Cinéma :
les choix de l'Humanité
Humphrey Bogart dans "les Griffes jaunes" de John Huston (1945)
Culture - le 2 Mars 2013
Retrouvez, chaque semaine, toute l'actualité cinéma avec les critiques de films de la
rédaction.
Cette semaine...
Bestiare de Denis Côté
Zaytoun d'Enran Riklis
Möbius d'Eric Rochant
Ouf de Yann Coridian
Les équilibristes d'Ivano De Matteo
- Bestiaire, de Denis Côté. Canada. 1 h 12.
Par Dominique Widemann. D’abord des gros, voire très gros plans, sur
des fragments de visages et de mains. Les doigts esquissent au crayon, les yeux, parfois, s’obstruent d’une mèche de cheveux. Mystères de la création. Quelques dessinateurs tentent de capter
l’essence de leur modèle, un cerf empaillé. Tout se passe dans un silence qui nimbera le film de bout en bout, travaillé avec science de sons diffus. Extérieur jour : un pan de hangar et
partout la neige, le nuage d’une soufflerie, des plans longs d’où naîtront une route, une calligraphie d’arbres noirs. Le cadre suivant sera tout empli d’un troupeau de bêtes à cornes en pelage
d’hiver. Des lamas à tête de périscopes vont et viennent dans leurs enclos, en piétinements trop brefs. (...) Le cinéaste canadien Denis Côté a réalisé plusieurs films souvent primés. Son
dernier opus, sélectionné dans des festivals du monde entier, explore en poésie l’étrange cohabitaion de l’animal et de l’humain.
>>> Lire la suite
La bande annonce :
- Zaytoun, d’Eran Riklis. Israël. 1 h 50.
Par Dominique Widemann. Tout commence dans le ciel, vu au travers de l’écran de tir d’un avion de chasse.
Les cercles blancs des cibles dessinent l’horreur à venir au-dessus d’un magma gris. Au sol, le Liban. 1982. Beyrouth est une ville en état de siège. Dans les rues, une petite troupe de gamins
palestiniens s’égaille sous les insultes qui leur sont jetées des balcons. On les somme de « retourner chez eux », dans le camp de réfugiés de Shatila, au-delà des égouts. Nous allons nous
attacher à l’un de ces mômes, Fahed (Abdallah El Akal). Par le truchement de sa vie, se lira celle du camp. Le jour, l’école à moitié détruite où l’on s’obstine à enseigner. La nuit, les
bombes. Le lendemain, les photos des enfants défunts les remplacent aux pupitres. (...) Eran Riklis compose un conte réaliste réunissant un jeune réfugié palestinien et un pilote de chasse
isréalien.
>>> Lire la
suite
La bande annonce :
- Möbius, d’Éric Rochant. France. 1 h 43.
Par Jean Roy. Au commencement, le film semble jouer de cartes connues, voire évidentes. Une photo
magnifique et très composée, ce dès le plan d’ouverture, une plongée vertigineuse sur le port de Monaco depuis les hauteurs françaises, une insistance, discrète mais quand même, sur les noms de
marques qui ont dû contribuer au montage du budget, comme si nous n’allions voir qu’une suite de clips publicitaires, ceux haut de gamme comme on les tourne pour les parfums, le sentiment que
nous allons être dans un univers de luxe et donc d’exception comme dans les James Bond. (...) Éric Rochant revient avec son meilleur film depuis les Patriotes. Une histoire écrite par lui, où
la froideur de la raison s’oppose à la chaleur du sentiment, avec un parfum hitchcockien.
>>> Lire la
suite
La bande annonce :
Les choix de Vincent Ostria
Ouf, de Yann Coridian. France, 2012, 1 h 22. Quoique toujours dépressif, après un séjour en hôpital psychiatrique imposé en raison d’un comportement explosif et dangereux envers ses proches, et notamment son épouse, François tente de se réacclimater à la vie quotidienne, infantilisé par ses parents. C’est le point de départ d’une errance en quasi-roue libre à travers la ville de Lille (qui s’avère plus photogénique qu’on ne le pense), au cours de laquelle ce vieil adolescent fait la tournée des amis, parents et inconnus, et tente de reconquérir sa femme – remontée contre lui au point de l’accueillir avec un fusil. Mais François est désarmant. Les prémices rappellent beaucoup le pitch du récent Happiness Therapy, mais l’issue, quasiment opposée, est finalement plus romantique. La beauté de Ouf, outre la folie douce que le titre suggère, provient avant tout de cette errance et de cette liberté du héros, tout compte fait moins aliéné par la société que les gens dits normaux. Occasion de voir Éric Elmosnino dans un rare contre-emploi d’aquoiboniste bon enfant et désinvolte. Bonne idée aussi d’avoir confié le rôle du père au rare Luis Rego, qui ressemble étonnamment à Elmosnino. Une trop rare tonalité douce-amère dans un cinéma français cultivant plus volontiers le rire gras et le drame que les états intermédiaires.
Les Équilibristes, d’Ivano De Matteo. Italie, 2012, 1 h 53. Les affres d’un divorcé graduellement réduit à la misère, à l’insu de sa famille qu’il a quitté. Le dossier de presse (pas le film) explique que sa femme pousse son mari au divorce parce que le bougre a fauté une seule fois avec une collègue. On aurait pu marcher, compatir à la peine de ce bon père ayant eu un moment de faiblesse, qui se transforme en Job moderne… On ne dit pas que ça n’existe pas, mais le film se contente de bluffer en permanence au lieu d’étayer les paliers successifs de l’infortune du pauvre père trop digne, ruiné par les contraintes de la pension alimentaire, qui plonge dans la misère à la vitesse grand V. On ne parle pas de la pirouette finale, qui ne change rien à l’affaire. Bref, ce film décrit bien une certaine réalité sociale, mais il le fait à l’emporte-pièce, ce qui eût pu être acceptable si cela s’accompagnait d’une véritable stylisation.
- Lire aussi :
La chronique cinéma d'Émile Breton : La lutte des classes, sujet de western
Oscars : et le gagnant est… Ben Affleck
La Cinémathèque française, à Paris, propose
une exposition intitulée
« Maurice Pialat, peintre
& cinéaste ».