passé, mais porteuse des valeurs indispensables pour la citoyenneté d’aujourd’hui, génératrice d’espérances d’un autre monde pour l’avenir", nous confiait-elle.
« En cette Journée Nationale de la Résistance, Odette Nilès a décidé de rejoindre ses camarades de combats. Sa vie a été remplie de rencontres, d’amitiés, d’amour et toujours d’engagement pour son idéal, pour un monde meilleur et plus juste. Son plus beau combat est aujourd’hui en ce 27 mai national pour des « jours heureux ». La famille pleure une maman, une mamie, une arrière mamie mais nous savons qu’elle est partie rejoindre ses 2 amours Guy Moquet et surtout Maurice Nilès », a informé sa petite-fille, Carine Picard-Nilès, ce 27 mai au matin.
Reconnaissance et hommages
Sa famille politique a été la première à réagir à l'annonce de son décès. « Nous perdons une amie et une camarade que nous chérissions. La France perd une grande figure de la Résistance. Odette Nilès s’en est allée cette nuit, en ce jour anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance (...).
Notre peine est immense. Odette fut internée au camp de Châteaubriant. Toute sa vie, elle n’a eu de cesse de transmettre aux enfants son histoire, notre histoire, et les valeurs de ces femmes et hommes à qui nous devons aujourd’hui notre liberté en tant Nation. La famille communiste lui rendra l’hommage à la hauteur de son engagement », a déclaré le député du Nord et secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.
L'adjoint au maire de Paris et porte-parole du PCF, Ian Brossat, qui avait conduit la liste de sa formation aux dernières élections européennes dans laquelle Odette Nilès était candidate, a fait part de son infinie tristesse. " Une grande dame que j'ai eu plaisir à rencontrer et qui me racontait le plaisir qu'elle avait à transmettre cette mémoire héroïque aux jeunes générations", a-t-il rappelé. La sénatrice et présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste a salué la mémoire d'une " résistante, fidèle jusqu’au bout de sa vie à ses idéaux de justice, de liberté et d’égalité ".
"Militante communiste, résistante, internée, la vie d’Odette Nilès a été une vie d’engagements au service de la fraternité et de la solidarité et pour ne pas oublier, les 27 de Châteaubriant, amicale dont elle était la présidente d’honneur. Une pensée à sa famille et à Carine qui a pris le relais à l’amicale", a réagi le sénateur et directeur de l'Humanité, Fabien Gay.