SOCIETE
50 ans de l'IVG : « C’était une libération, un pas vers l’égalité », se souvient la députée communiste Jacqueline Chonavel
À 100 ans, Jacqueline Chonavel, vice-présidente communiste de l’Assemblée nationale en 1975, se souvient parfaitement de la hargne, dans l’Hémicycle, des opposants au droit à l’IVG et du sentiment de libération qu’a suscité chez les femmes l’adoption de la loi Veil.
L’Humanité Rosa Moussaoui
Simone Veil, ministre de la Santé, prononce un discours le 26 novembre 1974 demandant une loi autorisant l'avortement.© AFP
En 1975, vous étiez députée communiste, vice-présidente de l’Assemblée nationale. Quels souvenirs gardez-vous des débats sur le projet de loi légalisant l’IVG ?
Oui ! Nous avons beaucoup appuyé Simone Veil. Je suis allée la voir à l’époque pour l’assurer du soutien du groupe communiste.
La gauche, alors, a soutenu un projet de loi porté par la ministre de la Santé d’un gouvernement de droite…
C’était un bon projet ! On ne pouvait pas s’opposer au droit à l’avortement. D’autant que Simone Veil, alors, était violemment attaquée par son camp. Ils l’ont traînée dans la boue. Ils l’ont injuriée, accusée d’être une « meurtrière ». Certains assimilaient l’avortement à « l’assassinat d’un enfant ».
Il y avait dans l’Hémicycle, parmi les députés de droite, de bons vieux réactionnaires. L’un d’entre eux est allé jusqu’à poser sur son pupitre un fœtus dans un bocal au moment d’intervenir. Leur hargne a bouleversé Simone Veil. Il m’est arrivé, une fois, de la retrouver en larmes dans les couloirs de l’Assemblée. Je me suis assise à côté d’elle pour lui dire toute ma solidarité. Nous n’étions pas bien nombreuses dans l’Hémicycle en ce temps-là !
Du côté des communistes, quelle était la nature des débats, dans un parti qui ne s’était que tardivement rallié à la défense du droit à l’avortement et à la contraception ?
Quelques années auparavant, le parti était résolument opposé au droit à l’avortement : il défendait une politique nataliste. Mais les évolutions de la société, des mentalités étaient irrépressibles : elles ont poussé les communistes à réviser leur position, à adopter une politique réaliste. Il fallait vivre dans son temps, tenir compte des aspirations des gens.
Et à l’époque, les avortements clandestins mettaient en danger des centaines de milliers de femmes…
J’ai connu des femmes qui ont avorté clandestinement. Le recours aux aiguilles à tricoter était une mutilation très courante. C’était inhumain. J’étais maire de Bagnolet à l’époque. Une infirmière y était connue pour aider les femmes à avorter. Tout le monde le savait. Si elle avait été dénoncée, elle aurait été arrêtée, emprisonnée. Au procès de Bobigny, Gisèle Halimi a beaucoup fait pour dénoncer cette injustice.
Qu’avez-vous ressenti quand la loi Veil a été adoptée ?
Je garde le souvenir fort d’une reconnaissance extraordinaire du droit des femmes. C’était un sentiment de libération : les femmes n’avaient plus à subir des grossesses non désirées. Cette victoire a marqué toute une génération, elle représentait un pas vers l’égalité, dans un moment de bataille pour l’émancipation. Cette bataille doit être poursuivie : un droit n’est jamais acquis pour toujours, et le droit à l’IVG reste la cible d’attaques, de remises en cause.