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Nous sommes invités à ménager notre langage – autrement dit à fermer nos gueules –, et nous devrions, en plus, nous agenouiller devant la perspective d’une union nationale…
Au moins une chose est sûre: le pouvoir des mots reste l’une des forces d’attraction de la politique. Passons sur l’ego-histoire, allons à l’essentiel. Depuis deux jours, le petit-monde politico-médiacratique s’indigne de la nature des débats internes au Parti socialiste concernant les logiques austéritaires en général et de l’Allemagne en particulier. En cause: l’utilisation de certains mots, jugés trop crus par la classe dominante. Ces messieurs de la haute supportent mal qu’on puisse envisager une «confrontation» directe avec le pays d’Angela Merkel pour combattre l’austérité en Europe, comme vient de l’exprimer Claude Bartolone, et comme le propose un projet de résolution du PS. Quelques poids lourds du gouvernement sont ainsi sortis du bois pour délivrer la bonne-parole élyséenne et tenter d’apaiser, paraît-il, le courroux de la chancelière.
Dans la langue de Goethe, Jean-Marc Ayrault a ouvert le bal, soulignant que l’amitié franco-allemande
était «indispensable». Hier, Michel Sapin et Manuel Valls ont poursuivi la valse au pas cadencé. Pour le premier, l’expression «confrontation» est un «contre-sens». Pour le second, c’est «irresponsable», «démagogique» et «nocif». Bref, nous pouvons parler de fraternité (et heureusement) mais surtout pas des perspectives sociales! Circulez, plus rien à dire! Le 17 avril, Angela Merkel félicitait
le premier ministre français d’avoir déclaré qu’il
n’y avait «pas d’alternative à (notre) politique» et souhaitait à la France le «succès» pour réduire ses déficits. Et il faudrait applaudir? À ce propos: vous avez voté Hollande ou Merkel au second tour de la présidentielle? L’hypocrisie a assez duré. La question ne concerne évidemment pas l’amitié avec nos voisins – le mythe du modèle allemand ne résiste d’ailleurs pas à l’examen critique –, mais du rapport de forces, donc du devenir des citoyens de tout un continent enrôlés de force dans des politiques d’austérité qui conduisent à la catastrophe et pour lesquelles l’Allemagne
a joué un rôle primordial. Le débat traverse désormais le PS ? Réjouissons-nous ! Mais sans naïveté. Il est en effet facile de critiquer Merkel, tout en appliquant les mêmes recettes…
La "une" du JDD, 28 avril 2013. |
Et pendant ce temps-là? Non seulement nous sommes invités à ménager notre langage – autrement dit à fermer nos gueules – mais nous devrions, en plus, nous agenouiller devant la perspective d’une union nationale… Selon un sondage, les Français seraient «pour» à 78%. Mais ne cherchez pas l’erreur. Hier, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy,
a «félicité chaleureusement» Enrico Letta, qui venait
de prêter serment à la tête du nouveau gouvernement italien de coalition, dont le grand vainqueur n’est autre que le parti de Berlusconi. Voilà à quoi rêvent les libéraux : une union nationale avec François Bayrou à Matignon. Un hold-up démocratique assumé jusqu’au bout ; un vote de gauche avec des solutions de droite. Tant qu’on y est, supprimons les partis politiques, la gauche et la droite, remplaçons tout cela par des «techniciens» de la finance, qui – on leur accordera au moins cette qualité – savent piloter le train-fou de l’économie libéralo-globalisée…
Franchement, il est plus que temps de dire stop au chômage de masse, à l’atomisation sociale
et à l’impuissance caractérisée – donc coupable. Le 1er mai comme le 5 mai seront deux moments citoyens pour l’exprimer. Avec des mots: «Changeons de politique!» Mais aussi par des actes: «Changeons de pied!» Vite.