le FN propose la sortie de l'euro... pour mieux exploiter les travailleurs français
L’économiste Nasser Mansouri (CGT) a exposé dans l’Humanité la dangerosité des propositions de Marine Le Pen et du FN pour le monde ouvrier.
Il explique pourquoi la sortie de l’euro, ne réglerait aucun des problèmes, mais les aggraverait.
Il s’agit au contraire de transformer l’euro, arme au service des marchés en une monnaie commune au service de l’emploi, du développement, des coopérations et de l’expansion des services publics.
Cela implique donc de réorienter du tout au tout la Banque Centrale Européenne pour la mettre au service des peuples.
Partout les forces populaires doivent s’attaquer à la domination du dollar et à la dictature des marchés financiers, comme en Amérique du Sud l’ont bien compris les pays progressistes qui tentent de monter une monnaie commune le Sucre pour contrer le dollar...
Nous publions des extraits de son article.
19 mai 2011
Le FN attribue, en dernière analyse, les difficultés de la France à deux facteurs principaux : l’euro et les « étrangers » (soit les immigrés, soit les pays étrangers).
En termes d’outil de politique économique, cette vision conduit le FN à proposer trois mesures principales : sortie de l’euro, protectionnisme accru, préférence nationale.
En attribuant les difficultés de la France à ces facteurs, le FN vise en fait à camoufler la vraie cause de nos difficultés, à savoir la stratégie de dévalorisation du travail au profit des détenteurs de capitaux.
Menée par les entreprises et soutenue par l’État, cette stratégie a surtout abouti à un développement sans précédent de la précarité et des bas salaires, à un accroissement des inégalités sociales. Elle a aussi conduit à un affaiblissement du potentiel productif du pays et au recul de la France sur la scène internationale .
Les idées avancées par le FN ne permettent pas de remédier à ces difficultés. Au contraire, elles risquent de les aggraver. Voyons pourquoi.
Sortir de l’euro, pour mieux exploiter les travailleurs français
La sortie de l’euro est présentée comme la pièce maîtresse des propositions économiques du FN : l’euro sera remplacé par le franc ; un « nouveau franc » à parité avec l’euro serait rétabli (autrement dit, ce nouveau franc vaudrait 1 euro) ; ce franc serait ensuite dévalué de 20 % à 25 %.
L’argument avancé pour défendre ces idées est la suivante : « Donner des marges de manœuvre au pays. »
Pour ne pas heurter les salariés qui sont constamment mis sous pression par le patronat avec l’argument de « compétitivité », le FN se garde bien d’utiliser cette expression. Mais en réalité, sa proposition correspond bien à la stratégie patronale de gains de compétitivité sur le dos des travailleurs.
La proposition du FN consiste bien à opérer une « dévaluation compétitive » avec comme seul objectif d’améliorer la « compétitivité-prix » des produits français. Le FN reprend donc à son compte, sans le dire explicitement, la vieille recette de dévaluation de la monnaie nationale au détriment des travailleurs.
Cette proposition provoque au moins trois effets pervers :
1. La dévaluation signifie une dévalorisation de la valeur de la force de travail des salariés français. Cette politique a été déjà expérimentée en France. Elle n’a jamais profité aux travailleurs. Son but principal a toujours consisté à permettre aux capitaux de préserver leurs intérêts au détriment des travailleurs. Les dévaluations successives des années antérieures à l’introduction de l’euro n’ont pas empêché, par exemple, la hausse du chômage ni la fermeture des sites industriels.
2. La dévaluation conduit automatiquement à une hausse des prix, obérant surtout le pouvoir d’achat des salariés, des privés d’emploi et des retraités. Une dévaluation de 20 % à 25 % signifie une baisse d’au moins autant du pouvoir d’achat.
3. Enfin, la dévaluation alourdira le poids de la dette publique dont deux tiers sont détenus par les « non-résidents », c’est-à-dire par des sociétés et des individus installés juridiquement à l’étranger ; elle alourdira également les charges d’intérêt de la dette. Les seuls bénéficiaires seront les détenteurs de capitaux financiers.
Un protectionnisme accru
Pour soi-disant mieux protéger l’intérêt national, le FN préconise, notamment, l’établissement de contingents d’importations et le rétablissement de droits de douane. Ici aussi le FN fait fi des effets pervers d’une telle mesure : représailles des autres pays, hausse des prix…
Les exportations de la France comptent pour environ un quart de la production nationale. Inversement, un quart de ce qu’on consomme en France provient de l’étranger, soit pour la consommation directe des ménages, soit sous formes de matières premières et de produits intermédiaires utilisés par les entreprises. Il est fort possible que l’instauration des quotas d’importation conduise les autres pays à riposter.
En effet, on ne peut pas demander aux autres pays de continuer d’acheter des produits français et en même temps attendre d’eux de vendre moins de produits en France.
Autrement dit, les prétendus et hypothétiques gains d’activité dus à l’instauration de quotas d’importations pourraient être annulés par les pertes potentielles d’activité liées à la baisse des exportations, qui pourrait résulter des mesures de représailles des autres pays. De plus, l’instauration des droits de douane conduit généralement à la hausse des prix, ce qui obère le pouvoir d’achat des travailleurs. Une préférence nationale pour dédouaner la stratégie patronale C’est peut-être là le sommet du cynisme et de la démagogie du FN. Selon le FN, la politique d’immigration française coûterait 40 milliards d’euros par an. Il suffirait, selon lui, de renvoyer les étrangers chez eux pour économiser cet argent et le dépenser « utilement ». Selon Marine Le Pen, « un étranger a vocation à rentrer chez lui s’il ne trouve pas d’emploi…
Il faut réserver la protection sociale à certains, et notamment aux Français ». Cette vision cynique cherche en fait à blanchir la stratégie patronale de surexploitation des travailleurs immigrés. L’apport des travailleurs immigrés est indispensable au fonctionnement de l’économie française. De plus, les travailleurs immigrés rapportent plus aux caisses de l’État et de la Sécurité sociale qu’ils n’en reçoivent...