Horaires décalés, voyageurs agressifs, pressions au rendement: au delà d'une augmentation de salaire les agents de sûreté
en grève depuis six jours réclament une reconnaissance de leur métier et dénoncent leurs conditions de travail.
Tous refusent de donner leur nom. Par peur de représailles de leurs employeurs, disent les grévistes interrogés mardi à
l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le plus touché par le mouvement avec celui de Lyon. "Nous gagnons 1.543 euros bruts par mois. Avec cela nous travaillons le dimanche, nous avons des
horaires décalés, nous commençons parfois à 4 heures du matin et sur une vacation 2.000 passagers passent sous le portique", détaille une gréviste qui travaille depuis dix ans pour la société
ICTS.
Quota de palpations
"Nous sommes mal vus par les passagers parce que nous effectuons des palpations. Ce qu'ils ne savent pas c'est que
certaines palpations sont décidées de façon informatique. Le quota de palpations a augmenté de 20% alors que nous sommes moins nombreux qu'avant", renchérit un collègue. "On nous demande de
faire passer les passagers de plus en plus vite, c'est du commercial avec une option sûreté. C'est dangereux", insiste une salariée de 58 ans.
"Nous ne sommes pas des enfants gâtés. Nous faisons un vrai métier qui a son importance pour la sûreté des gens. La preuve
c'est que le gouvernement s'est aperçu qu'on ne peut pas nous remplacer par n'importe qui puisqu'il demande aux policiers de le faire", sourit un autre salarié d'ICTS.
"Sans cesse surveillés"
Les grévistes dénoncent aussi la pression des employeurs. "Nous sommes sans cesse surveillés, au moindre petit souci, on
nous fait un rapport", s'agace un agent. "Nous devons pointer en arrivant et en partant. Je connais un salarié à qui on a retiré 21 centimes sur son salaire parce qu'il a pointé avec une minute
de retard !", lance une salariée qui défile chaque matin depuis six jours dans les aérogares de Roissy.
Un rapport parlementaire dans le sens de leurs revendications
Dans leur rapport du 13 décembre sur la sûreté aérienne, les députés PS Daniel Goldberg et UMP Didier Gonzales recommandent
d'"améliorer la reconnaissance des personnels de sûreté, afin que ces derniers bénéficient d’avantages comparables à ceux des autres personnels aéroportuaires, tels que des locaux décents,
l’accès aux restaurants d’entreprise, une participation accrue des employeurs aux déplacements domicile-travail".
"Nous ne demandons pas des avantages, nous demandons une reconnaissance", commente une gréviste qui, en 12 ans de sûreté
aéroportuaire, a "vu le métier changer... en mal. C'est le mauvais exemple de la sous-traitance". Confiée à la police aux frontières, la sûreté aéroportuaire a été privatisée en 2001.
Conflits dans les aéroports, Guéant veut des forces
de l'ordre à la place des grévistes
L'Unsa police contre le
recours aux agents des forces de l'ordre
Communiqué de l'UL CGT Roissy au 6è jour de la grève
des agents de sûreté
La grève des agents de sûreté aéroportuaire en est à son 6ème jour et le mouvement s'amplifie. A Roissy, une majorité est en grève. La
plupart des sociétés de la branche sont touchées : ICTS, Securitas, Brink's et Alyzia Sûreté notamment. Le mouvement de grève gagne de plus en plus d'aéroports à travers le pays, après
Roissy, Orly, Lyon, Nice, Rennes, Mulhouse, Bordeaux, Toulouse, ce sont les aéroports de Beauvais et de Lorient qui entrent en lutte. Cette démonstration de force, du jamais vu depuis dix ans
dans la sûreté, est le résultat d'une lutte coordonnée des salariés de plusieurs entreprises. Ce front uni de grève est non seulement indispensable à la construction d'un vaste rapport de force
pour porter les revendications, mais il est nécessaire pour que la grève ait un impact fort sur l'activité aéroportuaire. Sans cette coordination, les employeurs du secteur peuvent se remplacer
mutuellement en cas de cessation de travail et ainsi réduire les salariés à l'impuissance. L'unité d'action des grévistes du secteur de la sûreté est un exemple à suivre pour l'ensemble des
salariés de Roissy !
Grâce à l'unité d'action, le rapport de force s'élève en faveur des salariés.
Grâce à l'ampleur du mouvement, le rapport de force est favorable aux salariés. Le patronat refuse pour l'heure toute concession et compte
sur le « pourrissement » de la grève. Mais les grévistes ne montrent aucun signe de fatigue. Au contraire, leur détermination se renforce de jour en jour. Cette combativité s'explique
par leur refus de leurs conditions de travail très dégradées (horaires décalés, plannings variables constamment modifiés, stress professionnel, etc.), le tout pour des bas salaires qui ne
permettent pas de vivre dignement. Les revendications sont parfaitement légitimes : augmentation des salaires de 200 €, amélioration des conditions de travail, arrêt de la précarité,
…
L'UL CGT Roissy dénonce les tentatives du gouvernement de briser la grève.
Le patronat et le gouvernement craignent une contagion. Ils font tout pour discréditer cette lutte exemplaire. Il s font semblant de se
soucier du sort des vacanciers en ces périodes de fêtes alors que ce qui pourrit la vie des salariés, des jeunes et des retraités, c'est la baisse générale du niveau de vie imposée par le
gouvernement et le patronat. Au-delà de la propagande, le gouvernement joue maintenant un rôle actif pour tenter de briser la grève : il cautionne le remplacement des grévistes par des
salariés étrangers en autorisant leur détachement en toute illégalité ; il cautionne aussi le remplacement des grévistes par des salariés non habilités à la sûreté ce qui menace la
sécurité des vols ; il brandit la menace de réquisition des grévistes et leur remplacement par les forces de l'ordre ; il prépare un projet de loi pour un service minimum. Comme lors
de la grande grève de l'automne 2010 pour les retraites, le gouvernement défend les intérêts du patronat et déploie des trésors d'énergie pour briser les grèves ! Mais ces tentatives
accroissent la tension sociale dans le pays. L'UL CGT Roissy a par exemple pris acte très favorablement de la position exprimée par le syndicat SGP-FO, 1er syndicat des gardiens de la paix, qui
s'est déclaré, opposé au remplacement des agents de sûreté en lutte, estimant que le rôle de la police n'est pas de jouer les « briseurs de grève ».
Il faut étendre la grève !
Ces tentatives sont le signe que gouvernement et patronat paniquent devant la mobilisation des salariés. C'est l'extension de la grève et
sa reconduction qui peuvent apporter la victoire et nous appelons maintenant l'ensemble des agents de sûreté, quelle que soit leur entreprise, à rejoindre la grève. D'ores et déjà, des salariés
d'autres secteurs de l'aérien montrent des signes de mobilisation. A Roissy, par exemple, des intérimaires s'organisent dans un collectif CGT. Partout où la mobilisation des salariés est
possible, l'UL CGT Roissy appelle à rejoindre la grève, y compris au-delà du secteur de la sûreté.
Roissy, le 21 décembre 2011
Par Pierre Laurent, le 23 décembre 2011