L’avocat général de la Cour de cassation doit plaider, ce jeudi matin, pour l’annulation des procès de l’Erika.
Selon lui, ces procès se fondent sur des lois non conformes aux conventions internationales.
« Cassation totale, sans renvoi » : c’est ce que propose l’avocat général de la Cour de cassation, maître Boccon-Gibot,
dans l’affaire de l’Erika. Ce pétrolier battant pavillon maltais avait sombré en 1999 en « zone économique exclusive », provoquant une marée noire qui avait sinistré les côtes bretonnes et vendéennes. Pour les parties civiles, constituées principalement des collectivités locales
touchées par la catastrophe et d’associations de défense de l’environnement, une telle décision se traduirait par « un permis de polluer en toute impunité ».
En première instance comme en appel, la justice avait déclaré coupables de « pollution involontaire par
hydrocarbure » l’armateur Giuseppe Savarese, le gestionnaire du navire Antonio Pollara, la société de certification Rina et l’affréteur du navire, Total. Ces derniers avaient donc été contraints de payer des amendes ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice
matériel, moral et environnemental subi. La Cour de cassation doit étudier aujourd’hui l’avis de l’avocat général, qui prône la cassation du procès de 2010, c’est-à-dire son annulation pure et
simple.
L’avocat général considère que, l’accident n’ayant pas eu lieu dans les eaux territoriales françaises, les
juridictions du pays sont incompétentes pour juger cette affaire. Cet argument a été rejeté en première instance et en appel, la justice considérant que la pollution avait atteint le
territoire français. Pour les élus des communes sinistrées aussi, la justice française est compétente, l’État de pavillon de l’Erika (Malte) ne s’étant pas manifesté pour juger de l’affaire
(convention Montego Bay).
Un argument irrecevable pour Me Boccon-Gibot, puisque la loi française n’est pas conforme aux textes internationaux
relatifs à la pollution maritime. Autre argument pour l’avocat général : la condamnation de Total, porteur de la cargaison, au pénal, est selon lui contraire au droit international. Enfin,
selon Me Boccon-Gibot, le préjudice écologique n’est pas prévu par la convention sur la responsabilité civile en cas de pollution par hydrocarbure. Mais pour les parties
civiles, la cour d’appel n’a pas indemnisé les collectivités au titre d’un « préjudice écologique », mais d’un « préjudice moral de nature écologique ».
Une vision restrictive du droit
Ce qui se joue au-delà du droit même, c’est surtout son interprétation. Là où l’avocat général défend une vision
restrictive du droit, les parties civiles appellent à une lecture moins dogmatique, arguant de la nécessité de punir cette catastrophe.
Du côté des parties civiles, on s’inquiète de la remise en cause, voire de l’annulation pure et simple, du préjudice
écologique. Pour Isabelle Thomas, présidente à la mer et au littoral du conseil régional de Bretagne, « si la Cour de cassation déclarait les tribunaux français incompétents, ce serait
un déni de justice vu que Malte n’a pas poursuivi (l'armateur en justice - NDLR) ». Autre argument : le droit international ne précise pas que la justice de l’État côtier est
incompétente, la France serait donc légitime à juger cette affaire.
« Ce qui est important ici, ce ne sont pas les indemnités mais la jurisprudence, poursuit Isabelle Thomas. S’il n’y a plus
de préjudice écologique, on ôte le droit à l’État côtier d’aller en justice. Or, cette menace oblige les armateurs et les affréteurs à avoir un comportement responsable. Ce
serait un mauvais signe pour l’écologie. » La Cour de cassation devrait donner sa réponse en septembre.
Total
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Lucas Piessat