Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
Comment relancer la construction de logements pour tous ?
Le secteur du logement entre dans la tourmente, voire en crise. Depuis un an, les prix ont augmenté de 4,6 % dans l’ancien et de 4,7 % dans le neuf, alors que le volume des transactions a baissé de 10,5 % sur la même période. Sur fond de renchérissement des taux bancaires, le nombre de prêts immobiliers signés s’est effondré : -35 %. Les promoteurs voient leurs programmes vaciller face à des coûts de construction qui ont pris 30% en deux ans. L’accession sociale ne se porte guère mieux. Alors que près de 2,2 millions de personnes sont en attente d'une place en HLM, la production stagne, voire chute. 94 000 agréments ont été comptabilisés en 2021, loin de l'objectif gouvernemental fixé à 120 000. Réticences de certains élus locaux, hausse des coûts de la construction, crainte de certains organismes HLM à investir alors que leurs finances ont été mises à mal... Les raisons de ce bilan sont multiples.
Le défi brûlant de la rénovation
À l’heure du défi climatique, l’enjeu de la rénovation des bâtiments est devenu crucial. Le secteur représente 40 % de l’énergie consommée en France et 20 % des émissions de gaz à effet de serre, mais compte également 5,2 millions de passoires thermiques et 12 millions de personnes en précarité énergétique. En quoi la rénovation est-elle une réponse pertinente au défi climatique et social ? Quelles sont ses limites aujourd’hui ? Quels moyens efficaces pour la développer ?
Comment construire un habitat de qualité ?
Face aux évolutions de nos sociétés, le logement change de nature. Que ce soit par le développement du télétravail au cours de notre vie active, par volonté de cohabiter pour briser les solitudes ou pour échapper à l’Ehpad, nos manières d’habiter ne cessent d’évoluer. Vers quel modèle d’habitat allons-nous aujourd’hui ? Comment trouver encore du foncier et jusqu’où ? Comment construire en favorisant la mixité sociale ?
Aujourd’hui, en France, plus de 300 000 personnes dorment dans la rue. Plus de 2 millions de personnes sont demandeuses d’un logement social, dont 1 million sont en attente depuis plus d’un an. La France traverse une crise du logement sans précédent malgré 3 millions de logements vacants.
Un projet de loi qui atteint les plus précaires
Retour en arrière : le 27 juillet 2017, Macron promettait : « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues ».
Cinq ans après, le logement social est toujours le parent pauvre des politiques publiques.
Fin novembre, la majorité présidentielle (Groupe Renaissance) a déposé une proposition de loi, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, soutenue par le gouvernement.
« Ce projet de loi ne vise qu’à une chose : criminaliser les occupations de logement vides par des squatteurs ainsi que les défauts d’acquittement de loyers par des locataires en difficulté » s’indigne Véronique Martin, Secrétaire confédérale en charge du logement.
Et cela dans un contexte d’inflation et de perte de pouvoir d’achat, hausse des prix de l’énergie, des produits alimentaires et de première nécessité.
Absence de réelle politique sociale
Faute d’augmentation et de revalorisation des salaires, les retards de paiement des loyers risquent d’exploser ; le montant des aides au logement n’a pas été revalorisé, le gouvernement refuse d’appliquer la loi de réquisition des logements vides ou d’appliquer à la baisse la loi qui encadre les loyers.
« Les gens en difficulté seront dans une difficulté encore plus grande» analyse-t-elle.
Ce projet stigmatise les plus précaires et durcit les sanctions et les peines à l’encontre de ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer. Les peines encourues pourront atteindre jusqu’à 6 mois de prison et 45000 euros d’amende.
La mascarade du CNR
Cette proposition de loi arrive au moment où le gouvernement engage des discussions dans le cadre du CNR (conseil national de refondation) sur les questions du logement et vient contredire les intentions affichées : aboutir à l’élaboration d’outils et d’actions concrètes en faveur d’une politique du logement ambitieuse, soucieuse de la justice sociale et de la transition écologique.
Le gouvernement doit mettre en œuvre une vraie politique sociale avec :
une politique salariale qui permette de se loger dignement,
la construction de logement sociaux,
l’encadrement du montant des loyers à la baisse,
la réhabilitation des logements insalubres.
Les expulsions locatives sans relogement doivent cesser. Ce projet de loi a été adopté par l’assemblé, il arrivera en débat au Sénat courant janvier.
Retour sur le discours de Montreuil où Fabien Roussel évoquait la question du logement.
« Je voudrais, à ce propos, dire un mot sur un sujet majeur. Il touche à notre portefeuille, et pas qu’un peu, et pourtant c’est un grand absent de cette élection présidentielle. Je veux parler, ici, du logement, de ce qu’il coûte et de ce qu’il implique pour bien des familles.
Une majorité des Français consacrent désormais, grosso modo, 30 % de leurs revenus à leur logement quand ils sont dans le parc privé, parfois plus encore. Très concrètement, 30 %, cela veut dire quoi ? Ça veut dire que 30 % de notre temps de travail sert à payer le loyer ! Cela veut dire que nous travaillons chaque semaine, du lundi 9 heures jusqu’au mardi 16 heures, pour payer son loyer ou pour payer la banque et le prêt. Deux jours en somme, un tiers de notre temps de travail pour payer le loyer !
Mais ce n’est pas tout : Pourquoi, dans les zones tendues, dans les métropoles, vous payez plus cher votre café en terrasse ou vous payez plus cher vos courses au supermarché ? Parce que dans votre tasse de café comme dans votre caddie, vous payez, là encore, de l’immobilier ! Car il se trouve que le propriétaire du bar comme le propriétaire du Leclerc, eux aussi, doivent faire face à des loyers plus élevés. C’est un cercle vicieux qui plombe notre pouvoir d’achat ! Voilà les vraies charges qui pèsent sur notre économie – et ce ne sont pas nos cotisations pour notre retraite ou pour notre santé !
Le candidat Macron a un bilan terrible en la matière. Sa responsabilité est énorme. Il termine son mandat avec les pires chiffres de pouvoir d’achat et en matière de logement, le pire bilan. Il assume d’entretenir la spéculation immobilière pour son électorat, comme il a assumé de baisser les APL des plus modestes de 5 euros, en même temps qu’il supprimait l’ISF pour les plus riches. La crise du logement, c’est pourtant la crise de la dignité. Et l’on ne devrait jamais l’accepter !
Notre pays, sixième puissance économique du monde, compte près de 300 000 sans-abri. 300 000 femmes, hommes, enfants. Cela veut dire que, chaque soir, l’équivalent d’une ville comme Nantes ou Nice dort dehors ou dans une voiture. 300 000 personnes à la rue, c’est l’équivalent de la 5e ville de France.
Pour cela, je formule trois propositions : D’abord la création de 1 000 pensions de famille, des structures d’environ 25 logements qui permettront à des personnes dans la rue d’avoir non seulement un toit, mais aussi un accompagnement social de qualité; Deuxième proposition : relancer immédiatement la construction de logements sociaux pour atteindre 200 000 nouveaux logements par an, soit plus du double de la production actuelle. Cette proposition doit s’accompagner d’une loi pour l’encadrement des prix des loyers afin de le généraliser à toutes les communes. Vous faites d’ailleurs ici la démonstration que c’est possible.
Je propose aussi d’augmenter l’aide à la pierre des bailleurs sociaux, de leur rendre le milliard et demi par an que Macron leur a pris ; mais j’augmenterai aussi l’aide à la pierre pour construire des logements à loyers modérés dans les villages de moins de 3 500 habitants. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour eux ça veut dire beaucoup ! Ça veut dire qu’ils pourront offrir des logements à loyer modéré, en réhabilitant une ferme, une grande bâtisse et permettre à des jeunes, à des familles venant des villes, de pouvoir s’y installer et y vivre. C’est aussi comme cela que nous dégonflerons la spéculation immobilière.
La France des jours heureux, c’est démétropoliser la France tout en défendant un vrai droit à la ville pour tous. C’est redonner du pouvoir aux communes au lieu de le concentrer dans ces métropoles qui phagocytent tout. C’est revitaliser nos campagnes et réinstaller des services publics de qualité partout. C’est répartir l’activité économique sur tout le territoire.
Franchement, faut-il construire encore et encore des tours à La Défense ? Ne faudrait-il pas mieux développer d’autres pôles d’activités tertiaires ailleurs en France ? Ne faudrait-il pas réfléchir à déplacer des ministères en dehors de Paris et en profiter pour les renforcer plutôt que de les affaiblir ? Le ministère de la Mer n’aurait-il pas un sens au Havre, à Marseille ou dans l’un de nos ports ? Tout cela permettra d’abaisser le coût du logement dans notre porte-monnaie et donc de dégager du pouvoir d’achat. »
présidentielle À l’occasion de la présentation du 27e rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, les candidats sont venus défendre leurs propositions dans le secteur de l’habitat.
Publié le Jeudi 3 Février 2022 L'Humanité Camille Bauer
Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. P. Villette
À presque deux mois de l’élection présidentielle, la Fondation Abbé-Pierre (FAP) a voulu « redonner au logement la place dans cette campagne qu’il a dans la société», selon son délégué général, Christophe Robert. À l’occasion de la sortie, le 2 février, de son 27e rapport annuel, la FAP a donc invité l’ensemble des candidats, à l’exception de ceux d’extrême droite, à détailler leur programme pour répondre à la crise du mal-logement qui touche 4 millions de personnes. Après Emmanuel Macron, venu le matin défendre son bilan pourtant très critiqué par la FAP, l’après-midi a vu défiler les principaux candidats de gauche.
Fabien Roussel, le candidat communiste, a ouvert le bal, rappelant que « la question du pouvoir d’achat est prioritaire et que, dans celle-ci, le logement pèse de plus en plus». Il a promis la construction de 200000 logements sociaux par an et plaidé pour une«démétropolisation» de la France. Son objectif est «l’accès au logement social dans toutes les communes rurales», avec une loi SRU renforcée, qui viserait partout 27% de HLM d’ici à 2031.
Convergence pour un encadrement des loyers
Cette volonté d’augmenter le nombre de logements sociaux se retrouve chez le Vert Yannick Jadot, qui table sur 150000 supplémentaires par an pendant sept ans, quand ni la socialiste Anne Hidalgo ni Christiane Taubira n’ont donné d’objectif chiffré. La seconde a pris «l’engagement que l’État soit stratège sur le sujet», alors que la première a plaidé pour que «les préfets se substituent quand les maires refusent d’appliquer la loi SRU».
La baisse du taux d’effort des ménages est au cœur de beaucoup de projets. L’objectif de Fabien Roussel est que les loyers «ne représentent pas plus de 20% des revenus».Le projet de la socialiste est, lui, centré sur la mise en place d’un bouclier logement «actionné quand le loyer sera supérieur à 30% des revenus». Jean Luc Mélenchon, pour la France insoumise, a, lui, proposé une garantie logement, Christiane Taubira ayant pour sa part plaidé pour une hausse de 30% des APL.
Autre axe important, le contrôle des prix, via un encadrement des loyers renforcé. Pour ce faire, «il faut un pouvoir de contrôle et de sanction», a indiqué Fabien Roussel. Anne Hidalgo veut, elle, que celui-ci soit exercé par les maires. Pour Christiane Taubira, l’encadrement doit devenir «une règle dans les zones tenues». Le candidat insoumis s’est démarqué:«Je ne veux pas me contenter de contrôler les loyers, a-t-il déclaré , je veux les bloquer et même les baisser.»
Dans son dernier rapport, rendu public ce mercredi, la Fondation Abbé-Pierre dresse un bilan critique de la politique de l’habitat menée par Emmanuel Macron. Cinq années caractérisées par le désengagement budgétaire.
Publié le Mardi 1 Février 2022 L'Humanité Camille Bauer
C’est le plus gros poste de dépenses obligatoires, et son augmentation pèse lourdement dans le niveau de vie des Français: les 10% les plus pauvres y consacrent même 40 % de leur budget. Le logement est pourtant le grand absent de la campagne présidentielle. Il l’était déjà en 2017. À l’époque, Emmanuel Macron, alors candidat, s’était contenté de promettre de «libérer» les contraintes pesant sur la construction et de «protéger» les personnes à la rue. Ce désintérêt a perduré tout au long du quinquennat. «Le logement n’a jamais été une priorité de l’exécutif au cours de ce mandat», souligne le 27e rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre (FAP), rendu public ce mercredi 2 février.
À défaut d’ambition, c’est la logique d’économies budgétaires qui s’est imposée. En cinq ans, la part des aides au logement dans le PIB est passée de 1,82 % à 1,63 %, une baisse record. À force de coupes, le secteur est aujourd’hui incapable de répondre aux besoins des 4 millions de mal-logés. Mais, en vingt ans, ses contributions aux recettes de l’État ont néanmoins doublé, pour atteindre 79 milliards d’euros. Malgré la crise sanitaire, qui a rappelé l’importance de disposer d’un logement décent ainsi que la fragilité des locataires les plus pauvres, il n’y a pas eu de changement de cap. Le logement n’a bénéficié que des miettes du plan de relance. Et en dépit de la hausse continue des prix, l’encadrement du marché, contraire à la vision libérale du président, est, lui, resté au niveau minimal.
1. Des attaques multiples contre les APL
C’est une des mesures les plus emblématiques du quinquennat. À l’été 2017, sans concertation, ni préavis, le gouvernement annonce une baisse de 5 euros des aides personnalisées au logement (APL). Cette mesure contre les plus fragiles – le plafond pour bénéficier des APL est inférieur au Smic – va contribuer à forger l’image d’Emmanuel Macron en «président des riches». Elle est l’arbre qui cache la forêt.«Le gel, puis le quasi-gel des APL entre 2017 et 2019, a davantage diminué les APL que la baisse de 5 euros, note la FAP. Ce coup de rabot a davantage touché les ménages pauvres, puisque leurs APL sont plus élevées.»
L’encadrement du marché, contraire à la vision libérale du président, est resté au niveau minimal.
En 2021, nouvelle attaque. Cette fois, les APL sont «contemporéanisées»,c’est-à-dire calculées sur les revenus des mois écoulés, au lieu de ceux perçus deux ans plus tôt. La réforme permet à l’État de faire 1,1 milliard d’euros d’économies. Et fait plus de perdants que de gagnants, générant une baisse sans précédent du nombre d’allocataires (5,7 millions en 2021, contre 6,5 millions en 2020). Au total, l’ensemble des mesures ont, selon la FAP, coûté près de 15 milliards d’euros aux plus modestes.
2. Haro sur les HLM
L’existence d’un secteur subventionné par l’État pour loger les catégories modestes et pauvres colle mal avec l’idéal macroniste de résorption des problèmes par la seule vertu du marché. Le logement social a donc fait l’objet d’une attaque en règle tout au long du quinquennat. L’aide à la pierre, qui avait déjà décru sous les précédents mandats, a été totalement supprimée en 2018, laissant aux bailleurs sociaux et à Action Logement (ex-1 % logement) la mission d’abonder seuls ce fond.
Mais le gouvernement a été au-delà du désengagement. Il a ponctionné le secteur via l’augmentation de la TVA et la création, en 2018, de la réduction de loyers de solidarité (RLS) – un dispositif reportant sur les bailleurs la diminution des APL des locataires du seul parc social –, dont le montant s’élève désormais à 1,3 milliard d’euros par an. «En cinq ans, l’État a pris aux HLM plus de 6milliards d’euros, les privant ainsi de la capacité de produire 200000 logements sociaux», résume Christophe Robert, délégué général de la FAP. Résultat, la production est passée de 124000 logements avant la présidence d’Emmanuel Macron à un peu moins de 100000 en 2021. Même la promesse gouvernementale de réaliser chaque année 40000 Plai (prêts locatifs aidés d’intégration), la catégorie de HLM aux loyers les plus bas, n’a jamais été atteinte. Les bailleurs sociaux ont aussi été poussés à compenser la baisse des aides de l’État par la vente de logements, au risque de réduire encore un peu plus l’offre, déjà très insuffisante au regard des 2,2 millions de personnes en attente d’un HLM.
À long terme, ces réformes d’apparence technique sont une menace sur la nature même du logement social. La FAP alerte sur le risque que certains organismes, confrontés à un fort endettement et privés de l’aide de l’État, «cherchent à attirer d’avantage de capitaux privés, au risque d’une marchandisation». Parallèlement, le gouvernement a promu le logement intermédiaire, dont les loyers ne sont accessibles qu’ «à des classes moyennes supérieures». Seul geste en faveur des HLM et de la mixité sociale, le gouvernement a défendu la prolongation de la loi SRU, qui impose aux communes 25 % de logements sociaux.
3. Marché privé, une régulation à reculons
Le président n’a jamais caché son scepticisme face à la régulation du marché. Pour maîtriser les prix, il a préféré miser sur la hausse de l’offre. «Force est de constater que le “choc de l’offre” annoncé par le candidat Macron, qui devait libérer la construction et faire baisser les prix, n’a pas eu lieu. Sous l’effet des coupes budgétaires, le bâtiment a connu des années de baisse, accentuées avec la crise du Covid. Au final, la production s’est affaissée, la pénurie dans les zones tendues a perduré, et les prix de l’immobilier ont continué à grimper», analyse Christophe Robert. En cinq ans, les prix dans l’ancien ont augmenté de 23 %. Les loyers, eux, ont connu en dix ans une hausse de 50 %, quand les salaires restaient plafonnés.
Dans les grandes métropoles surtout, ces tarifs prohibitifs rendent le logement inaccessible pour toute une partie de la population. Face à ces hausses, le gouvernement a opté pour «une politique très timide d’encadrement des loyers», estime le délégué général de la FAP. La mesure a été autorisée par la loi Elan et devrait être prolongée dans la loi 3DS, mais à titre expérimental et pour les seules collectivités locales dont la demande a été acceptée par l’État. «L’application de la loi repose essentiellement sur les recours de locataires peu avertis et peu enclins à s’en saisir spontanément», constate le rapport. L’adoption de sanctions contre les bailleurs contrevenants, légalement possible, reste boudée par les préfectures. Ainsi, à Paris, où plus de 30 % des locations ne respectent pas les plafonds de l’encadrement, le préfet n’a infligé que dix amendes depuis 2018.
Le gouvernement Macron a fait preuve de la même timidité vis-à-vis des plateformes de locations saisonnières. Il a autorisé les villes à encadrer la pratique, mais de manière limitée. Pis, le gouvernement, en créant le «bail mobilité»,«s’est adonnéà une forme de dumping réglementaire», estime la Fondation. Dans un contexte de rareté, ce contrat, d’une durée d’un à dix mois à destination des précaires, vient, comme airbnb, concurrencer les baux classiques et limiter encore le nombre de logements pérennes présents sur le marché.
4. Sans-logis : grands besoins et petits pas
S’il y a un point sur lequel Emmanuel Macron a pris des engagements, c’est celui de la lutte contre le sans-abrisme, avec notamment la mise en place du plan «logement d’abord», qui consiste à fournir un logement pérenne aux ménages à la rue ou en hébergement d’urgence. Mais, là aussi, le bilan est en demi-teinte.«À la fin de l’année 2022, à peu près 300000 personnes seront passées de la rue au logement. Cela va dans le bon sens. Mais 300000 personnes sont encore sans domicile», rappelle Manuel Domergue, directeur des études à la FAP. Des efforts ont cependant été faits: le nombre de places mobilisées dans le privé, via le système d’intermédiation locative, est passé de 5000 à 40000; davantage de pensions de famille ont été créées, même si seulement la moitié de l’objectif chiffré en début de quinquennat est atteinte; quant à la part de HLM attribués à des SDF, elle est passée de 4 à 6 %.
Mais ces progrès sont court-circuités par d’autres choix politiques: baisse du nombre de HLM, refus d’allocations pour les moins de 25ans, mais aussi expulsions locatives à répétition des habitants de lieux informels, absence de politique de prévention des expulsions, etc. Autant de points qui limitent l’impact de la stratégie du «logement d’abord», en faisant grossir les rangs des sans-domicile. Avec, pour résultat, une pression accrue sur le secteur, pourtant coûteux et parfois indigne, de l’hébergement d’urgence. Malgré la pérennisation des places (40000 créées lors de la pandémie) par le gouvernement, ce dernier n’a toujours pas les moyens de résorber l’ensemble des demandes de mise à l’abri des personnes à la rue.
12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique
5. Une rénovation énergétique en trompe-l’œil
Là encore, les promesses étaient ambitieuses. Le président s’était engagé à rénover 500000 logements et àéradiquer en dix ans les 5millions de passoires thermiques. Mais, à l’heure où 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique, le gouvernement a préféré une politique d’affichage. Il a choisi «des dispositifs d’aides qui gonflent les chiffres du nombre de travaux enclenchés en ciblant de simples gestes de rénovation, peu efficaces s’ils restent isolés, au détriment de la performance à long terme», déplore la FAP.
Autre obstacle, les aides sont attribuées sans ciblage, et l’importance du reste à charge pour les ménages (39 % pour les très modestes et 56 % pour les modestes) rend ces travaux souvent inaccessibles. L’accompagnement et l’information, indispensables pour les bénéficiaires confrontés à des aides évolutives et à un secteur de la rénovation encore mal encadré et opaque, ne sont pas non plus à la hauteur. Selon une étude menée par la FAP, début 2021, 40 % des appels au réseau Faire, service public d’accompagnement à la rénovation énergétique, sont non décrochés, et 62 % ne permettent pas d’obtenir des avis adéquats dans les délais requis.
Près de deux cents personnes se sont réunies le 28 octobre, devant l’office HLM de la ville de Seine-Saint-Denis, pour demander l’ouverture d’un dialogue et refuser la destruction ou la vente de l’habitat social.
D’une main, Ali Bechou tient la poussette de sa petite dernière, de l’autre, il brandit une pancarte sur laquelle il a écrit: «Le quartier, on y vit, on y reste. Pas de privatisation».Il est venu se joindre aux près de deux cents personnes réunies ce 28 octobre au soir devant l’Office public de l’habitat (OPH) de la ville d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). La découverte presque fortuite de la volonté de la municipalité de détruire et de vendre des centaines de logements HLM, dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine de trois grands ensembles, lui fait craindre le pire. «Je suis très, très inquiet»,explique ce père de famille, qui peine déjà à joindre les deux bouts comme conducteur de VTC. Le quartier, il y habite depuis vingt ans. Quand sa femme a été enceinte de leur premier enfant, il a pu déménager dans un appartement plus grand. Il paye actuellement 780 euros pour 80 mètres carrés. « Dans le privé, je devrais payer plus de 1000euros. Ce n’est pas possible» calcule-t-il.
La volonté de rénover ces trois quartiers, La Villette, Émile Dubois et La Maladrerie, n’est pas nouvelle. Cela fait plus de dix ans que l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) a des projets qui impliquent la destruction d’une partie de ces habitations dont certaines sont anciennes et en mauvais état. La rénovation de la Maladrerie, une cité construire dans les années 1970 par Renée Gailhoustet, dont les immeubles sont dotés de terrasses de terre pleine, d’appartements lumineux de tailles et de formes diverses, est une question sensible. Les habitants de cet ensemble architectural unique veulent préserver ce symbole d’un habitat populaire de qualité. Dans les années 2010, ils ont gagné un précédent bras de fer contre l’Anru qui voulait faire passer une route dans le jardin de leur cité, mais ont du coup été privés de rénovation.
La nouvelle direction de l’OPH met en avant les économies réalisées
Pour les trois cités, «il y avait eu des négociations, et on était arrivéà un accord global. Il y avait un schéma de rénovation progressif. Mais la nouvelle mairie a interrompu les négociations et veut désormais tout faire en même temps sans même recevoir les associations», explique André Narritsens, qui représente le PCF dans l’association Jardins à tous les étages. La nouvelle maire, l’UDI Karine Franclet, qui a pris la ville aux communistes aux élections municipales de juin 2020, semble cette fois décidée à faire table rase. L’OPH dont elle est présidente annonce la couleur dans son rapport de présentation de projet. Pour La Villette, un peu moins que les 302 logements prévus initialement seront détruits, et entre 50 et153 seront privatisés. À Émile Dubois, il y a aussi un peu moins de destructions que prévues initialement, 313 contre 388, mais au nom de la mixité, une partie du terrain devra être vendue pour y ériger 810 nouveaux logements en partie privés. Quant à La Maladrerie, c’est 363 logements qui doivent être vendus, dont 60 au privé.
L’avenir des habitants des logements concernés est des plus incertain. «Il était prévu qu’ils soient relogés au Fort d’Aubervilliers, dans lequel 40% des logements devaient correspondre à la tranche basse des tarifs HLM. Mais il n’est plus du tout garanti que cette proportion soit maintenue», explique Antoine Wohlgroth, chargé de mission de la Confédération nationale du logement (CNL) à Aubervilliers. Si rien ne peut être proposé dans la ville à un prix accessible, il faudra aller plus loin. «On ne sait pas ce qu’on va devenir. Déjà qu’il y a la crise du logement», s’inquiète Lou Anna, une jeune photographe de 27 ans. Elle et sa sœur, graphiste, sont précaires. Elles habitent encore dans la maison de leur mère à La Maladrerie. «On est très attaché à cet endroit, on y tient. La qualité de vie y est incroyable» explique la jeune femme. Ce lien affectif, Fatima, salariée de l’éducation nationale, l’évoque aussi. «Ça fait trente ans que je suis là. Dans cet appartement, il y a une histoire. Ma mère y est morte, mes enfants y ont grandi. Je ne veux pas le quitter», explique la petite femme en pull rose.
Pour justifier ce projet radical, la nouvelle direction de l’OPH met en avant les économies réalisées. «La nouvelle maquette financière permet une baisse de 73% du reste à charge OPHA qui passe de 191M€ à 51,9M€», se réjouit en lettres grasses sa plaquette de présentation. À sa décharge, les questions financières sont réelles. La réhabilitation de La Maladrerie, très complexe en raison de l’irrégularité du bâti, pourrait s’élever à près de 80000euros par logement. À cela s’ajoute le manque de fonds propres dont souffre tout le secteur HLM. Depuis la loi Elan de 2018, le gouvernement y prélève plus d’un milliard par an, en invitant les bailleurs sociaux à compenser ces pertes par la vente de logements. Mais le problème est aussi politique. «La nouvelle maire UDI est dans la lignée de Valérie Pécresse, hostile aux HLM. Derrière cette histoire de mixité, il y a la volonté de changer la population de la ville», analyse Antoine Wohlgroth. Un mauvais calcul, selon Soizig Nedelec, ancienne ajointe PCF au logement à la mairie, et aujourd’hui élue municipale d’opposition:«Si, comme le veut la maire, on vend les logements à la découpe, beaucoup de locataires modestes vont s’endetter ou se saigner pour acheter leur appartement, mais ils n’auront pas forcément les moyens de financer les travaux d’entretien et de rénovation nécessaires. À terme, d’ici dix à quinze ans, on se retrouvera avec une explosion du nombre de logements très dégradés et insalubres. C’est le cas dans d’autres villes qui ont fait ce choix court-termiste de vendre et en subissent les conséquences aujourd’hui».
Une absence totale de dialogue
Alors que le prix de l’immobilier dans la Petite couronne autour de la capitale continue de flamber sous l’impulsion des travaux du Grand Paris, les associations déplorent, dans une lettre à la maire et présidente de l’OPH, «les injonctions que l’Anru, cet outil de l’État essentiellement pensé pour gentrifier nos quartiers, fait peser sur notre commune». «Il y a 8000 personnes en attente de logements très sociaux à Aubervilliers,note Soizig Nedelec. Or il n’est plus légalement possible de construire dans notre ville de nouveaux logements financés par le prêt locatif aidé d’intégration, destinés aux locataires en situation de grande précarité. Si on détruit ceux qui existent, on va se retrouver avec des milliers de personnes sans solution»,déplore celle qui représente désormais l’opposition au conseil d’administration de l’OPH.
Mais ce qui révolte le plus les habitants réunis, c’est l’absence totale de dialogue. Fatima ne décolère pas:«Il n’y a aucune concertation, aucune communication. Cette rénovation est revenue sur le tapis à l’occasion d’un conseil d’administration de l’Office, et nous avons été au courant uniquement parce qu’il y a eu des fuites».«Quand on en parle aux gens, la plupart sont abasourdis. C’est nous qui leur apprenons l’existence du projet. Cette façon de faire reflète une politique verticale, qui ne prend pas en compte les premiers concernés», renchérit Anna Agneb-Porterie, d’Alliance citoyenne, une autre association présente sur le quartier. En cœur, la foule entonne d’ailleurs:«Oui à la concertation, oui à la rénovation, non à la démolition». Reste à construire le rapport de force. Un travail de porte-à-porte a commencé pour informer les habitants, en espérant faire monter la mobilisation. Olivier Roy, de Réactions internationales, une association qui travaille surtout contre les multinationales, se veut optimiste: « Il y a deux semaines, nous étions quarante, aujourd’hui, nous sommes deux cents. Et il y a une marge de progression…»
A l’occasion du Congrès HLM, qui se tient cette année à Bordeaux, le Premier Ministre s’est alarmé des mauvais résultats de la politique gouvernementale en matière de logement et a annoncé un coup de pouce fiscal pour soutenir le logement social.
Quelle hypocrisie, après quatre ans à faire les poches des bailleurs sociaux et à fragiliser un secteur que l’Europe entière nous envie. L’année 2020 a été une année noire pour le logement social avec seulement 87 500 nouveaux logements financés. C’est 32% de moins qu’il y a 5 ans. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, la construction s’est effondrée alors même que le Président vantait un « choc de l’offre ». Si choc il y a, c’est à la baisse et au détriment des familles populaires et des classes moyennes.
Le bilan du gouvernement est catastrophique en matière de logement : baisse des APL, construction en berne, coupes budgétaires drastiques pour les bailleurs sociaux. Ce ne sont pas les mesurettes annoncées par Jean Castex qui changeront la donne. Le « quoi qu’il en coûte » n’a pas concerné le logement dans un pays qui compte 10 millions de pauvres et plus de 4 millions de personnes mal-logées.
Faisons du logement la priorité!
Nous construirons massivement de nouveaux logements sociaux dans toutes les grandes villes et en priorité dans les communes qui en comptent le moins. La loi prévoit 25% de logements sociaux dans toutes les communes : je propose de porter l’obligation légale à 30%.
Nous revaloriserons également l’APL pour soutenir les familles, les jeunes, les précaires qui ne parviennent plus à se loger.
Nous lutterons contre les loyers trop chers dans les grandes villes à travers un dispositif d’encadrement des loyers revu de fond en comble et nous maitriserons le foncier avec une politique d’acquisition massive.
C’est ainsi que nous redonnerons du pouvoir d’achat aux habitants et que nous ferons reculer la spéculation. C’est le défi des jours heureux : j’y suis prêt.
Fabien Roussel, député du Nord, candidat à la Présidence de la République,
Au creux de l’été 2017, tout juste installé à l’Élysée, Emmanuel Macron s’en était pris aux aides au logement en imposant une baisse de 5 euros de toutes les APL.
Quelques mois plus tard, le gouvernement ponctionnait le budget des bailleurs sociaux en leur imposant une baisse annuelle de 50 à 60 euros des APL. Une perte sèche pour leurs capacités d’investissement dont nous faisons aujourd’hui les frais, avec une chute historique du nombre de logements construits.
Aujourd’hui, le gouvernement récidive et continue de faire les poches des plus fragiles.
En effet, depuis Janvier 2021 un nouveau mode de calcul des APL est entré en vigueur. Une première étude révélée par Les Echos souligne que cette réforme fait beaucoup plus de perdants que de gagnants : 41% des allocataires ont observé une baisse de leurs versements.
Alors que le pouvoir d’achat des ménages est au plus bas et que notre pays s’apprête à franchir la barre symbolique des 10 millions de pauvres, cette réforme qui a pour objectif affiché de permettre 1,2 milliard d’euros d’économies sur le minimum social le plus efficace contre la pauvreté est inacceptable.
Premières victimes de la crise, les jeunes sont aussi les premiers impactés par cette réforme qui fait drastiquement baisser leurs revenus. Jusqu’alors, ils bénéficiaient généralement d’aides au logement lors de leurs premières années d’emploi du fait d’avoir eu de faibles revenus lors de leurs études.
Pour ces derniers, le nouveau mode de calcul de l’allocation est une double peine. Non seulement les jeunes perdent plusieurs centaines d’euros d’aides nécessaires à maintenir l’équilibre de leur budget, mais en plus ils voient ces aides varier en fonction de leur situation dans l’année. Les jeunes sont bien souvent confrontés à de fortes variations de revenus, enchaînant période d’emploi et de non emploi.
A la lumière de l’impact de cette réforme sur les ménages les plus précaires, avec Fabien Roussel, nous demandons solennellement au gouvernement de revenir sur ce nouveau mode de calcul des APL.
À l’heure où de très nombreuses familles sont confrontées à la précarité, les expulsions locatives reprennent aujourd’hui. Le droit au logement est un droit universel, reconnu par notre Constitution. Et pourtant, notre pays compte, selon la Fondation Abbé Pierre, au moins 30 000 ménages qui pourraient être jetés hors de chez eux en 2021.
C’est là le résultat des politiques d’austérité et du désengagement de l’État.
Depuis 2017, plutôt que de s’attaquer aux causes du mal-logement, la spéculation immobilière et le manque chronique de logements sociaux, Emmanuel Macron fragilise les plus modestes et le mouvement HLM.
Les réformes successives des APL ont conduit à augmenter le taux d’effort des ménages et diminuer les capacités de financement des organismes HLM, les aides à la pierre ont été atrophiées, le modèle du logement social a été durablement déstabilisé.
À ce stade, le plan de relance ignore le logement social et à travers lui, les familles modestes et de la classe moyenne. Cette année encore, 1,3 milliards d’euros ont été amputés dans le budget du logement social.
Dans le contexte de crise sanitaire, le gouvernement aurait dû décider d’interdire les expulsions locatives. Au lieu de cela, le Ministère du logement a publié une circulaire demandant que toute expulsion soit accompagnée « d’une proposition d’un autre logement ou à défaut d’une proposition d’hébergement le temps qu’une solution plus pérenne soit trouvée. »
Malheureusement, cette circulaire ne passe pas l’épreuve de la réalité. Comment concevoir des solutions d’hébergement au vu du manque crucial de logements sociaux et de places dans les dispositifs d’accueil d’urgence ou de réinsertion sociale saturés ?
Le Parti Communiste Français soutient pleinement les Maires prenant des arrêtés pour s'opposer aux expulsions et en appelle au gouvernement pour que la trêve hivernale soit prolongée.
Fabien Roussel, candidat à l’élection présidentielle, propose de mettre sous protection toutes les personnes menacées d’expulsion locative à plus ou moins brève échéance en interdisant celles sans proposition de relogement. 2021 doit être une année « zéro expulsion ».
Dans une circulaire adressée aux préfets, la ministre du Logement a précisé que les ménages fragiles doivent être épargnés. Une demande non contraignante. Diane Grimonet/Hans Lucas
En amont du 1er juin, un nombre croissant de personnes menacées d’expulsion, pauvres de longue date ou précarisées par la crise sanitaire, viennent chercher de l’aide à l’espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé-Pierre. REPORTAGE
Rafik pose sur la table une grande pochette jaune remplie de papiers administratifs et juridiques. Entre des fiches de paye et des quittances de loyer, il en sort le commandement à quitter son appartement, le 21 juin, qu’un huissier a déposé dans sa boîte aux lettres. «J’avais arrêté la cigarette, mais là, j’ai repris. C’est le stress. J’ai peur», glisse d’une petite voix l’homme d’une cinquantaine d’années. Le cou serré dans une minerve, il évoque les problèmes de santé qui se sont multipliés depuis qu’il vit dans l’angoisse d’être chassé de chez lui.
Alors que se profile la fin de la trêve hivernale, il est venu chercher de l’aide auprès des juristes qui assurent tous les matins une permanence à l’espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé-Pierre (ESH-FAP). Sa procédure d’expulsion avait démarré avant le Covid. «Vous savez pourquoi je vais être expulsé? Moi j’ai toujours payé mon loyer. Mais la petite-fille du propriétaire a eu son bac et elle veut venir s’installer là. Ils vont me mettre dehors», explique-t-il en pleurant.
Accumulation de dettes
La situation locative de Rafik, déjà mal partie, a encore été aggravée par la crise sanitaire. Pendant dix ans, il a travaillé comme pianiste. Avec ses revenus et 350 euros d’aide au logement (APL), il parvenait sans trop de souci à acquitter les 871 euros de loyer de son 30 m2, dans le 14e arrondissement de la capitale. Mais, depuis mars 2020, tout s’est écroulé. «Avec le Covid, je n’ai plus rien fait. Je suis chez moi depuis un an. C’est la première fois que je me retrouve dans cette situation, c’est pour ça que j’ai commencé à faire chauffeur Uber», raconte-t-il. On lui fixe un rendez-vous pour faire une demande et obtenir le statut droit au logement opposable (Dalo). La bénévole tente de le rassurer: l’expulsion n’est pas pour tout de suite, il n’est pas en fin de procédure. «Vous avez un bon dossier», plaide-t-elle. «Merci beaucoup, vous me donnez un tout petit espoir. Une lueur», souffle-t-il, soulagé.
Les effets de cette crise vont se faire sentir pendant un certain nombre d’années, c’est certain.SAMUEL MOUCHARD Directeur de l'ESH
«Nous n’avons pas encore de chiffres, mais il y a plus d’appels que les années précédentes, souligne Samuel Mouchard, qui dirige l’ESH. Il y a des personnes en situation de précarité, comme avant la crise, mais s’y ajoute des locataires déjà fragiles qu’elle a fait basculer. Ceux-là, on commence tout juste à les voir: il y a un décalage entre le début du confinement et le moment où ils viennent demander de l’aide parce que les problèmes s’accumulent. Les effets de cette crise vont se faire sentir pendant un certain nombre d’années, c’est certain.»
50 appels par jour
Chargée de répondre au téléphone et de remplir les fiches de renseignements, parmi lesquelles les juristes vont prioriser les rendez-vous, Mirela Gheorghé confirme cet emballement:«Depuis deux mois, le nombre d’appels a doublé. En ce moment, j’en reçois 50 par jour. Et ce sont des appels pas faciles, qui nécessitent parfois de prendre du temps, parce que les gens sont très mal.»
Vincent fait partie de ce nouveau public que la crise du Covid a amené à pousser la porte de la FAP. «Je suis électricien. Depuis 2010, je travaille à Roissy, comme intérimaire. Mais, en février 2020, j’ai eu le Covid. Depuis, l’aéroport a fermé et l’activité s’est réduite», explique-t-il. Ses revenus sont brutalement passés de 1900euros à 900euros et même 87euros, certains mois, en raison des calculs de l’Assédic. Pas assez pour payer les 700euros de loyer du HLM de 66 m2 où il loge avec trois de ses filles dont il a la charge.
Écouter, rassurer, guider
Les dettes se sont accumulées et, il y a deux mois, il a reçu un premier commandement à payer, suivi d’une convocation au tribunal pour le 4 juin. Avec un nouveau travail, qu’il a commencé il y a deux mois, sa situation pourrait s’éclaircir. Anne Caillet, la juriste qui travaille pour la FAP, lui indique les pièces à réunir pour faire une demande d’aide juridictionnelle et lui donne le contact d’un des avocats du réseau qui va l’assister pendant la procédure.
Les gens sont perdus. Le droit du logement est très compliqué.MARIE-MADELEINE Bénévole
Écouter, rassurer et surtout guider. «Il ne faut surtout pas arrêter de payer votre loyer. Versez au moins un tiers de vos revenus, pour prouver votre bonne foi», recommande Anne Caillet. «Ne vous inquiétez pas, l’huissier va venir, mais c’est juste pour constater que vous êtes encore là», dit-elle à un autre demandeur. En même temps que les démarches pour éviter ou ralentir l’expulsion, il faut parfois lancer des procédures pour dette auprès de la Banque de France, relancer la CAF pour les APL. Il y a un nombre sans fin de pièces à fournir et de démarches à faire.
Des situations ubuesques
«Les gens sont perdus. Le droit du logement est très compliqué», explique Marie-Madeleine, une bénévole qui assiste la juriste une matinée par semaine. L’objectif: gagner du temps pour trouver un relogement.«Le problème, c’est qu’il n’y a pas de solution de sortie, explique Samuel Mouchard. Les places d’hébergement sont saturées et les solutions de logement durables sont de plus en plus rares, parce que les taux de rotation dans le parc HLM ont baissé. Quant au privé, on ne conseille même pas d’aller voir de ce côté-là. Les ressources sont tellement déconnectées des prix des loyers à Paris…»
Certaines situations s’avèrent ubuesques. Le dossier de Khadija, une vieille dame un peu forte avec de grosses lunettes à double foyer et un hidjab rose, est si énorme qu’elle l’a apporté dans un chariot. En 1994, cinq ans après son arrivée en France, elle divorce et fait mettre à son nom le bail du studio qu’elle occupait avec son mari. À la mort du propriétaire, en 2002, elle cherche en vain un successeur pour continuer à payer son loyer. Mais en 2018, catastrophe, elle est assignée devant le tribunal. Elle découvre alors que son logement a été vendu en 1997, sans que jamais personne ne l’en ait avertie.
Pour la justice, elle est désignée comme squatteuse. Elle fouille dans son dossier, pleure, affolée. Le concours de la force publique pour son expulsion a été accordé dès le 31 mars 2020. Elle doit son sursis à la prolongation de la trêve pendant la pandémie. Cette fois, c’est fini. On lui propose un relogement en résidence sociale. Elle comprend maison de retraite et fond en larmes. «Moi, j’ai toujours compté que sur moi, j’ai trop travaillé», chuchote-t-elle. «Vous n’avez pas vraiment le choix, lui explique la juriste. Je vous mets la pression, je ne fais pas ça par plaisir, mais là, si vous refusez, c’est l’expulsion.»
«Je ne saurais pas vivre à la rue»
«Qu’est-ce que j’ai peur», murmure Patrick. Lui, ses problèmes ont commencé en 2012, quand il a eu son cancer. Médecins, hospitalisation, plus de travail, plus de revenus. L’ancien architecte, cheveux blancs mi-longs soigneusement lissés, n’a plus été en mesure de payer le HLM de Paris Habitat, où il habite depuis 1968 et qui lui a été transmis au décès de ses parents. Il a accumulé 10000euros de dettes et a reçu, le 22mars, un commandement à quitter les lieux, effectif dès le 1erjuin.
«Je suis au minimum vieillesse, mais j’ai un toit sur ma tête. C’est la seule chose que j’avais. Je ne saurais pas vivre à la rue», confie-t-il dans un sanglot. Il énumère ses problèmes de santé: nodules, rupture des tendons d’Achille, problèmes pulmonaires…À ses ennuis s’ajoute une dette qu’on lui réclame tout à coup, pour une société en faillite depuis 1992 et dont il n’était qu’associé. «Il faut être dedans pour comprendre ce que c’est, la misère. Ce que c’est que les gens qui ne peuvent même pas se soigner. Moi, les dents, je ne peux plus.» Il regrette d’avoir tardé à demander un logement plus petit:«Hélas, quand tout va bien, on ne sait pas,dit-il. On est égoïste.»