Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
Mort de Robert Boulin : comment un petit bout de papier a mené à son tueur
Près de 45 ans après la disparition de l’ancienne grande figure du gaullisme, un témoignage, tardif mais de première main, désigne directement les réseaux barbouzards autour de Charles Pasqua. À partir d’un bout de papier, conservé pendant des décennies, il a permis d’identifier un « truand haut placé » qui pourrait être impliqué dans l’assassinat maquillé en suicide.
Lettres d’adieu plus que douteuses, traces de coups sur le visage, incongruités multiples dans l’autopsie, sabotage de la première enquête, etc… Quarante-cinq ans plus tard, un témoignage tardif, révélé début septembre par Sud-Ouest et France Inter, mais recueilli en toute discrétion par les enquêteurs en juin 2023, remet une pelletée sur la thèse d’une mort par noyade sous l’effet de barbituriques, et réoriente les projecteurs vers les barbouzes du Service d’action civique (SAC) commandés par Charles Pasqua.
Une discussion dans un club libertin des Hauts-de-Seine
Bien introduit dans le milieu du banditisme, Elio D. narre une vive discussion, quelque temps après la disparition de Robert Boulin, dans un club libertin des Hauts-de-Seine où vedettes du showbiz, voyous et dirigeants politiques fraient allègrement.
Sous ses yeux et à portée de ses oreilles, Pierre Debizet, le patron du SAC, remonte, en compagnie d’un agent des services secrets, les bretelles à deux truands à qui il reproche d’avoir, raconte le témoin, « trop forcé la main » sur le ministre de droite, alors en position de barrer la route à Jacques Chirac.
Sur le moment, du coup, il relève la plaque d’immatriculation d’une des voitures qu’emprunte l’un des deux hommes de main. Et conserve ce bout de papier depuis lors. Avec cette information, les enquêteurs ont pu, révèle Mediapart dans la foulée, remonter à l’identité d’un « truand haut placé » qui pourrait donc être l’un des responsables de la mort de Robert Boulin : Henry Geliot, décédé en 1986.
Après avoir été interrogée par les gendarmes, sa veuve aurait confié à une responsable de sa maison de retraite qu’à l’époque de la mort de Boulin, son mari lui avait dit que moins elle en savait et mieux elle se porterait, car si son implication devait être connue, elle pourrait en être responsable…
Fabienne Boulin salue une avancée décisive
Engagée dans une longue, très longue, bataille, « plus pour faire éclater la vérité que pour envoyer les coupables derrière les barreaux », glisse-t-elle à l’Humanité, Fabienne Boulin, fille de l’ancien ministre gaulliste, salue cette avancée considérable, alors que l’information judiciaire s’orientait, avant ce témoignage décisif, vers un non-lieu.
« C’est la première fois qu’il y a une véritable enquête autour d’un témoignage précis lié à la mort de Robert Boulin, souligne-t-elle. Un homme a décidé qu’il était temps de soulager sa conscience. Et il y a enfin des vérifications, on établit des faits, on identifie des complices et des commanditaires… C’est très important. Nous avons subi tant de mensonges et de pressions depuis l’assassinat de mon père. Maintenant, il faudrait que l’enquête soit élargie et qu’on entende tous les témoins qui attendent depuis des décennies. »
Les partisan·es d'Éric Zemmour se réunissent ce jeudi à Gréoux-les-Bains, dans le Var pour leurs universités d'été. Elles se concluent par un meeting d'Éric Zemmour ce dimanche.
Cette réunion se tient deux jours après la décision de la Cour de Cassation qui a annulé la relaxe de M. Zemmour pour ses propos révisionnistes. Autoriser les meetings d'Eric Zemmour, c'est prendre le risque de violences de la part de groupe d'extrême-droite comme ce fut le cas lors de son meeting de Villepinte en 2021.
Aucun·e républicain·e digne de ce nom ne peut accepter qu'un multirecidiviste de la haine, multicondamné, puisse tenir réunion publique. Les propos racistes et antisémites n'ont pas leur place en République. Il faut les bannir et mettre leurs auteurs hors d'état de nuire.
Je demande au Ministre de l'intérieur de prendre ses responsabilités en faisant annuler ce meeting qui constitue un trouble manifeste à l'ordre républicain.
Par ailleurs, avec Fabien Roussel, nous réitérons la nécessité de rendre inéligible toute personne condamnée pour propos raciste ou antisémite.
Qu'attend le gouvernement pour se saisir de cette proposition ?
Le 7 septembre 2023
Léon Deffontaines, porte parole du PCF et chef de file pour les élections européennes de 2024
C’est l’obsession maladive des plus riches: échapper au prétendu «matraquage fiscal». C’est aussi le comble du cynisme libéral: faire croire aux autres que baisser leurs impôts améliorera significativement leurs conditions de vie. Ce mantra, Emmanuel Macron ne cesse de le décliner sur tous les tons.
En recherche désespérée de popularité, il a annoncé, le 15 mai, une future baisse de 2 milliards de l’impôt sur le revenu pour les «classes moyennes». Cette mesure, qui demeure extrêmement floue, n’aidera pas beaucoup le «pouvoir d’achat» des Français. Si le locataire de l’Élysée veut réellement l’améliorer, qu’il s’attaque aux inégalités de patrimoine, à la spéculation, et qu’il pousse à l’augmentation des salaires!
Emmanuel Macron s’enorgueillit d’avoir déjà réduit les impôts, lors de son premier quinquennat, de 50 milliards d’euros (la moitié de cette baisse concerne les entreprises). Depuis sa réélection, il a encore engagé une quinzaine de milliards d’euros de baisses, avec notamment la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Faute de taper au portefeuille des plus fortunés, les recettes de l’État fondent comme neige au soleil, ce qui obère d’autant le financement de la solidarité nationale.
Ce qu’il donnera d’une main par la fiscalité, le président le reprendra au centuple de l’autre, en fragilisant la protection sociale et les services publics, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Autrement dit, à long terme, l’addition, pour toutes les baisses d’impôts consenties, s’avérera beaucoup plus salée pour une grande majorité de Français.
Pourtant, face à l’urgence climatique, à la crise du logement, ou aux enjeux de réindustrialisation, les investissements à engager sont immenses. La fiscalité représente un puissant moyen de financement pour répondre à ces besoins et réduire les inégalités. À condition que l’effort soit justement réparti. Et c’est là que le bât blesse.
Quelques chiffres dressent un bilan implacable des mesures prises lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron: le1% le plus riche a vu son niveau de vie augmenter de 2,8%, soit la plus forte proportion sur l’ensemble de la population. En 2021, les impôts des ménages représentaient une contribution équivalente à 23,8 % du PIB, tandis que les impôts payés par les entreprises, 5,9 %. Le capital est moins taxé que le travail.
Dans ces conditions, le consentement à l’impôt est fortement écorné. Summum de démagogie, le gouvernement a lancé, le 25 avril, alors que les Français remplissaient leur déclaration annuelle, une consultation intitulée «En avoir pour mes impôts».
Un questionnaire biaisé, dont l’exécutif sait d’avance qu’il viendra donner du grain à moudre à ses futures coupes dans les dépenses publiques. En nourrissant le rejet de l’impôt, quand une majorité de Français refusent en réalité l’injustice fiscale, Emmanuel Macron joue là encore un jeu dangereux.
Dans les années cinquante, dénonçant une «Gestapo fiscale» et appelant artisans et commerçants à se rebeller contre l’impôt, Pierre Poujade avait fait élire 52 députés de son mouvement. Parmi eux, un jeune loup de 27ans, Jean-Marie Le Pen. «La tyrannie fiscale, ça suffit!» déclare, encore aujourd’hui, sa progéniture, à la tête du Rassemblement national. Si la haine de l’impôt est l’une des marques de fabrique de l’extrême droite, c’est qu’il touche au cœur de la redistribution et à l’universalité des droits.
L’impôt n’est pas le problème, mais la solution. Tout pousse à une révolution d’ampleur. Les propositions existent. Elles sont sérieuses, chiffrées. «Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme, écrivait Karl Marx: des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts.»
Alors que le débat se poursuit sur la stratégie de maintien de l’ordre, l’Humanité a choisi de s’intéresser aux suites données aux violences des forces de sécurité. Flou sur les chiffres, sanctions rares, le constat est accablant.
«S’il y a des policiers ou des gendarmes qui ne respectent pas les valeurs et la déontologie, individuellement ils doivent être sanctionnés», assurait encore, mercredi matin sur France Bleu Gironde, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
De fait, la profusion d’images de policiers frappant des manifestants au hasard, insultant ou tirant des projectiles à tout-va durant les manifestations contre la réforme des retraites, pose de nouveau la question des sanctions.
Et, en la matière, l’impunité semble être la règle. Le mouvement des gilets jaunes en est un bon exemple. Pour les 2500 blessés décomptés par Amnesty International, parmi lesquels les 353 touchés à la tête, dont 30 éborgnés, recensés parle journaliste David Dufresnes, 19 fonctionnaires de police ont fait l’objet de poursuites. Et, étape par étape, la grande lessiveuse a fait son travail.
295 affaires classées sans suite
L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a mené 456 enquêtes, selon son rapport annuel 2020. Sur ce total, 295 affaires ont été classées sans suite par la justice, dans 60 % des cas parce que l’usage de la violence a été jugé légitime, et dans 30 % des cas faute de pouvoir identifier les auteurs de ces violences. Même dans les 19 cas retenus, le temps de la justice se révèle interminable, avec des résultats pour le moins incertains.
Le cas de Zineb Redouane est emblématique. Plus de quatre ans après le décès, le 2 décembre 2018, à Marseille, de cette octogénaire à la suite d’un tir de grenade dans son appartement, l’enquête est toujours au point mort et aucune poursuite n’a été engagée. «Il n’y a pas de suivi, peu d’information, mais ce qui domine, c’est le très faible nombre de sanctions»,résume Anne-Sophie Simpere, coautrice de Comment l’État s’attaque à nos libertés (Plon, 2022).
Les syndicats de policiers disent pourtant que leur profession est la plus sanctionnée chez les fonctionnaires. Un argument avancé aussi par Gérald Darmanin. L’affirmation a du vrai. En 2021, le ministère de l’Intérieur a totalisé à lui seul 67 % des sanctions prises à l’encontre d’agents de la fonction publique.
«Un deux poids, deux mesures»
Mais de quoi parle-t-on? En 2021, sur l’ensemble des sanctions prises par la hiérarchie, près de 80% sont des blâmes ou des avertissements. À l’autre bout du spectre, les exclusions, elles, sont très rares. Quatre au total en 2021, et pour des motifs internes: manquement au devoir d’exemplarité et de loyauté, selon les chiffres officiels.«Dans la plupart des cas, la sanction consiste simplement à dire: “C’est pas bien de faire ça”»,souligne Sebastian Roché, auteur de la Nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police (Grasset, 2022). «Par ailleurs, les sanctions pour violences faites aux personnes sont très marginales.»
En 2021, on compte 19 sanctions administratives prises pour «usage disproportionné de la force ou de la contrainte», dont 10 ne sont que des blâmes ou des avertissements. En comparaison, plusieurs centaines de sanctions sont tombées pour manque d’exemplarité ou de loyauté. Dans une enquête publiée en 2021, Libération notait déjà que «77 policiers en tout et pour tout ont été exclus pour des faits de violence entre 2009 et 2018. Ils étaient 13 àêtre exclus en 2011 et seulement 4 en 2018».En 2021, aucun ne l’a été. Cette année, la sanction la plus forte pour violences était une radiation et a concerné 5 personnes.
«L’expérience empirique montre que la hiérarchie est capable d’une certaine dureté face à des infractions internes, mais que le devoir d’exemplarité s’efface quand il s’agit de faits de violence. Il y a vraiment un deux poids, deux mesures», résume Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris.
«L’IGPNn’est pas toujours saisie»
Au-delà de ces chiffres de sanctions données en interne par la hiérarchie policière, qui représentent 90 % des cas traités, certains événements font l’objet d’une enquête de l’IGPN. L’institution est critiquée en raison de la dépendance de ses membres (majoritairement des policiers) vis-à-vis de la Direction générale de la police nationale.
La nomination à sa tête, en juillet 2022, et pour la première fois, d’une magistrate, Agnès Thibault-Lecuivre, ancienne des cabinets de Gérald Darmanin et de la garde des Sceaux Nicole Belloubet, n’a pas permis de redorer son blason. «On a l’impression que l’IGPN est une blanchisseuse. Mais elle est tout de même crainte des policiers, et les autres modes de traitement sont encore moins transparents», relativise Anne-Sophie Simpere.
D’autre part, si l’IGPN mène des enquêtes, elle ne prend pas les sanctions. Elle peut intervenir en cas de violation de la déontologie ou, pour les infractions pénales, être saisie par un procureur ou un juge. «Mais, en matière administrative, même quand l’IGPN recommande des sanctions, il est rare que la hiérarchie, à qui appartient la décision finale, la suive. On l’a vu par exemple dans l’affaire Zineb Redouane»,souligne Anne-Sophie Simpere. «Par ailleurs, les règles en matière de saisie du service enquêteur ne sont pas claires. L’IGPN n’est pas toujours saisie, sans qu’on comprenne très bien pourquoi», ajoute Vincent Brengarth. Le flou semble être la règle.
Impossible par exemple de mettre les chiffres des sanctions en rapport avec le nombre de plaintes. «En théorie, il y a de multiples portes d’entrée pour porter plainte contre un policier. On peut s’adresser directement au procureur, à l’IGPN, à la Défenseure des droits ou le faire dans un commissariat. Mais comme toutes ces portes sont indépendantes et que les données ne sont pas compilées, il est impossible de savoir combien de plaintes ont été déposées»,explique Sebastian Roché.
À titre d’exemple, rien qu’au niveau de l’IGPN, selon le rapport annuel de l’institution, 4330 signalements (envoyés par des particuliers) ont été jugés recevables en 2021. Sur ce total, 3751 ont été traités en interne et 1474 ont fait l’objet d’une enquête, dont 48 par l’IGPN. Mais quels sont les critères de décision? Quid des résultats de ces procédures? Comment comprendre le peu de sanctions prises au regard de la hausse continue du nombre de signalements? Difficile de le savoir. C’est encore pire s’agissant des sanctions prises au niveau administratif, dont nul ne sait à quels faits elles se rapportent.
Par ailleurs, «compte tenu de la difficultéà porter plainte ou à faire un signalement contre la police, toutes les petites incivilités du quotidien passent sous le tapis et ne sont jamais sanctionnées», relève Anne-Sophie Simpere. C’est le cas notamment des comportements racistes ou discriminatoires, qui n’apparaissent nulle part et ne sont quasiment jamais sanctionnés.
Signe de la difficulté à porter plainte, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a signalé en 2020 une hausse de 10,5 % en un an, et de 208 % depuis 2014, du nombre de citoyens qui s’étaient tournés vers elle pour dénoncer des comportements policiers. Mais, là encore, les nombreuses saisines de cette autorité indépendante sont restées sans effet. Ainsi, dans l’affaire Théo Luhaka, ce jeune grièvement blessé lors d’un contrôle à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2017, Claire Hédon avait demandé, en novembre 2020, des sanctions disciplinaires.
Juges « laxistes » mais peu enclins à condamner les policiers
Peine perdue. En janvier 2021, malgré le renvoi par la justice des deux policiers impliqués devant des assises, le conseil de discipline s’est contenté de demander un simple blâme pour les deux fonctionnaires. «D’une façon générale, la hiérarchie est réticente à prendre des sanctions, parce qu’elle est confrontée à un manque de ressources humaines, et qu’elle ne veut pas se mettre à dos les organisations syndicales»,résume Anne-Sophie Simpere.
Reste le niveau judiciaire, chargé des affaires les plus graves, dans lesquelles l’IGPN enquête en principe sous le contrôle d’un procureur ou d’un juge d’instruction. Dans la police, on est prompt à accuser les juges de laxisme. Les magistrats sont pourtant peu enclins à sanctionner les débordements de policiers avec lesquels ils travaillent et sur la parole desquels ils ont l’habitude de se reposer. «Les policiers sont les auxiliaires du juge. Il y a une réticence qui peut être purement professionnelle à mettre en cause un fonctionnaire d’un corps d’exécutants»,analyse Vincent Brengarth.
S’ajoute la présomption de bonne foi dont bénéficient les policiers, que seule la présence de vidéos permet parfois de déjouer. «Quand il y a des vidéos qui circulent sur des actes qui peuvent sembler disproportionnés, je dis bien qui peuvent sembler, on engage des enquêtes»,avait d’ailleurs affirmé le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, à Libération, le 6 avril dernier. Sous-entendu: pas de vidéo, pas de violences, pas d’enquête. Résultat, les classements sans suite sont fréquents, et les peines de prison quasi inexistantes.
Le temps, un allié précieux de l’impunité
Sur ce sujet, la justice a mille manières de ne pas être rendue. Avant même le jugement, le procureur reste tout-puissant. «C’est un autre trou noir. Le procureur seul décide s’il y a poursuite ou si l’affaire est classée sans suite. Il n’a de comptes à rendre à personne», pointe Sebastian Roché. Un classement d’autant plus aisé à décider qu’«on a vu se développer des justifications bénéficiant aux policiers, comme la légitime défense ou la mise en avant d’un climat dit insurrectionnel, à l’occasion du mouvement des gilets jaunes notamment»,ajoute Vincent Brengarth.
Le temps est aussi un allié précieux de l’impunité. Il peut être utilisé pendant l’enquête quand les policiers tardent à demander des bandes de vidéosurveillance, légalement effacées au bout de quelques jours. Le temps de l’instruction, interminable, peut aussi permettre au verdict de passer presque inaperçu, des années après, une fois l’émotion retombée.
Qui a vu, en 2015, la relaxe des deux policiers poursuivis pour la mort de Zyed et Bouna, qui avait embrasé le pays dix ans plus tôt? Et comment comprendre que l’information judiciaire sur l’affaire Cédric Chouviat, ce livreur mort étouffé pendant un contrôle, soit toujours en cours, plus de trois ans après les faits? Derrière les subterfuges techniques et administratifs, se cache une question politique.
Comme le résume Pierre Tartakowsky, vice-président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), «le problème n’est pas tant qu’il n’y ait pas de sanctions, mais qu’il n’y en a pas parce qu’on ne veut pas modifier les modalités d’exercice de l’autorité publique. On ne sanctionne pas parce qu’on est très content de ce qui est fait». Dans un climat politique tendu, les dirigeants savent qu’ils ont besoin des policiers. «La permissivité,estime Vincent Brengarth, est la conséquence de leur caractère indispensable.»
La sénatrice communiste avait déjà été mise à l’honneur début janvier par la chaîne parlementaire Public Sénat, qui l’avait saluée pour son action en tant que rapporteure de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques.
Samedi, Éliane Assassi a reçu – avec Arnaud Bazin (LR), président de la commission d’enquête – le prix éthique de l’association Anticor pour ce même travail sur le recours systématique à ces cabinets privés. Les travaux codirigés par la parlementaire ont déjà contraint l’exécutif à produire un décret réduisant de 15 % cette pratique des administrations publiques.
Ils ne sont pas non plus sans lien avec l’ouverture, par le parquet, de l’enquête préliminaire visant McKinsey pour «blanchiment aggravé de fraude fiscale».
Cinq coups de feu au matin du 29 mars 1988 à Paris ont mis fin à la mission de Dulcie September, représentante de l’ANC, le mouvement de libération de Nelson Mandela.
L’émotion fut à la hauteur de l’ignominie du crime, des milliers de Parisiens se rassemblèrent devant le cimetière du Père Lachaise pour dire adieu à celle qui leur avait tant appris sur le système d’apartheid, ce crime contre l’humanité.
Une juge d’instruction fut chargée de l’enquête, mais celle-ci fut close dès le mois de juillet 1992 par un non-lieu. Une enquête qui avait suivi la piste la plus simple : des mercenaires français payés par le régime d’apartheid.
Christian Rouget avait un alibi et Jean-Paul Guerrier n’a jamais été entendu, ces deux noms cités par Eugène de Kock dans le rapport de la commission Vérité et Réconciliation. Cette dernière demandait un complément d’enquête car elle n’avait pas pu statuer sur l’Affaire Dulcie September, faute d’éléments significatifs.
La sœur de Dulcie, Stephanie, anéantie par la mort de sa sœur et effrayée par le climat de violence qui régnait alors en Afrique du Sud, ne fit pas appel de la décision de la justice française. Mais en 2019, ses enfants et son beau-frère, rongés par le silence qui entourait ce crime, décidèrent de saisir la justice française et de porter plainte pour déni de justice et pour crime d’apartheid, crime imprescriptible. Plainte rejetée par le procureur de Paris en 2019, puis à nouveau en 2020.
La famille, soutenue par un collectif d’ami·e·s français et sud-africain, n’a pas baissé les bras, et a saisi le tribunal judiciaire de Paris en engageant la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice et déni de justice continu depuis 34 ans. L’audience publique, la première depuis la mort de Dulcie, devant le Tribunal a eu lieu le 16 novembre 2022 et le jugement a été rendu le 14 décembre 2022.
La famille a été déboutée au motif qu’elle n’avait pas utilisé tous les moyens de recours et que la qualification de crime d’apartheid ne pouvait pas être retenue. Autrement dit, la justice française considère que le meurtre de Dulcie September est un crime de droit commun. Elle écarte d’un revers de manche et sous un jargon juridique le fait qu’il s’agit là d’un crime politique et que Dulcie September est la seule responsable de l’ANC assassinée en dehors de l’Afrique du Sud et du continent africain.
Il est de notoriété publique que la France a violé toutes les sanctions des Nations unies concernant les ventes d’armes et la collaboration nucléaire avec l’Afrique du Sud. De quoi la justice française a-t-elle peur ? De révélations compromettantes pour des responsables politiques en France et en Afrique du Sud ?
Quoi qu’il en soit l’affaire n’est pas close. La famille va faire appel et en novembre 2022, une unité spéciale de la police sud-africaine, les Hawks, a commencé son enquête sur la mort de la militante anti-apartheid. Cette mission répond enfin aux recommandations de la commission Vérité et Réconciliation.
Les responsables de l’Assemblée de Strasbourg cherchent la démarche à suivre après la révélation d’un réseau d’influence en faveur de cet émirat du Moyen-Orient en son sein.
Le 7 décembre, Eva Kaili, la vice-présidente socialiste grecque du Parlement européen, a été inculpée et écrouée dimanche à Bruxelles. Éric Vidal/european parliament/afp
La scène se déroule au Parlement européen le 21 novembre. Après des mois de tergiversation, à Strasbourg, l’Assemblée discute enfin de l’opportunité d’une résolution concernant le sort des travailleurs au Qatar. Eva Kaili prend la parole. Grecque, elle est vice-présidente socialiste du Parlement européen.
«Aujourd’hui, la Coupe du monde au Qatar est la preuve de comment la diplomatie sportive peut réaliser une transformation historique d’un pays avec des réformes qui inspirent le monde arabe, lance-t-elle à la tribune. Je suis la seule à avoir dit que le Qatar est à l’avant-garde des droits des travailleurs, en abolissant la kafala et en introduisant le salaire minimum.»
Ignorant visiblement le recensement de 6500décès sur les chantiers de la Coupe du monde par le quotidien britannique The Guardian, elle dénonce l’hypocrisie des Occidentaux: «Malgré le défi que des compagnies européennes refusent d’appliquer ces lois, (les Qatariens) ont adhéréà une vision par choix et se sont ouverts au monde. Ici, il y en a qui veulent les discriminer, ils les maltraitent et accusent de corruption tous ceux qui s’engagent avec eux.» Vendredi soir, le domicile bruxellois de celle-ci a été perquisitionné. Les enquêteurs y auraient trouvé des liasses de billets de banque, selon le journal belgel’Écho.
Elle n’est pas la seule tombée dans le coup de filet de la police belge. Pier Antonio Panzeri, ex-député européen du Parti démocrate italien, qui siégeait dans le groupe socialiste de 2004 à 2019 et a présidé la commission des Relations avec le Maghreb, a été entendu, tout comme Francesco Giorgi, son ex-assistant parlementaire et compagnon d’Eva Kaili.
Par ailleurs, l’ex-secrétaire de la Confédération européenne des syndicats, nouvellement élu secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, l’Italien Luca Visentini, a également été appréhendé. Ce dernier avait récemment déclaré, rappelle le quotidien transalpin la Repubblica, que «la Coupe du monde a été une opportunité pour accélérer les changements et ces réformes peuvent constituer un bon exemple à étendre aux autres pays qui accueillent de grands événements sportifs».
«Blanchiment d’argent» en bande organisée
Dans le viseur également, l’Italien Niccolo Figa-Talamaca, un responsable d’ONG et, selon les journaux le Soir et Knack, l’eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella, dont le domicile aurait été perquisitionné. Selon le parquet belge, l’enquête du juge Michel Claise porte sur des «faits de corruption» et de «blanchiment d’argent» en bande organisée. Panzeri et Giorgi auraient fait office de représentants du Qatar au Parlement européen de 2016 à 2018, et auraient reçu de l’argent.
500000euros en liquide auraient été retrouvés chez Pier Antonio Panzeri.
«Depuis plusieurs mois, les enquêteurs de la (police judiciaire fédérale) soupçonnent un pays du Golfe d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants à des tiers ayant une position politique ou stratégique significative au sein du Parlement européen»,a indiqué le parquet. Selon le média Politico, qui a eu accès au mandat d’arrêt, Pier Antonio Panzeri est accusé «d’intervenir politiquement avec des membres travaillant au Parlement européen pour le bénéfice du Qatar et du Maroc».
Pier Antonio Panzeri, dont l’épouse et la fille ont été arrêtées à Bergame, aurait, après la fin de son mandat en 2019, continué à jouer un rôle crucial au service de l’émirat, faisant valoir son carnet d’adresses. Ancien responsable du syndicat italien CGIL aux politiques européennes, il a entretenu ses nombreux contacts en assurant ces dernières années la présidence de l’ONG Fight Impunity.
À Bruxelles et Strasbourg, c’est le branle-bas de combat. Manon Aubry, coprésidente du groupe La Gauche demande un débat lors de la session parlementaire qui s’ouvre cette semaine, consacré au «lobbyisme agressif du Qatar» . La parlementaire française rappelle que, depuis 2021, elle demandait «à chaque plénière mensuelle du Parlement l’adoption d’une résolution» sur le sort des travailleurs migrants au Qatar, qui lui est «systématiquement refusée, notamment par le groupe socialiste et la droite».
Elle a dû porter la question dans l’Assemblée, avec un vote public lors du début de la session en novembre, pour obtenir le droit de déposer une résolution qui lui était refusée par la conférence des présidents de groupe. L’autorisation n’est passée qu’avec 16 voix d’avance
Ce week-end, la vice-présidente socialiste Eva Kaili a été démise des fonctions par la présidente Roberta Metsola. Le groupe des socialistes et démocrates (S & D) l’a suspendue et son parti, le Pasok, lui a demandé de renoncer à son poste. «C’est un cas d’école d’ingérence et de corruption»,a dénoncé la délégation française au groupe S & D.
«Lors de la dernière séance plénière en novembre, je m’étais opposé avec d’autres à la ligne complaisante du groupe vis-à-vis de Doha. Les révélations d’aujourd’hui éclairent sous un jour différent les positions lunaires prises alors par certains apologues du Qatar»,a réagi sur Twitter Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique, qui informe que la commission parlementaire qu’il préside, chargée des ingérences étrangères, «va s’emparer de cette affaire». Le groupe S & D s’était en effet divisé sur le vote sur la résolution concernant le Qatar, le 22 novembre.
L’opération qatarienne visait à défendre l’image de la Coupe du monde de football mais aussi à renforcer les liens avec le bloc européen. Erik Marquardt, député européen vert allemand, rapporteur d’un texte sur la libéralisation des visas pour les ressortissants du Qatar et du Koweït, a d’ores et déjà prévenu que son groupe s’opposerait au lancement des pourparlers sur le sujet.
Secrétaire national du PCF, Fabien Roussel a également réagi à l’affaire. «Nous ne mettrons jamais assez de moyens pour éradiquer la corruption, le blanchiment d’argent, la fraude fiscale. Le Qatar est aussi le seul pays en France à bénéficier d’une convention fiscale avantageuse pour les exonérations d’impôts sur les plus-values immobilières», a-t-il rappelé. À Paris aussi, il y a lieu de faire changer les choses.
Communiqué d’Arnaud BAZIN et Éliane ASSASSI, président et rapporteure de la commission d’enquête du Sénat sur les cabinets de conseil.
Arnaud BAZIN et Éliane ASSASSI prennent acte de l’ouverture d’une information judiciaire pour « favoritisme » et « financement illégal de campagne électorale », impliquant le cabinet de conseil McKinsey.
Ils ont toute confiance en la justice pour mener cette enquête. Toute la lumière doit être faite sur cette affaire, qui revêt une importance majeure pour notre vie démocratique.
Cette affaire s’ajoute aux constats alarmants dressés par la commission d’enquête du Sénat :
les dépenses de l’État en cabinets de conseil ont plus que doublé entre 2018 et 2021, pour dépasser le milliard d’euros ; le cabinet McKinsey n’a pas payé d’impôts sur les sociétés pendant au moins 10 ans.
Toutes ces affaires ont un point commun : le manque de transparence de l’État dans ses relations avec les cabinets de conseil, qui jouent pourtant un rôle déterminant dans les politiques publiques.
Le 18 octobre dernier, le Sénat a voté à l’unanimité une proposition de loi pour en finir avec toute cette opacité. L’État aurait par exemple l’obligation de publier la liste de ses cabinets de conseil et aurait l’interdiction de recourir à des prestations gratuites (pro bono), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Arnaud BAZIN et Éliane ASSASSI déplorent que le Gouvernement n’ait pas souhaité inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, alors qu’il est plus que jamais nécessaire.
Il faut agir rapidement pour mieux encadrer l’intervention des cabinets de conseil.