Entouré de la dramaturgie habituelle, avec ses conciliabules, ses accords dont les populations ignoreront tout,
le Conseil européen de la fin de la semaine dernière n’apportera rien de mieux pour les citoyens européens. Pour les marchés financiers, il en va tout autrement. Les places
boursières se sont envolées comme par miracle. Ce qui est bon pour la finance ne l’est pas pour les peuples.
Pourtant, une rébellion des pays du Sud, en alliance avec F. Hollande, a créé l’évènement et permis d’obtenir que les
fonds européens puissent racheter de la dette des États sans que ceux-ci soient obligatoirement soumis au même dispositif de surveillance que ne l’a été la Grèce jusque là. Et pour la
première fois, il est envisagé que la recapitalisation de banques en difficultés puisse se faire par le fonds européens de stabilité. Ce modeste pas en avant reste très éloigné du nécessaire
crédit public indispensable pour promouvoir le développement humain sur tout le continent. Il souligne cependant combien des mobilisations populaires dans les États européens pourraient
déboucher sur des résultats beaucoup plus conséquents au bénéfice de tous parce que déconnectés de l’emprise des marchés financiers. Ainsi, ce sont ces derniers qui continuent d’influencer le
projet d’union bancaire qui placera le système des banques, y compris les banques publiques et mutualistes, sous la coupe de la Banque centrale européenne. Or, celle-ci ne fait rien pour
abaisser des taux d’intérêt qui stimulent la spéculation, avec pour conséquence l’aggravation de l’austérité. Mais le plus important de ce Conseil est l’acceptation par tous les
Chefs d’États d’un nouveau traité, bien plus contraignant que celui de Maastricht : « le traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance », appelé aussi
« pacte budgétaire ». Le candidat F. Hollande s’était engagé à « renégocier » ce traité, initié par M. Sarkozy et Mme Merkel. Il n’en est rien ! Pas une
seule virgule n’a été changée. A tel point que Mme Merkel s’est empressée de le faire voter par le parlement allemand, à peine le Conseil européen terminé.
Ce texte oblige à réduire drastiquement les crédits publics et sociaux et ouvre la voie à une
surveillance et un contrôle des budgets des États, de la sécurité sociale et même de ceux des collectivités territoriales. Il oblige à inscrire dans notre droit fondamental, l’obligation de
l’équilibre budgétaire par réduction des dépenses et non par augmentation de l’activité productive et des impôts sur la fortune et le capital. Cela ressemble à une sorte de
constitutionnalisation des injustices et des inégalités. Nous avons pu voir de premiers signes de ces orientations avec les lettres de cadrage qu’ont reçues les ministres dans la perspective
de la préparation du prochain budget. En fait, dans les mots, on parle de « croissance » à Bruxelles. Et c’est la dure « austérité » qui est mise en œuvre à
Paris.
S’agissant d’un traité qui modifie des règles fixées par celui de Maastricht, adopté par référendum, il serait
démocratique que le Président de la République le soumette à la consultation populaire, par la même voie du référendum. Quand les électeurs ont élu François Hollande -et nous y avons
contribué- celui-ci refusait « la règle d’or » et s’engageait à la « renégocier ». L’adopter telle quelle est contraire à cet engagement. Le dernier mot doit donc
revenir à nos concitoyens d’autant plus que l’actuel Président de la République n’est pas à l’origine d’un traité qui a été porté sur les fonds baptismaux par son prédécesseur, M.
Sarkozy. Battu, il est naturel de considérer que son traité l’a été aussi! Que le Chef de l’État choisisse la procédure référendaire serait un acte démocratique de première importance. Au
delà de nos frontières, il incarnerait l’ambition de la France de voir s’engager un processus de réorientation de la construction européenne, telle que l’espère la grande majorité des peuples
du continent européen. On nous rétorque qu’il existe un « pacte de croissance ». A y regarder de près, ce texte n’est qu’une pâle copie de documents antérieurs qui n’ont aucune
valeur juridique. Le chiffre de 120 milliards d’euros, brandi depuis des semaines pour la croissance est pour une large part virtuel. Il compile des engagements déjà pris comme l’utilisation
des fonds structurels, que les États ne mobilisent pas, parce qu’on leur demande de réduire leurs déficits et les crédits d’investissements. Quant à la taxe sur les transactions financières
dont l’application est sans cesse reportée, elle exclut un grand nombre de mouvements de capitaux. Et l’augmentation justifiée du capital de la Banque européenne d’investissement
sera inopérante dans le contexte de la récession.
Même s’ils existaient réellement, ces 120 milliards doivent être comparés aux 1000 milliards que la Banque centrale
européenne a débloqué pour les banques en ce début d’année et aux … 4200 milliards d’euros que les États ont dépensé pour les renflouer.
Mais il y a pire. Ce dont personne ne parle ! Le texte reprend mot pour mot le jargon bruxellois pour
accélérer l’ouverture à la concurrence dans des secteurs comme l’énergie ou les transports, la fin de la protection de certaines professions qui seront soumises à la concurrence,
l’accélération de la « réforme structurelle du marché du travail », c’est-à-dire encore plus de précarité, de flexibilité, de « mobilité de la main d’œuvre au sein de l’Union
européenne ». Et, cerise sur le gâteau, la fin des salaires minimum dans les pays où ils sont garantis!
A ceci s’ajoute l’amplification du libre échangisme commercial avec la négociation d’un accord sur le commerce
transatlantique.
Au bout du compte, ce Conseil européen, va dans le sens des intérêts de la finance, pas de ceux du
monde du travail et de la création, ni de l’avenir de la jeunesse.
Les Français viennent de choisir le changement. Comme nous, ils constatent que des forces considérables se mobilisent
dans le pays et en Europe pour en contrecarrer la mise en œuvre. Les puissances d’argent, la droite veulent obtenir ce que le suffrage universel leur a pourtant retiré. Les laisser faire sans
réagir reviendrait à sacrifier les chances de réussite d’une politique de progrès. Dans ces conditions, la vigilance et la mobilisation ne doivent pas faiblir pour réclamer sa part
d’améliorations dans la vie de tous les jours est un dû et le plus sûr chemin pour sortir de l’austérité et par là-même de la crise. C’est le mandat donné par le peuple au gouvernement et à
la majorité de gauche au Parlement. L’austérité de gauche n’est pas plus acceptable que l’austérité de droite. Nous sommes disponibles pour contribuer à créer un rapport de forces favorable à
la satisfaction des espoirs placés dans la gauche et l’écologie politique.
C’est cet état d’esprit combatif et constructif qui nous anime quand nous considérons qu’un référendum
sur le traité d’austérité budgétaire ouvrirait la voie, en France et en Europe, à un large débat sur les moyens de sortir de la crise. Il pourrait s’accompagner d’un appel aux peuples
européens, lancé par les plus hautes autorités du pays, en faveur d’États généraux de la refondation de l’Europe, pour la libérer de l’austérité qu’impose la dictature de la finance.