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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Macron face au défi d'une majorité sapée comme jamais

21 Juin 2022, 09:10am

Publié par PCF Villepinte

Législatives. Avec seulement 246 députés, le président doit se contenter d’une majorité relative, deux mois après sa réélection. Il lui faudra nouer des alliances s’il veut légiférer. Pour le chef de l’État c’est le saut dans l’inconnu.

L'Humanité (Aurélien Soucheyre)

Publié le Mardi 21 Juin 2022

 

« Maintenant tu as les mains libres, tu peux faire ce que tu veux», glissait lex-ministre socialiste Marisol Touraine à un Emmanuel Macron tout sourires, le 7 mai dernier, lors de sa seconde investiture présidentielle. Mais c’est peu dire que les Français ont prouvé qu’ils n’étaient pas d’accord. Le régime jupitérien déraille de son orbite. Emmanuel Macron, qui a gouverné les cinq dernières années avec une armée de députés à ses ordres, va devoir apprendre à composer avec une majorité relative (246 sièges) et deux vastes groupes d’opposition (l’intergroupe Nupes et ses 138 députés hors outre-mer, le groupe RN et ses 91 élus).

Un scénario inattendu tant les institutions de la Ve République sont tout entières destinées à assurer le pouvoir du président. Mais les verrous ont sauté. Cette fois-ci, l’élection présidentielle n’a pas phagocyté les législatives qui ont suivi. Le vote de sanction contre Macron, un peu partout dans le pays, a fait voler en éclats les plans du président: la gauche et le RN remportent à peu près le nombre de sièges quils auraient eu si les législatives avaient eu lieu à la proportionnelle. «La situation est inédite. Jamais lAssemblée nationale na connu une telle configuration sous la Ve  République», a concédé la première ministre Élisabeth Borne, dimanche soir.

Une sévère désillusion

D’autant qu’au Palais Bourbon, tout est à reconstruire. Les législatives se sont soldées par une hécatombe sans précédent pour les principaux cadres de la Macronie. Deux piliers de la majorité se sont effondrés: le président de lAssemblée nationale Richard Ferrand lui-même, ainsi que Christophe Castaner, jusquici président du groupe LaREM au Palais Bourbon. Tous les deux ont été battus par la Nupes. Mais ce nest pas tout. Patrick Mignola, président du groupe Modem, premier allié de LaREM? Battu. Sylvain Waserman, vice-président de lAssemblée? Battu. Laurent Saint-Martin, rapporteur général du budget? Battu. Florian Bachelier, premier questeur? «Finito», comme dirait Emmanuel Macron. Le chef de l’État perd ses plus fidèles lieutenants et des rouages essentiels au Parlement.

L’Assemblée va donc redevenir le lieu privilégié de la vie politique. La désillusion est sévère pour une Macronie toute verticale qui va devoir se faire violence pour mettre en débat ses textes de loi et solliciter des soutiens, notamment du côté du groupe LR. Aurore Bergé, députée LaREM des Yvelines, prévient: «Cest notre responsabilité que daller chercher et trouver du compromis, du consensus sur les différents textes. Mais c’est aussi la responsabilité des différentes oppositions: est-ce quelles seront aussi dans une logique de construction de ces compromis avec nous? Ou uniquement dans une logique dobstruction parlementaire?» Une manière d’anticiper une possible paralysie des institutions, et de l’imputer aux oppositions plutôt qu’à son propre échec électoral.

Si les regards se tournent désormais vers LR, c’est que les macronistes auront besoin comme jamais du parti de droite (qui a obtenu 64 sièges avec l’UDI) pour légiférer. Mais le numéro un de LR, Christian Jacob, a déjà dit non au «pacte avec le gouvernement» appelé de ses vœux par l’ex-chef du parti Jean-François Copé. «Nous avons fait campagne dans lopposition, nous resterons dans l’opposition», insiste le président du parti de droite. «Nous ne sommes pas à vendre», confirme le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, tout en précisant: «Nous ne sommes pas des bloqueurs non plus»

De justesse élue députée dans le Calvados, Élisabeth Borne a de quoi se faire du souci. La première ministre a deux épées de Damoclès au-dessus de sa tête. La première: un remaniement imminent. La défaite de trois ministres lors des législatives (Montchalin, Bourguignon, Benin) oblige Emmanuel Macron à repenser son casting. Le Conseil des ministres de mercredi a d’ailleurs été annulé. La technocrate, fraîchement nommée à Matignon, y restera-t-elle? De Manuel Bompard (FI) à Rachida Dati (LR), les oppositions réclament déjà sa tête. Et pour cause: la coalition quelle a conduite lors des législatives a échoué à obtenir la majorité absolue. Son faible score dans le Calvados (52,3%) montre quelle nest pas non plus prophète là où on la parachutée, loin de là.

Mais si jamais Emmanuel Macron lui renouvelait sa confiance, une autre menace surgirait aussitôt puisque la première ministre devra obtenir un vote de confiance, le 5 juillet, dans la foulée de son discours de politique générale. La Nupes envisage déjà une motion de censure. Le RN ne s’est pas prononcé. Et LR ne souhaite pas la voter pour le moment. Mais si jamais il venait à y avoir une alliance Macronie-«Les Républicains», Élisabeth Borne, «trop à gauche» pour LR, serait possiblement poussée vers la sortie. Les tractations ont déjà commencé en coulisses et sur la place publique.

Mais la Macronie, en panique, ne sait plus où donner de la tête. Interrogé sur la possibilité de discuter des textes de loi avec le RN, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a répondu: «Nous verrons comment nous essayons davancer ensemble» sur les bancs de l’Assemblée. La perche tendue a déjà été saisie par le maire d’extrême droite de Perpignan, Louis Aliot, qui a donné ce conseil: «À la place dEmmanuel Macron, je tenterais un gouvernement dunion nationale.»

L’hypothèse d’une dissolution

Reste à savoir, au milieu de ce brouillage des lignes de plus en plus indécis, si la Macronie parviendra à faire fonctionner l’Assemblée nationale, ou si ses choix politiques l’isoleront toujours plus. En cas de paralysie politique totale, il resterait à Emmanuel Macron la possibilité de dissoudre la Chambre des députés. Si le Conseil constitutionnel estime que c’est impossible avant un an, plusieurs spécialistes considèrent que ce délai est obligatoire uniquement après une première dissolution…

Le scénario a quoi qu’il arrive été pour le moment écarté. «Le vote de dimanche, nous devons le respecter et en tirer les conséquences», a fait savoir Élisabeth Borne. «Les électeurs ont tranché», abonde Marc Fesneau, qui appelle à «ne pas jouer avec la Constitution» et invite à relever le défi d’une «Assemblée compliquée dans sa gouvernance».

Le ministre de l’Agriculture se dit même prêt à voir le RN présider la commission des Finances, réclamée par Marine Le Pen, au motif que «constitutionnellement, cest au premier groupe d’opposition que cette présidence revient». Mais le ministre fait ici une lourde erreur. Car notre Loi fondamentale ne prévoit pas du tout une telle obligation. C’est en réalité le règlement de l’Assemblée qui stipule que cette présidence revient à l’opposition.

Et lors du scrutin interne entre les députés de ladite commission, la coutume veut que ceux de la majorité ne prennent pas part au vote. Ce seront donc les élus de la Nupes, fussent-ils divisés en quatre groupes parlementaires de gauche, qui auront ici le dernier mot, car ils constitueront l’opposition la plus fournie. La députée FI Aurélie Trouvé a d’ailleurs fait acte de candidature.

Mais croyant que le gouvernement est «prêt à installer le Front national à la commission des Finances», Jean-Luc Mélenchon a appelé à ce que députés insoumis, écologistes, communistes et socialistes siègent ensemble au sein d’un seul et unique groupe Nupes. «Je pense que cest un élément de clarification dans le chaos qui savance. Ce nest pas une injonction, mais une proposition», a-t-il indiqué, avant d’ajouter: «Je ne propose pas la fusion, il y a des identités distinctes, mais il y a besoin d’être dans une combinaison de combat et pour ça il faut avoir un groupe unique à lAssemblée.»

 L’idée a aussitôt été soutenue par plusieurs députés FI, et aussitôt rejetée par le PS, EELV et le PCF, qui souhaitent chacun avoir leur groupe, comme prévu dans l’accord de la Nupes, en plus d’un intergroupe. L’existence de quatre groupes de gauche assure en outre à chacun un temps de parole consacré lors des explications de vote, la possibilité de créer chacun et chaque année une commission d’enquête parlementaire, en plus d’imposer les textes examinés par l’Assemblée une fois par an.

Tous entendent faire front commun face aux réformes d’Emmanuel Macron. «Il faut continuer à se battre pour les exigences que nous avons portées séparément pendant la campagne présidentielle, et ensemble pour les législatives. Quoi quil arrive, Macron est plus faible que jamais», prévient le porte-parole du PCF, Ian Brossat. «Nous ferraillerons», promet également la députée FI Clémence Guetté, qui précise que le rapport de forces sera bien différent que lors du précédent mandat.

 

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