Quel avenir pour la commune et le maire en France ?
Quel avenir pour la commune
et le maire en France ?
Après plusieurs réformes territoriales successives, les motifs d’inquiétude sont nombreux pour les municipalités. Le Sénat a créé une mission sur cet enjeu qui doit achever ses travaux à l’été 2023.
L'Humanité Mardi 13 juin 2023
Le premier espace d’expression de la démocratie et du service public est confronté à une double confrontation due à l’État et à la métropolisation.
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JACQUELINE BELHOMME
Maire PCF de Malakoff (Hauts-de-Seine)
La commune est une réalité quotidienne vécue par tou·te·s nos concitoyen·ne·s, de façon plus concrète que d’autres échelons politiques ou administratifs. C’est le premier espace d’exercice et d’expression de la démocratie, le premier chaînon du service public de proximité.
La commune est l’espace naturel d’expérimentation de nouvelles pratiques politiques : budgets participatifs, conseils de quartiers, concertation et coconstruction de politiques publiques. C’est là que s’expriment les besoins, les demandes et les revendications, et là que s’imaginent les réponses que leur apportent les élu·e·s. Pour autant, les maires doivent affronter une double contradiction.
Il existe d’abord une contradiction dans le rapport qu’entretient l’État avec les communes. Ces dernières subissent en effet une désertion des services publics. De plus en plus, l’État abandonne ses missions et laisse les communes gérer l’urgence et, peu à peu, se substituer à lui.
Dans le même temps, les communes doivent composer avec un assèchement de leur financement et la baisse continue de la dotation forfaitaire. C’est ainsi qu’en montant cumulé depuis 2010, Malakoff a perdu presque 20 millions d’euros ! C’est autant de moyens en moins pour la satisfaction des besoins des habitant·e·s, ou pour faire vivre la mixité sociale.
Enfin, l’État développe depuis quelques années une forme de mise sous tutelle déguisée, qui se retrouve, par exemple, dans les atteintes répétées contre la libre administration des communes (temps de travail des agents communaux) ou dans la multiplication des financements par appels à projet sur des thématiques imposées, dont les communes ne connaissent ni les critères, ni les modes d’attribution.
Les maires sont, ainsi, les gestionnaires désabusé·e·s d’une injonction contradictoire : gérer les contraintes de l’État et dégager de nouvelles marges de manœuvre pour dynamiser leurs communes. Rappelons que, à cet égard, 70 % de l’investissement public repose sur les communes. La seconde contradiction est démocratique : elle est posée par l’évolution législative du rôle des collectivités, qui s’exprime en particulier dans la loi NOTRe de 2015.
La métropolisation et la création des établissements publics territoriaux (regroupement de communes dans la métropole) ont profondément modifié le paysage. Les communes sont contraintes de déléguer des compétences à ces nouvelles instances.
De plus, la suppression de la taxe d’habitation prive les communes d’une ressource dynamique, affadit le lien entre fiscalité et services publics locaux et provoque une perte de sens dans le lien entre les habitant·e·s et leur territoire. Dans le même temps, les maires continuent d’affronter, sur le terrain, les conséquences de politiques publiques sur lesquelles leur capacité d’intervention se réduit.
Le maire demeure pourtant, pour ses administré·e·s, le premier et le dernier recours. L’avenir des communes ne peut s’écrire que dans une nouvelle définition de ses rapports avec l’État, qui donne aux premières les capacités réelles d’action sur le quotidien en s’appuyant sur sa proximité et sa capacité d’innovation démocratique. Les communes veulent être maîtresses de leur destin et avoir les moyens d’agir dans l’intérêt commun.