UKRAINE
« Renforcement du soutien à l’Ukraine »
adopté à l'Assemblée nationale :
les positions de chaque parti
L’Assemblée nationale a adopté, dans la nuit de mercredi 12 mars, une proposition de résolution européenne appelant au « renforcement du soutien à l’Ukraine », avec 288 voix pour et 54 contre. Les députés y ont également aborder la question des avoirs russes gelés et de l’adhésion de Kiev à l’Union européenne.
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Le 7 juin 2024, Volodymyr Zelensky s’était adressé aux députés à l’Assemblée Nationale.
© Karim Ait Adjedjou / ABACA
L'Humanité le 13 mars 2025 à 08:18
Léa Petit Scalogna
Les députés français examinaient dès ce mercredi, à partir de 15 h 30, une proposition de résolution sur le renforcement du soutien aux Ukrainiens, alors que les négociations entre ces derniers et les Américains sur un cessez-le-feu partiel avec la Russie viennent tout juste de commencer en Arabie saoudite. Le texte a finalement été adopté, après plus de six heures de débats intenses, avec 288 voix pour et 54 contre, sur un total de 474 inscrits.
Ce dernier appelle notamment l’Union européenne (UE), l’Otan et « les autres pays alliés » à « poursuivre et à accroître leur soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine » face à « l’agression russe ». Plusieurs des 31 recommandations contenues dans la proposition de résolution ont particulièrement fait débat, du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE à la présence sur le sol ukrainien de soldats français en cas d’accord de paix, en passant par l’importation de gaz russe dans les pays de l’UE.
Voir la répartition des votes par groupe sur le site de l’Assemblée nationale.
Que faire des avoirs russes ?
Surtout, l’une des thématiques les plus épineuses était de savoir s’il faut pousser l’exécutif à saisir l’intégralité des avoirs russes gelés. En Europe, les appels se multiplient en faveur d’une saisie. En l’état, il serait question aujourd’hui « d’inviter » l’UE à « utiliser dès à présent les actifs russes gelés et immobilisés, (…) pour soutenir la résistance ukrainienne et la reconstruction de l’Ukraine ».
Trois des députés du groupe macroniste, Ensemble pour la République (dont son président, Gabriel Attal) vont plus loin et ont proposé, dans un amendement, de les utiliser pour « renforcer les capacités de défense de l’Europe », alors qu’ils représentent près de 235 milliards d’euros. Le gouvernement n’est pourtant pas de cet avis, officiellement opposé à leur saisie – outre les intérêts qui, eux, servent déjà à aider Kiev.
« Pour l’instant, c’est non, a résumé la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas sur Sud Radio. Mais le président de la République et le premier ministre ont demandé à Éric Lombard d’étudier plus en profondeur les conséquences d’une telle décision. »
Le RN incapable de porter une position claire
Si les socialistes, les Écologistes et Horizons ont soutenu la saisie des avoirs russes, les opposants à cette mesure sont nombreux. « Les Russes ont des avoirs conséquents à nous chez eux, donc ne faisons pas trop les malins avec ça », a averti le député Modem Erwan Balanant, peu convaincu par le procédé.
Plus globalement, les députés communistes se sont montrés favorables aux coopérations militaires, mais pas à une défense européenne. « D’accord pour les livraisons d’armes, mais pas de soldats français sur le front », prévient Jean-Paul Lecoq. « Cette résolution s’apparente, en réalité, à un renforcement du soutien à la guerre. Elle vise aussi à faire exister Emmanuel Macron sur la scène internationale, auprès des présidents américain, russe et ukrainien. », continue-t-il.
Du côté de la France insoumise (FI), on a préféré porter une solution diplomatique, qui ne laisserait pas de place à un élargissement du conflit. La résolution votée par l’Hémicycle « va nourrir les hostilités et porte en elle les germes d’une nouvelle guerre », a ainsi lancé la députée insoumise Sophia Chikirou, alors que son groupe avait déposé un amendement visant à supprimer l’alinéa sur l’adhésion à l’UE et un autre, réécrivant en partie la résolution.
Les prises de position du Rassemblement national (RN) ont, quant à elle, été particulièrement scrutées. Thomas Ménagé, député d’extrême droite, justifie l’abstention de son groupe par le fait que « l’entrée de l’Ukraine dans l’UE entraînerait, à terme, le sacrifice de nos agriculteurs via la baisse drastique de nos subventions et l’accélération de la concurrence déloyale qu’ils subissent déjà ». Si le parti d’extrême droite assume sa grande hostilité à l’idée de saisir les avoirs russes gelés, il apparaît globalement comme incapable de porter une position diplomatique claire depuis le début de la guerre en Ukraine et encore plus ces dernières semaines, souhaitant de toute façon limiter les sanctions à l’encontre de Moscou.
Le bloc macroniste ne s’est ainsi pas fait prier pour ressortir la carte des « deux extrêmes », n’hésitant pas à occulter le gouffre qui sépare les positions politiques prises par le Parti communiste français (PCF) et par la FI d’un côté, et par le RN et l’Union des droites républicaines (UDR) – le parti d’Eric Ciotti – de l’autre. Et ce, alors que les deux formations d’extrême droite semblent s’accorder sur l’idée d’un « accord de paix » à la sauce trumpo-poutinienne, dicté par les conditions de la Russie. Mais, encore une fois, le camp présidentiel préfère capitaliser sur le conflit afin de promouvoir son projet pro-européen et militariste.