tribunes & idées
La voie sans issue du « tout sauf Sarko »
Gauche : Quelles réponses aux attentes ? jean rabaté, journaliste
Dans sa tribune publiée dans l’Humanité du 8 juin, Pierre Laurent note que si « seul compte l’objectif
de battre Nicolas Sarkozy », le risque est grand d’étouffer « le nécessaire débat de projet à gauche dans la mécanique présidentielle ». Et il appelle à relever ce défi :
« Faire dominer le débat que l’on va tenter d’étouffer. » Coïncidence, l’auteur de deux pamphlets dédiés à Sarkozy et déjà publiés me fait parvenir un troisième réquisitoire dans
lequel il laisse aller sa colère et sa verve contre l’hôte de l’Élysée (1). Il rappelle avec à-propos nombre de ses déclarations et promesses. Il en relève les contre-vérités et les
« oublis », en souligne la démagogie, en dénonce les conséquences immédiates et les dangers à venir. La malfaisance des recettes dites « libérales » en matière d’emploi et
de retraite, de justice sociale et de liberté, de démocratie et de sécurité est démontrée arguments et preuves à l’appui. Seulement voilà, le tout est tellement personnalisé autour du seul
Sarkozy que son pourfendeur en oublie que c’est une idéologie et une politique qu’il s’agit de combattre, plus que l’homme – aussi détestable soit-il – choisi par la droite pour être son héraut
à un moment donné. Et c’est ainsi qu’au nom du « tout sauf Sarko », il en arrive à lancer cet appel : « Peuple de gauche, au premier tour de la présidentielle de 2012, vote
massivement pour Dominique de Villepin (…) le mieux placé (pour) nous éviter un second quinquennat sarkozien ! » Ce n’est malheureusement pas simple provocation de sa part. Après
avoir cité à sa façon quelques-uns des candidats potentiels ou déjà déclarés, il s’explique : « J’aurais préféré qu’il y ait dans la liste un véritable homme de gauche capable d’y
aller et apte à rassembler les suffrages. Il n’existe pas aujourd’hui. » Faute d’un « candidat de gauche qui casserait la baraque d’ici là et que l’imagination n’a pas encore
identifié », il faudrait donc voter Villepin, puisque « l’objectif de 2012, c’est de virer Sarko et de le remplacer par le moindre mal possible ». Qu’un citoyen comme cet auteur,
pourtant attaché aux valeurs de la gauche – ses écrits et plusieurs rencontres m’en ont convaincu – en arrive à désespérer de celle-ci au point de vouloir faire d’un ancien premier ministre de
Chirac « la Ségolène Royal de la droite », voire « le joker de la gauche », montre l’aberration politique et la voie sans issue à laquelle peut mener le « tout sauf
Sarko », quand l’essentiel est oublié. Mais cet appel à baisser les bras devant la droite avant la bataille ne souligne-t-il pas surtout l’immense responsabilité des forces de
gauche ? L’impérieuse nécessité devant laquelle elles se trouvent de relever le défi – comme y invite Pierre Laurent – d’élaborer, dans l’action et par le débat, une perspective politique
et un projet de société crédibles ? C’est-à-dire la base sur laquelle pourrait être choisi(e) l’homme ou la femme le (ou la) plus apte à redonner espoir et envie d’agir pour que ça change
vraiment à tous ceux et à toutes celles qui n’en peuvent plus. À défaut, leur désarroi et leur ras-le-bol conduiront les uns à continuer de déserter les urnes, les autres à rechercher – comme
l’auteur de cet ouvrage – un utopique « moindre mal » à droite ou au prétendu centre, d’autres encore à exprimer leur désespoir et leur colère aux côtés de l’extrême
droite.
(1) Pas vu… pas pris !, par Charles Duchêne. Éditions BTF Concept,
214 pages. 10 euros.
Dans sa tribune publiée dans l’Humanité du 8 juin, Pierre Laurent note que si « seul compte l’objectif de battre Nicolas Sarkozy », le risque est grand d’étouffer « le nécessaire débat de projet à gauche dans la mécanique présidentielle ». Et il appelle à relever ce défi : « Faire dominer le débat que l’on va tenter d’étouffer. » Coïncidence, l’auteur de deux pamphlets dédiés à Sarkozy et déjà publiés me fait parvenir un troisième réquisitoire dans lequel il laisse aller sa colère et sa verve contre l’hôte de l’Élysée (1). Il rappelle avec à-propos nombre de ses déclarations et promesses. Il en relève les contre-vérités et les « oublis », en souligne la démagogie, en dénonce les conséquences immédiates et les dangers à venir. La malfaisance des recettes dites « libérales » en matière d’emploi et de retraite, de justice sociale et de liberté, de démocratie et de sécurité est démontrée arguments et preuves à l’appui. Seulement voilà, le tout est tellement personnalisé autour du seul Sarkozy que son pourfendeur en oublie que c’est une idéologie et une politique qu’il s’agit de combattre, plus que l’homme – aussi détestable soit-il – choisi par la droite pour être son héraut à un moment donné. Et c’est ainsi qu’au nom du « tout sauf Sarko », il en arrive à lancer cet appel : « Peuple de gauche, au premier tour de la présidentielle de 2012, vote massivement pour Dominique de Villepin (…) le mieux placé (pour) nous éviter un second quinquennat sarkozien ! » Ce n’est malheureusement pas simple provocation de sa part. Après avoir cité à sa façon quelques-uns des candidats potentiels ou déjà déclarés, il s’explique : « J’aurais préféré qu’il y ait dans la liste un véritable homme de gauche capable d’y aller et apte à rassembler les suffrages. Il n’existe pas aujourd’hui. » Faute d’un « candidat de gauche qui casserait la baraque d’ici là et que l’imagination n’a pas encore identifié », il faudrait donc voter Villepin, puisque « l’objectif de 2012, c’est de virer Sarko et de le remplacer par le moindre mal possible ». Qu’un citoyen comme cet auteur, pourtant attaché aux valeurs de la gauche – ses écrits et plusieurs rencontres m’en ont convaincu – en arrive à désespérer de celle-ci au point de vouloir faire d’un ancien premier ministre de Chirac « la Ségolène Royal de la droite », voire « le joker de la gauche », montre l’aberration politique et la voie sans issue à laquelle peut mener le « tout sauf Sarko », quand l’essentiel est oublié. Mais cet appel à baisser les bras devant la droite avant la bataille ne souligne-t-il pas surtout l’immense responsabilité des forces de gauche ? L’impérieuse nécessité devant laquelle elles se trouvent de relever le défi – comme y invite Pierre Laurent – d’élaborer, dans l’action et par le débat, une perspective politique et un projet de société crédibles ? C’est-à-dire la base sur laquelle pourrait être choisi(e) l’homme ou la femme le (ou la) plus apte à redonner espoir et envie d’agir pour que ça change vraiment à tous ceux et à toutes celles qui n’en peuvent plus. À défaut, leur désarroi et leur ras-le-bol conduiront les uns à continuer de déserter les urnes, les autres à rechercher – comme l’auteur de cet ouvrage – un utopique « moindre mal » à droite ou au prétendu centre, d’autres encore à exprimer leur désespoir et leur colère aux côtés de l’extrême droite.
(1) Pas vu… pas pris !, par Charles Duchêne. Éditions BTF Concept, 214 pages. 10 euros.