SOCIAL
La justice s’empare des suicides à France Télécom
Le parquet de Paris a ouvert, jeudi, une information judiciaire pour harcèlement moral, suite à la série de suicides de
salariés de l’opérateur téléphonique, déstabilisés par le plan de suppression de 22 000 postes.
Après avoir forcé les portes de l’entreprise pour émerger sur la place publique, la question des suicides à
France Télécom, et de l’organisation du travail qui en est à l’origine, arrive sur le terrain judiciaire. Jeudi, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour
« harcèlement moral » et « insuffisance du document d’évaluation des risques dans l’entreprise », suite à la plainte déposée en décembre par le syndicat SUD-PTT, et au
rapport remis en février par l’inspectrice du travail Sylvie Catala, portant sur la politique managériale de l’ex-opérateur public.
« mise en danger d’autrui »
Le parquet n’a toutefois suivi qu’une partie de l’analyse de la fonctionnaire, qui, outre le harcèlement
moral, signalait à la justice une « mise en danger d’autrui du fait de la mise en œuvre d’organisations du travail de nature à porter des atteintes graves à la santé des
travailleurs », qualification non retenue par le parquet. Dans son texte de 82 pages portant sur quatorze cas de suicides, l’inspectrice explique que ces événements ne doivent rien à
la fatalité, mais découlent d’une « politique mise en œuvre sur tout le territoire national au cours de la période 2006-2009 ». Dès 2005, en effet, la direction du groupe décide avec
son plan Next de faire changer 10 000 agents de métier, et de supprimer 22 000 postes, en trois ans. Mais comme les effectifs sont constitués en majorité de fonctionnaires qu’elle ne
peut licencier, elle choisit d’utiliser la pression, le managament par le stress, les mobilités forcées, pour inciter les agents à partir de manière « volontaire ».
Le rapport montre que la direction est parfaitement consciente des risques que ces méthodes font peser sur la
santé des salariés, puisque des formations dispensées aux cadres exposent les dépressions pouvant découler de la « phase de deuil » vécue par les salariés subissant la
restructuration. Par la suite, les nombreuses alertes des délégués syndicaux, des CHSCT, des CRAM, des médecins et inspecteurs du travail, ont été ignorés par la direction, souligne le rapport,
qui met en cause les trois dirigeants du groupe de l’époque : Didier Lombard (ex-PDG remplacé par Stéphane Richard), Louis-Pierre Wenes, ex-directeur général délégué, et Olivier Barberot,
directeur des ressources humaines du groupe.
« harcèlement moral »
L’enquête sera confiée à un juge d’instruction du pôle de santé publique de Paris, où pourraient également
être centralisées sept ou huit autres enquêtes préliminaires en cours en France, sur des cas individuels de salariés faisant état de « harcèlement moral » par France Télécom. À
Besançon par exemple, une information judiciaire pour « homicide involontaire » a été ouverte en mars sur le cas d’un salarié de vingt-huit ans qui s’est suicidé en août dernier.
« Des suicides ont déjà été reconnus comme liés au travail, des fautes inexcusables de l’employeur ont déjà été reconnues après des suicides, mais c’est la première fois qu’une plainte en
nom collectif portant sur l’organisation du travail arrive au pénal », se félicitait hier Jean-Michel Bénichou, du syndicat SUD-PTT, tandis que le syndicat CFE-CGC-UNSA de France Télécom
annonçait qu’il se constituait partie civile.
La direction de France Télécom a répliqué, façon fier-à-bras : « Le groupe n’a pas de politique de
harcèlement qui pourrait générer des suicides » et « n’a rien à redouter dès l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour harcèlement moral », a déclaré son avocate Me
Claudia Chemarin.
Fanny Doumayrou
Après avoir forcé les portes de l’entreprise pour émerger sur la place publique, la question des suicides à France Télécom, et de l’organisation du travail qui en est à l’origine, arrive sur le terrain judiciaire. Jeudi, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour « harcèlement moral » et « insuffisance du document d’évaluation des risques dans l’entreprise », suite à la plainte déposée en décembre par le syndicat SUD-PTT, et au rapport remis en février par l’inspectrice du travail Sylvie Catala, portant sur la politique managériale de l’ex-opérateur public.
« mise en danger d’autrui »
Le parquet n’a toutefois suivi qu’une partie de l’analyse de la fonctionnaire, qui, outre le harcèlement moral, signalait à la justice une « mise en danger d’autrui du fait de la mise en œuvre d’organisations du travail de nature à porter des atteintes graves à la santé des travailleurs », qualification non retenue par le parquet. Dans son texte de 82 pages portant sur quatorze cas de suicides, l’inspectrice explique que ces événements ne doivent rien à la fatalité, mais découlent d’une « politique mise en œuvre sur tout le territoire national au cours de la période 2006-2009 ». Dès 2005, en effet, la direction du groupe décide avec son plan Next de faire changer 10 000 agents de métier, et de supprimer 22 000 postes, en trois ans. Mais comme les effectifs sont constitués en majorité de fonctionnaires qu’elle ne peut licencier, elle choisit d’utiliser la pression, le managament par le stress, les mobilités forcées, pour inciter les agents à partir de manière « volontaire ».
Le rapport montre que la direction est parfaitement consciente des risques que ces méthodes font peser sur la santé des salariés, puisque des formations dispensées aux cadres exposent les dépressions pouvant découler de la « phase de deuil » vécue par les salariés subissant la restructuration. Par la suite, les nombreuses alertes des délégués syndicaux, des CHSCT, des CRAM, des médecins et inspecteurs du travail, ont été ignorés par la direction, souligne le rapport, qui met en cause les trois dirigeants du groupe de l’époque : Didier Lombard (ex-PDG remplacé par Stéphane Richard), Louis-Pierre Wenes, ex-directeur général délégué, et Olivier Barberot, directeur des ressources humaines du groupe.
« harcèlement moral »
L’enquête sera confiée à un juge d’instruction du pôle de santé publique de Paris, où pourraient également être centralisées sept ou huit autres enquêtes préliminaires en cours en France, sur des cas individuels de salariés faisant état de « harcèlement moral » par France Télécom. À Besançon par exemple, une information judiciaire pour « homicide involontaire » a été ouverte en mars sur le cas d’un salarié de vingt-huit ans qui s’est suicidé en août dernier. « Des suicides ont déjà été reconnus comme liés au travail, des fautes inexcusables de l’employeur ont déjà été reconnues après des suicides, mais c’est la première fois qu’une plainte en nom collectif portant sur l’organisation du travail arrive au pénal », se félicitait hier Jean-Michel Bénichou, du syndicat SUD-PTT, tandis que le syndicat CFE-CGC-UNSA de France Télécom annonçait qu’il se constituait partie civile.
La direction de France Télécom a répliqué, façon fier-à-bras : « Le groupe n’a pas de politique de harcèlement qui pourrait générer des suicides » et « n’a rien à redouter dès l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour harcèlement moral », a déclaré son avocate Me Claudia Chemarin.
Fanny Doumayrou