QUAND LA COMÉDIE FRANÇAISE S’ÉVEILLE
On se souvient qu’entre Noël et le Jour de l’An, les personnels du Français, ce qui n’est pas dans leurs habitudes, avaient dû recourir à la grève pour tenter d’obtenir un rééquilibrage partiel de la répartition des primes de fin d’année en attendant l’indispensable remise à plat du système archaïque et profondément injuste qui les régit. Rappelons en effet que par un étonnant héritage de l’histoire, l’excédent d’exploitation dégagé en fin d’année (les « bénéfices », selon la terminologie de la maison), est partagé à raison de 76,5% pour les 37 comédiens sociétaires, et 16,5% pour les 360 autres salariés, comédiens pensionnaires compris ; les 7 % restant étant mis en réserve. Malgré cinq jours de grève, les salariés reprenaient le travail le 1er janvier sans avoir rien obtenu.
En l’absence de négociations avec la direction de l’établissement, sans que l’autorité de tutelle (la DGCA, direction générale de la création artistique du Ministère de la Culture) ait joué jusqu’à présent son rôle de médiation, les salariés et leurs organisations syndicales se sont vus contraints de déposer un nouveau préavis de grève pour le 11 janvier, date d’ouverture au public du Théâtre éphémère.
La Comédie Française, établissement prestigieux s’il en est, seule salle de répertoire dans le giron du service public, seul théâtre en France et en Europe à disposer d’une troupe permanente de plus de soixante comédiennes et comédiens, au sein d’une équipe de 400 salariés en totalité, est un établissement public (EPIC) de l’État depuis 1995, date à laquelle il fut doté d’un statut plus proche du « droit commun » que celui que lui octroyait l’empereur Napoléon 1er par le « décret de Moscou » de 1812…
Sous l’impulsion d’administrateurs comme Jean-Pierre Vincent, Antoine Vitez, Jacques Lassalle, Jean-Pierre Miquel, Marcel Bozonnet, ou de l’actuelle administratrice Muriel Mayette, la Comédie Française a su entrer dans la modernité. Elle a su enrichir et renouveler son répertoire. Elle fait appel à d’importantes collaborations extérieures. Elle assure la programmation du Théâtre du Vieux-Colombier de Jacques Copeau, ainsi que celle de la petite salle du « Théâtre-Studio » du Musée du Louvre… Les personnels artistiques, techniques et administratifs, dont chacun s’accorde à reconnaître l’amour du métier et les immenses qualités professionnelles qui les caractérisent, ont toujours accompagné avec courage et imagination ces évolutions. Il n’en reste pas moins que de graves séquelles d’un archaïsme quasi-féodal subsistent dans la gestion de cette vénérable Maison. Elles devront être corrigées.
Le Front de Gauche constate que la qualité du travail artistique de cette entreprise unique au monde est le fruit du travail collectif d’équipes artistiques, techniques et administratives de premier plan. La survivance des injustices catégorielles est un obstacle à cette qualité de travail. Il estime que le moment est venu de remettre à plat le statut de la Comédie Française, dans le respect de chaque catégorie professionnelle et en concertation avec leurs organisations syndicales représentatives, au service de l’accomplissement de la mission de service public du premier de nos théâtres nationaux.