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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Emploi

21 Décembre 2022, 12:41pm

Publié par PCF Villepinte

Plus de 225000 licenciements

dans le numérique

 Les géants des nouvelles technologies ont renvoyé des milliers de salariés ou projettent de le faire. Si ces plans «sociaux» peuvent être qualifiés de boursiers, ils relèvent de secteurs en faillite ou en pleine restructuration.

L'Humanité Mercredi 21 Décembre 2022

Pierric Marissal

Infographie Humanité

Dix mille suppressions d’emplois dans le monde chez Google comme chez HP. Si les dernières annonces de coupes claires dans les effectifs sont le fait de ces deux géants états-uniens, plusieurs centaines d’entreprises des nouvelles technologies, de la petite start-up aux plus grosses valorisations boursières au monde, licencient à tour de bras avec souvent pour objectif de diminuer leur masse salariale de 10 à 15 %.

Depuis cet été, le site collaboratif True up, recense environ 200 plans sociaux par mois dans le secteur. Dans le même temps, le nombre d’offres d’emploi dans les nouvelles technologies a chuté de 55 %. Signe qui ne trompe pas, selon une enquête réalisée cet été par le réseau social professionnel Blind, seuls 9 % des salariés du secteur sont confiants dans l’avenir de leur emploi.

La fin de l’argent facile

La statistique impressionne: plus de 225000 licenciements ont eu lieu dans les nouvelles technologies ces derniers mois. Et encore, cette hémorragie salariale est clairement sous-estimée puisquelle ne repose que sur du déclaratif. Les plus gros plans de suppressions demplois ­relèvent d’un rééquilibrage économique, selon les interprétations les plus optimistes. Des entreprises comme Amazon ou Microsoft, par exemple, avaient embauché durant la pandémie pour répondre aux demandes des travailleurs et consommateurs confinés, ce qui leur avait permis de réaliser des bénéfices historiques. Cette demande ayant baissé, ces groupes n’ont pas perdu de temps pour licencier.

Cette tendance baissière touche aussi les start-up, qui voient se tarir les sources d’argent facile, notamment du fait de la hausse des taux d’intérêt. Elles peinent à se financer directement auprès des banques, comme auprès des fonds de capital-risque. Selon un calcul récent des Échos, l’ensemble des start-up européennes a perdu 400 milliards d’euros de valorisation ces derniers mois, passant de 3100 milliards fin 2021 à 2700 milliards de capitalisation cumulée.

Une pression inédite des actionnaires

Le vent a commencé à tourner fin juillet, depuis Menlo Park, en Californie, siège de Facebook. Pour la première fois, le réseau social perdait des abonnés et voyait ses revenus diminuer légèrement. Les bénéfices nets du groupe demeurent pourtant très confortables (plus de 4,4 milliards de dollars au troisième trimestre) et le groupe reste une machine ultra-rentable à distribuer de la publicité et à capter l’attention. Mais la foi en la croissance infinie des groupes du numérique a pris fin. Et avec elle s’est évanouie la croyance selon laquelle chaque dollar investi dans une action d’entreprise du secteur amènerait automatiquement des investisseurs à y mettre le double, quelques mois plus tard.

Les actionnaires, jusqu’ici très coulants avec les entreprises des nouvelles technologies, ont retrouvé leur comportement carnassier traditionnel, demandant plus de «rationalité». Ce qui s’est immédiatement traduit par des vagues de licenciements, en moyenne aux alentours de 10 % des effectifs. De manière inédite, l’un des actionnaires de Google, TCI Fund Management, a enjoint à la firme de «prendre des mesures énergiques» pour réduire les coûts et améliorer ses marges bénéficiaires.

Estimant que Google «devrait être 20 % plus efficace», le fonds a déploré que le groupe ait doublé ses effectifs en cinq ans et ait laissé filer les montants des plus hauts salaires de l’entreprise. Selon l’actionnaire, cette inflation salariale serait responsable de l’érosion de 27 % des bénéfices sur un an – qui restent tout de même de 14 milliards de dollars au troisième trimestre 2022 –, donc de la baisse à prévoir des dividendes. Sous la pression, Google s’est engagé à supprimer 10000 postes dès janvier 2023.

Ces plans sociaux ont pour but de faire remonter la valeur de l’action. Sur un an, les seuls Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont perdu 1500 milliards de dollars de capitalisation en Bourse. Le titre Alphabet (Google) a plongé de 34 %, l’action Amazon de 44 %, Microsoft de 28 % et le titre Meta (Facebook, WhatsApp, Instagram) a perdu 66,6 %. Apple est le seul à limiter la casse (0,19 %). Les 10000 suppressions de postes chez Amazon, Tesla comme chez Google, les 11000 chez Meta sont avant tout des licenciements boursiers.

Le quick commerce en pleine concentration

Autre conséquence de la pandémie, le monde du quick commerce, ces plateformes qui promettent des livraisons d’épicerie en temps record, est en pleine restructuration. À la suite des déconfinements, le chiffre d’affaires du secteur est en berne. En 2021, pourtant, l’argent coulait à flots.

L’allemand Gorillas bouclait sa troisième levée de fonds, récupérant près de un milliard de dollars. La start-up turque Getir accumulait 800 millions pour s’étendre en Europe, la britannique Flink 750 millions, et l’états-unienne Gopuff rassemblait 1,5 milliard afin d’assurer son expansion. Or, ce secteur n’a même pas atteint les 150 millions de dollars de chiffre d’affaires dans le monde en 2021. Ses espoirs de voir le marché doubler en 2022 ont fini de s’effondrer cet été.

Zapp, KOL ou Yango Deli ont fermé boutique dans l’Hexagone. Le petit français Cajoo s’est fait manger par Flink et, il y a juste une semaine, Gorillas, qui avait racheté Frichti, s’est fait croquer par Getir pour un prix encore inconnu. Alors que plus d’une dizaine d’acteurs s’étaient installés ou projetaient de le faire en France, il y a un an, ils ne sont plus que deux aujourd’hui.

Cette concentration ne se fait pas sans casse sociale. Getir a supprimé 4500 emplois dans le monde; Gopuff, plus de 2000 Il ne sagit là que de plans annoncés. Rien quen France, Getir et Gorillas ont mis fin à près de 800 contrats chacun à partir de mai, via des ruptures de périodes d’essai, des ruptures conventionnelles arrachées ou des licenciements pour faute aux motifs parfois étonnants.

Le quick commerce n’est pas au bout de ses peines. Les investisseurs se montrent plus frileux et les municipalités de moins en moins accueillantes avec cette activité qui transforme des commerces urbains en entrepôts. Le patron de Getir a déjà laissé entendre que de nouvelles coupes sont à prévoir comme à Paris, Amsterdam ou Londres, pour supprimer les «doublons», dans ladministratif comme dans les entrepôts, à la suite des rachats. La tendance est de plus en plus à la sous-traitance: Gorillas a commencé à externaliser des livraisons aux autoentrepreneurs de Stuart et Getir a passé un accord au niveau européen avec Just Eat.

L’explosion de la bulle des cryptomonnaies

S’il y a un secteur dans les nouvelles technologies dont la crise ressemble à l’éclatement d’une bulle spéculative, c’est bien celui des cryptomonnaies. En matière d’emploi, la crise est moins facilement identifiable car, à part le plan de licenciements chez Coinbase (1100 personnes), les structures sont plus modestes. Mais beaucoup ont fait faillite cette année.

Le prêteur dactifs numériques (qui pesait 3 milliards) BlockFi a mis la clé sous la porte, dans le sillage de la grande plateforme de change FTX. Auparavant, le fonds spéculatif en cryptomonnaies Three Arrows Capital, avait disparu avec ses 42 milliards de dollars d’encours. Voyager et le réseau Celsius, des créanciers de cryptomonnaie, ont eux aussi été emportés par les défauts de paiements en chaîne.

À chaque banqueroute, des milliards de dollars spéculés partent en fumée et des centaines de salariés sont licenciés. Ces faillites ont entraîné aussi des remous dans la Fintech, ces start-up dédiées aux technologies financières. Klarna, qui propose des solutions de paiement en ligne, a supprimé 700 postes, le courtier financier Robinhood 300…

Seuls les services de prêt hypothécaire en ligne se portent comme un charme. Les entreprises spécialisées dans le métavers, qui vendent des services, NFT ou autres propriétés immobilières virtuelles adossées aux cryptomonnaies, commencent aussi logiquement à tanguer. Sandbox, l’un des pionniers du secteur, vient ainsi de licencier 80 % de ses effectifs aux États-Unis.

La crise des cryptomonnaies a une autre répercussion sur l’emploi, même s’il est le plus souvent informel, celui des «mineurs», ces travailleurs dont lactivité consiste à vérifier lintégrité de la chaîne des blocs (la blockchain) qui constitue la cryptomonnaie. Avec la hausse des prix de l’énergie, il faut désormais consommer pour 17000 dollars d’électricité pour générer un bitcoin, soit bientôt davantage que la valeur de la monnaie au cours actuel!

Sans parler de linvestissement préalable en matériel informatique puissant. Résultat, les «mineurs» de cryptomonnaies se retrouvent eux aussi sur la paille. Lactivité est dailleurs tellement écologiquement aberrante que plusieurs pays, dont les membres de lUnion européenne et les États-Unis, envisagent de l’interdire, dans le sillage de la Chine.

 

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