Les communistes de villepinte vous invitent à utiliser ce blog comme point de rencontre et d'échanges concernant la situation politique ,économique ,sociale et environnementale du local à l'international.
C’est une énième décision. Neuf ans après la 42e intervention militaire française en Afrique depuis les indépendances, Emmanuel Macron annonce le retrait du territoire malien des moyens militaires français avec un redéploiement et l’extension de la zone d’intervention aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest. Il s’agit d’un départ « coordonné », présenté avec l’appui de pays européens, mais pas concerté avec le Mali, et surtout les conditions n’ont pas été préparées pour ce retrait.
On se demande bien sur quelles bases ont été prises les décisions. Ce qui n’a pas fonctionné au Mali, peut-il mieux se passer ailleurs ? Un bilan sérieux et courageux reste toujours à faire. C’est ce que demandent les parlementaires communistes depuis des années, qui ont toujours mis en garde contre les risques d’enlisement et d’échec.
Pourquoi lors de l’opération Serval en 2013 les djihadistes et autres entrepreneurs de violence étaient présents sur 10% du territoire alors qu’aujourd’hui près de 90% est classé en zone dangereuse ? Pourquoi aucune des causes économiques, politiques, conflictuelles, qui ont conduit au désastre n’a été traitée ? Pourquoi depuis des décennies l’Etat français n’a jamais rompu avec un soutien implicite aux mouvements rebelles du Nord du Mali, et dernièrement avec le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) ?
Cette politique déséquilibrée, qui se traduit dans l’Accord d’Alger rédigé sans le peuple malien, ne correspond en rien à une aspiration majoritaire. Elle explique en partie la défiance envers l’Etat français. La dégradation de l’image de la France en Afrique de l’Ouest n’est pas, loin de là, uniquement le fait d’activistes « financés par la Russie » comme le dit M. Macron. C’est bien plus profond que ça et il faut s’interroger sur les causes véritables.
Que cherche la France en se retirant et en étouffant le Mali par l’appui d’un blocus inacceptable qui risque d’aggraver la situation ? Il faut mettre fin aux dangereuses sanctions et reprendre le dialogue.
Le logiciel de la présence française en Afrique doit être revu, de la cave au grenier, tout comme nos déploiements militaires dans le monde, comme le propose le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel. Un retrait concerté de nos troupes du Sahel devrait aller de pair avec un soutien à leurs armées accompagné d’un transfert de technologie efficace ainsi que d’un nouvel agenda politique, économique et de sécurité pour le Mali et la région.
Après des années d’affaiblissement des Etats imposé par le FMI avec des politiques libérales destructrices, il convient de mener une politique de coopération qui vise à sécuriser les vies humaines d’un point de vue économique, social et environnemental, y compris par la mobilisation des ressources internes.
L’intérêt de la France au Mali, c’est de permettre à ce pays de sortir de l’impasse, de gagner la Paix, de pouvoir exercer concrètement sa souveraineté et faire ses propres choix de développement. Il est toujours temps que notre pays choisisse cette ligne de conduite et mette fin à la politique d’interventions militaires contraire aux intérêts des peuples africains et français.
Parti communiste français
Paris, le 17 février 2022
La situation dans le Donbass se dégrade rapidement, après deux jours de tirs d’obus de part et d’autre de la ligne de front, des explosions à Donetsk et l’annonce de l'évacuation d’une partie de la population civile des républiques autoproclamées vers la Russie.
Le PCF exprime sa plus vive inquiétude face à cette spirale qui peut mener à un embrasement de la région, et condamne ces violations du cessez-le-feu. Comme lors du conflit de 2014, c’est la population civile des deux côtés de la ligne de front qui en paie le tribut.
Le PCF appelle le gouvernement français à agir sans délai pour convoquer une réunion du format Normandie au plus haut niveau pour faire appliquer les accords de Minsk, dont la mise en œuvre totale, par l’ensemble des parties prenantes, est la seule voie pour mettre fin au conflit dans le Donbass.
Il condamne par conséquent fermement la décision irresponsable prise à nouveau par le gouvernement ukrainien de ne pas mettre en œuvre le statut spécial du Donbass. Il s’inquiète des suites qui pourraient être données à la résolution dangereuse votée au Parlement russe appelant à une reconnaissance de l’indépendance des deux républiques autoproclamées.
Il est nécessaire que la France porte lors de la conférence de Munich sur la sécurité l’exigence d’une conférence européenne large, incluant la Russie, de paix et de sécurité collective, afin de négocier chacun des points de tensions et parvenir à un règlement global. La sécurité en Europe ne peut être assurée sans la sécurité de la Russie. Ce qui était possible lors de la conférence d'Helsinki de 1975 et de celle de Paris de 1990 l'est à plus forte raison encore aujourd'hui.
La France peut et doit agir pour une désescalade immédiate, en toute indépendance de l’OTAN et de la politique d’hystérisation des tensions et de renforcement militaire dans la région menée par les États-Unis.
Le langage de la force doit faire place à la force de la diplomatie.
Parti communiste français,
Paris, le 18 février 2022.
Mali Emmanuel Macron a officialisé vendredi le retrait des troupes françaises, qui doivent être redéployées dans les pays voisins. Après neuf ans de guerre, les groupes djihadistes continuent à pulluler en Afrique de l’Ouest.
Engagée militairement au Mali depuis 2013 (opération «Serval»), la France vient d’annoncer son retrait de ce pays. 2400militaires français y sont stationnés. De même que 15000 soldats de l’ONU au sein de la Minusma, dont l’avenir est désormais en suspens puisqu’elle comptait sur un large soutien de l’opération française.
Après la déstabilisation de toute la région sahélo-saharienne à la suite de la guerre déclenchée en 2011 par la France en Libye, Paris était officiellement intervenu pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux menaçant Bamako. Elle a ensuite mis sur pied une vaste opération régionale, «Barkhane», déployant des milliers de soldats pour lutter contre les franchises locales d’al-Qaida et du groupe «État islamique».
Mais, selon le ministère des Armées, «le volet militaire n’est qu’une partie de la réponse qui doit d’abord s’appuyer sur des progrès politiques, sociaux, culturels et économiques». Malgré des victoires tactiques et l’élimination de chefs djihadistes, le terrain n’a jamais été véritablement repris par l’État malien et ses forces armées.
1. Comment en est-on arrivé là?
«Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés» et qui ont recours à«des mercenaires de la société (russe) Wagner» aux «ambitions prédatrices», a fait valoir Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse aux côtés des présidents sénégalais, ghanéen et du Conseil européen. En réalité, la crise couvait depuis plusieurs mois.
Un premier coup d’État qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta avait déjà échaudé la France. Mais c’est sans doute la décision prise par l’homme fort de la junte en place, le colonel Assimi Goïta, en mai de l’année dernière d’empêcher un remaniement gouvernemental en faisant arrêter le président et le premier ministre de la transition, puis le report des élections prévues en février 2022 qui ont scellé la rupture entre Paris et Bamako.
«Un coup d’État dans le coup d’État inacceptable», déplorait le chef de l’État français. Dans la foulée, la France dénonçait un accord que les autorités maliennes auraient passé avec la société Wagner, ce qui a toujours été démenti. Emmanuel Macron avait déjà menacé de retirer ses troupes du Mali. Une divergence de fond était apparue. Les militaires maliens au pouvoir avaient décidé de changer de stratégie et de tenter de négocier directement avec les chefs des groupes djihadistes, ce qui pour Paris s’apparentait à un casus belli.
Le pouvoir malien n’est pourtant pas si isolé. Emmanuel Macron ne peut ignorer le sentiment antifrançais qui s’est développé ces derniers mois au Mali, mais pas seulement. «L’ancienne puissance coloniale (…) a beaucoup perdu en influence, explique Marc-Antoine Pérouse de Montclos, expert de la zone pour l’Institut de recherche pour le développement (IRD), à l’AFP. Après s’être vantée d’avoir restauré une démocratie parlementaire au Mali en 2013, elle n’a pas réussi à empêcher des coups d’État à répétition, tout en continuant d’être accusée par les Sahéliens de faire et défaire les gouvernements de la région.»
2. Que va-t-il se passer?
Le Canada et les États européens, qui opéraient jusque-là aux côtés des Français avec des forces spéciales au sein de la task force «Takuba», «estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel (…) au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations». Paris et ses partenaires souhaitent toutefois «rester engagés dans la région» sahélienne et «étendre leur soutien aux pays voisins du golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest» pour contenir la menace djihadiste.
«Le cœur de cette opération militaire ne sera plus au Mali mais au Niger», a fait savoir Emmanuel Macron. «Nous comprenons cette décision, a expliqué le président sénégalais, Macky Sall, dans une conférence de presse commune avec le président français. La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains. (…). Nous sommes heureux que l’engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif.»
Au Sénégal, l’armée française compte 350 hommes et dispose d’une escale aérienne. À Abidjan, la base française de Côte d’Ivoire compte 900 soldats et constitue une plateforme stratégique, «opérationnelle et logistique majeure», selon le ministère de la Défense. 350 soldats sont logés au Gabon. Mais surtout, entre 350 et 400 militaires des forces spéciales sont stationnés près de Ouagadougou, au Burkina Faso. Concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali (Gao, Ménaka et Gossi) prendra de «quatre à six mois», selon Macron.
«Pendant ce temps, (…) nous allons continuer d’assurer les missions de sécurisation de la Minusma (la mission de l’ONU au Mali, forte de plus de 13000 casques bleus – NDLR)», qui continuera de bénéficier d’un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens, a-t-il assuré. «Nous prendrons les dispositions nécessaires pour nous adapter au nouveau contexte en vue de pouvoir poursuivre la mise en œuvre de notre mandat», a fait savoir Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma. Le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, s’est déjà prononcé pour le maintien d’une force de la paix de l’ONU au Mali.
3. Un revers de la France?
Évidemment, Emmanuel Macron «récuse complètement» cette idée d’échec. Pourtant, force est de constater que le retrait annoncé ressemble fort à une débandade. Car après neuf ans de guerre, les objectifs affichés n’ont pas été atteints. Les groupes djihadistes continuent à pulluler au Sahel et se répandent maintenant dans le golfe de Guinée. La raison en est simple: tout ce qui fait le terreau de Daech ou d’al-Qaida, à savoir le manque de développement économique, la pauvreté grandissante, le manque d’avenir, reste la réalité quotidienne des Maliens.
Les coups d’État successifs au Mali, au Tchad et au Burkina Faso – tous ex-colonies françaises – ont affaibli les alliances ouest-africaines de la France et montré que les accords existants servent plus Paris que Bamako, N’Djamena ou Ouagadougou. Les économies de ces pays ne perçoivent aucun dividende de l’ouverture de leurs richesses minières aux grandes compagnies internationales. En témoignent les milliers de jeunes Africains de l’Ouest qui risquent leur vie dans des voyages migratoires à haut risque. C’est dire si le «volet militaire» ne s’est pas appuyé«sur des progrès politiques, sociaux, culturels et économiques», annoncés pourtant comme complémentaires par le ministère des Armées.
Au contraire. Or, c’est bien ce qui est en jeu aujourd’hui. Malgré cela, Emmanuel Macron reste scotchéà sa stratégie. «Il s’agit de nous recentrer sur les demandes de nos partenaires là où notre contribution est attendue. (…) Cet appui pourra inclure de l’aide en matière de formation et d’entraînement, de la fourniture d’équipements, voire un appui à leurs opérations contre le terrorisme», a-t-il soutenu. Et donc, très certainement, des ventes d’armes à la clé. Comme si le continent africain avait besoin de ça.
4. Quel avenir pour le Mali?
Le pays est en grande difficulté et la décision française risque de le déstabiliser davantage. Le sentiment antifrançais va très certainement s’amplifier, d’autant que neuf ans de guerre n’ont rien réglé et l’insécurité se poursuit. Et que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) imposent des sanctions économiques au Mali pour le punir de ne pas organiser des élections.
Des sanctions soutenues par la France et l’Union européenne. Les mêmes sont pourtant moins sourcilleux s’agissant de manipulations constitutionnelles en Côte d’Ivoire et en Guinée pour obtenir un troisième mandat présidentiel. Or, ce sont les Maliens qui en subissent les conséquences. Ils ont d’ailleurs dénoncé cette punition en manifestant en nombre dans les rues de Bamako. Ils entendent avoir voix au chapitre. Une revendication que la France ferait bien d’entendre.
La Turquie de R.T. Erdogan poursuit avec acharnement son œuvre criminelle contre le peuple kurde.
Alors que les bombardements sont quotidiens, un brutal déchaînement de violence s’est produit le 1er février en Irak, dans la région de Shengal et le camp de réfugiés de Makhmour, ainsi que dans le nord-est de la Syrie où vivent des kurdes d’Afrin chassés par les supplétifs islamistes de l’armée turque.
Ces attaques interviennent alors que l’État islamique a lancé une opération contre la prison d’Hassake afin de libérer des djihadistes emprisonnés. 121 civils et combattants kurdes y ont trouvé la mort.
Ces offensives conjointes illustrent la pérennisation des connivences entre la Turquie et ces hordes d’assassins. Le chef de Daesh, qui vient de trouver la mort, se terrait dans la province d’Idlib sous contrôle turc.
Elles témoignent surtout de l’incapacité de R.T. Erdogan à régler la question kurde en dépit de l’acharnement répressif contre le Parti démocratique des peuples (HDP).
Le Parti communiste français (PCF) condamne ces nouvelles agressions, appelle la France et l’Union européenne à désavouer la politique de R.T. Erdogan et à soutenir le processus de paix promu par les Kurdes.
Parti communiste français,
Paris, le 5 février 2022
Un grand « ouf » de soulagement. C’est ce qui a échappé aux progressistes du monde entier à l’annonce de la victoire de Gabriel Boric lors du second tour de l’élection présidentielle au Chili. Avec 55,9 % des voix, le candidat de la coalition « Apruebo Dignidad » (J’approuve la dignité) renversait la tendance du premier tour et s’imposait face au représentant de l’extrême droite réactionnaire et néolibérale, José Antonio Kast.
Un soupir de soulagement donc, mais aussi d’admiration et d’espoir face à l’ampleur de la victoire acquise. En effet, au soir du premier tour, l’ambiance était tout autre. Pourtant donné favori, Boric était arrivé deuxième avec 25,8 % des voix, derrière Kast (27,9 %). Une douche froide, mais aussi un coup de tocsin pour la mobilisation des citoyennes et citoyens, confrontés à deux options diamétralement opposées : l’espoir contre la peur, le neuf contre l’ancien, la démocratie contre l’autoritarisme.
Le caractère plébiscitaire du scrutin, la menace de voir arriver à la présidence un « Bolsonaro chilien », ont conduit de larges secteurs populaires, progressistes et démocratiques à se mobiliser, ce qui s’est traduit par une victoire historique à plus d’un titre. Entre le premier et le second tour, Boric a gagné plus de 2,8 millions de voix, devenant ainsi le président élu avec le plus haut pourcentage, le plus haut nombre de suffrages (4,6 millions), le plus grand écart de voix, mais aussi le plus haut taux de participation (55,6 %, en hausse de 8 points par rapport au premier tour).
Ce formidable sursaut n’est bien entendu pas uniquement le fait de réactions individuelles. Il est en grande partie le résultat d’une mobilisation militante de tous les instants entre les deux tours, dans laquelle les militantes et militants du Parti communiste du Chili auront été en première ligne. Sous le mot d’ordre « 1 million de portes pour Boric », une grande campagne de porte-à-porte a ainsi permis d’entrer directement en contact avec la population dans tout le pays et promouvoir le vote, notamment auprès des classes populaires urbaines et rurales.
La victoire de Boric s’inscrit dans la continuité du processus de transformation de la société chilienne, qui s’exprime avec force depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019. Issue du référendum du 25 octobre 2020, l’Assemblée constituante travaille depuis son installation à la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel, qui doit remplacer celui mis en place par la dictature de Pinochet dans le but d’empêcher toute remise en cause du modèle néolibéral-autoritaire. Avant la fin de l’année, le document élaboré par la Constituante doit être soumis par référendum au peuple chilien, qui décidera souverainement de son approbation ou de son rejet. Avec un Exécutif qui lui est favorable, la Constituante se retrouve donc dans une situation bien plus favorable pour mener à bien ses travaux et aboutir à l’ouverture d’une nouvelle page dans la vie républicaine du Chili.
L’unité, condition de l’avancée du processus
Lors des traditionnels vœux à la presse, organisés le 1er janvier, le président du PC Guillermo Teillier peut donc déclarer que « nous avons beaucoup de raisons d’être contents. Ça a été une bonne année pour le peuple du Chili, car celui-ci a consolidé le réveil d’espoir de 2019, après avoir connu une pandémie si dure, et ce peuple a fixé un cap. Un cap de changements, de processus de perfectionnement démocratique, un processus unitaire, dans lequel la majorité du pays penche pour mener de l’avant les mesures substantielles du programme de gouvernement que mène Gabriel Boric. Cela s’est bien passé pour nous en tant que coalition Apruebo Dignidad, en tant que parti ; nous n’avons pas réussi tout ce que nous aurions voulu, mais de manière générale ce processus est un succès pour le moment »1.
Au lendemain de l’élection présidentielle, les communistes réaffirment donc leur volonté de continuer à s’inscrire dans la politique de front large poursuivie par la majorité de la gauche, afin de garantir la stabilité du nouveau gouvernement et le succès du processus de nouvelle Constitution, dans un sens de substantielles transformations sociales et démocratiques. C’est notamment le sens des déclarations de plusieurs dirigeants communistes, reconnaissant la liberté de Gabriel Boric pour constituer son gouvernement, en faisant appel aux forces de gauche dans leur diversité, mais aussi à des personnalités « indépendantes » ou issues des mouvements sociaux. Une ouverture qui comprend également la possibilité de discuter avec des organisations telles que le Parti socialiste, voire certains secteurs de la droite.
Une politique qui ne va pas sans difficultés, comme récemment avec le renouvellement de la direction de la Constituante. Lors de celle-ci, des divergences se sont fait jour au sein des forces de gauche, entre un pôle regroupant le Frente Amplio (FA, regroupement de formations de gauche dont est issu Boric, et qui est membre d’Apruebo Dignidad) et des courants socialistes, et un autre constitué d’indépendants et du PC. C’est finalement le second qui l’a emporté, avec l’élection à la présidence et la vice-présidence de María Elisa Quinteros, membre de l’organisation Mouvements sociaux constituants et Gaspar Domínguez d’Indépendants non-neutres.
S’il refuse de considérer cet épisode comme une rupture, le constituant communiste Marcos Barraza y voit néanmoins l’expression de deux conceptions du rôle de l’Assemblée constituante : l’une favorisant un texte « neutre » et l’autre voulant le doter d’un contenu programmatique, autour de dispositions fortes2.
La participation populaire, clef de la réussite
Au-delà des espaces institutionnels, c’est également dans la mobilisation populaire, son dynamisme et sa détermination, que réside un élément essentiel pour la réussite du processus de transformation, et cela dès maintenant. Car malgré le mouvement de 2019, le triomphe lors du référendum constitutionnel et, désormais, la victoire lors de l’élection présidentielle, 44 % des votants du second tour ont opté pour un candidat ultra-réactionnaire. Celui-ci ne disparaîtra pas une fois l’élection passée, et la lutte pour l’hégémonie à droite ne fait que commencer. Au Parlement, la situation est également compliquée pour la gauche, AP n’ayant obtenu « que » 37 sièges sur 155 à la Chambre des représentants et cinq sur 50 au Sénat.
Dans l’immédiat, la mobilisation peut se structurer autour de deux axes. Le premier, de résistance, contre la volonté du président sortant, Sebastián Piñera, de brader les ressources en lithium au profit de grandes multinationales et sans aucun processus d’industrialisation de la filière au plan national. Le second, de construction, afin de recueillir le maximum de signatures pour l’introduction d’initiatives populaires à la Constituante. Le règlement de l’assemblée prévoit en effet qu’une proposition recueillant au moins 15 000 signatures de citoyennes et citoyens d’au moins quatre régions différentes, sera discutée et votée par celle-ci et pourra donc, in fine, faire partie de la prochaine Constitution. Seront ainsi d’ores-et-déjà débattues une proposition visant à garantir les droits sexuels et reproductifs, dont l’avortement, ou une visant à… interdire ce même avortement.
Autant dire l’importance, avant la date limite du 1er février, de permettre que soient soumises au débat des propositions telles que celle d’une « Constitution politique pour les travailleuses et les travailleurs » portée par la centrale syndicale CUT ; pour une éducation féministe, laïque, publique et non-sexiste ; ou encore pour le droit à la Sécurité sociale.
D’une grande importance, la victoire de Gabriel Boric n’est cependant qu’un rouage parmi d’autres dans la machine de la transformation sociale au Chili. Une machine grande, complexe et toujours en construction, peut-être fragile mais qui, pour toutes ces raisons, suscite la curiosité et la solidarité des progressistes de tous les pays.
Cyril Benoit
membre du collectif Amérique latine
membre de la Commission des relations internationales du PCF
Depuis le 3 février 1962, Cuba subit un blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis dans le but de le contraindre à renoncer au modèle de société qu’il s’est choisi avec la Révolution de 1959.
Cela fera donc 60 ans en 2022 que Cuba fait face à ce blocus illégal et inhumain. Les effets sont désastreux pour le peuple cubain, d’autant plus cruels durant une pandémie qui anéantit l’économie du tourisme depuis 2 ans.
Ce régime de sanctions n’épargne pas les denrées de base, les médicaments, le matériel médical comme les seringues pour vacciner, les matières premières mais aussi les pièces détachées pour permettre l’entretien des alimentations en électricité. Rappelons qu’après une relative ouverture initiée par l’administration Obama, Donald Trump a considérablement durci le blocus avec un attirail de 130 nouvelles mesures.
En mai 2019, un pas supplémentaire avait été franchi avec l’activation du titre 3 de la loi Helms-Burton, une clause qui permet des poursuites en justice contre les entreprises étrangères présentes à Cuba. Donald Trump a même clos son mandat en inscrivant Cuba dans la liste dressée par Washington des États soutenant le terrorisme. Ce nouveau coup de force, cette nouvelle ingérence des États-Unis envers Cuba impliquent de nouvelles entraves aux aides économiques, l’interdiction faite aux institutions internationales d’y financer des projets et des rétorsions fiscales et douanières contre les entreprises et les personnes développant des activités à Cuba.
L’arrivée de Joe Biden aurait pu être considérée comme une bonne nouvelle pour renouer le dialogue entre Cuba et les États-Unis, mais la politique envers Cuba ne change pas et l’administration Biden ne revient sur aucune des dispositions coercitives, sur aucune sanction, sur aucune discussion pour la levée du blocus. Cependant, malgré ce blocus, malgré cet acharnement, le peuple cubain a réussi à édifier un système social solidaire, une politique de santé exemplaire, tant dans l’île que dans le monde.
Depuis 1962, on estime à 2 milliards de femmes et d’hommes à travers le monde le nombre de celles et ceux ayant bénéficié de l’action des médecins et personnels soignants cubains. Au plus fort de la pandémie de la Covid-19, tout en assurant la préservation de la population, ce sont près de 2 000 personnels médicaux cubains qui sont intervenus dans une trentaine de pays dont la France dans l’île de Martinique, mais aussi en Italie, en Andorre et dans plusieurs pays d’Amérique latine.
Malgré toutes ces sanctions, malgré toutes ces embuches, Cuba a réussi à mettre au point ses propres vaccins et à faire en sorte qu’aujourd’hui plus de 90 % de la population de l’île sont totalement vaccinés, mais comme partout dans le monde, son système de santé est fragilisé et les sanctions économiques continuent à leur poser problèmes pour acheminer des respirateurs, des tests, des seringues ou des médicaments. Alors que les inégalités mondiales se creusent, alors que le monde affronte une crise sanitaire et sociale inédite, alors que la solidarité internationale est indispensable pour relever les défis sociaux, sanitaires et environnementaux, les grandes puissances ne sont pas totalement engagées pour que les États-Unis lèvent le blocus contre Cuba.
Pire encore, l’Union européenne passe son temps à proposer des résolutions sur Cuba sans mentionner le blocus. C’est tout simplement criminel ! La levée immédiate du blocus de Cuba est aujourd’hui non seulement une urgence pour le peuple cubain mais aussi une urgence pour tous les peuples du monde. Voilà de multiples raisons de poursuivre, de renforcer, de populariser le mouvement de solidarité internationale pour la levée du blocus comme l’exige depuis la nouvelle résolution votée le 23 juin dernier à l’Assemblée générale de l’ONU.
Rejoignez-nous dans cette solidarité en signant la pétition du PCF sur le site cubasansblocus.fr
Cécile Dumas responsable-adjointe du secteur International
chargée des questions migratoires et du collectif Amérique latine
Figure de la lutte contre l’apartheid, prix Nobel de la paix, personnalité intransigeante et attachante, l’ancien archevêque du Cap est décédé dimanche. Il avait 90 ans.
C’était un rire pur. Un rire franc. Un rire massif parfois tonitruant. Tous ceux qui ont eu la chance de rencontrer Desmond Tutu se souviennent aujourd’hui de ses yeux plissés, espiègles, comme ceux d’un enfant, dès qu’il esquissait un sourire. Plus que de la bonhomie, il y avait chez lui un amour de la vie et une façon unique de raconter des anecdotes. Comme celle-ci:«Un jour à San Francisco, j’étais bien tranquille dans mon coin. Une femme fait irruption devant moi. Visiblement émue, elle me salue d’un “Bonjour, archevêque Mandela!” Deux hommes pour le prix d’un». Au mois d’octobre, il avait fêté ses 90 ans. Ce fut sa dernière apparition publique. Celui que tout le monde appelait familièrement par le surnom de The Arch (archevêque se dit archbishop en anglais) s’est éteint, ce dimanche, au lendemain de Noël.
Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être aussi.DESMOND TUTU
Une disparition annoncée par Cyril Ramaphosa, président de la République d’Afrique du Sud, en personne. «Des trottoirs de la résistance en Afrique du Sud aux chaires des grandes cathédrales et lieux de culte du monde, en passant par le cadre prestigieux de la cérémonie du prix Nobel de la paix, The Arch s’est distingué comme un défenseur non sectaire et inclusif des droits de l’homme universels», a déclaré celui qui est également à la tête du Congrès national africain (ANC). Une organisation que Desmond Tutu n’a pas craint d’étriller ces dernières années, annonçant même qu’il ne voterait plus en sa faveur, se disant déçu par la corruption, l’état des écoles publiques et la pauvreté persistante. «Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être aussi», dénonçait-il.
Tutu est né le 7 octobre 1931 dans la ville minière de Klerksdorp, à l’ouest de Johannesburg. Sa mère était domestique, son père directeur d’école primaire. Il se tourne très vite vers la théologie et devient, en 1978, le premier dirigeant noir du Conseil sud-africain des églises (SACC), qui compte 15 millions de fidèles actifs dans la lutte contre l’apartheid. En 1984, alors qu’il est nommé évêque de Johannesburg et appelle au boycott économique du régime raciste blanc de Pretoria, il est lauréat du prix Nobel de la paix. Albert Luthuli, président de l’ANC de 1952 à 1967, avait reçu ce même prix en 1960. Il sera également décerné à Nelson Mandela et Frederik De Klerk en 1993. Il devient archevêque du Cap en 1986, alors que, dans le pays, la lutte s’intensifie pour mettre à bas l’apartheid, notamment avec le regroupement de toutes les organisations progressistes, civiles, religieuses et syndicales au sein du Front démocratique uni (United democratic front, UDF).
Pardonner, ce n’est pas seulement être altruiste. C’est la meilleure forme d’intérêt personnel. Un processus qui n’exclut pas la haine et la colère.DESMOND TUTU
Une lutte dont il est totalement partie prenante, notamment en tant que responsable de l’Église anglicane pour toute l’Afrique australe. Et une épine plantée dans le pied du pouvoir raciste qui ne peut se débarrasser de cette personnalité aux déclarations fracassantes. Ainsi, en juillet 1986, après le refus de Ronald Reagan, alors président des États-Unis, d’imposer des sanctions au régime de l’apartheid, il s’exclame devant la presse:«Plus de 70% de notre peuple, comme le montrent deux sondages, veulent des sanctions. Mais non, le président Reagan sait mieux que tout le monde. Nous allons souffrir. Il est là, comme le grand chef blanc à l’ancienne, à nous dire que nous, les Noirs, on ne sait pas ce qui est bon pour nous. L’homme blanc sait».
Serviteur d’une Église aux portes grandes ouvertes
En 1995, un an après les premières élections démocratiques qui ont vu l’accession de Nelson Mandela à la présidence du pays, Desmond Tutu est tout naturellement nommé à la tête de la commission Vérité et Réconciliation, chargée d’enquêter sur les crimes commis sous l’apartheid. Il aimait d’ailleurs dire:«Pardonner, ce n’est pas seulement être altruiste. C’est la meilleure forme d’intérêt personnel. C’est aussi un processus qui n’exclut pas la haine et la colère».Au deuxième jour des auditions, il fond en larmes après le témoignage particulièrement insoutenable d’un ancien détenu de Robben Island.
Présidant depuis 2007 The Elders (les Aînés), groupe de personnalités internationales œuvrant pour le règlement de conflits dans le monde, The Arch avait écrit en juin 2016 au comité Nobel pour proposer «la nomination de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné, pour le prix Nobel de la paix». Il rappelait qu’ «en 2013, une campagne internationale pour la libération de Marwan Barghouti et de tous les prisonniers palestiniens fut lancée à Robben Island (…) depuis la cellule du symbole universel de paix qu’est Nelson Mandela».
The Arch était le serviteur d’une Église aux portes grandes ouvertes pour accueillir ce qu’il a lui-même appelé la «nation arc-en-ciel». Une belle expression qu’il a employée pour la première fois lors de son discours prononcé aux obsèques de Chris Hani, secrétaire général du Parti communiste sud-africain (SACP) et chef militaire de Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’ANC, assassiné en 1993. Une idée si forte que Nelson Mandela l’a reprise le 10 mai 1994, lors de sa cérémonie d’investiture:«Nous prenons l’engagement de bâtir une société dans laquelle tous les Sud-Africains, blancs ou noirs, pourront marcher la tête haute (…), une nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde».
Desmond Tutu était un peu la conscience de l’Afrique du Sud. Avec lui, disparaît pratiquement le dernier des géants de la lutte contre l’apartheid et des idées progressistes. Parmi ses derniers combats, et contre sa hiérarchie, il a défendu le suicide assisté, le droit à l’avortement et les homosexuels. Avec ce pied de nez qui le caractérisait si bien:«Je ne vénérerais pas un Dieu homophobe. (…) Je refuserais d’aller dans un paradis homophobe. Non, je dirais: “Désolé! Je préfère de loin aller de l’autre côté”».
REPÈRES
7 octobre 1931 Naissance à Klerksdorp, dans le Transvaal.
1961 Ordonné prêtre de l’Église anglicane.
10 décembre 1984 Reçoit le prix Nobel dans le grand amphithéâtre de l’université d’Oslo.
7 septembre 1986 Nommé archevêque du Cap.
1995 Nommé président de la commission de la Vérité et de la Réconciliation.
2005 Nommé par le secrétaire général de l’ONU membre du Haut-Conseil pour l’Alliance des civilisations.
26 décembre 2021 «Le décès de l’archevêque émérite Desmond Tutu est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée. », Cyril Ramaphosa, président sud-africain.
Desmond Tutu : « Ubuntu », rien de ce qui est humain ne lui était étranger (PCF)
Le Parti communiste français a rendu hommage à Desmond Tutu dans un communiqué, ce matin, sitôt connu le décès de l'archevêque sud-africain, lauréat du prix Nobel de la paix. « Figure éminente de la lutte du peuple sud-africain contre le régime d'apartheid puis de la "nation arc-en-ciel" post-apartheid, non-raciale et démocratique, Desmond Mpilo Tutu vient de s'éteindre à l'âge de 90 ans, écrit le PCF. Il laisse orphelin le peuple sud-africain tout entier et, au-delà, toutes celles et tous ceux qui, de la solidarité internationale anti-apartheid à l'engagement pour une paix juste et durable au Proche-Orient, ont partagé les combats de sa vie. »
Pour le PCF, Desmond Tutu était « reconnu, estimé et hautement respecté pour la finesse de son intelligence et sa force de caractère, tout comme son humour et sa joie de vivre, (il) a dédié son sacerdoce à la libération de son peuple et la mise à bas du crime contre l'humanité qu'était l'apartheid. Jusqu'à son dernier souffle, Desmond Tutu aura lutté pour la justice et l'égalité, la fraternité des peuples, la solidarité, le droit et les libertés, contre le racisme et la xénophobie, et les dominations de toutes sortes. "Ubuntu", rien de ce qui est humain n'était étranger à Desmond Tutu ».
Le PCF poursuit : « Desmond Tutu a présidé de 1996 à 1998 la commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation commission, TRC), chargée de faire la lumière sur les crimes commis entre 1961 et 1994 et d'engager un processus de réconciliation nationale, et de justice réparatrice envers les victimes de l'apartheid. "Ceux d'entre nous qui s’inscrivent dans la tradition chrétienne ont, peut-être, une responsabilité spéciale parce que cette nation a instrumentalisé au cours des années les sources théologiques chrétiennes pour promouvoir l'apartheid", écrira-t-il en 1996 ».
Le PCF souligne encore que « c'est à partir du milieu des années 1960 que celui qui deviendra près de 25 ans plus tard le premier archevêque anglican noir du Cap et prix Nobel de la paix (1984) s'engagea de façon active contre l'apartheid, pour l'égalité absolue entre tous les Sud-Africains. Fortement influencé par le mouvement de la conscience noire et la théologie africaine, Desmond Tutu épousait les ambitions de la Charte de la liberté, initiée par le Congrès national africain (ANC) d'une Afrique du Sud libre, non-raciale et démocratique. À partir de 1983, il sera l'une des personnalités de premier plan de son pays qui, aux côtés du révérend Allan Boesak, animeront le Front démocratique uni (United democratic front), coalition de plusieurs centaines d'organisations et associations dont le rôle s'est révélé déterminant pour unir et élargir encore la mobilisation populaire anti-apartheid en Afrique du Sud comme au plan international. C'est aussi avec Allan Boesak que Desmond Tutu présidera la TRC pendant deux ans ; une entreprise douloureuse pour les Sud-Africains, trop souvent frustrante mais qui aura contribué à éloigner le spectre d'une guerre civile dans son pays et, au plan international, à l'élaboration d'institutions spécifiques au traitement des violences perpétrées par des régimes criminels ».
Le PCF conclut par ces mots : « C'est aujourd'hui avec solennité que le Parti communiste français s'incline devant la mémoire de Desmond Mpilo Tutu et exprime à sa famille et au peuple d'Afrique du Sud ses condoléances attristées. Hamba Kahle, Baba ! »
Selon un récent sondage, 49 % des Russes préféreraient le système politique soviétique, un record depuis le début des années 2000. Maksim Blinov/Sputnik/AFP
En 2021, la Russie n’a plus grand-chose à voir avec l’Union soviétique de 1991. Aujourd’hui, le capitalisme et Vladimir Poutine ont métamorphosé la société. Le mécontentement s’intensifie face aux inégalités et aux rigidités du pouvoir.
Dans deux heures, ce 25 décembre 1991, Mikhaïl Gorbatchev, président de l’Union soviétique, va annoncer sa démission et la fin d’une organisation créée en décembre 1922. Il relit nerveusement son discours avec Andreï Gratchev, son porte-parole, qui nous raconte la scène dans son bureau du Kremlin. Sa décision est prise depuis plusieurs jours. «Je suis inquiet de la perte pour nos compatriotes de la citoyenneté d’un grand pays, un fait dont les conséquences peuvent se révéler très graves pour tous»,dira-t-il vers 19 heures.
«Incrédulité, inquiétudes et espoirs s’entremêlaient, se rappelle Anna, qui était encore étudiante à l’époque. Je m’interrogeais surtout sur la nouvelle Russie qui allait surgir.» De son côté, l’ancien directeur du musée de Moscou Naum Kleiman se souvient que «l’effondrement de l’URSS fut inattendu, bien qu’étant un phénomène naturel». «Par conséquent, pour les citoyens en général et pour les artistes, ce fut un choc terrible, car personne n’était préparéà un changement sociopolitique et culturel aussi dramatique, poursuit-il . L’euphorie provoquée par la levée de la censure, ou la projection de films auparavant interdits à la distribution ont rapidement été remplacées par de nouvelles conditions de production commerciale, avec un diktat du marché qui s’est avéré aussi dur que le diktat idéologique.»
Trente ans plus tard, qu’en est-il? La société russe n’a guère profité de l’économie de marché. Les inégalités qui existaient aussi du temps de l’URSS avec la nomenklatura et ses privilèges se sont grandement creusées.
Il faut dire que, dans les premières années, le pays a subi une «thérapie de choc» libérale marquée par la fermeture de nombreuses entreprises publiques (industries de défense, chimie, services…). Après trois décennies, la part des Russes les plus riches représente près de 5 % de la population travaillant dans la haute administration, le privé (banques, commerces, énergie) et au plus haut niveau des siloviki (les forces de sécurité et l’armée). «Ils vivent dans des complexes résidentiels ou des établissements protégés et sont inaccessibles aux chercheurs. Cette couche est la plus prospère de la société, par ses revenus réels, mais aussi par ses privilèges indiscutables qui persistent dans la sphère étatique comme dans le secteur privé: procédures spéciales pour obtenir des logements (en règle générale, de haute qualité, situés dans des quartiers confortables), privilèges dans l’accès à l’emploi des membres de la famille et distribution de marchés publics fédéraux ou municipaux en faveur des entreprises qu’elle possède», constate le sociologue Mikhaïl Tchernych (1).
La pauvreté en hausse constante depuis 2012
En début d’année, selon l’agence russe de statistiques Rosstat, le taux de pauvreté, fixé à 11700roubles (140euros), s’établissait à 13,1% de la population, en hausse quasiment constante depuis 2012. De même, 62% des Russes ont des revenus qui suffisent seulement à payer nourriture et vêtements. Le salaire médian qui stagne autour de 350 euros, des retraites assez faibles malgré la récente revalorisation participent au mécontentement social. Ce contexte provoque une véritable nostalgie en Russie. Plusieurs sondages révèlent qu’une majorité de citoyens regrettent l’éclatement de l’URSS. Et que les deux tiers (66 %) d’entre eux aimeraient que la Russie soit avant tout «un pays avec un niveau de vie élevé, mais pas l’un des pays les plus puissants du monde»,selon une enquête du Centre Levada. Cet institut de sondage mesure aussi une mutation profonde: 49% des Russes préféreraient le système politique soviétique, un record depuis le début des années 2000. Autre record: 62% des personnes interrogées jugent que leur«système économique préféré est la planification et la distribution étatiques».
«Les difficultés rencontrées par un certain nombre de Russes peuvent expliquer ces sondages qui s’entrechoquent avec 1991. Mais au final, si le rêve capitaliste et le rêve européen vendus depuis tant d’années ne sont pas au rendez-vous, retourner à une époque soviétique, aux privations de déplacements et bien d’autres choses, n’est clairement pas imaginable», nous explique Loudmila, une sexagénaire, habitante de Saint-Pétersbourg. Quant à la comparaison établie par de nombreux médias entre la Russie de Vladimir Poutine et l’URSS, elle n’a plus vraiment lieu d’être. «Il n’y a plus de censure, beaucoup de choses peuvent sortir, être publiées. Il y a des pans entiers de la littérature russe et mondiale qui sont accessibles. On peut voir n’importe quoi au cinéma ou au théâtre. Mais en même temps de nouveaux tabous apparaissent avec de très fortes pressions sur les médias en ce qui concerne le régime politique et les religions», confirme le géographe spécialiste de la Russie, Jean Radvanyi.
«Pas de modèle de développement socio-économique efficace»
Cette dernière décennie, la confrontation entre la Russie et les pays occidentaux n’a cessé de s’accentuer sur des dossiers diplomatiques stratégiques: élargissement de l’Alliance atlantique, Ukraine, Haut-Karabakh, Iran, Mali, Moyen-Orient… À tel point que dans l’Humanité Dimanche du 23 décembre, Andreï Gratchev estime que «le monde fait un bond en arrière» et que «la disparition de l’URSS n’a pas débouché sur un monde plus stable et moins dangereux». Pourquoi? L’attitude russe à l’égard de ses voisins peut l’expliquer, quand les désaccords ont été réglés par Moscou à coups de mises en garde et de restrictions économiques vis-à-vis de la Biélorussie, la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie ou l’Arménie par exemple. Mais, pour l’auteur russe, «la grande part de responsabilité revient à l’Occident, qui n’a pas admis la Russie dans la maison commune européenne. Cette dernière en a été en quelque sorte éjectée parce que considérée comme une menace potentielle».
Les événements en Ukraine et autour du Donbass confirment des tensions inédites depuis la fin de la guerre froide entre les États-Unis et la Russie. «Nous ne sommes pas à l’abri d’un incident», prédisent certains diplomates. À l’occasion de sa traditionnelle conférence de presse de fin d’année, Vladimir Poutine, ce jeudi, a été moins véhément que par le passé. Sur le dossier ukrainien, l’exécutif russe, qui a présenté deux projets de traité de paix pour revoir l’architecture de sécurité européenne, a jugé «positives» les premières réactions américaines. «Nos partenaires américains sont prêts à commencer cette discussion, ces négociations, dès le début de l’année à Genève», a déclaré Vladimir Poutine, en rappelant qu’ «il ne doit y avoir aucune avancée de l’Otan vers l’est. La balle est dans leur camp, ils doivent nous répondre.» Ces lignes rouges suffiront-elles?«Le problème fondamental de l’“intégration eurasiatique” post-soviétique réside dans l’incapacité de la Russie, en trenteans d’existence en tant qu’État indépendant, à trouver un modèle de développement socio-économique efficace qui inspire ses voisins», estime Andreï Kortounov, directeur général du Conseil russe pour les affaires internationales.
(1) «La classe moyenne russe: une observation sociologique», site de l’Observatoire franco-russe, le 17décembre.
Histoire d’un effondrement
L’Union «semblait si solide. Pour nous, elle était éternelle», se souvient l’un des intervenants. Ancien mineur ayant subi la dégringolade de sa catégorie professionnelle, ex-professeure de musique devenue un temps vendeuse sur les marchés, ou ex-athlète aujourd’hui journaliste… Tous ont vécu intensément ces années où la liberté attendue s’est abîmée dans la violence du chacun-pour-soi. Et ils en parlent sans langue de bois dans le documentaire URSS: l’effondrement. À revoir, sur France5.
La victoire de Gabriel Boric, au second tour de l’élection présidentielle chilienne, ce 19 décembre, est une excellente nouvelle pour le peuple chilien et toutes les forces démocratiques et de transformation sociale à travers le monde.
L’élection à la présidence de la République du candidat de la coalition Apruebo Dignidad qui regroupe de nombreuses organisations de gauche, avec la contribution décisive du Parti communiste du Chili (PC de Chile), vient confirmer la profonde volonté de changement et de justice sociale qui s’exprime dans le pays, avec une force inédite, depuis le grand mouvement populaire d’octobre 2019.
Parti d’une étincelle – la hausse de trente pesos du prix du ticket de métro à Santiago – ce mouvement est déjà parvenu à mettre à bas la Constitution néolibérale-autoritaire issue de la dictature Pinochet. Il débouche aujourd’hui sur l’élection à la tête du pays du premier président de transformation sociale depuis Salvador Allende en 1970.
Après les succès électoraux enregistrés par les forces progressistes au Pérou, en Bolivie ou au Honduras, cette victoire résonne comme un nouvel acte d’espoir pour toute l’Amérique latine. L’offensive des droites ultraréactionnaires et autoritaires, qui partout s’emploient à barrer aux peuples le chemin de l’indépendance envers les États-Unis et de nouvelles conquêtes, subit aujourd’hui un nouvel échec cinglant.
Au Chili, l’élection de Gabriel Boric empêche ainsi l’arrivée au pouvoir de José Antonio Kast, candidat d’extrême droite rallié par les classes dominantes, dont le programme représentait une grave menace pour les travailleurs, les femmes, les peuples autochtones, les personnes LBGT, entre autres.
Tout le continent latino-américain entre dans un moment d’affrontements majeurs, comme l’illustre le score obtenu par Kast au Chili. Ses peuples et les forces de gauche auront besoin de tout notre soutien dans leur combat pour un avenir de progrès et de démocratie.
Le Parti communiste français (PCF) félicite chaleureusement Gabriel Boric pour sa victoire et salue l’ensemble des forces démocratiques et progressistes qui, par leur mobilisation unitaire, ont rendu celle-ci possible. Il lui adresse ses sincères vœux de réussite dans la politique de transformation sociale que revendique le peuple chilien.
À l’issue d’une campagne difficile contre l’héritier d’Augusto Pinochet, le candidat de gauche Gabriel Boric l’emporte avec 55,87 % des voix. La Constituante pourra ainsi mener ses travaux à bien. Sans majorité parlementaire, le chemin s’annonce toutefois étroit.
La «place de la Dignité» n’a jamais aussi bien porté son nom. La place d’Italie, ainsi renommée par le mouvement social historique de 2019, où les Chiliens se sont massés pour porter les exigences de réformes sociales, a vu, dimanche, affluer une foule autant animée par l’espoir que soulagée de voir Antonio Kast, le sinistre héritier du dictateur chilien Augusto Pinochet, défait à l’issue du second tour de la présidentielle. Le nouveau président de gauche, Gabriel Boric, en a fait son antienne:«Si le Chili est le berceau du néolibéralisme, il sera aussi son tombeau.» Un combat en forme de revanche pour les enfants de Salvador Allende qui avaient vu la libéralisation et les privatisations imposées par le sang. «Notre génération est entrée dans la vie publique en exigeant que nos droits soient reconnus comme tels et ne soient pas traités comme des biens de consommation», a martelé l’ancien leader étudiant et député du Frente Amplio (Front ample), allié au Parti communiste, lors d’une première adresse à la foule. Une référence à l’éducation, à la santé, aux retraites et à tous ces biens communs laissés aux appétits du secteur privé depuis la dictature. «Nous allons défendre un système public autonome, à but non lucratif, et sans fonds de pension privés», a-t-il poursuivi.
À 35 ans, Gabriel Boric devient ainsi le plus jeune président du Chili (lire son portrait ci-contre). «El pueblo unido jamás será vencido» (Le peuple uni ne sera jamais vaincu): le slogan qui remontait, dimanche, de l’Alameda, l’artère principale qui mène au centre de la capitale, renvoie à l’histoire des luttes nationales. Comme un présage, ce 16 décembre, l’annonce de la mort, à 99 ans, de Lucía Hiriart de Pinochet, la veuve du Caudillo, a vu déferler des manifestations de joie spontanées sur cette même place de la Dignité, désormais cœur vibrant du Chili en construction. Symbole des oripeaux que trente ans de démocratie n’auront suffi à liquider, «la Vieille», telle qu’elle était surnommée, n’a jamais été convoquée devant les tribunaux malgré son rôle clé dans le régime militaire.
Le Chili s’est réveillé
L’euphorie qui a accompagné la victoire de Gabriel Boric (55,87 % des suffrages) contre José Antonio Kast (44,13 %), malgré la mobilisation de la bourgeoisie, est à la hauteur du cycle entamé par le pays il y a deux ans. «Chile despertó!» (Le Chili s’est réveillé), assurait alors la jeunesse, ouvrant la voie, un an plus tard, à une Constituante majoritairement de gauche, approuvée par référendum et appelée à enterrer la Loi fondamentale léguée par Pinochet. Le désir de rupture est puissant et balaye aujourd’hui la dernière carte des milieux d’affaires en la personne de José Antonio Kast. Face à la déroute du président de droite sortant, Sebastian Pinera, pris dans le scandale des Pandora Papers, les classes dominantes – à la manière de leur alter ego brésilien Jair Bolsonaro – n’ont pas hésité à miser sur l’extrême droite pour préserver leurs privilèges qui menacent de vaciller avec la Constituante.
Dimanche soir, les drapeaux chiliens le disputaient aux bannières des peuples autochtones, des féministes ou de celles de la communauté LGBTQI +. Et c’est dans la langue autochtone du peuple mapuche que Gabriel Boric a salué ses partisans. Insupportable aux yeux des tenants de l’ordre ancien, incarné par José Antonio Kast. Jouant à fond la carte de la lutte contre le terrorisme dans le Sud, le narcotrafic et la délinquance, le zélote du pinochétisme a toutefois offert une image affable et aimable pour rallier largement. «Aujourd’hui, l’espoir l’a emporté sur les campagnes de peur»,s’est félicité Gabriel Boric à l’issue d’une campagne particulièrement difficile et marquée par l’anticommunisme.
Jamais José Antonio Kast n’a évoqué ses positions anti-avortement dans un Chili où une majorité de la population y est désormais favorable. Lui s’accroche à la sainte Trinité – patriarcat, religion et austérité. Il entendait ainsi supprimer le ministère de la Femme, accorder les aides sociales aux seules mariées, et privatiser la Codelco, géant chilien du cuivre et dernière entreprise détenue à 100 % par l’État. Sa stratégie consistait à laisser le terrain du conflit social au candidat progressiste, à déguiser son néofascisme en promesse de paix. Digne représentant du Rechazo, c’est-à-dire des opposants à la Convention constitutionnelle, son élection menaçait pourtant de torpiller le processus en cours.
Le pari est gagné
L’enjeu de ce deuxième tour était donc celui de la mobilisation des abstentionnistes, des jeunes, des femmes et des classes moyenne et populaire. Pari gagné: 55,6% des électeurs se sont déplacés dimanche, contre 47% au premier tour. Dans un pays polariséà l’extrême, le jeune dirigeant promet d’être «le président de tous les Chiliens». Gabriel Boric, qui doit prendre ses fonctions le 11 mars, n’aura pas la tâche aisée. À l’issue des élections parlementaires de novembre, aucune majorité claire ne se dessine. Le nouveau président devra jouer serré pour avancer sur ses réformes, au moins dans un premier temps. Car, si la nouvelle Constitution est adoptée à l’issue des travaux de l’Assemblée en juillet 2022, les institutions seront de fait caduques et de nouvelles élections devront être convoquées dans la foulée. Le temps pour la gauche de se mettre en ordre de bataille. La droite veille, et Gabriel Boric le sait. «Les temps qui viennent ne seront pas faciles», prédit-il. Et pas seulement parce que, à la veille du second tour, les images de policiers saluant, poing contre poing, les militants fascistes de José Antonio Kast, lors d’une manifestation, en disent long sur les forces qui composent le «camp de l’ordre».
L’autre défi est financier. Avec un budget de l’État en baisse de 22,5 % par rapport à 2021, Gabriel Boric se veut rassurant, promet de rester dans les clous et d’être «fiscalement responsable». «Une croissance économique fondée sur les inégalités sociales a des pieds d’argile, prévient-il cependant, en insistant sur ses engagements environnementaux. Seule la cohésion sociale peut nous diriger vers un développement soutenable et véritable.» Durant la campagne, le journal conservateur El Mercurio faisait ses choux gras de la prévision de la banque états-unienne Morgan Stanley d’une «récession technique» qui frapperait le Chili en 2022, du fait d’une «politique monétaire stricte et d’un environnement des affaires incertain avant le vote constitutionnel». La menace est claire: la gauche ne disposera d’aucune marge de manœuvre financière.
Ainsi, Gabriel Boric a-t-il exhorté tous les secteurs mobilisés durant la dernière décennie à ne pas relâcher les efforts:«Je tiens à vous dire que votre engagement ne doit pas s’épuiser après l’élection. Il doit se renforcer durant notre gouvernement»,a-t-il lancé à l’adresse de ses soutiens. Avant d’esquisser une ébauche de la participation qu’il entend faire vivre:«Mon engagement est de prendre soin de la démocratie au quotidien, une démocratie de fond, où les quartiers et les organisations sociales ont un rôle moteur, car sans le peuple, il n’y a pas de démocratie.» De la place de la Dignité au palais de la Moneda, une nouvelle page s’écrit.