Révélation.
Quand la SNCF donne un avenir au fret qu'elle condamne…
Dans une note interne sur la Deutsche Bahn, l’entreprise publique reconnaît que le fret dit du wagon isolé qu’elle a pourtant décidé d’abandonner est un service
d’avenir.
Quels sont les objectifs poursuivis par la SNCF avec son plan fret ? La lecture d’un document interne
que l’Humanité s’est procuré laisse en effet perplexe. Ce « point sur la Deutsche Bahn » vante la politique en matière de transport de marchandises poursuivie
par le principal concurrent de la SNCF.
Or, cette note de 7 pages qui analyse la situation récente du leader européen du rail décrit une stratégie
rigoureusement contraire à celle de l’entreprise publique. À l’heure où la SNCF décide d’abandonner le wagon isolé, la Deutsche Bahn fait du développement de ce service sa
priorité.
UNE VOIE À CONTRE-SENS
La note évoque d’abord « les performances » de DB Schenker, la filiale de la Deutsche Bahn, en
charge du fret. Elle constate que l’activité est « fortement contributrice aux résultats du groupe » même si en 2009 en raison de la crise économique son chiffre d’affaires a
fortement reculé. Cette précision a d’autant de sens qu’à l’inverse, les résultats de fret SNCF ne cessent de se dégrader depuis 2002 et sont responsables à eux seuls de près de la moitié du
milliard d’euros de perte enregistré par l’entreprise publique en 2009. Coté « performance » en volume de marchandises transportées, l’écart est le même. En 2009, DB Schenker a
convoyé 93,07 milliards de tonnes / kilomètre contre seulement 30,22 milliards de tonnes / kilomètre pour son rival français. Selon la note, les meilleurs résultats enregistrés par l’entreprise
allemande s’expliquent par sa capacité à mieux remplir ces trains.
LA SNCF NE RÉPOND PAS !
Le document interne explique enfin que DB Schenker a décidé de « remanier totalement sa structure de
production pour diminuer la part des trains massifs (un seul expéditeur et un seul destinataire pour un train de 20 à 22 wagons – NDLR) et de basculer près de 60 % de ses flux dans une
production multi-lots (équivalent du wagon isolé c’est-à-dire plusieurs expéditeurs et plusieurs destinataires pour un train de 20 à 22 wagons – NDLR) ». En clair, cela veut dire que
l’entreprise allemande change radicalement de stratégie.
Jusqu’à présent, elle attendait que chacun de ses clients ait réuni suffisamment de wagons pour composer un
train massif, avant d’effectuer le transport. Dorénavant, elle enlèvera plus régulièrement les wagons même s’ils ne sont pas en nombre suffisant pour composer un train massif. « Cette
méthode de production, qui a fait ses preuves, est susceptible de donner un avantage décisif à DB Schenker », reconnait la note interne de la SNCF. En effet, l’industrie ferroviaire génère
d’importants coûts fixes. Plus on fait circuler de trains, plus ces coûts fixes sont marginalisés et plus le coût de circulation de chaque train est abaissé. Donc, plus compétitif dans un
marché concurrentiel.
Dans ce document interne, la SNCF reconnaît donc que le wagon isolé est une méthode de production d’avenir.
Alors pourquoi a-t-elle décidé de l’abandonner ? Sollicité par l’Humanité, la SNCF n’a pas donné suite.
PIERRE-HENRI LAB

Quels sont les objectifs poursuivis par la SNCF avec son plan fret ? La lecture d’un document interne que l’Humanité s’est procuré laisse en effet perplexe. Ce « point sur la Deutsche Bahn » vante la politique en matière de transport de marchandises poursuivie par le principal concurrent de la SNCF.
Or, cette note de 7 pages qui analyse la situation récente du leader européen du rail décrit une stratégie rigoureusement contraire à celle de l’entreprise publique. À l’heure où la SNCF décide d’abandonner le wagon isolé, la Deutsche Bahn fait du développement de ce service sa priorité.
La note évoque d’abord « les performances » de DB Schenker, la filiale de la Deutsche Bahn, en charge du fret. Elle constate que l’activité est « fortement contributrice aux résultats du groupe » même si en 2009 en raison de la crise économique son chiffre d’affaires a fortement reculé. Cette précision a d’autant de sens qu’à l’inverse, les résultats de fret SNCF ne cessent de se dégrader depuis 2002 et sont responsables à eux seuls de près de la moitié du milliard d’euros de perte enregistré par l’entreprise publique en 2009. Coté « performance » en volume de marchandises transportées, l’écart est le même. En 2009, DB Schenker a convoyé 93,07 milliards de tonnes / kilomètre contre seulement 30,22 milliards de tonnes / kilomètre pour son rival français. Selon la note, les meilleurs résultats enregistrés par l’entreprise allemande s’expliquent par sa capacité à mieux remplir ces trains.
Le document interne explique enfin que DB Schenker a décidé de « remanier totalement sa structure de production pour diminuer la part des trains massifs (un seul expéditeur et un seul destinataire pour un train de 20 à 22 wagons – NDLR) et de basculer près de 60 % de ses flux dans une production multi-lots (équivalent du wagon isolé c’est-à-dire plusieurs expéditeurs et plusieurs destinataires pour un train de 20 à 22 wagons – NDLR) ». En clair, cela veut dire que l’entreprise allemande change radicalement de stratégie.
Jusqu’à présent, elle attendait que chacun de ses clients ait réuni suffisamment de wagons pour composer un train massif, avant d’effectuer le transport. Dorénavant, elle enlèvera plus régulièrement les wagons même s’ils ne sont pas en nombre suffisant pour composer un train massif. « Cette méthode de production, qui a fait ses preuves, est susceptible de donner un avantage décisif à DB Schenker », reconnait la note interne de la SNCF. En effet, l’industrie ferroviaire génère d’importants coûts fixes. Plus on fait circuler de trains, plus ces coûts fixes sont marginalisés et plus le coût de circulation de chaque train est abaissé. Donc, plus compétitif dans un marché concurrentiel.
Dans ce document interne, la SNCF reconnaît donc que le wagon isolé est une méthode de production d’avenir. Alors pourquoi a-t-elle décidé de l’abandonner ? Sollicité par l’Humanité, la SNCF n’a pas donné suite.
PIERRE-HENRI LAB