Nouveau gouvernement :
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Entre Macronistes et LR, l’ambiance du prochain gouvernement risque fort d’être à couteaux tirés.
© Eliot Blondet/pool/REA
entre LR et la Macronie, un bras de fer entre fragiles partenaires
L’ère Barnier n’a pas encore commencé qu’elle sent déjà le roussi. Lors de sa passation de pouvoir sur le perron de Matignon avec Gabriel Attal, il y a déjà quinze jours, l’ancien commissaire européen avait pourtant promis l’ouverture d’une nouvelle ère. Celle de « l’écoute » et du « respect » à l’égard de « toutes les forces politiques » pour sortir le pays de l’impasse. « Nous allons davantage agir que parler », avait-il même assuré, sûr de lui.
Malgré ces intentions, quinze jours plus tard, l’heure est toujours aux discussions et aux bavardages… Et la France n’a toujours pas de gouvernement. Une liste de 38 noms accolés à des portefeuilles ministériels bien précis a pourtant été proposée par Michel Barnier à Emmanuel Macron, ce mardi. Réponse du chef de l’État : « Ce n’est pas l’idée que je me fais d’un gouvernement d’union nationale. »
En cause, la trop grande part de personnalités issues des « Républicains », formation du nouveau locataire de Matignon. Sur cette feuille posée sur le bureau d’Emmanuel Macron, on trouvait Laurent Wauquiez à Bercy ou encore Bruno Retailleau à l’Intérieur. « C’est trop ! » aurait objecté le président. Au grand soulagement de ses troupes, désireuses de ne pas « se faire putscher par un groupe de 47 pauvres députés », peste une députée macroniste.
« C’est quoi, ce cirque ? »
Ce jeudi, à l’issue d’un énième round de concertation, elles criaient quasiment victoire. En réunion de groupe, Gabriel Attal a affirmé « avoir eu des réponses » de Michel Barnier lors de leur entrevue. Et des garanties, avec 7 ministères de plein exercice sur 16. Mais lesquels ? Auront-ils les premiers rôles ? Le suspens sera de courte durée : à l’issue d’une rencontre avec Emmanuel Macron à l’Élysée, Matignon a annoncé que le premier ministre Michel Barnier devrait présenter « avant dimanche » la composition de son gouvernement.
Dans l’entourage de l’ancien premier ministre, la colère gronde contre le successeur de l’ancien enfant chéri de la Macronie. « C’est quoi, ce cirque ? s’interroge un cadre du groupe présidentiel auprès de l’Humanité. Un bal de LR et de has been de la gauche ? Et ensuite ? Nous ne sommes pas dans la crainte, mais dans la vigilance. Un équilibre doit être respecté, nous y veillons, et nous saurons réagir si ce n’est pas le cas. »
Dans un entretien accordé au Point, mercredi, Gabriel Attal s’est d’ailleurs échiné à maintenir la pression sur l’exécutif, avec des mots plus policés : « Il me semble que c’est moins l’identité politique du premier ministre qui compte que le large rassemblement qui doit s’opérer autour de lui. Nous sommes constructifs. Nous voulons que Michel Barnier et son gouvernement puissent réussir, pour le pays. » Tout en précisant : « Il n’y a pas de soutien automatique. »
Un risque de censure du premier ministre par les parlementaires de l’ancienne majorité présidentielle plane-t-il ? Marc Ferracci, député Ensemble, hausse lui aussi le ton : « Ceux qui pensent qu’on ne pourrait pas censurer, on peut leur répondre que le mandat qui a été donné par Macron à Barnier, c’est de rassembler. S’il s’éloignait de ce mandat politique, s’opposer à Barnier reviendrait à respecter la démarche du chef de l’État. »
Un pressing intense appliqué au premier ministre qui ne fait pas l’unanimité dans le groupe parlementaire. « Je ne comprends vraiment pas cette volonté d’affaiblir Barnier, se désole un macroniste de la première heure. Se désolidariser du premier ministre, c’est le faire échouer. Mais qui peut croire que son échec ne sera pas aussi le nôtre ? Ce serait un suicide collectif ! »
Un autre surenchérit : « Depuis le 7 juillet, il n’y a rien qui va. On a commencé par ignorer le désir d’alternance en nommant Barnier. Et désormais, on mène une bataille de casting alors que les Français, dont pas un seul n’a voté pour une coalition Ensemble-LR, attendent une transparence totale sur ce que seront les orientations du gouvernement. On devrait tracer les contours d’une politique commune, la présenter aux Français, et ensuite se poser la question des personnes. »
Michel Barnier, un premier ministre sans cap ni vision
Reçu par le premier ministre pour se voir proposer le ministère du Budget, le député PS Philippe Brun, qui a refusé l’offre, a pu constater de près l’absence de cap de Michel Barnier. « Avec lui, c’est le casting avant le fond, c’était très frappant, raconte-t-il. Il règne, autour de sa gouvernance, une impréparation totale. »
Sans être aussi sévère, Constance Le Grip, députée Ensemble, avoue attendre impatiemment « les grands axes de la politique que souhaite mener Barnier » : « Tout ce qu’il a dit, c’est qu’il devait y avoir davantage de justice fiscale. Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Le seul point qui n’est pas négociable, c’est que sa politique soit cohérente avec ce que nous avons fait jusque-là. S’il entend alourdir la fiscalité des ménages et des entreprises, c’est non. Mais nous ne sommes pas dogmatiques, nous pouvons réfléchir à d’autres pistes : une taxe sur le rachat d’actions, ou un réajustement de la contribution sur la rente inframarginale… »
Le seul indice sur la politique envisagée par le nouveau premier ministre est à trouver du côté du document (enfin) envoyé par Bercy ce jeudi à Éric Coquerel et Charles de Courson. Il donne de premières indications sur la répartition des budgets alloués aux ministères et, verdict, le nouveau premier ministre entend (ô surprise !) poursuivre la politique austéritaire menée depuis 2017. « Quinze milliards de baisses des dépenses » sont même à prévoir, selon Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Dans ce contexte de continuité de la politique macronienne, alors même que celle-ci a largement été rejetée dans les urnes, le 7 juillet, le député PCF Stéphane Peu alerte : « Nous sommes face à une situation qui ouvre une crise institutionnelle et démocratique grave. » Ce samedi, des manifestations auront lieu dans toute la France pour protester contre le coup de force du camp présidentiel et rassembleront partis du Nouveau Front populaire (NFP) et organisations de jeunesse.
« Dans ce moment d’effondrement démocratique majeur, où le président veut monter une majorité avec une force minoritaire, seule une mobilisation populaire peut sortir le pays de la paralysie », assure Aurélie Trouvé, députée FI. Pour préparer l’après-Barnier, dont l’ère devrait commencer par l’annonce d’un nouveau gouvernement en cette fin de semaine, et dont la fin pourrait se révéler plus proche qu’annoncé.