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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Maya Macalou, femme-relais, doyenne des Africaines de Reims

2 Août 2010, 06:32am

Publié par PCF Villepinte

Médiation sociale, traduction, transmission d’informations, suivi des familles d’origine immigrée… Depuis trente-sept ans, Maya apporte un soutien précieux  aux habitants de son quartier, la cité Wilson à Reims.  

Maya Makalou

  Maya Macalou atterrit sur le sol français en novembre 1973. Elle arrive tout droit de Dakar par le regroupement familial. La grisaille et le froid enserrent la capitale. Son mari vient la chercher à l’aéroport, pour la conduire à Reims. « Là-bas, c’était pire encore, lance-t-elle dans un éclat de rire. Il pleuvait. Tout était mouillé. Je n’arrêtais pas de me demander si j’étais bien en France ». Au Sénégal, la France est perçue comme un paradis. Une image fabriquée « à travers les films qu’on voyait à la télévision ». Maya déchante très vite. Son mari travaille depuis 1967 comme ouvrier à l’usine, pour la société générale de fonderie Jacob-Delafon. Il occupe un appartement dans la cité Wilson, au sud de Reims.

A 20 ans, Maya est une étudiante brillante. Son bac en poche, elle accepte de se marier et espère ainsi pouvoir continuer ses études en France. Devenir médecin peut-être. « Les premiers mois, je ne connaissais personne. Mon mari partait travailler le matin et me demandait de rester dans l’appartement, la porte fermée à clé. Je ne comprenais pas cette manie des portes fermées, la manie de l’isolement. A Dakar, on ne ferme la porte que lorsqu’on va se coucher ». L’ennui et la solitude envahissent Maya. Au bout de quelques jours, elle est prête à repartir au Sénégal. Elle informe son mari. Mais elle sait, au fond d’elle, qu’elle n’a aucun moyen de quitter la France. « J’étais dans un trou, lâche-t-elle. J’avais envie de pleurer tout le temps. Je suis allée voir un médecin qui m’a dit que j’étais déprimée mais c’était impossible, pour moi c’était une maladie de Blancs ! ». Elle entre à son tour à l’usine et passe ainsi douze ans à Reims sans revoir le Sénégal. « C’était dur mais j’ai supporté ».

 

Un devoir envers la population africaine

 

Autoproclamée « première femme Africaine » à être arrivée dans ce quartier populaire rémois, Maya est la seule à savoir lire et écrire. Son mari est illettré comme la plupart des ouvriers qui débarquent des villages sénégalais. Sans le savoir, dès son arrivée en France, Maya devient « femme-relais ». Son mari revient le soir de l’usine avec des ouvriers qui ne savent pas remplir leurs papiers de sécurité sociale. D’autres ont besoin d’aller chez le médecin mais parlent le « yatoi-yamoi » et ne parviennent pas à se faire comprendre. « Pour moi, c’était comme un devoir envers la population africaine ».

Lorsque Maya accouche de son troisième enfant, elle arrête la chaîne pour s’y consacrer. Comme les autres femmes du quartier, elle fréquente la PMI (protection maternelle et infantile). C’est là qu’elle est « repérée ». « Je parlais le français, je l’avais appris à l’école coloniale ! Parfois, certaines femmes ne savaient pas comment expliquer ce qu’avait leur enfant et les médecins n’arrivaient pas à leur faire passer les indications pour les soigner. Alors je faisais la traduction ». Les médecins et la directrice du centre social s’aperçoivent du besoin criant de relais. « Là, c’était parti ». Maya aide bénévolement, accompagne les hommes et les femmes, fait le lien avec les différents services publics. Elle finit par maîtriser les dialectes : « wolof, bamabara, mandingue, peul… ».

Dans ce milieu médico-social, Maya fait la connaissance de Chantal Gazeau du GAMS (Groupe femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles et autres pratiques affectant la santé des femmes et des enfants), qui gère l'association. « Elle est venue nous chercher au centre social et nous a proposé une formation de trois ans sur la nutrition et la prévention chez les petits ». Puis les connaissances s’étendent aux questions de santé chez les adultes, notamment sur les MST « pour qu’on puisse diffuser les informations, sans le jargon médical, à la population maghrébine et africaine ». Utile, même indispensable, la parole de Maya permet d’aborder avec les femmes du quartier Wilson des sujets considérés comme tabous dans le pays d’origine. Par exemple, l’excision, les violences conjugales, la polygamie ou parfois même le simple fait d’être enceinte. « Les gens arrivent en France avec la mentalité du pays. Ils croient qu’on fait toujours comme ça là-bas. Mais les choses bougent au pays. Les gens ici restent bloqués sur des traditions qui ne se justifient pas ». Alors pendant quinze ans, Maya développe sa méthode. Elle convie les femmes chez elle, pour boire un thé. « C’est plus facile de venir nous voir, moins honteux sans doute, que d’aller voir une assistante sociale ».

 

Du bénévolat au statut de salariée

 

Au milieu des années 80, Maya devient officiellement mais toujours bénévolement « femme-relais ». Les hommes voient sa démarche d’un mauvais œil. « Comme je savais lire et écrire, les hommes avaient peur que je fasse faire n’importe quoi à leur femme ». Les années passent et les hommes finissent par s’apercevoir qu’ils ont autant besoin que leur femme de Maya. « Quand il y avait des conflits de couple, on essayait d’abord de calmer le jeu puis de discuter et de réorienter les gens vers les services adéquats ». Maya se souvient de cette formation pour apprendre à dire non… Une fantaisie car « lorsqu’une femme arrivait chez moi à 4 heures du matin, la mâchoire cassée, je pouvais toujours appeler le 115, il ne se passait rien. Je ne pouvais pas lui dire non ! Quand une femme arrivait chez moi avec ses cinq enfants, après avoir découvert que son mari avait deux autres femmes, je les accueillais pour la nuit… ».

En juin 2001, trois postes d’adultes-relais se créent à Reims. Maya continue son travail de femme-relais, payée pour la première fois. A 57 ans, elle a été licenciée en juin 2010 par manque de subventions. Comme si le travail des femmes-relais n’était plus nécessaire. Maya a donc repris le bénévolat. Elle est fière d’avoir élevée ses sept enfants, de leur avoir permis « de devenir quelqu’un, même si on vient d’un quartier chaud qui a mauvaise réputation ». Maya Macalou a le sentiment d’avoir beaucoup donné et regrette que la nouvelle loi sur la retraite l’oblige à travailler un an de plus. Elle ne compte donc plus sur l’Etat mais sur ses enfants pour pouvoir se reposer, enfin.

 

Ixchel Delaporte

photo I.D


http://femmesrelais51.e-monsite.com

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