Glissement de terrain idéologique à l’UMP
Politique - le 30 Novembre 2010
La droite populaire
En exaltant le «travail» et la «patrie», l’UMP a préparé le terrain. À l’image de ces 65 députés qui exhortent le gouvernement à «ne pas oublier la famille !», elle compte dans ses rangs des partisans du rapprochement avec l’extrême droite.
Sous couvert de «retour aux fondamentaux», le discours de l’UMP a comme des relents de pétainisme. Jeudi 25 novembre, 65 députés de la majorité ont publié dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles un manifeste exhortant le gouvernement à «ne pas oublier» que « la famille est indispensable à la cohésion sociale ». Lancé par les députés UMP des Côtes-d’Armor, Marc Le Fur, et de la Drôme, Hervé Mariton, cet appel, déjà repris sur les sites Internet d’extrême droite, pro-vie et des catholiques traditionalistes, est cosigné par 19 membres du collectif de la Droite populaire, qui constitue la colonne vertébrale de la nouvelle droite réactionnaire.
En mars dernier, au sortir du débat sur l’identité nationale – et après la claque des élections régionales –, 14 députés de la majorité signaient un texte dérangeant, soulignant « l’identité » du peuple français, son histoire et ses « traditions populaires » : « Nous sommes culturellement des Gaulois et nous en sommes fiers. » Cet été, ils étaient 35 pour éditer une charte sur « les valeurs qui font la France », qui sonne comme un tract à la flamme tricolore. Même utilisation que le Front national « en la nation ». Même « attachement au patriotisme », à « une Europe forte fondée sur les peuples ». Même sentiment d’appartenance à la « communauté nationale », même « soutien aux forces de l’ordre ». « Dans les pays anglo-saxons, on appelle ça “law and order” », note Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinions de l’Ifop. Exception faite des questions économiques, on observe une grande proximité entre les déclarations d’intention de cette droite dure et l’extrême droite.
À la veille du discours de Grenoble du chef de l’État sur la sécurité, le 30 juillet dernier, ces députés UMP, tenants d’une droite « populaire, autoritaire et bonapartiste », selon Jérôme Fourquet, voulaient « revenir aux fondamentaux, aux propositions de campagne de Nicolas Sarkozy ». « Notre électorat est toujours en attente » en matière « d’immigration, de sécurité et de patriotisme », thèmes qui « avaient contribué au succès de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 », expliquait le député UMP du Vaucluse, Thierry Mariani. Devenu ministre depuis, le cofondateur avec 12 autres députés (dont Lionnel Luca et Christian Vanneste) de la Droite populaire justifiait ainsi la création de cet « aiguillon » du gouvernement. Pas étonnant que le seul ministre d’ouverture qui trouve grâce à leurs yeux soit un transfuge du PS, Éric Besson, qui « a fait le boulot qu’on lui demandait ».
Nicolas Sarkozy a entendu cette frange dure, également représentée par la Droite libre, créée par son ex-conseiller Rachid Kaci, proche de Charles Pasqua. Valeurs actuelles soulignait en octobre que le chef de l’État « ne faisait que prendre en compte une évolution, voire une exaspération nette » de son électorat. À Grenoble, il a repris les thèmes qui l’ont porté à la présidence (exception faite du pouvoir d’achat, porté disparu – NDLR), et quelques-unes des idées émises par son aile droite, qui s’inspire ouvertement du programme du Front national. Par exemple, la déchéance de nationalité pour les auteurs de violences envers les policiers ou la présence de jurés au tribunal correctionnel. Sarkozy « superflic » promettait également une « guerre nationale » contre la délinquance, avec des mots très durs. « C’est sa crédibilité qui est mise en question parce que, sur ce sujet-là, contrairement à d’autres, il n’est pas seulement comptable depuis 2007, mais depuis 2002 », expliquait Jérôme Fourquet en août, sur le site Internet de Marianne. Nicolas Sarkozy s’est donc calé sur la ligne macho-réac du député Luca : « Je ne crois pas que l’émasculation soit dans la logique de l’homme politique. »
La « mission » de ces chantres du rapprochement des droites n’est pas un acte isolé. Le secrétaire national UMP chargé des fédérations, Édouard Courtial, racontait à l’Express que de nombreux militants lui demandaient : « Quand allez-vous travailler avec Marine (Le Pen) ? » Un sondage Ifop, paru dans le Nouvel Observateur fin octobre, prouve que l’idée d’un front des droites élargi gagne dans la majorité. Les sympathisants seraient 32 % à souhaiter que l’UMP et le Front national passent des accords lors des élections locales. « L’alliance avec ce qui est à notre droite est tout à fait possible », selon Christian Vanneste, député UMP du Nord, interrogé sur Radio Courtoisie. Dans l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, il a répété : « Pas d’ennemis à droite ! » Même attente pour Xavier Lemoine, député du Val-d’Oise, pour qui l’union UMP-FN est « nécessaire et indispensable ». Après tout, Marine Le Pen « dit ce que disait le RPR il y a quinze ans », soulignait Thierry Mariani dans l’Express, en juillet dernier.
Est-ce la fin du « cordon sanitaire » que Jacques Chirac avait théorisé, même s’il n’a pas toujours été respecté ? « Personne ne touchera à la règle de non-alliance tant que Jacques Chirac sera vivant », avouait cyniquement Jean-Claude Gaudin, maire UMP de Marseille, dans le Point. Mais la droite n’aura peut-être pas à attendre l’avis de décès de l’ex-président de la République. « La meilleure façon de réduire l’influence du Front est encore de ne pas lui laisser d’espace en reprenant à son compte les thèmes qu’il défend », explique Jérôme Fourquet. Si, pour le moment, une alliance est « prématurée » pour 2012, comme semble le regretter Christian Vanneste, les passerelles sont jetées.