Écologie :
La responsabilité syndicale est engagée
La réserve de Scandola, en Corse, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco.
© PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP
L’Humanité
Par Maryse Dumas, syndicaliste
S’il y a une leçon, hélas prévisible, à tirer de la COP28, c’est bien la démonstration de la domination du monde par les stricts intérêts capitalistes. Pas question pour eux de sacrifier le moindre de leur profit immédiat au nom d’une vision de moyen ou long terme de l’intérêt de l’humanité.
C’est une réalité à ne pas oublier lorsqu’on aborde le lien entre préoccupations sociales et environnementales dans le monde du travail. La finalité et l’organisation du travail dans les entreprises sont décidées par ceux qui en détiennent la propriété. Les syndicats, les salariés n’ont de pouvoir que celui que leur donnent leurs luttes et les rapports de force qui en résultent. Ils et elles ne sont pas les décideurs.
Cette problématique a fait l’objet fin novembre d’un passionnant colloque organisé par l’Institut CGT d’histoire sociale et plusieurs laboratoires de recherches universitaires, sous le titre « Syndicalisme et environnement ».
Le mot environnement n’étant apparu que dans la deuxième moitié du XXe siècle, il convient d’examiner le contenu et la portée de l’action syndicale avec les mots correspondants aux périodes considérées. On s’aperçoit alors que c’est principalement par la préoccupation de la santé au travail, de l’hygiène et des conditions de travail que l’action syndicale a le plus souvent pris une dimension écologique, plus ou moins conscientisée.
Les syndicats ont conduit des luttes, souvent de très longue haleine, pour contraindre les industriels à modifier leurs systèmes de production, les rendre plus sûrs, moins dangereux, d’abord pour les salariés, et aussi souvent pour les populations.
Les luttes contre l’utilisation de l’amiante, du plomb, du phosphore et de nombre d’autres substances nocives auront mis des années avant de percer les murs du silence et de l’indifférence pour finir par contraindre les pouvoirs publics et les industriels à admettre de nouvelles normes plus respectueuses des vies humaines et de la nature.
Les syndicats ont eu aussi à faire preuve de pédagogie, de persévérance, pour sensibiliser leurs propres mandants à des questions décisives d’abord pour eux-mêmes, leur propre santé, leur espérance de vie. En obtenant de faire payer plus cher les patrons pour des travaux dangereux, ils les ont poussés à chercher des économies dans l’amélioration des systèmes de sécurité et de protection de la santé.
Quoi qu’il en soit, les choix industriels restent la chasse gardée des propriétaires du capital, tout comme l’organisation du travail. La leur disputer est un enjeu de luttes de haut niveau, qui suppose une capacité syndicale à voir loin tout en enracinant l’activité sur les préoccupations immédiates, afin d’intéresser et mobiliser le plus grand nombre. C’est là que le sujet de l’écologie doit se déployer, dans l’élaboration, avec les salariés, sur le lieu de travail, des revendications et des propositions syndicales.
Toute démarche plaquée de l’extérieur, ou portée seulement par les militants les plus politisés, est vouée à l’échec. De même, toute action syndicale qui ne s’élargirait pas à ce qui se passe hors de l’entreprise et ne confronterait pas le « vécu du dedans » avec le « vu du dehors » finirait dans une impasse. C’est de convergences et de mises en commun des informations et des compétences qu’il y a besoin. Le syndicalisme est au croisement de tous ces enjeux. Il a des responsabilités à la fois majeures et irremplaçables.