Intervention de Pierre Laurent
A l'occasion du Conseil national du PCF
tenu le vendredi 16 avril à Paris, à deux mois du congrès d'étape convoqué pour les 18,19 et 20 juin, Pierre LAURENT, coordinateur a lancé un appel aux membres du Conseil national démissionnaires
et aux camarades tentés par le départ pour les inviter à revenir sur leur décision et à prendre toute leur place dans le chantier des transformations du PCF.
"Chers camarades,
Comme vous le savez, 14 camarades nous ont adressé un texte collectif de démission du Conseil national. Je ne
banalise pas cette décision. Je regrette profondément ces départs et ne m’y résigne pas. Je souhaite donc m’adresser à ces camarades, ainsi qu’à tous les communistes que cette situation
inquiète.
La lettre de démission qu’ils nous ont adressée s’en tient pour l’essentiel à une critique du travail et de la
vie démocratique de la direction nationale, qu’ils estiment être dominées par « des logiques d’exclusion.» Le problème posé par ces camarades,
nous le savons, va au delà et s’inscrit, pour une part de ces camarades, dans une démarche de départ collectif du Parti.
Je voudrais commencer par là, c'est-à-dire par l'essentiel. Les raisons du départ annoncé par plusieurs
camarades portent sur les questions de fond de l’avenir du Parti communiste. Elles sont diverses. Certains d’entre eux estiment la forme parti
épuisée, d’autres doutent du communisme, d’autres, les plus nombreux probablement, ne croient plus comme viennent de l’écrire Roger Martelli et Lucien Sève que le parti possède encore « la
force propulsive qui lui permettrait de se refonder et, ce faisant, de ressourcer son utilité. »
C’est d’abord sur cette raison précise et essentielle que je veux m’adresser à celles et ceux qui sont tentés
par le départ. Nous sommes précisément en train de nous attaquer à ces enjeux de transformation, comme peut-être nous ne l’avons jamais fait avec une telle ampleur. Nous en avons fait une
décision de congrès. Et avec le congrès d’étape de juin, nous allons en faire l’affaire de tous les communistes. C'est totalement inédit.
Les défis sont immenses et le fait que nous réussissions à les relever n’est pas écrit d’avance. Mais nous
sommes, je suis, plus déterminés que jamais à relever le défi de ces transformations. Nous savons qu'il nous faut à la fois refonder le projet pour un engagement communiste du XXIème siècle, nos
pratiques politiques, nos ambitions de rassemblement, nos formes politiques d’organisation.
Nous devons mener ce travail dans une période de bouleversements intenses de toute la société, et du monde,
dans une période d’affrontements de classe intenses. Nous devons tenir notre place dans ce combat. Mener tout cela de front est stimulant et à l'évidence très exigeant.
Ce que nous venons de réaliser avec le Front de gauche est prometteur et nous transforme déjà. Mais l’essentiel
de cette démarche, de son ambition, reste devant nous. Le Front de gauche n'est qu'une première étape vers notre objectif d'un Front populaire majoritaire. Nous savons tout cela.
Tout le monde peut avoir des doutes sur notre capacité à relever le défi
historique d’une relance du pari communiste dans le siècle qui s’ouvre. Qui n’en aurait pas ? La crise de civilisation nous invite à ne pas renoncer, et je dirais qu'elle nous donnes des
opportunités nouvelles. La question est aujourd'hui de saisir ces opportunités.
Roger Martelli et Lucien Sève, avec lesquels je souhaite que nous poursuivions un dialogue fécond, estiment que
notre ressort interne est épuisé, tout en reconnaissant que leur combat refondateur « n’a rendu possible à ce jour aucune réussite organisationnelle alternative
probante ».
Dans ces conditions, je crois pour ma part, avec l'immense majorité des
communistes qui l'ont décidé lors de notre 34ème congrès, que le choix de parier sur le parti communiste et ses profondes transformations
est le plus prometteur et le plus fécond.
A tous mes camarades, je je redis: oui, ce n’est pas le moment de partir, au moment où nous réussissons les
premiers pas d’une nouvelle ambition de rassemblement, où nous allons déployer nos propres transformations. Je leur lance un appel: votre place est avec nous dans la construction de ces avancées,
et si ce n’est dans le parti lui-même, dans le travail et le dialogue que devrons continuer à entretenir ensemble. Cet appel je l'adresse à toutes celles et ceux, au-delà de ces camardes, qui
pensent que c'est le moment de réunir toutes nos forces pour relever les défis majeurs de la période.
Je veux également dire un mot sur notre vie démocratique, sévèrement mise en cause dans la lettre des quatorze
membres du Conseil national. Beaucoup de choses sont évidement à améliorer. Là encore, notre congrès d’étape en ait saisi. Je réfute toutefois les
caricatures. Comment affirmer par exemple qu’au dernier congrès, la direction sortante avait décidé de présenter une liste du CN dont étaient éliminés la plupart des camardes en désaccord
politique? C’est tout simplement totalement faux.
Mais parlons de cette question majeure au fond puisqu’elle est aussi à l’ordre du jour de nos transformations. Depuis notre abandon du centralisme démocratique, la question de la diversité, du pluralisme, et
de son dialogue, fécond ou pas, avec l’efficacité de nos élaborations et de nos décisions collectives, reste un chantier que nous n’avons pas clos. L’innovation demeure absolument
nécessaire.
Tout en continuant à progresser, sachons reconnaître que le respect de la diversité repose sur deux
piliers : le respect des décisions majoritaires et le respect des opinions minoritaires. Nos débats lors des élections régionales ont parfois montré ici ou là l'incapacité à respecter l’un
et l’autre de ces deux versants du problème, comme si finalement certains d’entre nous, quelle que soit leur opinion d'ailleurs, persistaient à
penser qu’il ne peut y avoir dans la vie qu’une seule bonne opinion. Non, il y a une décision majoritaire à un moment donné et elle doit être respectée, elle est notre loi pour l’action, mais
elle ne devient pas une vérité intangible. La confrontation demeure source d’enrichissement. Elle doit être conduite dans le respect mutuel, et en même temps ne pas entraver l’action collective
qui est notre raison d’être.
Cela suppose aussi de récuser tout catalogage de tel ou tel camarade, toute tentative de figer une fois pour
toutes nos débats. J’y invite particulièrement après les élections régionales qui ont parfois provoqué des affrontements inadmissibles et des dérapages, venus de tous bords, scandaleux. Chacun a
eu son opinion dans ces débats. D'autres débats, d'autres décisions nous attendent où chacun compte à nouveau pour un, quelle qu'ait été son opinion dans les débats précédents. Retrouvons la voie
de du débat collectif et de l’unité par le débat collectif constructif et respectueux.
Je veux terminer en renouvelant mon appel à tous à poursuivre le dialogue, mon appel au débat à tous les
membres du CN qui disent vouloir démissionner de cette instance, et mon appel à tous ceux qui parmi eux ne quittent pas le parti à revenir sur leur démission du CN pour être reconduit dans cette
instance lors du congrès d'étape. Je propose que nous engagions à cet effet avec chacune et chacun de ces camarades le dialogue et les rencontres
nécessaires. Merci à vous."