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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

CHANGER de REPUBLIQUE

6 Avril 2013, 18:43pm

Publié par PCF Villepinte

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La "grande marche citoyenne" du 5 mai prochain, à laquelle le Front de gauche devrait officiellement appeler lundi, relance la revendication du passage à la VIème République qui apparaissait dans la programme du candidat Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle 2012.

Un an après l'élection de François Hollande, les termes du débat demeurent les mêmes. Nous republions ici le débat de l'Humanité du 18 mars 2012, jour de la marche du Front de gauche de la Nation à la Bastille pour un changement de régime. Les débatteurs:

  • Paul Alliès, secrétaire national adjoint du PS à la rénovation, président de la convention 
pour la VIe République, professeur de sciences politiques à l’université de Montpellier-I
  • Christian Picquet, porte-parole de la Gauche unitaire et du Front de gauche
  • Jean-Vincent Placé, sénateur d’Europe Écologie-les Verts (EELV).

A lire: Mélenchon appelle à "une marche citoyenne pour le 5 mai" pour la VIème République

Le thème de la VIe République n’est pas nouveau dans le débat politique. Lors de la dernière présidentielle, en 2007, il figurait, avec des contenus très divers, dans les programmes de sept des douze candidats. Aujourd’hui, à l’issue du quinquennat de Sarkozy, cette revendication d’une VIe République a-t-elle pris une acuité nouvelle ?

Jean-Vincent Placé. La mise en place d’une VIe République est plus nécessaire que jamais. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a illustré toutes les dérives de la Ve République. Véritable président monarque, il nous a démontré les limites de la concentration des pouvoirs. Tenant à distance les représentants du peuple, les corps intermédiaires et les citoyens eux-mêmes, il n’a fait que renforcer un régime autocratique hostile à la délibération. Le manque de participation des Français et des Françaises aux élections doit nous interpeller et nous faire prendre conscience du rejet manifesté à l’égard d’un système injuste et inefficace. Nos institutions ne nous permettent pas de répondre au nouveau défi majeur du développement durable. La VIe République représente un outil indispensable pour aller vers une société plus juste et plus durable.

Paul Alliès. La référence explicite à une VIe République s’est faite discrète dans cette campagne. Seul Mélenchon fait campagne sur ce sujet ; Joly aussi, mais un peu moins. Hollande a écarté une révision de la Constitution et le référendum qui figurait dans le projet socialiste. Il centre ses propositions sur un changement significatif de la pratique présidentielle. Bayrou ne parle plus de VIe République, comme en 2007, mais d’un référendum sur la « moralisation de la vie politique ». Tout se passe comme si les acteurs de cette présidentielle étaient fatigués des cinq années de présidentialisme sarkozyste et souhaitaient revenir à une normalité constitutionnelle. On peut les comprendre. Si l’alternance se fait, elle devrait donc produire un réel changement au sein même de la Ve République: réforme du statut de chef de l’État, contrat de législature entre le Parlement et le gouvernement, retour aux pouvoirs du premier ministre selon les articles 20 et 21 de la Constitution, procédure parlementaire pour les nominations par l’exécutif, limitation du cumul des mandats, introduction de la proportionnelle dans le mode de scrutin législatif, réforme du Conseil supérieur de la magistrature, création d’une nouvelle instance indépendante de régulation de l’Audiovisuel, inscription de la « démocratie sociale » dans la loi fondamentale. Tout cela figure dans les propositions des candidats déjà cités et ce n’est pas rien!

Mais le simple rééquilibrage des pouvoirs ou leur moralisation ne permettra pas de faire l’économie d’une refonte démocratique de la République. La Ve est organiquement scellée à une présidentialisation forcée de son fonctionnement, à une tradition bonapartiste populaire mais a-démocratique. Elle entretient la confusion des pouvoirs et l’irresponsabilité générale du bas en haut de l’État. C’est pourquoi la question d’une VIe République s’imposera avant la fin du quinquennat à tous les démocrates et à la gauche en particulier, quelles que soient la bonne volonté et l’honnêteté du président. L’alternance donnera le goût de l’alternative aux citoyens et la VIe République sera son nom.

Christian Picquet. En finir avec la monarchie présidentielle et l’atrophie de la démocratie qu’elle induit, refonder la citoyenneté et permettre aux salariés de conquérir des droits nouveaux: ces exigences ont été portées, à gauche, depuis les origines de la Ve République. Le sarkozysme leur confère une actualité nouvelle en ce qu’il a poussé à leur paroxysme les dérives de ces institutions. Avec, pour facteurs aggravants, la soumission à la finance et la négation de tout ce qu’il restait de la souveraineté populaire afin de pouvoir mieux condamner toute l’Europe à l’austérité. Des mesures cosmétiques, telles que préconisées par François Hollande, sans remettre en cause l’esprit même de ces institutions, ne peuvent permettre la rupture nécessaire avec l’hyperprésidentialisme, l’exercice plébiscitaire autant qu’opaque du pouvoir, la concentration des décisions au sommet de l’État, l’osmose totale entre la politique et le monde de l’argent, l’hypertrophie des appareils répressifs associée à la volonté de criminaliser l’action sociale. Si elle veut répondre à l’attente démocratique qui monte du pays, la gauche tout entière ne peut plus faire l’économie de l’objectif d’une nouvelle République.

Face à l’ensemble des reculs démocratiques et sociaux de l’ère Sarkozy, en quoi est-il pertinent d’élaborer une réponse institutionnelle, en termes de type de République à promouvoir ? On pourrait avoir tendance à considérer, à gauche, que la réflexion sur les institutions ne peut venir qu’en couronnement d’un nouveau rapport de forces en faveur des classes populaires, appuyé sur le développement des luttes sociales…

Jean-Vincent Placé. La Ve République fait la part belle aux cercles restreints de dirigeants et à l’exercice solitaire du pouvoir. Les écologistes prônent un système différent, dans lequel le président est un justiciable ordinaire, qui ne peut désigner les dirigeant(e)s de l’audiovisuel public. La réponse institutionnelle que représente la VIe République est nécessaire pour mettre en place une République solidaire, éthique et démocratique. Elle réformera en profondeur le régime politique actuel pour permettre une meilleure représentativité des élus du peuple, la responsabilisation des dirigeants et un véritable pluralisme des acteurs de la vie publique. Pour y parvenir, la nouvelle Constitution des écologistes prévoit la mise en place d’un régime parlementaire primo-ministériel, un renforcement du rôle du Parlement, mais également la généralisation de la proportionnelle à tous les scrutins, l’obligation de parité, la fin du cumul des mandats et la reconnaissance du vote blanc. Il est essentiel que les politiques publiques soient élaborées de manière collective, permettant ainsi de valoriser les rapports de forces, les luttes sociales et les exigences environnementales.

Paul Alliès. Dans la République moderne, Pierre Mendès France écrivait: «Je mets au défi quelque homme politique, quelque parti que ce soit d’entreprendre, demain, une authentique démocratisation de l’enseignement, de modifier la répartition du revenu national au profit des classes défavorisées, d’assurer le contrôle par la puissance publique des positions dominantes de l’économie, d’assurer le respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme (…), si les problèmes institutionnels n’ont pas d’abord reçu une solution correcte.» Cela vaut toujours, et la gauche a trop oublié, sous la Ve République, que la question démocratique est partie intégrante de la question sociale.

Christian Picquet. Historiquement, l’exigence de la République sociale se trouve au débouché du combat du mouvement ouvrier. Non dans une approche réduite à ses dimensions institutionnelles, mais, comme le disait si bien Jaurès, pour pousser la démocratie « jusqu’au bout », pour rendre les travailleurs aussi souverains dans l’ordre économique que les citoyens le sont, en théorie, dans l’ordre politique. C’est dans cette cohérence que s’inscrit aujourd’hui la bataille du Front de gauche pour la VIe République. La refondation républicaine, que nous appelons de nos vœux, a de ce point de vue une triple spécificité. Elle repose d’abord sur la réaffirmation et l’extension des droits fondamentaux du plus grand nombre, ce que la Révolution française avait, dès ses premiers moments, désigné sous le terme de « droit à l’existence ». Elle induit ensuite de nouvelles possibilités d’intervention des citoyens et des salariés à tous les échelons (par exemple, à l’entreprise, pour qu’existent des moyens de s’opposer aux plans de licenciement boursiers). Elle aboutit, ce faisant, à une démocratie étendue et libérée du présidentialisme, la clé de voûte de toute la démarche étant la réhabilitation effective de la souveraineté du peuple. Ce qui trouve son prolongement dans les propositions formulées afin qu’une gauche victorieuse, demain, en France, contribue à donner de nouvelles bases à la construction européenne.

 

Le projet d’une VIe République participe-t-il de la construction 
d’une sortie de crise, 
d’un dépassement du capitalisme?

Jean-Vincent Placé. Le modèle de développement dans lequel nous vivons est obsolète. Afin de faire le contrepoids des marchés et des grands groupes économiques, la population doit être systématiquement incluse dans les prises de décision. Ce doit être le cas dans les conseils d’administration des entreprises, mais également dans les institutions. Jurys de citoyens, conférences de consensus, budgets participatifs, référendums d’initiative populaire… les outils sont nombreux pour permettre la délibération et l’expression de toutes les revendications. Par ailleurs, le président de la République a également son rôle à jouer dans le dépassement du capitalisme. Il doit se placer au-delà des clivages et des intérêts immédiats, notamment des grands lobbys, pour assumer la fonction d’arbitre, de garant du bien commun et de protecteur de l’indépendance de la justice. Cela dit, la crise économique, sociale et environnementale ne pourra se résoudre qu’à l’échelle européenne. Dans un monde globalisé, il est indispensable de renforcer l’intégration vers une Europe fédérale solidaire et sociale qui dépasse les marchandages et les égoïsmes nationaux. En réponse à la mondialisation, pour faire face aux marchés, les écologistes proposent un nouveau mode de gouvernance, aux niveaux national et européen, reposant sur une véritable appropriation démocratique par les citoyens.

Paul Alliès. Plus que jamais, l’approfondissement de la démocratie est un élément de la réponse à la crise du capitalisme que nous traversons. Les marchés détruisent en même temps l’espace public et le bien-être social. La qualité d’un régime politique se mesurera de plus en plus à l’aune de la participation des citoyens aux décisions, donc, à son autonomie par rapport à l’économie et à la finance. La troisième révolution industrielle que nous vivons est celle de l’information généralisée et de la fin des hiérarchies verticales du savoir incorporé au pouvoir. Comment ne pas voir les ravages de la dilution de la souveraineté populaire dans le système dépolitisé de l’Union européenne? Une VIe République combinera démocratie représentative et participative. Elle sera fondée sur le principe de la responsabilité de tous et de chacun, jusqu’au sommet de l’État et de l’UE. Elle donnera ainsi dignité et autorité à la volonté sociale et politique, sans laquelle aucun dépassement ne sera possible.

Christian Picquet. Le capitalisme financier et globalisé actuel se révèle incompatible avec toute notion d’intérêt général ou de primauté du suffrage populaire sur la cupidité d’un tout petit nombre d’actionnaires et de banquiers. Confronté à une crise historique, il prétend en sortir sur le dos des populations. Pour faire basculer le rapport des forces, l’action de masse, l’implication du plus grand nombre, se révèle indispensable. Il se trouve que c’est l’esprit même du projet de VIe République, que nous associons à l’idée de révolution citoyenne. En avril et mai, il conviendra de débarrasser la France de Nicolas Sarkozy. Mais la victoire de la gauche devra se traduire par de belles avancées sociales et démocratiques. De la Commune à Mai 68, en passant par juin 1936, l’expérience prouve que rien de grand ne s’est jamais fait sans l’engagement du peuple. En avançant aujourd’hui une perspective politique fondée sur une véritable démocratie, il s’agit donc bien de dessiner une réponse globale aux exigences d’égalité et de justice mises en avant par toutes les confrontations sociales de ces dernières années.

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