Réforme agraire au Venezuela : "Cette terre, je ne la rendrai pas"
German nous reçoit chez lui
Chroniques vénézuéliennes, par Jean Ortiz. A deux mois des élections présidentielles, état des lieux du
Venezuela treize années après l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Aujourd'hui, une rencontre avec un paysan au sein d'une coopérative.
A Santa Barbara, Etat de Barinas, nous arrivons chez un vieux lutteur paysan, German Gustavo Pernia
Vera. La réforme agraire, il l'a payée de son sang et de sa sueur. La révolution bolivarienne ne sort pas du néant. Le bolivarianisme a, au Venezuela, des racines nationales profondes. German
se souvient que, lors du Coup d’État d'avril 2002, les putschistes antichavistes suspendirent les droits et les libertés constitutionnels, et enlevèrent le portrait du Libertador du Salon
Ayacucho du Palais présidentiel.
German a enfin une petite parcelle de 48 hectares au sein d'une coopérative. Cette terre, il l'a acquise
de haute lutte. Ici, les grands propriétaires, encore majoritaires, faisaient la loi. Avec plus de 400 personnes, pendant des mois, German a occupé les terres de "latifundios" improductifs,
notamment la propriété "Los Olivos" (1 700 hectares). La lutte fut très dure. Un véritable "bochinche" (elle fit du tapage).
Le gouvernement chaviste a exproprié une partie des terres de la famille Azuaje (3179 hectares sur 9700); il y a installé
16 coopératives, dont celle de German. Aujourd'hui, l'article 35 de la "Loi de la terre" "favorece al campesino" (aide le paysan). German nous reçoit dans sa maisonnette modeste, et a préparé
de "l'agua canela" (eau de cannelle) pour les camarades français.
"Chavez tiene mucho que dar todavia" (a encore beaucoup à donner). "Tu sais, il ne part pas d'un dogme, il cherche des solutions, il ose." Le salaire moyen vénézuélien équivaut aujourd'hui à environ 407 $. La nouvelle "loi du travail" (1er mai 2012) interdit le travail contractuel. "Grâce à des crédits à 1%, je peux acheter des semences, les engrais, du matériel. Je souhaite que Chavez soit réélu jusqu'à '2000-siempre' (2000-toujours). Mais, si par malheur, nous perdions un jour les élections, moi, je ne rendrai jamais cette terre. Il faudra venir me déloger à la pointe du fusil. Je la défendrai, avec la 'correa bien puesta' (avec mes tripes). Ici, il n'y aura pas de retour en arrière."
"Je fais partie du 'Comando Carabobo' (Carabobo: victoire de Bolivar sur l'armée colonisatrice espagnole, symbole de l'indépendance du pays) de notre campagne électorale. Je n'oublie pas que la lutte a été et reste dure. Les grands propriétaires ne rêvent que de revanche. Ils proposent de racheter à prix d'or les terres de tel ou tel paysan hésitant. Ils paient des hommes de main. Alors, 'pa'alante!' (En avant!)".
"J'ai appelé ma petite propriété : 'Parcelle La lutte'. Tu comprends?"
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