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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

tribunes et idees

Civilisation(s): Claude Guéant ou l'odieux sentiment de supériorité

12 Février 2012, 12:58pm

Publié par PCF Villepinte

En flattant les penchants les moins civilisés (précisément) de nos concitoyens et en réactivant le «choc des civilisations», les nicoléoniens réitèrent en grand l’opération de l’«identité nationale».

Mots. Pour aller «au bout de la possibilité misérable des mots»(Bataille), à l’épreuve de la cruauté ressentie au-delà de l’âme, nous savons que toutes les formes de totalitarisme débutent par des mots... Pour Nicoléon et son aboyeur à pas de Guéant, il y aurait donc des civilisations «supérieures» à d’autres. La question – absurde mais récurrente dans notre tradition ethnocentrique occidentale – est à nouveau posée dans le cadre d’un processus électoral. Au nom d’un supposé «relativisme de gauche», elle serait taboue. Or, ce n’est ni par relativisme ni par tabou que nous refusons l’intitulé même, mais par Raison. Cette Raison qui, au XXIe siècle, devrait nous inviter à considérer toute volonté classificatrice comme une aberration et l’expression ultime du sentiment de supériorité, dont on sait, par l’histoire, qu’elle déclenche la foudre et attise les excès. Guéant veut nous dire: «Je suis supérieur à toi, donc je te domine.» En flattant les penchants les moins civilisés (précisément) de nos concitoyens en manque d’estime d’eux-mêmes et en réactivant le «choc des civilisations», au moment où la crise sociale atteint des sommets de destruction des vies, les nicoléoniens réitèrent en grand l’opération de l’«identité nationale» avec pour but de ressouder l’électorat ultra-droitier tout en éloignant les Français de l’essentiel. Stratégie électoraliste? Oui. Mais pas seulement. L’implacable mécanique de la logique des «boucs-émissaires» par temps de crise est désormais une marque de fabrique de la droite umpéiste et frontiste. Leur fond de commerce? Ni la crise sociale, ni les injustices, ni les inégalités... mais la peur de l’autre. 
N’en doutons plus: ils adoptent ce concept idéologique par conviction. La vieille France maurassienne et pré-fascisante a repris du service. Lisez plutôt ces mots prononcés sous le règne du prince-président:«Ce sont des guerres de civilisations que nous devons mener.»Dans la bouche des colonisateurs de la finance, par le mélange des genres et la haine de «l’autre», rien n’est donc impossible. Difficile dès lors de ne pas penser à Pétain, qui disait lors de son procès, en juillet 1945: «Je représente une tradition qui est celle de la civilisation française et chrétienne, face aux excès de toutes les tyrannies.»

Rejets. Ne feignons pas de croire que le fléau – comme danger, quel qu’il soit – reste cantonné dans les replis obscurs d’une lointaine géographie. L’obscurantisme menace aussi chez nous, parmi les puissants, il s’habille d’excès, de suspicions, de rumeurs, de rejets, de divisions. La démocratie républicaine est un art de poids et de mesure, de procédures, de principes intangibles et de pratiques, où la responsabilité ne saurait se déléguer. Au Palais, les digues ont lâché: plus de vigilance, plus d’esprit de mission ; place à la voracité du monde qu’ils veulent nous imposer... Sous prétexte que le mot «civilisation» ait été inventé par Mirabeau et que les Révolutionnaires s’en soient emparés pour les plus belles raisons qui puissent être imaginées – celle du progrès de l’humanité, des idées et des techniques –, il faudrait travestir l’esprit des Lumières et formuler un contresens qui nous ferait oublier l’esclavagisme, le colonialisme et pourquoi pas les camps de la mort, qui, n’en déplaisent à certains, avaient pour géographie matricielle la vieille Europe, celle de la philosophie, des Lettres, du latin et du grec ancien… La barbarie européenne n’est pas un fantasme «relativiste». Elle fut une réalité. Nous devons considérer une culture par ses nobles idéaux invariants, certes, mais aussi, comme le dit Edgar Morin,«selon sa façon de camoufler sa barbarie sous ces idéaux».

 

Culture. Alors? Attention: de l’ordo-libéralisme de Nicoléon aux pratiques fascisantes d’exclusions et de discriminations (ethniques, politiques ou religieuses), il n’y a qu’un pas. Un pas infime que les mots occidentalocentristes franchissent souvent depuis peu. Les civilisations, dont on sait qu’elles sont «mortelles» (Valéry), ne sont pas des berceaux dorés où l’on s’endort. Elles ne peuvent exister sans une conscience inquiète, non seulement de l’état de perfection auquel l’homme croit être parvenu, mais de l’imperfection qui demeure sous le monde étoilé. Cette conscience, en déviant, en s’affolant, fait le lit des intégrismes et des nationalismes étroits. Edgar Morin a bien raison:«Chaque culture a ses vertus, ses vices, ses savoirs, ses arts de vivre, ses erreurs, ses illusions. Il est plus important, à l’ère planétaire qui est la nôtre, d’aspirer, dans chaque nation, à intégrer ce que les autres ont de meilleur, et à chercher la symbiose du meilleur de toutes les cultures. Le faux universalisme consiste à nous croire propriétaires de l’universel…» Nous sommes définitivement avec Montaigne, qui dénonçait déjà en son temps la barbarie d’une pensée qui «appelle barbares les peuples d’autres civilisations».

 

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 10 février 2012.]

 

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Ce lundi, l'Humanité rend hommage à Pierre Bourdieu

22 Janvier 2012, 15:05pm

Publié par PCF Villepinte

Pierre Bourdieu

Médias - le 22 Janvier 2012

 

 

 

 

Dix ans après sa mort, l'œuvre du sociologue de la domination continue de traverser les consciences en nous donnant des raisons et des moyens d'agir sur la réalité sociale. L'Humanité de ce lundi consacre un cahier spécial de quatre pages sur "l'ennemi numéro un de tous les défenseurs de l'ordre néolibéral". A retrouver dès ce dimanche soir en vente dans notre boutique en ligne:

  • Inédit de Pierre Bourdieu: "Le sociologue devant l'Etat", Communication au XIe colloque "Les sciences sociales dans les années 1980, défis et tâches", organisé par l'Association internationale des sociologues de langue française, à Paris, du 27 septembre au 1er octobre 1982
  • Pierre Bourdieu, un sociologue de combat: rencontre avec Patrick Champagne, sociologue critique spécialiste des sondages et ancien proche de Pierre Bourdieu
  • Il fut considéré comme "l'ennemi numéro un de tous": retour sur l'homme et l'oeuvre

--> A lire aussi nos articles précédents dans l'Humanité:

Bourdieu, mort d'un grand intellectuel critique

Dix ans après Bourdieu, la sociologie critique: une démarche d'actualité

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Entreprises : les salariés peuvent prendre le pouvoir !

22 Janvier 2012, 08:15am

Publié par PCF Villepinte

A l'exemple des Scop, de nouveaux droits d’intervention des salariés dans les entreprises sont plus que jamais indispensables.

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«Pour une autre répartition des richesses.» «Ce n’est pas une crise, c’est une arnaque.» «Les salariés doivent avoir la parole.» Face aux grandes peurs d’à-venir, sous les coups de boutoir de l’atomisation sociale qui martèle nos sociétés, combien de fois avez-vous entendu ces phrases et bien d’autres, au coin des rues, en tête des cortèges, sur les piquets de grève et dans vos propres familles à l’heure des fins de mois difficiles? En exprimant leurs révoltes et en luttant comme ils le peuvent contre le règne du «moi» et la «commercialisation universelle», les peuples cherchent une voie, des idées, des solutions. Contre les inégalités et les injustices du capitalisme. Contre l’autoritarisme des puissants qui possèdent tous les leviers, financiers ou médiacratiques. Contre les oligarchies du fric et les organisations internationales sous tutelle – G20, banques centrales, OMC, FMI, etc. Contre la mise en concurrence des individus, qui renvoient les citoyens à la fabrique du néosujet, à la désaffiliation, au délitement du lien social…

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L’entreprise est l’un des lieux où se croisent le mieux (si l’on peut dire) à la fois l’ensauvagement et les souffrances du monde d’aujourd’hui, et en même temps le souffle d’aspirations nouvelles, formulées souvent de manière inédite dans leur mode opératoire. L’entreprise comme laboratoire, symbole du néolibéralisme: après avoir aboli les obstacles à la circulation des capitaux, les puissants veulent en effet démolir tout ce qui reste des systèmes sociaux et le droit du travail. Et autant dire que ce ne sont pas les toutes dernières annonces façon «grand bluff» de Sarkozy sur la taxe Tobin qui réconcilieront les Français avec la crédibilité «sociale» du pouvoir, chacun ayant bien compris la nature opportuniste de cette saillie lyrique du chef de l’État, qui ne vise qu’à atténuer les conséquences désastreuses de l’annonce de la TVA «sociale» sur les couches populaires... Les citoyens le savent. Dans un univers ordo-globalisé qui change et évolue vite, si vite, le monde du travail reste un continent à conquérir. Partout, par l’élaboration de Scop comme alternatives aux modes de gestion actuels et aux délocalisations, par l’accès à des financements émancipés du marché financier (coopératives de production, de distribution, de consommation, etc.), nous sentons cet irascible souhait de s’en mêler, de ne pas laisser les patrons et les princes du CAC décider seuls de nos sorts communs. Qu’on se le dise. Monte dans les tréfonds de la société l’envie de ne plus laisser les puissants et les appareils politiques s’arranger avec les affaires du monde, sur le dos de tous, pour préparer, par exemple, une petite alternance bien pépère...

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S’il s’agit urgemment de sortir le pays de l’emprise des puissances de l’argent, de la Sarkozye Compagnie et de l’idéologie libéralo-néoréactionnaire, les changements «à la marge», synonymes d’acceptation des politiques de rigueur et de «règles d’or», seraient un contresens historique devant l’ampleur des ébranlements liés à la crise. La vraie feuille de route, simple et audacieuse, tient en quelques mots: une réflexion inédite pour un nouveau projet de civilisation postcapitaliste. Ni plus ni moins… Même s’ils ne le formulent pas ainsi, les peuples, n’en doutons pas, sont prêts à s’y investir. En commençant par leurs lieux de travail ! De nouveaux droits et des pouvoirs d’intervention des salariés dans les entreprises sont plus que jamais indispensables pour réorienter les choix industriels et d’investissement… Ne l’oublions jamais, c’est aussi par le travail – et l’appropriation du travail – que l’homme se transforme. Un beau thème de campagne pour 2012, non?

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 janvier 2012.]

 

 

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Tribune de Claude Tedguy : Comprendre le monde, oui mais uniquement pour le changer

19 Décembre 2011, 14:57pm

Publié par PCF Villepinte

 Mots clés : claude tedguy,

Par Claude Tedguy, Philosophe et psychanalyste.

art 

 

Nous vivons dans un monde dans lequel chacun d'entre nous essaye instinctivement de sauver sa peau. Encore plus, lorsque les temps sont difficiles. Et en oubliant l'Autre.

    De la Gauche à la Droite, en passant par le Centre et toutes leurs dérives et leurs satellites, les mouvements politiques qui prétendent représenter les opinions et les désirs des populations, jouent le même ou au même jeu. Ils gardent les mêmes structures et poussent le pion (pour reprendre un mot de Diderot) comme ils peuvent, c'est-à-dire à leur profit, sur ce vaste échiquier de la société, comme ci celle-ci leur appartenait et que les êtres qui la constituent étaient un bien à conquérir pour une victoire, très aléatoire mais toujours cruelle, injuste, inhumaine et sale, qui s'appelle le pouvoir ou pire encore l'exercice du Pouvoir.
    De Camus qui se flattait d'appartenir à une gauche qui avait pour fonction " de faire en sorte que le monde ne se défasse pas ", à Derrida qui considère que tous les Etats sont " voyous " au point qu'il n'y a donc plus de voyous même si dit - il " je résisterai à cette tentation aussi facile que légitime, de penser que là où tous les Etats sont des Etats voyous, là où la voyoucratie est la CRATIE même de la souveraineté étatique, là où il n'y a que des voyous, il n'y a plus de voyous... " De l'un à l'autre malheureusement une constante : rester dans le cadre de la société constituée telle qu'elle est. Ne pas sortir des limites que la pseudo démocratie chère à tous, impose aux uns et aux autres, lesquels s'en réclament à qui mieux mieux... Au point qu'elle ne signifie plus rien tant elle est galvaudée et violée.
    Nulle remise en cause fondamentale de la société elle-même, mais des remèdes pour tenter de la guérir. Nulle remise en cause de l'Etat lui-même, de sa signification, de l'utilité de son existence, même si on le traite de voyou... Et de l'extrême gauche à l'extrême droite, on " joue le jeu " de ce qu'on appelle faussement la Démocratie.
    En fait on ne veut rien faire " qui défasse " le monde comme le voulait Camus, et si nous sommes tous " voyous ",  eh bien finissons par accepter qu'il n'y a pas de voyous même si la vraie démocratie, à qui on a demandé qu'une chose, " plus de démocratie ", n'est  " qu' à venir "... Oui, mais quand ? C'est la question qu'on est tenté et qu'on est en droit de se poser. Et c'est la seule question intéressante.
    Souvenons-nous de Marx, de ce Marx acharné à convaincre même les plus convaincus, même Engels qui n'était pas à convaincre ; de ce Marx argumenteur, dialectitien enflammé qui finit par dire : " ... Mais enfin disons-le une bonne fois, il n'est pas question de comprendre le monde, il s'agit de le changer !... "
    Depuis, les régimes dits " Communistes ", ou ayant opté pour cette appellation incontrôlée ont lamentablement échoué, ce sont écroulés ou bien sont habilement passés à des régimes inavouables et inavoués. Mao Tsé Dong qui avec raison voulait en priorité changer l'homme, n'a fait que donner naissance à un univers monstrueux. La Russie est devenue la pat,rie d'une super-voyoucratie instituée et exportée. Les petits seigneurs des pseudo Républiques Satellites s'encanaillent du plus et du mieux qu'ils peuvent. Cuba se meurt en attendant d'éclater, sur fond d'une musique qui défoule et dans les volutes des cigares qui grisent... Quant aux Etats Capitalistes avec à leur tête les USA qui avaient la prétention de donner des leçons de toute nature au monde civilisé, ils agonisent, victimes de leur propre jeu. Entrainant dans leur perte un peuple à la dérive se demandant enfin ce qui lui arrive, et mesurant l'ampleur du mensonge habilement distillé.
    En réalité, les peuples n'en peuvent plus. Les hommes et les femmes que nous sommes n'en peuvent plus d'être manipulés par des Pouvoirs qui se prétendent " Etats ", et qui au nom d'une éthique partout inventée à l'aune du Profit privent nos enfants de tout Bonheur, de tout Espoir, de toute confiance dans l'humain, en faisant, en voulant faire d'eux des citoyens prétenduement libres, mais en fomentant une sourde et cynique conspiration contre cette jeunesse qui dérange.
    Car nous sommes plus que jamais " dans les fers " comme le disait Rousseau. Et nous y sommes tellement et depuis si longtemps, que nous croyons ne pas y être, ce qui est le comble de l'esclavage !... Alors, pour revenir à notre question, quand tout cela va-t-il changer ?
    " Du passé faisons table rase " dit la chanson... Et nous n'avons fait table rase de rien. Nous avons tous continué à jouer avec les petits camarades dans la cour de récréation, au même jeu qui n'engage à rien, au gendarme et au voleur, alternativement...
    Nous n'avons jamais eu le courage d'affirmer qu'il fallait casser et démolir les stuctures existantes pour bâtir autre chose. Nous avons voulu rafistoler, réparer, améliorer, alors qu'il fallait raser, réinventer et reconstruire ( et ce dans l'ordre où je le dis ). Nous avons cru qu'on pouvait confier notre destin commun, notre avenir pourtant bien hypotéqué à des hommes dits charismatiques, alors que notre avenir nous appartient à nous tous ensemble, qu'il appartient aux peuples collectivement... Nous avons oublié le Nous anonyme pour le Je fanfaron et pour le Il admiratif... Nous sommes responsables de nos malheurs et pire encore du malheur que nous préparons aux enfants que nous avons eu la légèreté et la cruelle inconscience de faire naître.
    Nous avons cru que l'Espoir était un Mot. Alors qu'en réalité, il est un dur combat physique, risqué, violent, contre tout ce qui empêche l'homme d'atteindre la Liberté. Nous nous sommes endormis, confortablement bercés par des concepts et des mots qui nous ont hypnotisé au point que nous n'arrivons plus à nous réveiller et que nous allons mourir de nous-mêmes sans même savoir que nous mourons.
    Nous avons oublié ces mots d'Eluard : " Faire avec du sable du pur cristal et avec du rêve de la réalité ". Mais il n'est jamais trop tard pour agir, se battre contre notre propre inertie et pour que ce monde soit enfin celui de la Fraternité à laquelle il faudra faire autre chose que de rêver ; à laquelle il faudra     donner vie au péril même de notre propre existence. Pour que nos enfants se souviennent de nous et qu'ils comprennent que c'est là le seul héritage que nous pouvons et que nous devons leur transmettre.

Claude Tedguy

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SUR LE BLOG DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN

11 Décembre 2011, 08:05am

Publié par PCF Villepinte

Surveillance(s) : quand les libéraux deviennent fous...
Qu'y a-t-il de commun - ou de skyzophrène - entre les larmes d'une ministre italienne et les agissements d'une agence de notation ?

Larmes. Se souviendra-t-on des sanglots d’Elsa Fornero, ministre italienne des Affaires sociales? Au côté du nouveau président du Conseil, Mario Monti, cette dame d’apparence austère aux cheveux droits tirés sur les oreilles, par ailleurs vice-présidente de la banque Intesa Sanpaolo (sic), présentait dans le détail le nouveau plan de rigueur. Un à-venir social terrible pour ses compatriotes, dont elle semblait prendre la mesure à chaque énumération, comme une sorte de révélation progressive mise en abyme, comme si, derrière la froideur des chiffres et la pâleur des mots, des êtres prenaient soudain forme humaine dans le désarroi d’une matérialisation enfin palpable. Alors, sans prévenir, la voix de cette femme s’érailla, dérailla… La tentation fut grande de croire à un stratagème, à une comédie, à une tragedia dell’arte faussement surjouée à destination d’une vox populi y perdant son latin. Dans cette désarmante scène de la vie politique, une ministre a gémi – et les marchés ont souri. Triste à pleurer. Les apparences sont-elles trompeuses?

Fin. Connaissez-vous le très sérieux et influent Conseil européen des relations étrangères, élu «meilleur nouveau think tank dans le monde sur les cinq dernières années»? Basé à Londres et disposant d’antennes en Europe, cette structure a pour but de favoriser une perspective paneuropéenne dans les débats économiques et politiques. Cette semaine, la représentante d’un de ses bureaux les plus influents, celui de Berlin, a décidé de sortir de l’ombre en nous adressant une missive sur le thème : «Français, à vous de jouer!» Ulrike Guérot, auteur d’une thèse sur le Parti socialiste français, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris avant de partir enseigner dans le privé aux États-Unis, prône ouvertement une harmonisation fiscale et politique des deux côtés du Rhin. 
Mais cette dame n’a ni le temps ni le goût de la nuance. «Que ce soit clair, déclare-t-elle. Oui, ce sera la fin des 35 heures, la fin de la retraite à soixante ans, la fin de “travailler moins pour vivre mieux”. Et ce n’est pas la faute des Allemands, mais parce que nous sommes en train d’intégrer quelque deux milliards de personnes dans le marché global du travail.» Et elle ajoute: «L’Europe le vaut.» Moralité, écoutons toujours attentivement les technocrates, ils expriment très consciemment la pensée stratégique inconsciente de ceux qui nous gouvernent.

Allemagne. Ces mêmes technocrates n’hésitent pas à affirmer que la crédibilité de l’euro ne peut se jouer que sur le terrain de l’apolitique. Est-ce l’ambition de l’Allemagne? Doit-on y voir une politique bismarckienne? Ou plutôt le retour d’un des courants les mieux établis du libéralisme, l’ordolibéralisme, né dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres et théorisé sous le nom «d’économie sociale de marché»? Et est-ce si incongru d’établir un parallèle entre la posture idéologique d’Angela Merkel et celle suivie au moment de la grande dépression par Heinrich Brüning, chancelier (trop méconnu) de 1930 à 1932? Le trouble historique a de quoi imposer la réflexion. Car Brüning, contournant le Parlement de l’époque, imposa par décret d’urgence une politique absolument radicale d’austérité qui lui valut le surnom de «chancelier de la faim»: baisse des salaires, réduction des indemnités, coupes drastiques dans les dépenses publiques, politique monétaire restrictive par peur de l’inflation, démantèlement de l’État social, affaiblissement de la République de Weimar, etc. Inutile ici d’en réécrire les conséquences… Et aujourd’hui, au nom de doctrines libérales quasi fanatiques,
il faudrait masquer toutes similitudes avec les années trente?

Fous. Pendant ce temps-là? Croyez-le ou non, mais l’agence de notation Standard& Poor’s a annoncé qu’elle plaçait sous «surveillance négative» la note du Fonds européen de stabilité financière (FESF), lui-même mis en place pour venir en aide aux États… Cherchez l’erreur. Plus incroyable encore. Le fameux Fonds monétaire international (FMI), qui, par dogme économico-libéral, lorgne depuis toujours sur la gestion des États et tond les populations à la première occasion, cherche lui-même de l’argent auprès des institutions bancaires européennes. Vous avez bien lu. L’institution de Washington serait à court de liquidités. Problème, la BCE n’étant pas membre du fonds, son intervention auprès du FMI semble impossible. Alors? Pour lever au moins 100 milliards d’euros le plus rapidement possible, le FMI devra se tourner vers les banques centrales nationales, comme la Banque de France ou la Bundesbank, qui, comme vous le savez, ne peuvent plus prêter à leurs propres États… Et la boucle est bouclée. Conclusion de ce circuit financier schizophrénique ? Ils sont tous devenus fous. Et comme la plupart des fous, ils ne s’en aperçoivent pas…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 9 décembre 2011

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Intouchable(s) : ce que nous dit le succès d'un film...

4 Décembre 2011, 08:09am

Publié par PCF Villepinte

 
Ce triomphe en millions de spectateurs est-il proportionnel à la détresse sociale de ce début de XXIe siècle ?

Succès. «Seul l’amour et l’amitié comblent la solitude de nos jours. Le bonheur n’est pas le droit de chacun, c’est un combat de tous les jours. Je crois qu’il faut savoir le vivre lorsqu’il se présente à nous.» Orson Welles avait le don des choses simples et l’art d’en complexifier le sens. Que dirait-il, ici-et-maintenant, face à ce dilemme très contemporain : comment toucher les cœurs par temps de catastrophe? Et comment se mettre en situation de «s’ouvrir» aux autres sans calcul ni tricherie? Question (à tiroirs) tellement brûlante que chacun, depuis quelques semaines, y va de son petit commentaire plus ou moins savant pour expliquer et décrypter 
le surprenant et tonitruant succès public du film Intouchables. Déjà dix millions – et presque autant affirmant «vouloir le revoir». De quoi rester tétanisés par l’ampleur du phénomène, dans la mesure où l’analyse de l’objet cinématographie en lui-même ne nous apporte pas de réponses significatives. Le talent des auteurs? Pourquoi pas. La justesse du jeu des acteurs? À l’évidence. L’incroyable histoire d’amitié de deux personnages que tout sépare? Sans doute. Et après, beaucoup de bruit pour rien? Comme avec Titanic ou Bienvenue chez les Ch’tis, qui résistent peu à l’examen critique? Ou beaucoup d’entrées pour de bonnes raisons – évidemment autres qu’artistiques?

Fraternité. La première manière d’entrevoir une partie de la réalité est sans doute de raisonner cul par-dessus tête. Par retournement. En temps de catastrophe globale, donc intime (comme sur le Titanic), l’abolition des classes (sociales) face à l’inéluctabilité du drame se produit d’autant plus symboliquement qu’elle en révèle toutes les injustices (sa condition détermine son rang). Chacun s’y retrouve donc. Intouchables provoque le même effet, en tant qu’il verbalise la catastrophe hors classes tout en jouant avec les classes: la catastrophe personnelle touche n’importe qui, le riche comme le pauvre, le Blanc comme le Black. Et le handicapé côtoie le stigmatisé. Tout les oppose? L’amitié va les réunir. Ou comment la fraternité – l’une des devises républicaines – devient promesse d’égalité. Voire de démocratie citoyenne… Dans un monde de crise à tous les étages où les solidarités humaines (face aux égoïsmes) et républicaines (face au recul des droits) deviennent l’exception, des millions de Français se précipitent dans les salles obscures et plébiscitent, consciemment ou inconsciemment, une autre espérance que l’atomisation sociale et le règne du chacun pour soi. L’affirmation d’un autre à-venir. Comment ne pas se féliciter de cette émotion empathique? Mieux, peut-on seulement ne pas s’en réjouir?


Métaphore. Il existe néanmoins une seconde manière d’examiner le phénomène de société Intouchables. N’y voir qu’un conte à la portée de tous où le bon Black des cités populaires vient en aide au paraplégique des quartiers riches, avec, pour toute métaphore, une mièvrerie bien dans l’air 
du temps: l’argent ne fait pas le bonheur. Quelle trouvaille. Le Black au chômage s’extirpe du néant social grâce aux bienfaits du paralysé. Chacun ses galères. Et rigolez-en bien. Comme l’écrivait cette semaine dans Libération un professeur de philosophie, Jean-Jacques Delfour: «C’est l’un des effets principaux du film. Naturaliser la violence sociale et masquer cette opération par du racolage aux affects.» Et il ajoutait: «Le message du conte est simple : l’instruction, la culture, le désir d’émancipation, la révolte sont inutiles ; la beauté cosmétique et le hasard ont seuls quelque puissance.» Autrement dit: le triomphe d’Intouchables est-il proportionnel 
à la détresse sociale de ce début de XXIe siècle?

Rêves. Curieuse époque. Où chaque jour un peu plus les dirigeants européens semblent livrer les peuples à la loi de la finance. Où les pires cloaques semblent être les derniers refuges des idées de nos gouvernants. Où chaque citoyen de progrès ayant baigné un tant soit peu dans l’émancipation philosophique et politique en vient légitimement à se demander si le libéralisme dit «de gauche» serait forcément meilleur que celui dit «de droite», chacun constituant l’une des faces – politique et culturelle pour l’un, économique et idéologique pour l’autre – du même système. Pendant ce temps-là, lesdits libéraux martèlent en chœur que le «principe de réalité» et le «pragmatisme» sont désormais les horizons indépassables de la politique. Un monde meilleur? De nouvelles règles de gouvernance? N’y pensons plus. Ne rêvons plus. Ne rêvons à rien d’ailleurs. Rêver? Voilà le danger. Au royaume du réalisme, le cynisme est roi. Plus question de changer la vie ou d’abattre le capital. Et l’amour? Toujours intouchable?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 2 décembre 2011.]

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Le mur du dogmatisme stalinien est tombé, mais Marx est toujours vivant.

26 Novembre 2011, 07:37am

Publié par PCF Villepinte

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La chute du mur de Berlin a signifié à la fois le triomphe 
du capital et l’échec de la deuxième tentative – après la Commune de Paris – de construction d’une société libérée de l’exploitation capitaliste. Pour en finir avec ce qui mutile les humains, pour que tous et chacun(e) puissent affronter les contradictions de la vie en s’épanouissant, il faut des propositions, des idées et des luttes nouvelles.

L’affrontement des idées n’a jamais cessé. Le mur du dogmatisme stalinien est tombé lui aussi, mais Marx est toujours vivant. Le matérialisme dialectique, qui saisit le mouvement du réel dans ses contradictions, a-t-il cessé d’être une pensée libératrice ? Faut-il l’abandonner ou faut-il l’enrichir, le développer pour ce siècle ? Pour transformer le monde, il faut 
le connaître.

On nous dit maintenant que les théories sont des constructions sociales, que toute vérité est relative. La lutte des classes n’est-elle qu’une vieille lune ? Notre monde technologique, où la mécanique quantique joue un grand rôle, témoigne de connaissances indiscutables. Les avancées nouvelles bousculent parfois les convictions, mais en les corrigeant, elles les améliorent souvent et les rendent plus fiables. La pensée émancipatrice conçoit la connaissance comme un reflet 
du monde, reflet imparfait, 
mais reflet sans cesse amélioré par 
la recherche et l’activité pratique.

Un observateur, ou un groupe social, avec son histoire et ses objectifs ne perçoit jamais  que quelques aspects des choses. D’où la nécessité de la libre confrontation des idées, de l’activité collective de compréhension critique d’un monde en mutation permanente. Les libertés d’expression, individuelles et collectives, sont indispensables à quiconque veut transformer le monde. Encore faut-il qu’elles soient assurées concrètement. Le pluralisme de points de vue dans les journaux, à la télé, etc., est une nécessité démocratique vitale, pour aujourd’hui comme pour demain.

Pascal Lederer. Directeur de recherche émérite au CNRS, coanimateur d’une autre voix juive

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Sur le site du PCF

12 Novembre 2011, 09:00am

Publié par PCF Villepinte

Des éléments de réflexion ...et d'action.

 

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Démocratie(s) : l'altération des repères ruine-t-elle l'émancipation?

16 Octobre 2011, 20:31pm

Publié par PCF Villepinte

Sur "Le blog de Jean-Emmanuel Ducoin"
Réflexion très contemporaine autour d'un essai vivifiant, La Démocratie anesthésiée, de Bernard Vasseur.

Rêve. Puisque nous croyons aux passerelles non visibles qui atteignent d’autres horizons, puisque nous pensons que les idées peuvent se renouveler à condition de chercher l’air à grandes bouffées comme pour aspirer (encore et encore) le soleil de notre enfance, et puisque, enfin, nous ne cessons d’entamer le déchiffrage de notre propre mystère collectif, relisons avec empathie l’une des citations de Guy Debord: «Partout où règne le spectacle, les seules forces organisées sont celles qui veulent le spectacle. Aucune ne peut donc plus être ennemie de ce qui existe, ni transgresser l’omerta qui concerne tout.» Quand l’agora se transforme en une vulgaire scène pour pitreries globalisées où tout s’égalise et tout se vaut, la démocratie s’y retrouve-t-elle? Osons paraphraser l’auteur de Panégyrique. Dans un monde cul par-dessus tête, le vrai est-il un moment du faux? Et le rêve, oui le rêve, ne devient-il pas souhaitable, indispensable quand la nécessité se trouve socialement… rêvée ?

Essai. Dans la Démocratie anesthésiée (Les Éditions de l’Atelier), le professeur de philosophie et directeur de la maison Elsa-Triolet-Aragon, Bernard Vasseur, prolonge sans détours le questionnement: «Plus de temps de loisirs disponible pour se divertir plus longtemps? Faut-il se satisfaire d’un tel rabaissement consumériste et désenchanté?» Dans cet essai vivifiant où le nouveau visage du politique est sondé et décrypté, analysé et déconstruit, Bernard Vasseur en revient à un préambule grave: «Quel objectif poursuit la démocratie aujourd’hui?» Torpeur, impuissance, inertie, etc., tout nous montre que cette démocratie est bloquée, la prise de parole monopolisée, le pouvoir confisqué. D’où provient ce blocage historique? N’est-il issu «que de la lente anémie de pratiques séculaires d’une démocratie que tout le monde vénère» comme «un étendard glorieux et qu’il suffirait de rajeunir un peu»? Ou est-il «le résultat de l’anesthésie programmée d’une démocratie qui ne fait plus l’affaire en haut lieu», quelque chose «comme l’ébauche d’un nouveau visage du politique se mettant progressivement en place et préparant tranquillement, sans bruit, en douceur, l’entrée dans un âge postdémocratique»? L’expression en choquera plus d’un et tant mieux : «Un despotisme d’un genre nouveau», annonce-t-il. Soft et invisible, insidieux car imperceptible aux yeux du plus grand nombre. Prenant Tocqueville à témoin – un pied de nez –, l’auteur interpelle ses contemporains: «Comment ne pas reconnaître, dans cette “servitude réglée et paisible”, que Tocqueville voyait comme menace possible à l’horizon des nations démocratiques de son temps, l’idéal majeur qui anime les puissants d’aujourd’hui et leurs serviteurs dans l’appareil d’État?»

Émancipation. L’altération des repères positifs de l’éthique a bel et bien des conséquences intellectuelles qui n’épargnent pas la politique. Dans cette société dont on nous assure qu’elle est désormais incapable de s’incarner dans quelque chose qui la dépasse, quelque chose de plus grand, de plus audacieux que ce qu’on lui promet quotidiennement, le goût du jour-le-jour et la fabrique de l’insignifiant-faute-de-mieux semblent s’imposer à tous. Sans discussion? Bernard Vasseur en doute. Il écrit: «Beaucoup ressentent amèrement, au fond d’eux-mêmes, la comédie peu reluisante qu’on entend leur faire jouer. “Les peuples instruits sont ingouvernables”, disait le philosophe Alain, et ils comprennent que c’est pour mieux les “gouverner” et les “assagir” qu’on prétend les borner aux menus plaisirs courts sur pattes du strass et des paillettes, du supermarché et de TF1.» Et il suggère: «Le combat pour l’émancipation humaine a occupé trop de siècles pour ne pas avoir marqué profondément les esprits et s’achever, comme un jour sans lune, dans la souveraineté vendue au peuple à la télévision, afin qu’il aime ce qui le soumet et ferme les yeux sur ce qui l’opprime.»

Priorités. Le réel voudrait nous voir disparaître du champ médiatique miné par le cynisme, l’argent et les notoriétés en plastique bon marché. Choisissons la fulgurance de Scott Fitzgerald: «Il faut savoir que les choses sont sans espoir, mais néanmoins essayer de continuer à les changer.» Choisissons, surtout, la hiérarchie philosophique proposée par Montesquieu: «Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime.» Rien à ajouter ?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 14 octobre 2011.]

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Quelle actualité 
des pensées socialistes ? Socialisme

26 Septembre 2011, 18:21pm

Publié par PCF Villepinte

L'Humanité des débats

Mots clés : Communisme, Gauche en débat,

Par André Tosel, philosophe, professeur émérite à l’Université de Nice.

Rappel des faits Le colloque de Cerisy sur «Les socialismes» a invité les chercheurs à travailler en commun pour ouvrir des pistes théoriques et politiques contre le capitalisme mondialisé. « Quels socialismes pour notre monde ? » Telle est la question qui a traversé le colloque « Les socialismes » (*), organisé au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle, fin juin, sous la direction des professeurs Juliette Grange et Pierre Musso. Historiens, sociologues, politologues et philosophes ont croisé leurs approches pour déployer leurs réflexions autour de deux axes, historique et politique. De Saint-Simon à Durkheim, Marx, Jaurès et Gramsci… Le colloque a permis de revisiter les grandes œuvres et doctrines du socialisme, du communisme et de l’écologie ouvrant des voies nouvelles d’organisation sociale fondées sur la justice, le développement et l’égalité.Anna Musso (*) Les actes du colloque seront publiés par les éditions le Bord de l’eau.

Il est urgent d’arrêter la spirale infernale qui conduit à la catastrophe sous la férule aveugle du capitalisme financier, notamment actionnarial, qui incorpore le capitalisme industriel et prend en otages des populations autant indignées qu’impuissantes pour l’instant. Des mouvements sociaux ne cessent de se manifester depuis 1995 dans les usines, les entreprises, les services. La réforme des retraites a fait l’objet d’un rejet massif. Et malgré tout cela, la crise de légitimité ne devient pas crise de système dont elle est le prodrome possible. Le pouvoir manœuvre la crise financière en voulant constitutionnaliser le contrôle des budgets publics par les diktats des marchés (« la règle d’or », qu’il serait plus exact de nommer « règle de l’ordure »). Chaque mouvement social trouve sa réponse dans un nouveau franchissement de seuil de cet intolérable toléré. Il est temps de frapper fort, d’un coup d’arrêt qui, fasse, enfin, contre-seuil.

Ce défi implique un mouvement de masse énorme, capable d’articuler ses composantes hétérogènes et fragmentées autour d’idées-forces : contrôle drastique du capitalisme actionnarial et limitation des Bourses, impôts sur le capital et la fortune, lois contre la richesse excessive de type loi jacobine contre les accapareurs, suppression des fonctions de trader et des mécanismes sophistiqués de type subprimes, mise au pas des agences de notation, nationalisations effectives des banques et des entreprises qui délocalisent et annulent le droit du travail. Mais aussi : suppression de la Ve République et mise en place de la VIe République régie par le suffrage proportionnel, satisfaction des besoins élémentaires des plus pauvres et des plus massacrés, réorientation anthropologique du désir dans une autre direction que celle du faux désir de consommer du désir, contrôle démocratique exercé par les ouvriers et employés sur la production, revitalisation des services publics gérés avec les tous individus concernés, actualisation de formes de démocratie de base de type communaliste. Puis, élimination des diverses formes de l’apartheid mondial, maintien d’une agriculture de qualité avec de vrais paysans, effort culturel sans précédent autour de la libre égalité et de la réduction de la division entre simples et intellectuels, lancement d’une réforme intellectuelle et morale pour produire la multiplication d’une puissance de penser et d’agir collective, développement d’une écologie critique sans culte du productivisme et du consumérisme. Enfin, abrogation des lois scélérates et xénophobes en matière d’immigration, restauration et élargissement du droit du travail, politique internationaliste de paix résolument anti-impériale.

On aura compris que nous ne parierons pas sur le vocable de socialisme et préférons celui de communisme, malgré le poids de l’histoire récente. Pourquoi ce choix ? Tout d’abord, le socialisme actuel est épuisé et vide, soumis au néolibéralisme dont il est le contremaître docile et serf. D’autre part, le capitalisme actuel a d’ores et déjà été aussi meurtrier que les totalitarismes du siècle passé. Il détruit plus que l’humain, il détruit le peu de monde qui nous est encore commun. Le recours à une constellation nouvelle du commun excède toute socialisation, toute pensée du social en ce qu’il prend en compte toutes les dimensions du faire monde humain. Il est appel à maintenir le monde à raison, et monde garder. C’est dans cet esprit que la lecture critique des socialismes passés et présents (s’il en existe) et la critique du communisme réalisé au siècle précédent peuvent être fructueuses. Nous renouvelons, avec de meilleures raisons, notre proposition d’il y a quelques années d’un communisme de la finitude (Études sur Marx – et Engels. Vers un communisme de la finitude, Paris, Kimé, 1996). L’infinitude ontologique de la puissance d’exister existe dans le monde humain à chaque fois sous un mode fini qui trouve sa forme dans une coopération qui n’a d’avenir qu’à être respectueuse des choses et des êtres, consciente de la finitude de la planète Terre, délivrée du fantasme de la maîtrise propre à la production pour la production et à la consommation pour la consommation. Le communisme de la finitude n’a surtout pas à gérer le nihilisme capitaliste, qui détruit le monde au fur et à mesure qu’il le produit selon la loi de la « profitatyon » (ce beau mot créole) à tout prix et qui ne connaît d’autre dieu que l’argent s’autoengendrant jusqu’à dévorer le monde et consumer la présence humaine. Le communisme de la finitude veut affronter un enjeu cosmopoiétique, non pas panser dans l’impuissance les blessures du monde social livré à la logique du pire, la logique dominante.

Explorer les voies contre le néocapitalisme

André Tosel

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