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Ce à quoi peuvent aboutir les propositions de la Convention citoyenne sur le climat

20 Juin 2020, 06:46am

Publié par PCF Villepinte

L'Humanité Vendredi, 19 Juin, 2020

Pia de Quatrebarbes

Pendant neuf mois, les tirés au sort de la Convention citoyenne sur le climat ont planché pour élaborer 150 propositions. Ils doivent les voter ce week-end, avant de rendre leur rapport final à l’exécutif. De cette expérience démocratique inédite pourrait naître un plan climat ambitieux. Mais Emmanuel Macron a déjà prévenu: il sera le seul filtre…

Une claque, suivie d’une grosse déprime. Comme une prise de conscience, endeuillée d’un sombre: «On est foutus, on na plus de temps.» Pour beaucoup des 150 citoyens tirés au sort, la première session de la convention citoyenne sur le climat a pulvérisé les croyances. Face à eux, l’urgence climatique. Guy Kulitza a beau avoir 60 ans, cet agent de maîtrise d’Enedis à la retraite reconnaît être sorti de la première séance de travail «avec le cafard et un sentiment dimpuissance». Pour Mélanie B., 36 ans, responsable d’une agence d’événementiel, l’expérience a été presque métaphysique. «Le lundi matin, jai repris ma voiture et ma petite vie, et je me suis dit: à quoi bon, quest-ce que lon peut faire?»

Une nouvelle forme de démocratie directe

Neuf mois plus tard, Mélanie, Guy et les autres «150», comme ils sappellent entre eux, ont élaboré une partie de la réponse. Ils ont travaillé, beaucoup, bousculé leurs certitudes, et délibéré. Ce 19 juin et pendant trois jours, ils seront réunis au siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese) à Paris pour voter chacune des 150 mesures «structurantes» qu’ils ont élaborées, afin de «réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre de la France dici à 2030, dans un esprit de justice sociale».

A lire aussi : Un plan climat ambitieux auquel ils ont participé. Témoignages

Ce mandat leur a été confié par Emmanuel Macron, à la sortie du grand débat national, un jour d’avril 2019. Il y a, alors, le feu à la maison. Après six mois de mouvement de gilets jaunes, de marches climat monstres et autres grèves scolaires, le gouvernement assure vouloir «changer les colères en solutions».

«cest par la délibération collective que lon pourra parvenir à opérer les changements profonds nécessaires.»

«Quand on a rencontré le président, en février 2019, il était en difficulté, il cherchait une porte de sortie», se souvient le réalisateur Cyril Dion, «garant» de la Convention citoyenne. Avec les gilets citoyens, un collectif informel composé de militants écologiques, d’élus et de gilets jaunes, Cyril Dion sera l’un des artisans de cette nouvelle forme de démocratie directe, persuadé que «cest par la délibération collective que lon pourra parvenir à opérer les changements profonds nécessaires».

«On lui a proposé une méthode claire», reprend-il. «Une assemblée citoyenne tirée au sort, chargée de faire des propositions donnant lieu à référendum. Car le problème, ce nest pas de connaître les solutions elles sont connues depuis trente ans , c’est de savoir quelles modalités démocratiques peuvent permettre de les mettre en œuvre.»

Une convention inédite dans sa durée et dans son ambition

Depuis dix ans, les ONG ont vu passer le débat national sur la transition énergétique, en 2012; celui sur la programmation pluriannuelle de l’Énergie, en 2018; ou encore le G 400, cette même année, pour lequel 400 citoyens avaient été tirés au sort et débattu le temps dun week-end. « À chaque fois, les solutions préconisées sont bonnes, mais elles ne sont pas mises en œuvre», pointe Anne Bringault, responsable de la transition énergétique au Réseau Action Climat (RAC). «Notre problème, cest linertie des pouvoirs publics», confirme Maxime Combes, porte-parole d’Attac.

L’Assemblée citoyenne permettra-t-elle de renverser la table? Pas sûr du tout, mais en tout cas, elle est «inédite dans sa durée comme dans son ambition», souligne Romain Slitine, professeur à Sciences-Po. Auteur du Coup d’État citoyen, il a suivi de près les débuts de la convention. Les 150 citoyens tirés au sort ont endossé la responsabilité avec beaucoup de gravité. «Comme si javais été juré dassises», résume Mélanie B. Ensemble, ils sont censés être une «France miniature». Âgés de 16 à 82 ans, ils suivent les équilibres de la société française, en termes de catégorie socioprofessionnelle et de géographie.

À l’image du pays, il y a parmi eux, «des climatosceptiques, comme des plus sensibilisés. Mais on a tous acquis une solide connaissance du sujet», explique William Aucant, urbaniste de 33 ans vivant à Nantes. «Certains sujets pouvaient paraître lointains. Mais très vite, on sest rendu compte que tout est lié», pointe pour sa part Guy Kulitza.

«Une sorte dintelligence collective sest mise en branle. Débattre fait parfois ressortir le caractère injuste de certaines mesures et pas immédiatement perceptible»

Dans chacun des cinq groupesde travail se loger, se déplacer, se nourrir, consommer, produire et travailler , aucun sujet na été mis de côté. Ni la publicité, ni la biodiversité, ni aucun grand secteur économique, de celui des transports à celui de l’industrie, en passant par le commerce international ou la fiscalité… et surtout pas la taxe carbone. «Il n’était pas question que lon soit là pour faire accepter une taxe qui avait été refusée par les gilets jaunes, insiste William Aucant, selon qui on ne peut pas piéger les gens, alors qu’ils ont besoin d’une voiture pour aller travailler.»

Lui comme d’autres se sont jetés dans la convention corps et âme. «Une sorte d’intelligence collective s’est mise en branle. Débattre fait parfois ressortir le caractère injuste de certaines mesures et pas immédiatement perceptible», abonde Guy Kulitza.

«Cest sans doute un des plans climat les plus ambitieux quait jamais porté un pays.»

La crise sanitaire leur a aussi fait pousser des ailes. «Pour nous, cest clair, cest une crise écologique», continue Mélanie B. Ils veulent changer la société, individuellement et collectivement. «On a commencé à avoir beaucoup de critiques de la part de députés LaREM disant qu’on allait trop loin… C’est qu’on devait commencer à toucher juste», prédit Guy Kulitza.

En effet, leurs 150 mesures aboutissent bien «à une réduction un peu supérieure au 40 %», révèle William Aucant. L’impact de chaque proposition a été chiffré. «Cest assez rassurant. Quand on fait travailler des citoyens, ils arrivent aux mêmes conclusions que les associations qui travaillent dessus», confirme Anne Bringault, du Réseau Action Climat. Le «garant» Cyril Dion abonde: «Cest sans doute un des plans climat les plus ambitieux quait jamais porté un pays.»

Depuis le début, le gouvernement n’a pas brillé sur le sujet

La seule question désormais, c’est ce qu’en fera Emmanuel Macron? Pendant des mois, le gouvernement a assuré que les propositions seraient reprises «sans filtre». En janvier pourtant, le président avait déjà émis des conditions… Le filtre, finalement, ce sera lui et le financement. Son verdict est attendu début juillet, échéance fixée pour qu’il s’exprime devant les «150».

«La transition écologique n’est pas  l’addition de petites mesures individuelles et collectives, c’est la transformation complète des logiques de notre système économique»

La confiance n’est pas de mise. Depuis la mise en place de la Convention, le gouvernement n’a pas brillé sur le sujet. «Au contraire, les budgets rectificatifs présentés pour les plans de relance déversent des milliards sur les secteurs climato-nuisibles, sans contreparties. Ces plans peuvent nous piéger dans des trajectoires qu’on n’arrivera pas à renverser», prévient Clément Sénéchal, chargé des campagnes climat à Greenpeace.

« 52 % des français estiment que le système économique capitaliste n’est pas compatible avec la lutte contre le changement climatique.»

La transition écologique n’est pas «laddition de petites mesures individuelles et collectives, cest la transformation complète des logiques de notre système économique», rappelle pour sa part Maxime Combes. Un mur, pour le gouvernement et sa doxa libérale. Les Français, eux, le savent bien: 52 % estiment que «le système économique capitaliste nest pas compatible avec la lutte contre le changement climatique», selon un récent sondage. Pour les «150», le mandat s’achève mais pas leur mission: «Nous allons poursuivre dans le cadre dune association afin de porter nos propositions partout, explique Guy Kulitza. Nous voulons en faire un bien commun pour que chacun puisse sen saisir.»

Les députés prêts à la relève. Un tiers des 150 propositions de la convention a été formulé de façon à pouvoir intégrer de futurs textes de loi. «Les citoyens auront besoin dun relais politique, la démarche est inédite, nous nous tenons prêts», commente André Chassaigne. Le député (PCF) du Puy-de-Dôme a signé un courrier à l’initiative de Mathieu Orphelin (ex-LaREM) envoyé en ce sens aux 150 de la convention. Pour le chef de file des députés communistes, «la démarche est intéressante. Mais la transition écologique passera par une appropriation plus large. Salariés, syndicats, collectivités, associations: les propositions doivent venir de partout».

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