Jeudi 12 mai 2011 4 12 /05 /Mai /2011 13:59
Vous avez choisi de titrer votre
ouvrage collectif sur « les émeutes ». Pourquoi utiliser ce terme ?
Jean-Louis
Olive. Il y a trois termes officiels : « état », « émeute » et
« exception » qui renvoient à des réalités institutionnelles. Nous remettons en question le concept d’émeute. Je lui préfère le mot de révolte ou de rébellion. Le
qualificatif d’émeute a été retenu par l’essentiel des médias et des politiques lors des événements d’octobre 2005 et c’est par ce terme que le public a eu accès à ces informations.
C’est donc une manière pour nous de le reprendre à notre compte et de l’interroger.
Pourquoi sortir un livre six ans
après les révoltes urbaines ?
Jean-Louis
Olive. Ce livre est le résultat partiel d’un colloque organisé en octobre 2006 à Perpignan, un an après les révoltes de la région
parisienne pour mettre à distance les faits. Nous voulions revenir sur ces événements tout en ayant eu les pieds dedans, puisqu’on a l’a vécu en direct à Perpignan en mai 2005. Il y a
donc à la fois une distanciation intellectuelle et un désir de témoigner. Ces émeutes ont été mises en boîte par le discours médiatique. Dès la première nuit, les médias emploient
quasi tous le même vocable. L’image télévisuelle fabrique des peurs chez les gens qui ne sont pas présents sur place. Nous avons donc procédé à une déconstruction de cette image
fabriquée.
A plusieurs reprises, les articles
soulignent la situation de paradoxe dans laquelle sont enfermés les habitants des quartiers populaires : à la fois on leur reproche de ne pas être comme les autres mais on
préfère leur accorder un régime spécifique. Comment l’expliquez-vous ?
Jean-Louis Olive.
Ca fait partie de la dialectique post-moderne qui est celle des grands ensembles urbains. On vit à 70% dans des villes et c’est l’environnement dans
lequel les gens sont consignés à vivre. On s’aperçoit qu’il y a une manière de stigmatiser, de culpabiliser, de traiter des groupes, des populations, des acteurs collectifs tout en
prétendant les sortir de leurs difficultés. C’est toute la logique des politiques urbaines et en particulier les politiques de rénovation urbaine. On voit des quartiers populaires qui
sont radicalement transformés sans consultation des populations elles-mêmes ou bien des quartiers laissées à l’abandon dans un état de pourrissement. Ces populations sont stigmatisés,
on leur reproche tous les critères constitutifs du différencialisme et du racisme, une banalité semble-t-il aujourd’hui dans la société sarkozienne. D’autre part, on évalue un
surcoût : on leur donne trop d’aides sociales… Cette logique conduit à une poussée de stigmatisation qui annonce des lendemains encore pires. Tout cela pendant que les acteurs
sur place essaient, eux, d’émettre des discours très différents.
Vous critiquez les partis
politiques concernant leurs réactions face à ces événements de 2005. Que leur reprochez-vous ?
Jean-Louis
Olive. Il n’y a de reproche mais un constat de désœuvrement complet. Pour certains, il y a eu une prise de conscience par l’ampleur du
choc et par la violence des émeutes. En particulier pour les maires de communes très proches de leurs habitants. Pour d’autres, l’usage de l’émotion atteint son comble avec des
mesures disproportionnées par rapport à des révoltes de groupes d’adolescents. Le déploiement de police, le jeu malsain qui s’est installé dans ces quartiers, l’état d’urgence décrété
continuent à laisser des traces puisque le traitement quasi militaire des révoltes est toujours à l’ordre du jour. Les décideurs se sont placés à un niveau de réactivité émotionnelle
et non pas sur un comportement responsable et prévisionnel. On entend toujours des conditions d’interpellation, « des façons de faire » de la police, toujours aussi
inconséquentes et qui provoquent des réactions très virulentes en face.
Après ces émeutes, s’est construit
le prototype du jeune garçon de cité macho, misogyne et oppresseur. Quelle est sa réalité ?
Jean-Louis
Olive. Je ne pense pas qu’il n’existe pas. Et je pense que c’est parce qu’il existe que la construction est crédible. Mais, s’il
existe, c’est à l’état de minorité caricaturale. Certains d’ailleurs ont fait de ce prototype un art de vivre. C’est une façon d’être chef de bande et de se distinguer dans son
quartier, de jouer le jeu de la représentation médiatique mais je le répète, il s’agit d’une minorité en général en proie à des problèmes avec le pénal. Il y a aussi un jeu de
dérision qui consiste à renvoyer cette image au pouvoir, au journaliste, à l’élu, au sociologue, en allant de plus en plus loin. Ce
comportement est complètement généré par nos peurs et prend racine dans un enfermement.
On entend souvent que les jeunes
des quartiers ne respectent pas la République… Est-elle trop rigide ?
Jean-Louis
Olive. C’est un appel à une République obsolète, figée dans un moule de cire. On élève des valeurs dans une pure abstraction. Etre en
République, dans une société comme la nôtre, c’est être au cœur de tensions, de mouvements contradictoires, de nécessités économiques qui justifient des migrations. Le rapport entre
l’identité et les différencialités ou les possibilités d’être différent est biaisé par des tensions. D’un côté on projette une République idéale qui n’a plus lieu d’être parce qu’elle
se négocie au quotidien et qu’elle se déploie sous des formes inouïes où la violence est minoritaire dans le quotidien. D’un autre côté, on ne veut pas voir d’autres formes de
renégociation, de réinvention de ce que pourrait être la chose publique par des acteurs qui n’ont pas accès à l’emploi et qui ont vécu l’échec scolaire.
L’avant et l’après émeute est ce
temps qui n’intéresse pas les médias et qui pourtant contient l’essentiel des changements. Que s’y joue-t-il ?
Jean-Louis
Olive. Avant l’émeute, il y a un choc collectif, un temps de recueillement. En général, une émeute se produit à la suite d’un
événement tragique. L’émeute est d’abord un lieu de rassemblement. Quelques fois, ça produit autre chose qu’une émeute et le projet de violence n’est pas toujours abouti. L’émeute qui
s’inscrit dans une sorte de dérapage recherche une redistribution de violence, comme dans une réciprocité. On essaie de faire mal à ceux qui nous ont fait mal, une loi du talion
implicite. Le moment de la dislocation des manifestations est un enjeu similaire. Il y a une sorte de connivence attendue entre des casseurs et des policiers : un climat de
guérilla urbaine, vécu comme une sorte de norme, comme un rituel qui n’est pas l’apanage des jeunes émeutiers. Dans les deux cas, émeutiers et manifestants voient la situation leur
échapper et leur éclater dans le dos pour mieux stigmatiser leur goût pour la violence.
Ecoles, gymnases, gendarmerie ont
été visés pendant les émeutes… S’agit-il d’institutions républicaines vécues comme des vecteurs d’humiliation ?
Jean-Louis
Olive. Depuis les années 90, on n’est plus dans une perspective de dialogue mais dans une phase de conflit beaucoup plus construite.
Une sorte de montée en puissance qui ne se fait pas de manière consciente. La violence décapante et déstructurante qui s’attaque à des cibles paternalistes devient une violence adolescente profonde qui rappelle une crise d’identité et la non existence de l’adolescent dans nos sociétés. C’est aussi une
réaction aux discours très violents de la Droite dure et du Front national. Pour nous sociologues, ça veut dire que sur les compteurs les plombs ont sauté. A Perpignan par exemple,
depuis les émeutes de mai 2005, rien n’a changé. Tout ce qu’on a décrit s’est aggravé. Un rapport de police récent montre que la délinquance diminue sauf dans le quartier où
l’attention des urbanistes est la plus élevée, le quartier de la gare. Les lieux portés par l’institution sont les moins sûrs. La ville n’a pas résolu les questions posées par ces
jeunes.
Entretien réalisé par Ixchel
Delaporte
* "Etat d'émeutes, état
d'excetion. Retour à la question centrale des périphéries", par Jean-Louis Olive, Laurent Mucchielli et David Giband, Presses universitaires de Perpignan, 2010
Commentaires 1
Mon cher Georges,
Nous traversons une période sérieuse du Parti et une crise. Une crise grave en certains endroits. Une crise de confiance dans la direction du Parti et dans les directions fédérales, de la part d’un certain nombre de camarades.
Pour pas mal de membres du Parti, « nous avons échoué ». « Nous avons amené la social démocratie au pouvoir et pour longtemps. »
D’autres disent : « ce n’est pas tant que les socialistes dirigent, que le fait qu’au même moment nous, nous reculons sévèrement et perdons la moitié de nos députés ». A travers toutes ces questions, il y en a bien d’autres, est posée dans toute son ampleur la question de l’unité. Il y a aujourd’hui des camarades qui ne savent plus que faire et d’autres plus quoi dire. Dans une réunion, on a dit : « comment mener aujourd’hui le débat contre le réformisme ? Il s’avère que le chemin que nous avons suivi n’a pas été le bon. En 1977, nous avons voulu barrer la route à la social démocratie et ça donne un succès inespéré au PS qui détient désormais tous les postes importants de la vie du pays. Comment faire maintenant ? »
Par ces questions, se posent celles qui sont au centre de la période qui vient : l’unité, et l’indépendance du Parti, sa personnalité.
Elles sont compliquées par le fait que le débat n’a pas lieu sur le fond mais sur des aspects secondaires.
Par exemple : nous avons été excessifs dans la critique du PS. D’autres aujourd’hui pensent (et c’est parfois les mêmes) que nous allons trop loin dans le compromis.
Je pense, si j’en crois mon expérience que nous aurions du mener notre politique d’éclaircissement de l’attitude du PS souvent autrement. Et qu’effectivement il y a eu des propos excessifs ; et que le Parti ne gagne rien au ton excessif. Nous sommes dans le pays de la mesure, et l’outrance fait mal. Mais là n’est pas la question la plus importante. Ces discussions et ces questions montrent qu’il ne sera pas facile de faire comprendre les raisons de fond qui ont amené cette situation. Et il sera difficile de la faire comprendre à tout le Parti, car c’est une tache immense qui nécessitera beaucoup de réunions, beaucoup de conférences éducatives, beaucoup de causeries. Il ne faut pas se faire d’illusion …
(…) A mon avis, cette dernière période, nous avons trop négligé le Parti, notre armée sans laquelle rien ne se fait. Nous avons négligé l’éducation de masse, et, dans ce domaine, par rapport à une période, nous avons accumulé un retard considérable et préjudiciable dans nos cadres de sections.
Au moment où s’estompaient les différences entre nous et la social démocratie, au moment où nous recrutions par milliers des nouveaux adhérents, nous avons négligé l’enseignement de principes élémentaires du Parti, l’enseignement de son histoire, toute chose qui éclaire sur la social démocratie et les différences qui nous séparent. En un mot : pourquoi nous sommes communistes.
C’est sur ce terrain trop fertile pour l’idéologie social démocrate qu’a été traitée la question de l’unité, de l’avenir de la France et du changement. Rien d’étonnant donc, si la grande question de l’unité est traitée par ses aspects secondaires, et si le débat tourne souvent autour « notre politique a-t-elle été brutale ? » et encore : « avons-nous eu raison en 1977 ? » (au lieu de conclure que 1977 était devenu inévitable ?).
C’est pourquoi la question qui reste au centre du débat interne au Parti est bien la question de l’unité, dans des conditions nouvelles et complexes. Questions qui se mêlent notamment à celle du Parti.
Pour pas mal de travailleurs (et de travailleurs des usines), nous sommes apparus comme ceux qui accumulaient des obstacles pour ne pas aller au gouvernement, contre le changement en quelque sorte. Nous ne voulions plus de l’union !
La haine que les travailleurs portent à ce pouvoir, la misère et l’inquiétude pour l’emploi notamment ont fait le reste. C’est ainsi qu’un brave travailleur en arrive à voter Mitterrand. Puisqu’il est le mieux placé ! Mais aussi « puisque après tout, il n’y a pas tellement de différences entre les socialistes et les communistes ! »
Ainsi, le problème devenait de moins en moins le contenu du changement, mais tout simplement le changement.
Ainsi s’explique que bien des travailleurs ont voté pour celui qui apparaissait comme étant le vainqueur certain !
Ce sont des questions difficiles à comprendre pour le parti, car, au même moment, nous entrons au gouvernement et parlons de victoire de la gauche.
Comment s’étonner dans ces conditions que des camarades, dont le fil conducteur leur échappe, ne voient là des contradictions dont nous serions coupables !
« Une fois vous frappez sur les socialistes, et maintenant vous passez des accords avec eux, effaçant d’un coup toutes les critiques. Vous vous découvrez 100 points de convergence avec eux ! »...
(…) Nous devons nous interroger sur ce qui s’est passé, sur le fait que nous n’avons pas décelé ce qui allait se passer : sur le recul du parti (nous n’avons pas vu partir les 4%) ; sur la victoire de Mitterrand. J’en tire l’enseignement que si notre travail est de convaincre, il est aussi d’écouter. Sinon, il n’y a pas d’échange suffisant entre le haut et le bas du Parti.
Il y a absolue nécessité à réunir tout notre monde, d’avoir de la patience, d’écouter même beaucoup de choses qui ne nous font pas plaisir.
La patience va jouer un grand rôle, et, sans tomber dans le laxisme, ni sans laisser dire n’importe quoi sans riposter, il faudra laisser les camarades s’exprimer, car j’ai la ferme conviction que les incompréhensions disparaitront par la discussion.
« il faut, m’a dit un camarade, que la famille communiste réagisse en famille, qu’elle aide chacun à se tourner vers l’extérieur, vers l’avenir. » Cela ne veut pas dire fermer les yeux sur nos fautes et les incompréhensions qui se sont manifestées dans la masse des travailleurs. Le Parti n’a rien à perdre, mais tout à gagner à écouter tout le monde, même ceux qui racontent des bêtises en toute bonne foi…
(…) Un dernier aspect auquel je tiens beaucoup. C’est notre façon de diriger notre parti à notre époque. J’ai beaucoup discuté avec des camarades autour de moi, des jeunes et des moins jeunes, et qui ont de notre parti une grande expérience de fonctionnement. Notre parti n’a pas une direction suffisamment orientée vers la province. La période qui s’ouvre va être celle de la décentralisation. Les conseils régionaux vont prendre en main les principaux problèmes avec des moyens matériels et financiers accrus. Les élus des conseils régionaux vont être, comme on dit « sur le terrain » et les directions fédérales vont avoir beaucoup de travail pour orienter tout ce travail…
(…) L’ère qui s’ouvre est à mon avis dans le cadre de l’unité nationale, celle des régions. Il faudra des hommes politiques de taille régionale et nationale. Ils seront confrontés à de multiples problèmes. Ma pratique régionale me dit que si l’on s’en tient uniquement aux directives nationales sans des élus compétents pour les adapter, ils seront crispés. On mettra des garde fous partout mais sans doute manquera-t-on d’ouverture et d’initiatives pour lutter avec le PS dans de bonnes conditions. On ne peut travailler à Lille comme à Marseille, et vice versa.
(…) Les grandes luttes ces dernières périodes sont venues aussi de province. Dans le passé c’était la région parisienne qui faisait partir tous les mouvements. Les choses ont évolué. Elles ont changé. J’ouvre une parenthèse. Par exemple, quand j’examine autour de moi, je vois que toutes ces grandes usines aux nombreuses luttes sont démolies. C’est de là, de ces luttes, que sortaient des dizaines de cadres syndicaux. Aujourd’hui, j’en connais qui n’ont jamais mené une grève. Cela nous pose des problèmes nouveaux à résoudre. Il va falloir que nous tournions bien plus vers la province, vers les régions.
Or notre direction est, d’après moi, ce que je qualifie de « trop parisienne » (encore que ces deux mots ne couvrent pas tout).
Je sais bien qu’on ne peut copier ce que font les dirigeants et le PS (nous sommes deux partis différents et nous nous assignons d’autres buts). Cela dit, il n’est pas interdit de réfléchir à leur pratique. Ils ont des dirigeants qui vivent dans leur région et ont une influence certaine sur plusieurs départements…
(…) Enfin, bien des militants pensent que, notamment ces dernières années, on n’a pas suffisamment veillé à développer l’initiative des fédérations, sections, cellules. Les campagnes à répétition s’ajoutant au travail fédéral font que les sections et les cellules n’ont plus de « créneaux » pour placer leurs propres initiatives. J’étais inquiet cette dernière période de voir l’agitation souvent stérile d’un certain nombre de camarades. Aller aux usines, c’était devenu distribuer des tracts pour les permanents, alors que nos propres camarades à l’intérieur de l’usine, non convaincus ou non prévenus, passaient, prenaient le tract comme tout le monde, cependant que les ouvriers ne s’arrêtaient pas pour écouter la prise de parole. Sans réfléchir, le lendemain on allait ailleurs, avec un magnifique courage ; mais pour quel profit ? Ce n’est pas là le travail du Parti. C’est du bouche-à-tout sans lendemain. Autre chose est d’aller parler ne serait-ce qu’avec un seul militant syndical pour l’aider, pour des campagnes réfléchies, comme à Renault Douai où la campagne pour les libertés a duré deux mois.
Cette dernière période, beaucoup de sections qui négligeaient le nécessaire travail étaient arrivés à un travail d’agitation sans lendemain. Les réunions de cellule étaient devenues trop courtes et rares. Et c’était souvent des réunions au cours desquelles on distribuait des directives. On devrait faire un sondage sérieux : combien de membres du Parti se réunissent-ils par mois et combien lisent notre presse ?
Le travail en profondeur ne doit jamais être supprimé par le travail dit d’agitation. Nous ne sommes pas un parti comme les autres. Nous ne sommes pas une machine électorale des élus mais un parti révolutionnaire qui ne peut vivre qu’avec des gens convaincus, des propagandistes véritables, ce qui fait toujours notre force par rapport aux autres partis. Nous avons encore trop de méthode d’en haut. Une grande critique est faite de notre propagande. Les gens ne retrouvent pas, adaptée, la politique du parti en liaison avec leurs revendications. Et ce n’est pas facile de se faire entendre sur cette question.
De même, « Paris » est encore trop souvent le lieu « d’où on commande ». De jeunes dirigeants fédéraux ont de la peine à faire passer leur expérience. On discute rarement avec eux. Alain Bocquet me dit « Jamais on ne m’a dit Viens passer une heure avec moi, Jamais on a eu l’idée que quelqu’un mange avec moi, m’interroge, me demande mon sentiment. Après, ajoute t-il, on en a trop à dire. Et puis le comité central n’est pas toujours le bon endroit ; on ne se confie pas comme au cours d’une conversation… »
(…) Car on ne peut pas tout expliquer avec le passé. Et au sujet du passé et de notre histoire, si je souscris à l’analyse faite par le bureau politique, je me soucie que cette discussion n’aboutisse à la condamnation (le mot est peut-être fort) ou la dévalorisation du passé de notre parti. Surtout que, dans notre souci de démontrer, on observe les limites nécessaires ; que l’on ne donne pas à la bourgeoisie des arguments pour faire croire aux jeunes générations que nous n’avons que des torts et qu’on jette le doute sur notre passé.
C’est vrai que nous avons des héros, des hommes et des femmes parmi les plus purs de notre pays. Quand je vois les jeunes loups du PS, les jeunes élus qui n’ont jamais connu une grève, qui se sont toujours défilés devant les combats difficiles, dont les pères nous crachaient dessus pendant la guerre d’Algérie et du Viêt-Nam ; quand je songe à ce « chemin de tourments » qui fut le notre durant toutes ces années 1950, 1960, 1970 et toutes les luttes que nous avons menées, les nôtres valent de l’or par rapport à ce petit monde de carriéristes.
C’est pourquoi il faut expliquer aussi le climat de l’époque, et que les conditions n’étaient pas souvent réunies pour une réflexion sereine.
(…) Ce que je viens d’exposer de tend pas à diminuer mais contraire à amplifier notre analyse à cet égard et tel que je le suggère le rapport présenté au comité central. Mais veillons à ne pas donner raison à l’ennemi sur soixante années de campagnes anticommunistes. Et ce n’est pas là un attachement sentimental à l’histoire de notre parti et à ses militants. Il y a 27 ans que je suis membre du comité central et je sais que tout ne fut pas parfait, y compris dans les rapports entre les hommes. Mais ce n’est pas l’essentiel. Dans cette situation difficile que nous connaissons, tout n’est pas noir.
Ces réunions où tant de questions sont posées portent en elles une confiance nouvelle, un essor nouveau si le débat est bien mené, bien organisé.
Il faut que la famille communiste réagisse en famille et c’est une situation qui peut se retourner dans le bon sens si les choses sont bien prises.
Amitiés.
Gustave
Le mardi 30 juin 1981.