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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Le jour d’après. Lettre ouverte aux forces de gauche et progressistes

28 Avril 2020, 09:15am

Publié par PCF Villepinte

 

L'Humanité  Mardi, 28 Avril, 2020

Par Alain Alphon-Layre Syndicaliste

Ma rage, ma colère

Syndicaliste

«Seul le choc avec le réel peut réveiller dun sommeil dogmatique», a récemment déclaré Alain Supiot, professeur au Collège de France, dans un entretien accordé au journal Alternatives économiques.

Ce sommeil dogmatique, nous le subissons depuis plus de quarante ans. C’est celui qu’on nomme le néolibéralisme. Il domine l’ensemble de la pensée des gouvernants et, malheureusement, d’une majorité des gouvernés (sinon nous n’en serions pas là). Il peut se définir par une foi en un ordre spontané du marché qui doit tout régir à l’échelle du globe, le droit et l’État étant eux-mêmes sous l’emprise de cette loi du marché et de ses calculs d’utilité économique, déterminant ce que doit être la vie des populations.

C’est la définition élaborée par son penseur Friedrich Hayek (la Route de la servitude, 1944) et qui a commencé à se mettre en œuvre politiquement avec Reagan et Thatcher à partir des années 1980 jusqu’à nos jours. Contrairement à ce qu’avait prédit ce théoricien économiste, les inégalités et injustices sociales ne cessent de grandir, entraînant leur cortège de violences, terrorismes et guerres.

Cette crise sanitaire mondiale, comme aurait dû l’être celle financière de 2008, doit être une opportunité pour sortir de ce sommeil dogmatique. Bien sûr, nous pouvons encore rire jaune du discours du président découvrant l’importance de l’État, des services publics et de la Sécurité sociale. En 2008, Nicolas Sarkozy avait également déclaré qu’on ne pouvait pas continuer à avoir des actionnaires qui touchent 15 % de dividendes supplémentaires par an quand dans le même temps le PIB ne progressait que de 1 %.

Pour l’un comme pour l’autre, les actes contredisent et contrediront leurs discours. Les ordonnances que le gouvernement vient de prendre contre le droit du travail en sont la première illustration.

Ma rage et ma colère devant le drame que nous vivons et qui touche bien sûr en premier les plus fragiles m’amènent à me poser la seule question qui compte, celle que pose Thomas Piketty dans son dernier livre: il ne suffit pas de critiquer le néolibéralisme, il faut pouvoir proposer autre chose. Sans cet élan intellectuel et politique afin de penser et dagir pour la construction dun autre monde, les replis identitaires et autres populismes que je nomme fascismes ont de beaux jours devant eux.

Il est urgent, au sortir de cette crise, que les forces de gauche et progressistes, les penseurs et les intellectuels se rassemblent, pas seulement en France mais aussi internationalement pour définir des axes de réflexion et d’action pour la construction d’une mondialisation autre que la globalisation néolibérale.

Pour le simple citoyen du monde que je suis, cette construction doit pouvoir se faire autour du texte que viennent de signer 18 associations et syndicats.

Je me permets d’y adjoindre des réflexions complémentaires ou similaires:

- Une autre conception de la propriété des entreprises permettant un partage des pouvoirs et des biens avec les salariés, en fonction des années travaillées, comme le suggère Emmanuel Dockès dans Voyage en Misarchie.

- La transformation du travail (et pas de l’emploi) en lui donnant un nouveau statut, car la lutte écologique ne peut se contenter d’une consommation différente, il faut aussi une production de biens et de services différente. De même, le développement du numérique doit libérer le travail pour le rendre épanouissant, au lieu de programmer l’Homme tel un ordinateur comme cela se fait aujourd’hui. Cela implique de gagner pour tous la citoyenneté au travail comme dans la cité.

Il s’agit aussi de ne plus penser l’Homme et la nature comme des ressources à exploiter indéfiniment par une mise en concurrence planétaire mortifère. Pour cela, il faut des institutions internationales dignes de cette construction; pourquoi, par exemple, ne pas agir pour que lOIT (Organisation mondiale du travail) ait plus de pouvoir que lOMC (lOrganisation mondiale du commerce), que le FMI (Fonds monétaire international), ou que les banques centrales?

Enfin, donner la priorité partout à la santé, l’éducation, et revaloriser les métiers essentiels à une vie ensemble. Je continue à penser qu’une aide-soignante, une infirmière ou une institutrice (comme par hasard ce sont majoritairement des métiers féminins) doivent être mieux payées qu’un trader.

Au sortir de cette grave crise mondiale (le virus n’a pas plus de frontières que le nuage de Tchernobyl), il faut redonner espoir en un monde nouveau à construire, ce qui implique de ne plus penser et agir, et s’organiser comme avant.

Chaque citoyen du monde a un rôle déterminant à jouer, mais les forces progressistes, les penseurs et intellectuels doivent se rassembler pour l’impulser en France et dans le monde. C’est l’objet de cette lettre ouverte afin que ma rage et ma colère se transforment en action et en espérance.

Comme dans les manifestations unitaires de 2008, reprenons le slogan: «Ne laissons pas les affaires du monde aux seules mains du monde des affaires. »

 

 

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