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Un filet qui retient les petits poissons et laisse filer les gros, voilà le
système fiscal français. Au-delà de l’imbroglio médiatico-judiciaire, l’affaire Bettencourt-Woerth a révélé cette injustice : pour un patrimoine estimé à 17 milliards, et des dividendes compris
entre 200 et 300 millions d’euros annuels, l’héritière de L’Oréal ne paie que 40 millions d’euros d’impôts, soit 0,17 % de son capital. Et un chèque de 30 millions d’euros en 2008, au titre du
bouclier fiscal. Qui dit mieux ?
« L’administration fiscale a été conçue en priorité pour contrôler les salariés, les retraités », explique Michel Fontaine, fiscaliste et membre de la commission exécutive de la fédération des finances CGT. Pour les « petits contribuables », le contrôle « de masse, dont la déclaration préremplie est le dernier avatar, suffit », rapporte un fonctionnaire. Mais selon Michel Fontaine, il existe « un “défaut structurel” qui fait que les entreprises et les patrimoines importants sont moins contrôlés ».
Seulement 4000 examens de situation fiscale par an
Il y a « deux types de contrôle », nous rappelait récemment Vincent Drezet, secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (lire notre édition du 3 juillet). Sur pièces, l’administration vérifie « la cohérence entre les déclarations déposées par les contribuables et les documents qu’elle a à sa disposition ». Sur place, « on vérifie toutes les pièces de la comptabilité de l’entreprise, dans ses propres locaux », explique Michel Fontaine. Bien entendu, le premier est privilégié, car moins coûteux en temps et en personnel. Révision générale des politiques publiques (RGPP) égale moins de personnel (lire ci-dessous) et moins de temps pour vérifier les dossiers.
Pour l’examen de situation fiscale personnelle, déclenché « lorsqu’il y a soupçon d’irrégularité », avec vérification des comptes bancaires personnels, c’est pire. Il est décidé par l’inspecteur lorsque « la vérification de (la) seule activité professionnelle ne lui permet pas de cerner et d’expliquer complètement (la) situation fiscale », explique l’avocat fiscaliste Serge Luciani. Mais cette procédure reste marginale : Vincent Drezet la chiffre à seulement « 4 000 » par an. « Pour vous donner une idée, pour contrôler tous les assujettis à l’ISF, il nous faudrait 141 années », ironisait-il dans le Monde du 12 juillet.
Mauvais outils et chausses-trappes
Surtout, face à ces « grands contribuables », les syndicalistes s’estiment « mal outillés sur le plan juridique ». Un contrôle externe, censé vérifier point par point l’intégralité des comptes d’une entreprise est « très procédurier », selon Michel Fontaine. Quant aux personnes physiques, elles sont « conseillées par des fiscalistes très pointus, de sorte qu’avant d’en arriver à les contrôler, on multiplie les chausse-trappes pour l’inspecteur ». Conclusion : « L’administration fiscale est empêchée, légalement, de travailler efficacement. » Il suffit d’user des facilités mises en place par la droite. Un exemple, cité par Michel Fontaine : le crédit d’impôt recherche (CIR), « devenu invérifiable. La dérive du coût est estimée à 5,8 milliards d’euros en 2010 ». À tel point que le Conseil des prélèvements obligatoires, qui dépend de la Cour des comptes, écrit que le CIR est « une baisse déguisée du taux d’impôt sur les sociétés » !
Dernier écueil : la pénalisation de la fraude fiscale. Car en la matière, la justice ne peut pas s’autosaisir. « La pénalisation est inscrite dans le Code général des impôts et pas dans le Code de procédure pénale », déplore Michel Fontaine. C’est donc l’administration fiscale qui transmet les dossiers à la justice. « Très peu », soupire-t-il. La Commission des infractions fiscales, qui traite ces dossiers, n’est « dimensionnée » que pour en vérifier 900 à 1 000 par an.
Dur aux faibles et doux aux puissants. Au-delà des collusions entre pouvoir et argent révélées par l’affaire Woerth-Bettencourt, c’est un « défaut structurel » dans le système fiscal qui permet aux riches de fuir la solidarité nationale, que les syndicats dénoncent.
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