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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Le Pen et Zemmour, brun bonnet et bonnet brun

19 Avril 2022, 10:21am

Publié par PCF Villepinte

Devant le Medef, le 21 février. © Éric Piermont/AFP

Extrême droite Malgré la concurrence, les similitudes programmatiques et idéologiques des deux candidats sont frappantes. Au sein des états-majors, on met en avant ces points communs, appelant à un «gouvernement dunion nationale».

Publié le

Mardi 19 Avril 2022

Benjamin König

 

Si, à gauche, certains électeurs se triturent les neurones pour décider de leur vote au second tour de l’élection présidentielle, ils sont nombreux à l’autre bout de l’échiquier politique à ne pas se poser de questions. L’extrême droite serre les rangs, que ses électeurs aient déposé un bulletin Le Pen, Dupont-Aignan ou Zemmour le 10 avril, tant leurs convergences politique et idéologique relève de l’évidence. «Je ne me tromperai pas dadversaire, jappelle mes électeurs à voter pour Marine Le Pen», lançait ainsi l’ex-chroniqueur du Figaro, quelques minutes à peine après les résultats du premier tour. Quand bien même la candidate RN fait mine de vouloir le tenir à distance, ce soutien immédiat, selon Bruno Cautrès, politologue au Cevipof et chercheur au CNRS, n’est «pas une surprise, on pouvait sy attendre très largement».

Adoucir la communication

Si la campagne a été marquée par cette concurrence nouvelle à l’extrême droite, rythmée par l’inimitié personnelle entre les deux prétendants et quelques ralliements qualifiés de «trahisons» – une tradition chez les nationalistes –, de nombreux cadres ont assuré le lien entre les deux tenants du «camp national», comme Marine Le Pen le nomme. Pour le RN, cette opération séduction vise à contrebalancer les attaques visant Éric Zemmour, mais également Marion Maréchal, très populaire à droite, de LR au RN.

Si elle est élue, Marine Le Pen veut un «gouvernement dunion nationale», un «rassemblement large de tous les patriotes», même si l’entrée au gouvernement de sa nièce ou de l’idéologue pétainiste «nest pas une possibilité». Toute à son souci d’adoucir sa communication, la candidate du RN entend éloigner leur image sulfureuse tout en donnant des gages à cet électorat.

D’autant que la présence du candidat de Reconquête! a permis d’élargir la base électorale de lextrême droite: «Non seulement elle a augmenté son résultat de deux points par rapport à 2017, fait observer Bruno Cautrès , mais en plus elle dispose désormais de réserves de voix.» Pour le philosophe du langage Raphaël Llorca, Le Pen et Zemmour sont «les deux faces dune même pièce». Les deux se «renforcent mutuellement» et «portent un même combat».

Rassembler le camp nationaliste

Depuis le début de l’entre-deux-tours, les amabilités pleuvent entre les deux camps: «La campagne de Zemmour fut une campagne courageuse», roucoule dans le Point Philippe Olivier, le beau-frère et conseiller spécial de Marine Le Pen. Quant au président du RN, Jordan Bardella, il a tenu à féliciter le candidat de Reconquête!, dans un entretien paru dans le Figaro du week-end pascal, pour «son choix cohérent et courageux», ajoutant qu’à partir «du moment où lon considère que lenjeu de cette élection est de sauver la France, il ny a pas dautre choix que de voter Marine Le Pen».

De l’autre côté, à Reconquête!, on presse la candidate de rassembler le camp nationaliste, à l’instar de Nicolas Bay, transfuge passé récemment du RN – où il avait passé plus de trente ans – à Zemmour: «À elle maintenant de prendre ses responsabilités, de montrer quelle a la volonté et la capacité à rassembler.» Tous espèrent une union dans la perspective d’un gouvernement, mais également pour les législatives.

Marion Maréchal estime que cela «ne doit passer que par un dialogue avec la gauche populaire souverainiste (qui en réalité n’existe pas, malgré les invites du RN – NDLR) . Cela doit passer aussi par des alliés, des coalitions et des alliances à droite».

Des reports de voix très élevés

Ces appels du pied, qui s’inscrivent dans le cadre «dune convergence très claire au sein de leurs électorats», selon Bruno Cautrès, visent à asseoir ce socle de votants. Selon une enquête de l’Ifop publiée le 15 avril, les reports de voix sont très élevés: 81 % des électeurs d’Éric Zemmour ont lintention de voter pour Marine Le Pen, de même que 27 % de ceux de Valérie Pécresse.

Ce dimanche, les militants du RN ont notamment ciblé Versailles (Yvelines) pour une opération de distribution de tracts sur le marché. Dans cette ville très bourgeoise, Emmanuel Macron est arrivé largement en tête (33 %), devant Éric Zemmour qui y a réalisé 18,48 % (7,1 % au niveau national), et Valérie Pécresse (14,04 %, contre 4,8 % sur l’ensemble du territoire).

Ces mains tendues entre les deux clans de l’extrême droite et une partie de LR témoignent de la volonté de gouverner ensemble: «Je veux dire aux partisans d’Éric Zemmour, des “Républicains” ou d’autres qu’au-delà de nos divergences, (…) je pense que le temps est venu de faire un bout de chemin ensemble», assure Jordan Bardella dans son entretien au quotidien des droites.

« Une vision du monde compatible »

Le 2 avril, une tribune cosignée par Bruno Gollnisch (RN), Paul-Marie Coûteaux, vieux routier de l’extrême droite souverainiste rallié à Zemmour, et Sébastien Meurant, sénateur ex-LR lui aussi récent soutien de l’ex-chroniqueur, invitait à l’union dans un «appel solennel». Les auteurs y écrivent que «les programmes de ces candidats, et les aspirations de leurs électeurs, sont moins opposés que ceux des gauches entre elles, et quil devrait être possible de saccorder sur dix urgences».

Parmi elles, on retrouve les antiennes habituelles: «restaurer lindépendance nationale», «protéger la ruralité», et surtout «inverser le courant de limmigration». Plus récemment, le sénateur ex-RN de Marseille Stéphane Ravier, également rallié à Zemmour, a rappelé que, «pour gouverner, il faut savoir rassembler», ajoutant qu’il voterait «sans hésitation pour Marine Le Pen».

Selon l’historien de l’extrême droite Nicolas Lebourg, chercheur au Cepel de Montpellier, ce qui lie fondamentalement les deux partis ce sont «la critique de limmigration et dune société multiculturelle et multiethnique» ainsi qu’une «vision des rapports internationaux sous langle ultrasouverainiste». Pour lui, nul doute que «ce moteur du vote en leur faveur est bien là pour le second tour, et s’il existait des différences entre les deux candidats – Éric Zemmour voulant expulser les immigrés sans travail au bout de six mois, Marine Le Pen au bout d’un an –, il y a clairement une vision du monde compatible».

Immigration, civilisation, sécurité…

Lors de d’une des émissions Face à Baba, en décembre, à laquelle Cyril Hanouna avait convié pour la énième fois Éric Zemmour, la journaliste identitaire Charlotte d’Ornellas listait, face à l’invité, ces convergences: «La limitation des aides sociales aux Français seulement», une façon pudique de parler de la préférence nationale; «limmigration, un sujet qui vous tient à cœur et qui est évidemment un marqueur de Marine Le Pen»; ou bien encore la dénonciation des traités internationaux signés par la France.

Le candidat de Reconquête!, présenté comme «un concurrent» mais «pas un adversaire», acquiesçait: «Je suis daccord avec elle sur le fait que le droit national doit primer sur le droit international et européen», ainsi que sur les mesures de «lutte contre limmigration».

La préférence nationale, la fin du regroupement familial, le droit du sang en matière de nationalité ou la réforme restrictive du droit d’asile figurent dans les deux programmes. «Toutes les mesures concernant limmigration, je les mettrai dans un référendum», proposait Éric Zemmour.

Un projet ouvertement réactionnaire

Exactement le même que celui érigé par Marine Le Pen en premier acte politique en cas d’élection. Au-delà de ce thème, les similarités sont légion dans de nombreux domaines: présomption de légitime défense pour les policiers et gendarmes, marginalisation des syndicats de salariés, suppression de l’aide médicale d’État, lutte contre la «bureaucratie», remise en cause de la liberté de la presse et privatisation de l’audiovisuel public, mise au pas de l’éducation pour imposer une école «de transmission des valeurs () de la civilisation française», précise notamment le programme de Marine Le Pen.

En matière économique, leurs programmes sont également proches en réalité: suppression à hauteur de 30 milliards deuros des impôts de production payés par les entreprises, exonération de cotisations patronales, baisse de la fiscalité sur les successions et les donations. «Je nai pas la même méthode», déclarait lors de sa campagne Éric Zemmour. Mais bien la même passion, commune à toute l’histoire de l’extrême droite française, celle que représente Marine Le Pen malgré son positionnement grotesque de «candidate du peuple»: un projet ouvertement réactionnaire, sans précédent depuis Vichy.

Fraude : Le Pen dans la tourmente

L’affaire tombe entre les deux tours, embarrassante pour Marine Le Pen: un rapport de lOffice européen de lutte antifraude (Olaf) estime que la candidate devrait rembourser personnellement 136993 euros au Parlement européen, qui lui réclamait déjà 339000 euros dans l’affaire de ses assistants parlementaires. Selon le rapport de 116 pages révélé le 16 avril par Mediapart, il s’agit, parmi d’autres exemples, de 23100 euros dobjets promotionnels (sacs, stylos, porte-clés) «qui semblent avoir été achetés pour le congrès du FN à Lyon» en 2014, ou encore de 4107 euros de bouteilles de Beaujolais pour le même événement. Pour son père, Jean-Marie Le Pen, les sommes incriminées atteindraient 303545 euros. LOlaf liste également les délits susceptibles d’être reprochés à la candidate du RN: «escroquerie», «faux», «abus de confiance», et «détournement de fonds publics».

 

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