krach mondial ?
Avec ses droits de douane et ses dérégulations,
Donald Trump va-t-il précipiter un krach mondial ?
La fébrilité grandit sur toutes les places boursières, alimentée par des signes toujours plus prégnants de récession aux États-Unis sur fond de guerre commerciale à venir mais surtout d’éclatement de ces énormes bulles boursières accumulées ces dernières années, qui ont tant prospéré depuis le début de la nouvelle ère Trump
L'Humanité le 12 mars 2025
Bruno Odent
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Alors que les menaces de guerre commerciales initiées par Donald Trump se précisent, les indices boursiers plongent à travers le monde.
© Xinhua/ABACA
Les alertes à l’imminence d’un krach boursier de grande ampleur se multiplient. Toutes les places financières affichent de spectaculaires reculs depuis la fin du mois dernier. Wall Street a perdu plus de 4 % ces dernières quarante-huit heures. Le CAC 40 était en chute de près de 2,5 % mardi 11 mars.
Les signes avant-coureurs d’une récession se multiplient en effet aux États-Unis. Les multinationales de la tech et de l’Internet y connaissent des accès de grosse fatigue de plus en plus réguliers. Le décalage entre l’économie réelle et la finance prend partout une dimension intenable.
Pour nombre de médias, Donald Trump et sa guerre commerciale tous azimuts seraient les uniques responsables du crash qui se profile. L’analyse présente l’avantage d’exempter de reproches des années de mondialisation libérale qui ont boosté une financiarisation phénoménale des économies avec l’appui des administrations états-uniennes successives.
Wall Street au bord de l’overdose
Aux États-Unis, ce fléau alimente la mal-vie de dizaines de millions de citoyens. Au point d’en avoir fait l’une des causes essentielles de l’émergence du phénomène politique… Donald Trump. Terrible contradiction : c’est aujourd’hui le plus grand matamore du capital qui est chargé de panser les plaies d’une société déglinguée par… la financiarisation. Il s’emploie à lui infliger, à la hâte, une série de remèdes de cheval. Sous forme de nouvelles dérégulations financières.
Wall Street est au bord de l’overdose. Les titres sur lesquels se sont formées les plus grosses bulles spéculatives sont en chute libre, comme ceux de la tech ou de Tesla (en baisse de plus de 20 % depuis février). Le géant de l’automobile électrique, est dirigé, faut-il le rappeler, par l’oligarque Elon Musk qui est, ironie du sort, l’un des grands artisans de cette super-dérégulation financière.
Alors que depuis au moins trente ans les revenus du capital n’ont cessé de capter une part grandissante des richesses créées par les entreprises états-uniennes au détriment des salariés, Donald Trump a décidé d’accentuer encore ce processus. La machine à ponctionner le travail toujours davantage s’emballe au nom de « la mobilisation de la valeur pour l’actionnaire ».
L’appauvrissement des classes moyennes et pauvres est de plus en plus manifeste. Quand les oligarques du capital, omniprésents aux côtés du nouveau locataire de la Maison-Blanche, raflent tout. Quand la capitalisation des 500 plus grosses sociétés états-uniennes cotées en Bourse gonfle de quelque 60 % sur seulement deux ans, entre 2023 et 2024. Quand ces champions de Wall Street ne laissent plus que des miettes aux travailleurs, les 20 % des citoyens états-uniens les plus pauvres ne percevant plus en 2023 que 3,2 % du total de la richesse produite par le pays.
La valeur des cryptomonnaies, dont le président se fait lui-même le chantre, est montée vers des sommets himalayens gonflant toujours davantage une bulle spéculative dont la dimension est devenue intenable. Baptisées bitcoin, litecoin ou encore ethereum, elles présentent l’avantage de ne pas subir la moindre réglementation, à la différence des devises émises par les banques centrales.
Tous les coups sont permis tellement leurs gestionnaires sont peu regardants sur l’origine même des fonds déplacés. Un rêve, on l’aura compris, non seulement pour les traders les plus « téméraires » mais aussi pour toutes sortes de sbires spécialisés dans le blanchiment d’argent…
Renforcer l’autonomie énergétique
Mais les monnaies numériques sont loin d’être les seuls secteurs à nourrir des bulles spéculatives toujours plus menaçantes. Celui des hydrocarbures, de Big Oil qui affiche des résultats records, est à la fête avec l’extension de ses champs d’exploitation sur le territoire des États-Unis, qu’ils soient conventionnels ou à fraction hydraulique, c’est-à-dire fortement polluants.
Le président des États-Unis en a fait une priorité, martelant à maintes reprises durant sa campagne qu’il faudrait « forer, forer, forer » (drill, drill, drill). Cet appel frénétique est bien plus qu’une provocation climatosceptique. Il vise à renforcer l’autonomie énergétique et la pole position stratégique acquise par les États-Unis dans la production d’hydrocarbures.
La course à l’armement est aussi en marche, avec notamment la frénésie de dépenses imposées à une Europe à qui a été dévolu, au prix fort, un rôle de police régionale. N’est-elle pas contrainte de s’approvisionner auprès de marchands d’armes états-uniens toujours en position ultradominante ?
Ces contradictions vont s’aiguiser avec la volonté affirmée de la nouvelle administration de dégager le terrain pour une suprématie encore étendue de Wall Street. Selon une logique qui va de pair avec une agressivité commerciale sans précédent, appuyée sur la domination du dollar.
Ces guerres commerciales, dont l’intensification est programmée au même moment, sont autant de moyens destinés à aspirer les capitaux vers la place financière états-unienne. Les voisins canadien et mexicain avec lesquels les États-Unis tissent les échanges les plus intenses depuis des décennies sont aux premières loges.
La Chine, dont la montée en puissance est intolérable à l’administration trumpiste, est la cible principale. L’Europe n’y échappe pas. De premières salves de droits de douane doivent être lancées contre elle début avril. Avec sans doute d’autant plus de force que les contours d’une récession états-unienne et d’un krach financier vont s’imposer de plus en plus fortement dans le paysage.