Politique Le n’importe-quoi et l’à-peu-près
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Il annonce ensuite la tenue d’une réunion, qui « fera le point de la situation de tous les départements et décidera les expulsions de tous les campements en situation irrégulière. » Problème : les gens du voyage et les Roms sont des communautés aux origines, cultures et modes de vies parfaitement distincts. La confusion serait excusable au café du commerce. Elle l’est sans doute moins pour un président qu’on imagine conseillé par une armée de spécialistes issus des meilleurs écoles.
Glissements sémantiques
« Vous en avez assez, hein ? Vous en avez assez de cette bande de racaille ? » avait-il lâché lors d’une visite de la cité d’Argenteuil en octobre 2005. Alors ministre de l'Intérieur, lancé dans une lutte contre l'insécurité de certaines banlieues, il avait, quelques mois plus tôt, frappé les esprits en annonçant à plusieurs reprises sous l'oeil des caméras son intention de « nettoyer au Kärcher » la cité des 4 000 de la Courneuve.
Et en décembre de la même année, c'est au quotidien israélien Haaretz qu'il déclare : « En France, on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau social. [...] Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et s’identifient à l’islam. Il y a en effet en France d’autres immigrants en situation difficile, Chinois, Vietnamiens, Portugais, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu’il s’agit d’une révolte à caractère ethnico-religieux. ».
A travers ces déclarations médiatiques, égrenées au fil des mois, les glissements sémantiques de Nicolas Sarkozy en disent long sur sa vision de l'insécurité : banlieues, racailles, immigration, noirs et arabes, islam. Des associations d'idées politiciennes qui créent des amalgames, y compris au sein de l'opinion publique qui n'a pas oublié ces propos musclés.
Fin avril 2008, c'est sur un autre de ses terrains de prédilection que le chef de l'Etat s'illustre par une apparente incompétence. Lors d'une intervention télévisée en plateau depuis l'Elysée, il répond aux questions de journalistes de TF1, France 2 et 3, France 5, LCI.
Abordant le sujet de sans-papiers employés officieusement dans des entreprises françaises et lancés dans un mouvement de grève pour l’obtention d’un titre de séjour, le journaliste Yves Calvi lui demande si, au bout de quelques années de travail en France, « une fiche de paie ne vaut pas titre de séjour ». La réponse présidentielle fuse : « Non. Ou alors il faut que le Parlement vote une loi qui consiste à dire que toute personne qui a un contrat de travail en France a vocation à être Français. » Trois fois de suite, le Président confond de la sorte régularisation et naturalisation. Aucun des cinq journalistes présents ne relève et le « débat » se poursuit.
Surenchère
Ces amalgames traduisent-ils une simple incompétence sur des sujets parfois complexes ? L’assertion répétée d’assimilations abusives et de formules à l’emporte-pièce permet en tout cas au président d’entraîner les médias et ses opposants politiques dans le commentaire permanent et la surenchère. L’excitation ainsi produite recouvre les voix moins tonitruantes, par exemple, celle des acteurs de terrain.
La stratégie de communication « d’hyperprésidence », qui part du principe que la présence duprésident et sa réactivité médiatique ont valeur d’action et d’efficacité, joue donc ici un rôle crucial pour délayer ces insuffisances. Prendre l’actualité à la volée permet au chef de l’État d’avoir une longueur d’avance sur les médias, les cantonnant au suivisme.