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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

art et cuture

RUE 89

18 Novembre 2012, 13:53pm

Publié par PCF Villepinte

Rétro 17/11/2012 à 14h28
« 33 révolutions par minute » : la contestation en quatre chansons
Envoyer l'article par emailLa couverture de « 33 révolutions par minute »
 

 

 

Réaliser un panorama des chansons de contestation sur près d’un siècle, c’est ce qu’a tenté Dorian Lynksey, journaliste musical au Guardian.

Enfin traduit de l’anglais et paru le 17 octobre aux éditions Rivages, son ouvrage « 33 révolutions par minute » retrace les grands moments de la « protest song » anglophone de Billie Holiday à – tenez-vous – Green Day, en 33 chapitres, chacun dédié à une chanson rebelle qui a marqué sa génération.

Ces deux tomes sont brillants, d’abord parce qu’ils évitent les écueils du journalisme musical, c’est-à-dire une littérature pour initiés, souvent absconse. Pas besoin donc d’avoir passé de longues heures à fouiller les cartons de vinyles de ses grands parents et parcouru Wikipédia de fond en comble pour se plonger dans le livre de l’auteur britannique.

L’ouvrage nous rappelle quelque chose d’essentiel qui a disparu des esprit depuis une bonne décennie : la musique n’est pas toujours un objet de divertissement ou un bien de consommation.

L’auteur plonge le lecteur dans les racines de la « protest song » : une société déchirée par le racisme, la pauvreté, les drogues et autres émanations d’un mal-être existentiel. Quatre morceaux illustrent à merveille le travail et la démarche de Lynksey.

Billie Holiday - « Strange Fruit »

Billie Holiday - « Strange Fruit »

1939, l’Amérique n’est pas encore entrée en guerre. Le pays se déchire sur la question de la ségrégation raciale et des droits des afro-américain, clivé entre un Nord progressiste et un Sud ostensiblement raciste.

Une jeune chanteuse noire inconnue, Billie Holiday, interprète un poème d’Abel Meeropol dans ce qui deviendra l’une des plus grande protest song de l’histoire : « Strange Fruit ».

Le « fruit étrange » évoqué dans la chanson n’est autre que le corps d’un Noir pendu à un arbre se balançant dans « la brise du Sud ». La chanteuse vient de donner à la communauté afro-américaine l’une de ses armes les plus puissantes : la musique comme expression militante de sa révolte.

« Les lampes s’éteignent, et seule la lumière crue d’un projecteur illumine Holiday. Dans la salle, tous les yeux sont tournés vers la chanteuse, toutes les oreilles boivent la chanson.

Après le dernier mot, toute la salle est plongée dans l’obscurité. Quand la lumière se rallume, Holiday n’est plus là.

Maintenant vous vous demandez : est-ce que vous applaudissez parce que vous êtes impressionné par le courage et l’intensité de la prestation, transi par la poésie lugubre des paroles, parce que vous sentez que l’histoire traverse la salle ?

Ou est-ce que vous vous agitez avec embarras sur votre chaise, en frissonnant à cause des étranges vibrations qui flottent dans l’air ? »

2

James Brown - « Say It Loud - I’m Black and i’m Proud »

 

En 1968, « mouvement des droits civiques », « révolution » et « Black Panthers » sont sur toutes les lèvres en Amérique. Le nom de Martin Luther King aussi : il vient d’être assassiné.

Alors que les quartiers afro-américains et les villes s’embrasent une à une, secoués par des émeutes sans précédents, James Brown tente de s’ériger en alternative révolutionnaire à la non-violence : c’est le « Black Power ».

« Say It Loud - I’m Black and I’m Proud » est un titre engagé, fruit de l’ambition et du narcissisme de James Brown qui se voyait comme un leader et se pensait capable de faire marcher l’Amérique au rythme de sa batterie.

Le chanteur était persuadé qu’il pouvait faire changer les choses, mettre fin aux divisions de la communauté afro-américaine et s’unir dans la « fierté d’être noir ».

« “Say It Loud - I’m Black and i’m Proud” a montré que le funk était assez malléable pour servir de moyen d’expression à la protestation. Le son, urgent, tranchant et répétitif, était sur mesure pour un bon slogan.

Brown l’a interprété comme un pasteur, proférant les couplets (malgré tout avec ses gémissements et ses grognements habituels) et dirigeant les refrains.

“Say it loud !” [Criez le ! ], ordonnait-il. “I’m Black and I’m Proud !” [Je suis Noir et fier ! ], criaient les enfants autour de lui. Brown laissait les autres désigner les coupables et préférait célébrer le bon côté des choses. »

3

Grandmaster Flash & The Furious Five - « The Message »

 

Grandmaster Flash & The Furious Five - « The Message »

En 1982, un jeune New-Yorkais sur trois est sans emploi. Les Noirs s’entassent dans les multiples ghettos que compte la mégalopole, mais peu atteignent la misère du South Bronx. C’est dans ce terreau de violence et de pauvreté que naît le hip hop engagé.

Que Grandmaster Flash, DJ pionnier et légende du mouvement hip hop, ait grandi dans le Bronx n’est donc pas une surprise. Il est pourtant bien différent de l’image que le « gangsta rap » a propagé par la suite. Sérieux, studieux, geek et se pliant à une discipline martiale stricte...

Flash ne correspond pas vraiment à l’idée qu’on pourrait se faire d’une superstar du hip hop. Le morceau « The Message » qui reprend la ligne de basse de Chic dans « Good Times », témoignage cru du quotidien dans le Bronx, s’apprête pourtant à inonder les stations radios et les pistes de dance du monde entier et faire du DJ le top du cool.

« Dans “The Message”, rien n’est dissimulé. Les appartements infestés de cafards et les écoles délabrées, les junkies en manque et les clochardes miteuses, les putes et les criminels, l’inflation, le chômage et les grèves : tout était en train de s’effondrer. »

« “The Message” était une protest song formulée comme un ultimatum. Elle restait en équilibre entre l’humanisme angoissé de la soul des années 70 et le nihilisme tonitruant du gangsta rap. »

4

The Prodigy feat. Pop Will Eat Itself – « Their Law »

 

The Prodigy - « Their Law » (feat. pop will eat itself)

Au milieu des années 90, la Grande-Bretagne est secouée par l’effervescence de la musique électronique se traduisant par des raves party où drogue et alcool se côtoient.

Souvent imputée aux mandats austères et conservateurs de Margaret Thatcher, la rébellion incarnée par la techno et la house apparaît comme totalement hédoniste et détachée des engagements politiques qui ont sous-tendu les « protest songs » durant un demi-siècle.

Le groupe britannique The Prodigy appartient à ce mouvement qui « veut faire du bruit ». Inspirés par le producteur et rapper Dr Dre et le groupe de métal américain Rage Against The Machine, The Prodigy enregistrent « Their Law » pour critiquer les nouvelles législation du gouvernement Major visant à interdire les raves.

Une révolte, oui. Des idéaux, pas vraiment, comme l’a confirmé le leader Liam Howlett en désignant « Their Law » comme « un album contre le gouvernement qui nous empêche de faire la fête, un point c’est tout ».

« Howlett pour sa part a écrit le vers violemment accrocheur “fuck ’hem and their law” [je les emmerde eux et leur loi]. Le disque incarnait ce qu’il cherchait à défendre : l’ivresse pure et cathartique de la musique follement tonitruante. Le beat percutant était sans doute plus efficace que n’importe quelle parole. »

On pourrait aussi évoquer l’afrobeat hypnotique de Fela, la soul éclairée de Stevie Wonder, la sensibilité mélancolique de Nina Simone ou le punk agitateur de The Clash. Le livre le fait à merveille.

Pour ne pas vous quitter frustrés, on a reconstitué pour vous la BO intégrale du livre, 33 protest songs qui ont marqué un siècle de rébellions.

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Extrait de RUE 89: Neil Young, bientôt 67 ans et toujours psychédélique

3 Novembre 2012, 09:27am

Publié par PCF Villepinte

Coup de cœur 01/11/2012 à 18h20
Neil Young, bientôt 67 ans et toujours psychédélique
Jean-Pierre Filiu | Universitaire
 

Frank Sampedro et Billy Talbot de Crazy Horse, et Neil Young (à droite) en concert en Californie, le 20 octobre 2012 (Barry Brecheisen/AP/SIPA)

Neil Young nous revient avec son groupe fétiche, Crazy Horse, pour un double album aux embardées dignes d’un hippie juvénile. « Psychedelic pill », la pilule psychédélique qui donne son nom au disque, n’est pas une drogue frelatée, mais une ensorceleuse des pistes de danse. « Le cœur est suspendu à ses figures » car, Papy Neil en est persuadé, « peu importe l’âge quand il s’agit de s’amuser » (« having a good time »).

Cet album n’a pourtant rien d’un produit marketé pour des baby-boomers aux tempes désormais grisonnantes, dont la nostalgie pour leur « folle jeunesse » s’appuie sur un budget culture conséquent. Non, Neil Young arrive encore à entraîner et à surprendre, notamment au fil de sa « Twisted Road », ou le long des 27 minutes envoûtantes de « Drifting Back ». C’est dense et saturé, exigeant et émouvant, avec une mention spéciale pour « Ramada Inn ».

« Ramada Inn » de Neil Young with Crazy Horse

La performance n’est pas mince pour un artiste qui a déjà 33 albums studio au compteur (et six enregistrements publics « officiels »). Le tout sans compter les musiques de film, au premier rang desquelles l’hypnotique bande-son du « Dead Man » de Jim Jarmusch, avec Johnny Depp récitant William Blake sur les riffs du « guitar hero ».

Le thème de « Dead Man » par Neil Young

Quant on pense, pour ne citer que lui, à Bob Dylan, incapable de produire un album digne de ce nom depuis trois décennies, la cause semble entendue.

Young et Crazy horse, alchimie historique

Le secret de cette alchimie réside dans l’osmose contagieuse qui unit Neil Young à Crazy Horse, un trio d’anthologie aux membres comme lui sexagénaires. Billy Talbot, à la basse, et Ralph Molina, à la batterie, assuraient déjà en 1969 sur « Cinnamon Girl » et « Down by the River ». Poncho Sampedro les a rejoints en 1972 à la guitare. Qui n’a pas vu Neil et Poncho se défier pour des solos rugissants d’un concert l’autre ne sait pas ce que deux guitares peuvent enfanter.

« Hey hey, my my » live par Neil Young with Crazy Horse

La « pilule psychédélique » a été malaxée au sud de San Francisco, au cœur d’une forêt de séquoias. C’est là que Neil Young a installé son studio d’enregistrement (Casa Blanca) et son ranch de Californien d’adoption. Originaire de Toronto, l’artiste signe d’ailleurs une chanson ironique, « Born in Ontario », sur la quête trompeuse des racines.

Pegi Young, son épouse depuis 1978, et lui animent chaque mois d’octobre, depuis un quart de siècle, le concert acoustique de soutien à la Bridge School, un des événements les plus courus de la baie de San Francisco (Jack White, Guns N’ Roses et les Flaming Lips s’y sont distingués cette année).

Productivité

Il y a pourtant seulement six mois que Neil Young et Crazy Horse nous livraient « Americana », un florilège de mélodies traditionnelles où le Canadien n’avait pas craint de glisser « God Save the Queen » (en version folk-rock, c’est troublant). Les quatre compères restituaient de méconnaissables interprétations de « Oh Susannah » et de « Clementine », ballades composées respectivement en 1847 et 1863. Et les fidèles avaient déjà dévoré en anglais l’autobiographie de Neil Young, « Waging Heavy Peace », publiée depuis peu en français.

J’ai vite perdu le compte des concerts de Neil Young auxquels j’ai assisté. La dernière fois, c’était en avril 2011, au Lincoln Center de New York. Seul sur scène, le guitariste canadien alternait acoustique et électrique pour présenter « Le Noise ». Assis au fond de l’orchestre (les places étaient chères, même pour un fan), je ne ratais pas une rime du « Hitchhiker », cet auto-stoppeur autobiographique, rescapé des paradis artificiels et ne reniant rien.

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Cinéma : les choix de l'Humanité

14 Octobre 2012, 07:16am

Publié par PCF Villepinte

Humphrey Bogart dans "les Griffes jaunes" de John Huston (1945)

 

 

Retrouvez, chaque semaine, toute l'actualité cinéma avec les critiques de films de la rédaction.

 

 

 

 

 

Cette semaine...

Khaos, d'Ana Dumitrescu
Like Someone in Love, d'Abbas Kiarostami
Tell me lies, de Peter Brook
Les Fils du vent, de Bruno Le Jean
God Bless America, de Bob Goldthwait
Par les épines, de Romain Nicolas

 

  • Khaos, d'Ana Dumitrescu. Documentaire réalisé en 2012. France. 1h35.

Entretien réalisé par Gaël De Santis. Khaos ou les visages de la crise grecque, film dont L’Humanité est partenaire, est sur les écrans demain. L’occasion de redonner la parole aux simples citoyens helléniques. Photographe, Ana Dumitrescu réalise avec Khaos ou les visages de la crise grecque, son premier film documentaire, dont L’Humanité est partenaire. La forme du road-movie se prête à des représentations de la vie dans la Péninsule hellénique, ou plus brutalement, de la mort. Comme lorsque sa caméra fixe une femme prête à se suicider, ou qu’à Kefalovriso on voit la tombe d’un ancien policier qui s’est donné la mort après la faillite de son entreprise. >>> Lire l'entretien avec la réalisatrice.

La bande annonce

  

  ou cliquez ici

 

  • Like Someone in Love, d'Abbas Kiarostami. France/Japon. 1h39.

Par Michèle Levieux

Abbas Kiarostami est comme les Vénitiens ainsi décrits par Hugo Pratt :« Lorsqu’ils sont  fatigués de l’Autorité, ils ouvrent des portes dérobées au fond des cours et partent vers des horizons splendides et d’autres histoires… ». Avec Like Someone in Love, tourné au Japon avec des acteurs nippons, Abbas continue sa recherche sur le discours amoureux commencé en Toscane avec Copie conforme, qui valu, en 2010, le prix d’interprétation féminine cannois à Juliette Binoche. Dans Copie conforme, Abbas aborde le couple, le flou délicieux, l’illusion douce de l’amour en tant que promesse, le moment original, celui de la déclaration, suivi du surgissement du doute et du cycle de la destruction. L’originalité de l’amour à vif se perd dans la copie. (...) Abbas Kiarostami, au sommet de son art. >>> Lire la suite

La bande annonce

 

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Les choix de Vincent Ostria

  • Tell me lies, de Peter Brook. Royaume-Uni, 1968, 1 h 48

Inédite en France, cette œuvre du célèbre metteur en scène de théâtre britannique est la transposition d’une de ses pièces, « US », donnée à Londres en 1966. Il y est essentiellement question de la guerre du Vietnam, vue de Londres. Dans les années 1960, ce conflit qui engendra par réaction le mouvement Peace & Love, suscita un vent de contestation sans précédent dans la jeunesse du monde entier. Brook stylise ce phénomène en lançant trois ou quatre personnages dans les rues de Londres, qui vont provoquer, enquêter, manifester ou débattre partout où il est question du Vietnam. Un mélange de fiction et documentaire entrecoupé par des chansons anti-américaines et des saynètes, interprétées par les comédiens. Un spectacle politique d’une fluidité, d’un ludisme et d’une liberté aujourd’hui inconcevables.

 

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  • Les Fils du vent, de Bruno Le Jean. France, 2012, 1 h 36

Panorama du jazz manouche à travers quatre de ses virtuoses : Ninine Garcia, Tchavolo Schmitt, Angelo Debarre et Moreno. Ou comment les descendants spirituels de Django Reinhardt parviennent à perpétuer l’héritage du légendaire guitariste tout en préservant leur identité gitane, leur mode de vie traditionnel, le nomadisme. Un documentaire qui parle autant de la vie “les gens du voyage” que de leur grande tradition musicale. Certes un peu trop appliqué, mais très entraînant.

 

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  • God Bless America, de Bob Goldthwait

Seul et malheureux, Frank rencontre une ado chipie avec laquelle il part flinguer les gens grossiers… Cette comédie anti-politiquement correcte dézinguant la télévision commerciale a le charme de la contre-culture des années 1970. D’un autre côté, le film est aussi binaire que ce qu’il dénonce et un peu plombé par les discours moralisants du justicier. Moins bizarre et glaçant que Kick-Ass, où un père et sa fille, déguisés en faux super héros, massacraient des méchants.

 

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  • Par les épines, de Romain Nicolas. France, 1 h 35, 2012

Chronique banale de quelques solitudes croisées. Ce film choral français ordinaire, qui ne manque pas de candeur, recourt à des clichés rétros (la riche écrivaine et son majordome stylé), ou bien tente de transcrire une réalité plus brûlante (la faune des boîtes gay). L’un dans l’autre, cela manque un peu de définition et de style.

 

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  • Lire aussi :

Abbas Kiarostami : « Face au chagrin intime, le monde n’existe plus » (Festival de Cannes 2012)
La chronique cinéma d’Émile Breton : Sur le fil du rasoir (Sous la terre, d’Agnieszka Holland)

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"Une vie de moins", la nouvelle chanson de Zebda pour Gaza

8 Octobre 2012, 16:47pm

Publié par PCF Villepinte

Octobre 2012

 

 La nouvelle chanson de Zebda rend hommage aux Palestiniens de Gaza toujours soumis au blocus israélien.

 

Les paroles sont écrites par Jean-Pierre Filiu, spécialiste du monde islamique et auteur d'une Histoire de Gaza (Fayard 2012).

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« Voie rapide », le bel accident du cinéma français

10 Août 2012, 07:18am

Publié par PCF Villepinte

 Blogs Rue89

Publié le 08/08/2012 à 11h54

Un jeune couple en galère sociale, l’obsession pour les bagnoles, les ravages de la culpabilité… Avec son premier long métrage, Christophe Sahr bouscule l’été ronronnant du cinéma français et livre un film qui ne ressemble à rien de connu. Ni tout à fait drame social, ni film de genre, « Voie rapide » emprunte pour le meilleur aux deux registres et témoigne de la personnalité singulière de son auteur.

« Voie rapide » raconte l’histoire de Rachel et Alex, 25 ans. Le couple vit de peu dans une banlieue ordinaire avec leur petite fille et connaît par cœur la litanie des fins de mois difficiles.

Pour oublier son quotidien, Alex, dingue de tuning et de vitesse, claque le peu de fric qu’il a pour transformer sa bagnole en bolide et en écrin fétichiste.

Une nuit, il a un accident. Alex butte un type et n’en dit rien à personne. C’est le début d’une cohabitation avec la peur et la culpabilité.

« A l’origine de “Voie Rapide”, il y a un fait divers qui m’a beaucoup marqué », raconte le réalisateur Christophe Sahr.

« Un jeune garçon de banlieue avait tué quelqu’un lors d’un accident. Il ne s’en était jamais remis et avait décidé de se suicider un an plus tard au même endroit.

Je me suis emparé de cette histoire, mais avec le désir de m’en éloigner. Je voulais tout à la fois décrire l’obsession d’un personnage, une situation sociale précise, et aussi tendre vers quelque chose de plus lumineux, malgré tout. »

Les états du mâle, entre autres…

Rythmé par les errances automobiles d’Alex (Johan Libéreau, un des meilleurs jeunes acteurs du cinéma français), « Voie rapide » ne se contente pas de suivre à la trace la dérive du personnage principal.

Avec subtilité et sans un gramme de pathos, Christophe Sahr donne à voir et à ressentir les états d’âme complexes des protagonistes :

  • Rachel (Christa Théret, aux antipodes de « LOL »), la compagne d’Alex est plus lucide et « adulte » que lui ;
  • Marthe (Isabelle Candelier, impériale) est la mère du défunt. Son apparition à la mi-temps du film entraîne ce dernier dans des directions inattendues et intenses.

Fait rare dans le cinéma français, Christophe Sahr ne cède jamais aux tentations psychologisantes et bavardes, mais privilégie la suggestion et le langage de la mise en scène :

« Je ne suis pas influencé par le cinéma français, où la prédominance des dialogues m’a toujours posé problème. Dans “ Voie rapide ”, le récit passe par le corps plus que par le verbe. Cela renvoie à ma culture.

Adolescent, j’aimais le cinéma de genre pur et dur, en premier lieu celui de John Carpenter. Par la suite, j’ai eu des admirations diverses : Rainer Werner Fassbinder, Chantal Akerman, Michelangelo Antonioni, Michael Mann, Vincente Minnelli… Leur seul point commun : le prima de la mise en scène. »

Social, son beau souci

Si la passion de Christophe Sahr pour l’image est sensible au détour de chaque plan, « Voie rapide » échappe heureusement à l’esthétisme et, surtout, aux clichés qui étouffent si souvent les réalisateurs fascinés par le cinéma de genre.

Dans son film, Sahr ne joue pas au petit malin formaliste et inscrit ses personnages dans une réalité sociale d’ici et de maintenant. Une réalité qui ne lui est pas étrangère :

« De même que je ne voulais pas réaliser un faux film américain, je souhaitais éviter les poncifs si souvent de mise quand le cinéma français évoque la banlieue : les lascars, les “cailleras”, ce genre…

Mes personnages sont insérés, ils travaillent, gagnent peu, mais ne vivent pas dans la misère. Je suis issu d’un milieu populaire, ouvrier, et je n’ai aucun regard condescendant sur lui. »

Une décennie pour un film

Vouloir échapper aux conformismes du cinéma hexagonal a un prix. Un prix que Christophe Sahr connaît par cœur. Le projet de « Voie rapide » remonte en effet à… une dizaine d’années.

Le temps pour le cinéaste de transformer plusieurs fois son scénario, de tourner quelques courts, d’échouer avec ses premiers producteurs. Le temps aussi de ne pas convaincre les chaînes de télévision et la commission d’avance sur recettes.

« “ Voie Rapide ” est à la fois un film banlieue, un film psychologique, un film de bagnoles et, en même temps, rien de tout cela… Les gens dans les commissions et les chaînes ne savaient pas où le situer et cela leur posait visiblement problème. Les projets atypiques déstabilisent. »

Finalement tourné grâce à la conviction d’une productrice (Florence Borrelly de Sésame films), « Voie rapide » s’est monté avec un budget riquiqui (650 000 euros), mais une énergie et une croyance qui valent (presque) tous les chèques.

« On s’est posé la question de savoir si on se lançait dans une telle précarité financière. Florence m’a demandé : “ Te sens-tu de tourner dans des conditions si rock’n’roll ?” Je lui ai répondu “ Allons y, j’en ai marre d’attendre. ”

On a filmé pendant sept semaines, en été, en région parisienne et dans la banlieue de Tours. Je ne me plains pas : j’ai profondément aimé l’énergie du tournage. Je portais ce film depuis si longtemps et on m’avait tellement conseillé de laisser tomber… Je savais que si je ne faisais pas “ Voie rapide ”, je n’irai jamais au bout d’un autre projet.

Maintenant, j’ai très envie d’enchaîner, et pas dans dix ans. »

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Zebrock, chef d’orchestre 
de projets musicaux et militants

8 Août 2012, 06:27am

Publié par PCF Villepinte

@Patrick Nussbaum

Médias - le 7 Août 2012

fête de l'Humanité 2012

 

L’association s’investit toute l’année pour promouvoir la musique auprès des jeunes Franciliens... et présente ses découvertes 
à la Fête de l’Humanité.

Le zèbre de l’association 
Zebrock dispose de sa propre scène dans la ville éphémère du parc de La Courneuve depuis cinq ans. La programmation combine personnalités connues et artistes émergents. Ainsi, les lauréats du Grand Zebrock, le tremplin pépinière de talents, s’y produisent pour conclure en beauté une année de travail pendant laquelle ils ont été soutenus par l’association. Car le zèbre originaire de Seine-Saint-Denis ne sort pas ses rayures que pour la Fête de l’Humanité.

« Nous sommes avant tout une association d’éducation populaire dans le champ musical », explique Edgard Garcia, directeur de l’association. Militant de l’accès à la culture pour tous, Zebrock construit ses projets selon trois grandes lignes directrices. Avec « Zebrock au bahut », l’association initie chaque année 1 500 élèves de Seine-Saint-Denis et d’Île-de-France à la culture musicale française. Au fil des pages colorées de leur livret pédagogique se déroulent des chansons de Charles Trénet, de Jacques Dutronc mais aussi d’IAM et de 
Dionysos, en passant par celles de Julien Clerc ou de la Mano Negra. Chaque chanson est mise en perspective selon le contexte de l’époque, et textes et mélodies sont décryptés. Se rajoutent à cela des rencontres avec des artistes, la participation des élèves à un site Internet... «Nous cherchons à provoquer des envies musicales chez les collégiens et lycéens, mais aussi à développer une pédagogie innovante pour favoriser la réussite scolaire », souligne Edgard Garcia.

Deuxième axe de travail, le Grand Zebrock : dix jeunes groupes franciliens sont choisis chaque année parmi 250 candidatures. « Ensuite nous les soutenons : ils rencontrent des professionnels de la musique, ils travaillent avec d’autres groupes, ils se créent un réseau », détaille Edgard Garcia. Zebrock crée un terreau fertile à la création musicale et offre la possibilité à des musiciens amateurs de pratiquer leur art dans des conditions professionnelles.

Enfin, Zebrock met en place de nombreux projets militants autour de la musique « qui reste un objet de débats, de discussions et de recherches », rappelle Edgard Garcia. L’association a par exemple initié le tournage du film 93 la belle rebelle, retraçant cinquante ans d’histoire musicale en Seine-Saint-Denis. En 2012, Zebrock a aussi engagé un grand travail autour de Woody Guthrie, le chanteur folk américain protestataire, pour le centenaire de sa naissance. Seb Martel lui rendra d’ailleurs hommage en interprétant ses chansons le samedi 15 septembre à 19 heures sur la scène Zebrock.

Lors de la Fête de l’Humanité, l’association fait logiquement la part belle aux jeunes talents sur sa scène. W.E.T., les lauréats énergiques du Grand Zebrock 2012, joueront dès le vendredi 14 septembre. Les deux autres finalistes, Yas & The Lightmotiv et 3 Minutes sur mer, seront aussi de la partie, ainsi que l’électro woman Madame Dame, prix spécial du Grand Zebrock 2012. Au programme également des concerts de chanson, de hip-hop, de rap... Et Edgard Garcia de sourire fièrement : « J’ai entendu dire que certains habitués de la Fête de l’Huma regardent la programmation de notre scène Zebrock avant celle de la grande scène!»

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Lola Cloutour

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Nicolas Le Golvan. Reste l’été

5 Août 2012, 07:12am

Publié par PCF Villepinte

 

 - le 3 Août 2012

Les premiers romans de la rentrée (3/30)

 

 

Chaque jour, l'Humanité publie en exclusivité le début d'un des premiers romans qui paraîtront cette rentrée. Une approche de la littérature de demain.

Né en 1971, Nicolas Le Golvan vit à Gien où il exerce le métier de professeur de français.

On n’avait rien que nos quarante ans, un seau et une pelle, des enfants en bas âge. On n’avait rien de particulier en mire ­sinon de revenir le lendemain, ici même, aux creux qu’auraient laissés nos fesses dans le sable humide, aux traces à peine perceptibles des anciennes douves du château fort, la marée ayant fait son œuvre de léchage, à moins qu’il n’en retourne d’une lessive plus profonde. Quarante ans ! Qu’est-ce qu’on aurait dû pressentir ? Le sable se laissait docilement caresser d’un revers de doigts, un duvet californien, la plage comme un jeune chien sur lequel on allongeait nos ventres.

On n’avait pas pris la route mais la plage, débarquant à contresens des héros par les sentiers de baigneurs, chacun gisant sur son carré de propriété nue, bornée par une glacière trop lourde, trois ou quatre serviettes et un semis de jouets en plastique. On suivait des yeux les baigneurs : ce désir d’enfants trop longtemps ajourné, ces enfants qui nous verraient bientôt vieillir, nos propres enfants coiffés de vagues et d’aventures, marqués à notre odeur à grands tubes de crème solaire. Des enfants, des rêves.

Alors on avait pour nous le sable qui se conformerait toujours à l’inertie de nos fesses et qui toujours laisserait nos doigts s’y enfoncer sans résistance. On avait simplement confondu la destination et 
le destin, prenant les points des cartes pour des accomplissements. On avait troqué 
nos enfances qui fouissent contre de longues après-midi sèches, au même point ­cardinal. On avait fini par faire nos propres enfants pour se convaincre de leur ­ressembler ­encore et partager sincèrement leurs jeux.

Alors, dans l’immense disponibilité 
des jours, on avait choisi de s’asseoir sur la plage.

Au dernier jour de juillet, j’ai basculé mon vélo sans antivol au lieu-dit, j’ai desserré mes lacets. Mylène et les enfants sont déjà partis à la poursuite de la mer qui remonte pourtant. Ils ne savent rien de mes heures sans eux où, seul, je contemple les assauts et le reflux de l’océan, depuis mon arrière-poste, des après-midi où je ne m’inquiète pas de les voir revenir bientôt. Je reconnais assez vite leur allure d’échassiers malhabiles contournant les bronzeurs, encroûtés de sable. Dès que je les sens qui s’épuisent un peu dans les vagues, il me vient toujours une terreur enfantine à l’annonce de leur retour sur la plage, comme autant d’animaux qui s’approchent pour s’ébrouer. Les enfants se collent à moi ­encore ruisselants ; je les repousse sans trop de gentillesse, jusqu’à ce que Mylène nous rejoigne. Car ils ­compliquent tout et chassent sous un ­grésil de sable le monde paisible où je m’étais retranché : la serviette de plage enfouie par les coins, le roman japonais obèse où je repose mon regard, à demi au qui-vive d’un événement périphérique, distrait du livre autant que du voisinage, des enfants et finalement de moi-même.

– Papa, ma serviette est encore mouillée !

Je me laisse dépouiller. Louis grelotte sous mon drap de bain tandis que Rose détruit méthodiquement le château avec le manche de la petite pelle. Elle saccage dans les rires et fait voler sur nos têtes des grêlons de sable humide. Ôtez-lui ses deux ans, cela s’appelle la barbarie. Je chausse mes lunettes pour un peu de protection. J’ai toujours une mauvaise pensée à cacher.

– On remet son chapeau et vite !

Mylène s’allonge maintenant à même le sable, tout contre moi et c’est une contagion de chair de poule. Avec l’été, elle ressort notre jeu de plage à nous, un peau-contre-peau que le sable de l’île n’a jamais su user. Il lui suffit d’attendre mes premiers grognements, presque des menaces. Elle se grise déjà de lever une révolte spectaculaire avec ce rien d’elle : trois gouttes trop fraîches, un rien de sel, huit degrés d’écart de l’eau à la plage. Oui, chaque nouvel été en Ré, elle rit de son mâle vieillissant, un vieux précoce. Mais cette fois je ne dis rien. Elle sent déjà toute l’aigreur dont grésilleront nos jours à deux, arrivés à la vieillesse, au terme de notre couple. Le sable de Bois-Plage m’enlise toujours un peu lorsque revient juillet ; à elle de m’en déloger. Une fois de plus, elle me surprendra à compter les jours, à trier mes ruminations, assis sur mes principes de mari chevaleresque, mes promesses d’amant timide, si ému autrefois du cadeau qu’elle m’avait fait de son corps et d’un sourire pour chaque matin, son énergie enfantine en dot, un trésor de vitalité dont elle nourrissait mes manques. Je pourrais finir par me laisser faire et me rouler soudain sur elle, un sourire, ­enfonçant dans le sable le livre sous nos fesses. ­Ensemble, sous le regard de faïence de Rose. L’après-midi s’apaiserait alors, les enfants auraient droit à une ­histoire pour tromper la fatigue du retour. Un 
été reconquis car un sourire, c’est déjà renaître.

Seulement, aujourd’hui sa peau me mange ; elle est une douleur absurde. C’est comme avaler du sable par poignées. Mon corps ne tressaille plus au contact de ­Mylène qui attend, s’interroge. Le ­courage des questions ne me manque pas mais 
je sens combien il me pèse. Alors je fixe le firmament et la lumière de juillet 
qui change tout, depuis bientôt 
deux ­semaines. En ­surplomb de nos têtes, le ciel de Ré comme un précipité de javel.

 

 

 

Flammarion, 192 pages, 17 euros.

En librairie le 5 septembre. Présent au village du livre 
à la Fête de l’Humanité les 14, 15 et 16 septembre.

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- Le spleen d’Hubert-Félix Thiéfaine sur la grande scène de la Fête de l'Humanité

7 Juillet 2012, 15:38pm

Publié par PCF Villepinte

le 6 Juillet 2012

 

 

 

Le chanteur poète sacré aux dernières Victoires de la musique fait une halte le dimanche 16 septembre à la Fête de l’Humanité.  Quand on entend sa voix, on pense à la solitude des froides forêts du Jura. Hubert-Félix Thiéfaine est né dans cette région, celle que les hivers n’épargnent pas. Il y a dans son chant quelque chose qui vient de loin, qui vient de la terre et des rochers, quelque chose que seul peut faire entendre un type qui a beaucoup contemplé la nature et s’est imprégné de son silence. Quelque chose de puissant et de mystérieux comme une incantation.

Hubert-Félix Thiéfaine habite depuis vingt-cinq ans un corps de ferme, dans son Jura natal, justement. Le choix de ce havre de calme doit sans doute servir d’antidote à la tourmente des concerts à la chaîne qui, il n’y a pas si longtemps, faisaient le quotidien du chanteur. Il y a trois ans, la vie de Thiéfaine n’était en effet qu’agitation frénétique : « 220 chambres d’hôtel différentes par an. Je prenais des tas de trucs pour tenir le coup. J’étais totalement schizophrène, j’avais un pied dans la folie. Je voulais en finir », confiait-il encore récemment. C’est dans un état de convalescence, après un séjour à l’hôpital pour soigner un syndrome d’épuisement professionnel, qu’il écrit son dernier album, Suppléments de mensonge.

Au sein de cet opus, la voix sombre du chanteur, la guitare et les violons éthérés s’entrecroisent. La mélancolie est sans conteste le thème principal, décliné par la musique et le texte. Elle se fait nostalgie de l’enfance dans « La ruelle des morts », rêverie amoureuse et invocation de l’absente dans « Trois poèmes à Annabel Lee »… Le tout est d’une pénétrante intensité. Suppléments de mensonges vaut bien la Victoire de la musique 2012 qu’il a reçue dans la catégorie Album de chansons, prix qui s’est doublé de la Victoire du meilleur artiste masculin.

Thiéfaine n’en est pas à sa première récompense. Ce qui est paradoxal, c’est la reconnaissance dont il bénéficie auprès du public – nombreux sont les jeunes à pouvoir fredonner les chansons de ses albums, récents et anciens – et sa discrétion. Peu présent dans les médias, l’artiste rassemble pourtant beaucoup de monde à ses concerts, dans des petites salles comme dans des Zéniths. Un public nombreux et fidèle, fasciné par le charisme flegmatique du chanteur.

Dans l’art de Thiéfaine, il y a la musique mais aussi le texte. On ne peut pas ne pas penser à Rimbaud lorsqu’on entend cette langue imagée qui joue sans cesse avec le sens, la syntaxe et les sonorités, d’autant plus que, comme le poète, le chanteur est parti de sa campagne tout jeune, seul, sac au dos, pour faire ses preuves à Paris. Rien qu’aux titres de ses albums – Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, sorti en 1978, ou De l’amour, de l’art ou du cochon, sorti en 1980 – on décèle un penchant pour la poésie.

Avec son style qui va du truculent de « La fille du coupeur de joints », au désespoir de « Crépuscule-enfer », et sa musique, tantôt rock, tantôt balade, Thiéfaine est un artiste complet à découvrir ou redécouvrir.

 

Emily Jokiel

Fête de L'Humanité 2012

Mots clés : musique, rock, hubert-felix thiefaine, concerts, fête de l'Humanité 2012,

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Cannes 2012 : Une palme nommée « Amour »

27 Mai 2012, 21:24pm

Publié par PCF Villepinte

Jean-Louis Trintignant, l'acteur principal d'Amour

 

 

Cannes, envoyé spécial. Le réalisateur autrichien emporte sa deuxième palme pour ce film entièrement français. Il est aussi le premier auteur dans l’histoire ce Cannes à obtenir la distinction suprême pour deux films consécutifs.

Bravo à Nanni Moretti et à son jury pour leur choix judicieux. Le réalisateur italien, lui-même ancienne Palme d’or, avait laissé entendre qu’aucun réalisateur l’ayant déjà obtenue, ne bénéficierait de son vote. Or, nous seulement ce fut le cas ce qui n’est jamais arrivé qu’à Francis Ford Coppola, Shoei Imamura, Emir Kusturica et aux frères Dardenne, mais c’est la première fois qu’elle est attribuée à deux films consécutifs d’un même réalisateur. Comment s’en sortir alors qu’« Amour » était le favori indéniable de la Croisette et le nôtre au demeurant ? La belle idée a été, à l’oral, d’attribuer le prix au film mais « en rappelant la contribution fondamentale de ses deux acteurs » comme l’a souligné Nanni Moretti, et quels acteurs, ces deux monstres sacrés que sont Jean-Louis Trintignant, 81 ans, et Emmanuelle Riva, 85 ans, d’ailleurs appelés sur scène à égalité avec leur metteur en scène. Du coup, cela laissait la voie libre pour des prix d’interprétation spécifiques. Côté français, cela a fait des victimes, obligé, le drame intime d’Haneke, produit par Margaret Menegoz aux Films du Losange, étant tout à fait français. On peut déplorer l’absence d’Alain Resnais surtout, pour qui on aurait pu inventer un prix à la carrière du 65è anniversaire du festival. On n’a que peu de regrets pour « De rouille et d’os » : Jacques Audiard remplit déjà les salles, il a encore du temps devant lui et son film précédent était vraiment meilleur. Il en va de même pour Leos Carax, qui avait ses fanatiques mais divisait trop pour l’emporter dans les urnes : a-t-on déjà vu un jury primer Rimbaud ou Lautréamont ?

Les autres précédentes Palmes d’or à nouveau en compétition, n’ont pas été oubliées. Ken Loach a obtenu le Prix du jury pour « la Part des anges », que notre équipe avait défendu. Quant à Cristian Mungiu, défendu également dans nos colonnes, il a obtenu pour son « Au-delà des collines », à la fois le Prix du scénario et un double prix d’interprétation féminine pour ses comédiennes Cristina Flutur et Cosmina Stratan. Signalons aussi notre joie personnelle de voir la Caméra d’or, attribuée par un jury indépendant, aller à Benh Zeitlin pour « Beasts of the southern wild », succès que nous avions anticipé, le film ayant également emporté, dès samedi, le Prix de la critique internationale et une mention du Jury œcuménique.

Cette soirée nous a donc fait oublier et la pluie qui tombait à verse (c’est d’ailleurs la Marine qui rendait les honneurs sur les Marches) et d’autres prix dont on ne dira pas qu’ils étaient mal attribués mais qui auraient pu tout aussi bien distinguer d’autres titres. Enfin, c’est aussi important, tous les films qui n’avaient pas leur place au palmarès ont été évités. Ce qu’on appelle maintenir le cap tout en contournant les écueils. Bravo encore.

Jean Roy

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Cannes 2012 : Leos Carax, variations poétiques sur le cinéma

24 Mai 2012, 18:17pm

Publié par PCF Villepinte

Plus que jamais, le jeu de Denis Lavant se rapproche de celui de Chaplin.

Culture - le 24 Mai 2012

Festival de Cannes

 

"Holy Motors", de Leos Carax. France, 1 h 55. Compétition.

 

De notre envoyée spéciale au Festival de Cannes. On retrouve 
Leos Carax 
en compétition avec un film d’une beauté plastique à couper le souffle. Une promenade haletante dans l’univers du 7e art.

Une chambre. Un homme se lève, fait le tour de son lit, s’avance vers la baie vitrée, observe un avion qui atterrit dans la nuit à ses pieds. Rien ne filtre du fracas des moteurs, la bande-son distille une petite musique de nuit. Sur le mur, une forêt, sombre et inquiétante. L’homme s’approche, le heurte, le touche comme s’il voulait le franchir, finit par trouver la serrure. La porte s’ouvre, et dans un sublime jeu de miroirs les spectateurs se voient à l’écran dans un face-à-face qui semble durer pour l’éternité. C’est le réalisateur lui-même. Ceci est un film. Bienvenue dans le monde de Leos Carax.

>>> Lire : Léos Carax, l'enfant terrible du cinéma français

Un mentir vrai flambloyant

Une première scène comme une préface, qui vous livrerait des indices sans vous donner toutes les clés. Il flotte un parfum de mystère qui ne vous lâchera pas, qui ne vous lâchera plus, propulsant le spectateur d’une séquence l’autre depuis l’intérieur d’une limousine transformée en loge d’acteur. Cet acteur, c’est Denis
 Lavant. Il est conduit par Cécile, Édith Scob, jeu sobre et élégant jusque dans les regards silencieux qu’elle échange dans le rétroviseur avec lui, Monsieur Oscar, toujours prononcé avec déférence. Il prend ses ordres dans des pochettes qui lui sont remises au fur et à mesure. Dans cette berline qui sillonne Paris silencieusement, Monsieur Oscar se métamorphose. Il est tour à tour homme d’affaires richissime, mendiante, M. Merde, cybercréature, accordéoniste, mourant, tueur à gages, père de famille… Des jeux de rôle multipliés à l’infini, des jeux d’acteur où la transformation tient de l’illusion, de la manipulation, des jeux de l’enfance, d’un mentir vrai flamboyant.

Carax filme la mort du cinéma en direct, un métier où le souffle épique de la machinerie n’est plus. Il le dit, le répète à l’envi, mais personne ne l’entend. En s’approchant si près de cette mort annoncée, il ne se brûle pas les ailes, il trouve sa juste place. Holy Motors tient à la fois d’une déclaration d’amour au cinéma, aux acteurs, et d’un plaisir inassouvi du jeu multipliant les fausses pistes, les esquisses, les faux-semblants, les installations éphémères. Dans les bras d’Eva Mendes, Lavant se fait Christ au tombeau ; au côté d’une Kylie Minogue chantant dans une Samaritaine en ruines qui surplombe le pont Neuf, ils sont les amants éplorés d’une comédie musicale désuète ; face à Michel Piccoli, il se réfugie dans le silence ; au côté de compagnons accordéonistes, il foule les pierres d’une cathédrale au son d’un instrument diabolique. Denis Lavant sait tout faire, sauter, danser, se contorsionner, hurler des borborygmes ou murmurer. Plus que jamais son jeu se rapproche de celui de Chaplin, poussé par une force intérieure rare. Carax signe une fantaisie poétique, noire et sublime, un objet rare traversé de fulgurances qui ne vous laissent jamais indifférent.

La bande annonce :

 

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Marie-José Sirach

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