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Présidence française de l'UE : l’Europe martiale, version Macron

12 Décembre 2021, 10:16am

Publié par PCF Villepinte

Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse, à l’Élysée, jeudi 9 décembre. Ludovic Marin/ Pool via Reuters

L'Humanité Vendredi 10 Décembre 2021

Gaël De Santis

La présidence tournante de l’Union européenne sera assurée par Paris du 1er janvier au 30 juin 2022. Le chef de l’État a présenté ses priorités jeudi: défense et immigration.

Emmanuel Macron a les yeux tournés vers 2022. Au 1er janvier, la République française prendra la présidence tournante de l’Union européenne (UE) pour six mois. Elle prendra le relais de la Slovénie, avant de le passer, au 1er juillet, à la République tchèque. En pleine campagne présidentielle, le chef d’État, qui a déjà restructuré le paysage politique français il y a cinq ans, souhaite entamer une restructuration du paysage européen. Il a présenté à la presse, hier en fin d’après-midi, les priorités de sa présidence: «relance, puissance et appartenance».

Car contrairement au faste avec lequel les présidences tournantes sont présentées, ces dernières ne président pas grand-chose. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, la présidence du Conseil européen est assurée par une personne fixe. Macron ne pourra pas imprimer sa marque comme avait pu le faire Nicolas Sarkozy en 2008 en gérant la crise financière et la guerre en Géorgie. Désormais, les présidences tournantes ne sont plus qu’un exercice technique; elles servent de médiatrices pour faire avancer des dossiers laissés par les prédécesseurs, en accord avec le Conseil, la Commission et le Parlement. En fait, le président accueillera quelques sommets et les ministres présideront les différents conseils des ministres (Agriculture, Transports, etc.), à l’exception de celui des ­Affaires étrangères et de l’Eurogroupe, qui ont un président permanent.

En revanche, cette présidence pourrait servir à Emmanuel Macron à imprimer dans les esprits l’idée de «souveraineté européenne» qu’il défend depuis le discours de la Sorbonne, prononcé en 2017. Les priorités de la présidence française de l’Union européenne (PFUE) énoncées répondent à cette question.

1. Une Europe de la défense… et la fidélité à Washington

Logiquement, pour affirmer cette souveraineté européenne, Emmanuel Macron a relancé l’idée d’une Europe de la défense. Autrefois idée française, cette idée est reprise. Un sommet sur le sujet devrait être programmé en marge du Conseil européen des 24 et 25 mars prochains.

Il reste que si l’objectif macronien était, depuis 2017, celui d’une «autonomie européenne», ce terme n’est plus évoqué, car tous les partenaires du bloc ne le suivront pas. Nombreux sont ceux, notamment dans les pays de l’Est, qui demeurent attachés à la prédominance de Washington pour assurer la défense européenne. Si bien que celle-ci sera adossée à l’Otan. En septembre, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, elle-même ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel, promettait une «déclaration UE-Otan» d’ici à la fin de l’année.

L’une des tâches de la PFUE sera de faire avancer le dossier de la boussole stratégique européenne, qui identifie les «menaces communes et des objectifs communs» de permettre à l’UE de jouer un rôle diplomatique. Une telle vision s’inscrit pleinement dans la logique de blocs mondiaux rivaux en vogue à Washington.

2. Une Europe forteresse… et un sommet pour l’Afrique

Alors que des milliers d’exilés tentent de franchir la frontière entre la Biélorussie et la Pologne et que l’extrême droite est forte partout en Europe et singulièrement en France, Emmanuel Macron était attendu sur l’immigration. Paris l’est d’autant plus sur le sujet qu’il devra faire avancer, à l’occasion de la PFUE, le pacte sur la migration et l’asile. Celui-ci prévoit plus de filtrages et surveillance aux frontières du bloc européen, une évolution du règlement de Dublin (qui prévoit que les immigrés clandestins soient renvoyés vers le pays d’entrée dans l’Union) et un règlement pour gérer les situations de crise.

Avec ce pacte, il n’est pas répondu à l’une des demandes principales des associations de défense des migrants: celle de voies daccès sûres au continent européen, pour éviter les drames en mer. Emmanuel Macron a promis une «Europe qui protège ses frontières» et qui évite que «le droit d’asile (…) ne soit dévoyé». Il annonce vouloir aller plus loin que le pacte sur l’immigration en renforçant l’espace Schengen, pour lequel il faut un «pilotage politique» sur le modèle de l’Eurogroupe pour la zone euro. Il faut, ajoute-t-il, une «réunion régulière des ministres en charge de ces questions».

Pour ne pas apparaître suiveur de l’extrême droite, Emmanuel Macron a proposé, jeudi, que soit mise en place une nouvelle coopération avec l’Afrique . Une manière d’accompagner les reconduites à la frontière d’une perspective d’aide au développement. L’immigration n’est certainement pas la seule préoccupation de Paris à l’heure où, sur le continent africain, la vieille Europe fait face à la montée en puissance de la Chine et de la Russie. Un sommet Union européenne-Union africaine est programmé en février. Les dirigeants africains, qui n’avaient pas été conviés au dernier sommet France-Afrique en octobre, apprécieront…

3. Une Europe un peu sociale… et un contrôle des déficits

À la veille de l’élection présidentielle, un gros cadeau a été fait à Emmanuel Macron. C’est certainement au cours de la PFUE que deux dossiers qui permettent de lutter un peu contre le dumping social pourraient aboutir. Cela lui permettra de s’en attribuer les lauriers et de faire mine que l’Europe n’est pas impuissante dans la mondialisation. Le Conseil des ministres de l’Emploi a adopté le texte abusivement surnommé «sur le Smic européen». En fait, il sagit de réglementer les «salaires minimaux adéquats» dans l’UE en invitant les États à faire couvrir plus des trois quarts de leurs salariés par des conventions collectives. Le texte prévoit également des critères communs aux différents États pour fixer les salaires minimaux dans les 21 pays où ils existent. Cette directive, poussée plus par les syndicats que Paris, sera «au cœur de notre présidence», a promis ­Emmanuel Macron.

L’autre dossier qu’Emmanuel Macron aimerait faire avancer est celui de la réglementation des géants du numérique, les Gafa, sur lequel tant le Parlement européen que le Conseil ont déjà donné leur accord. Les mots d’évasion fiscale ne sont pas prononcés, même s’il annonce que c’est sous la présidence française que sera mise en œuvre la convention de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) sur les multinationales, qui fixe un taux plancher d’impôt sur les sociétés. Aucune ambition n’est fixée pour faire cesser la concurrence fiscale entre États membres.

Toujours dans le cadre de la lutte antidumping, il dit vouloir promouvoir un dispositif de «taxe carbone aux frontières» pour éviter que les firmes européennes qui se soumettent aux règles qui servent à la lutte contre le réchauffement climatique ne soient lésées par la concurrence internationale. «Le mécanisme carbone aux frontières ne doit pas servir de distraction à la nécessité dune action ambitieuse afin de réduire dau moins 55 % les émissions de lUE dici 2030», a rappelé hier Oxfam dans un communiqué.

L’une des principales annonces est celle d’un sommet, les 10 et 11 mars, pour «définir le nouveau modèle de croissance européen», qui mise sur l’innovation et la fin du chômage de masse, à l’heure où les économies européennes sortent de la crise du Covid. Cela doit notamment permettre la «construction de filières européennes fortes et intégrées», notamment dans les secteurs clés du numérique, de la santé, de l’espace, afin de «construire la souveraineté technologique de lEurope». Cela appelle, selon lui, à une évolution des «règles budgétaires communes» qui ont été «mises entre parenthèses» avec la pandémie. Ces nouvelles règles doivent permettre des «investissements» et se marier avec une unification des marchés de capitaux dans une «Europe financière totalement intégrée». Autant dire que les services publics ne sont pas au cœur de la politique de relance.

4. Et toujours un manque: la levée des brevets

De nombreuses ONG avaient demandé qu’Emmanuel Macron fasse évoluer la position de Bruxelles sur la levée des brevets sur les vaccins et traitements anti-Covid. Il n’a pas répondu à leurs attentes. Tout juste Emmanuel Macron, dans sa partie consacrée à l’Afrique, a-t-il mis en avant la participation de l’UE aux dispositifs Covax de dons de doses de sérum. Il promet un «transfert de technologie» ainsi que le déploiement de «structures de production» de vaccins… mais sans tordre le bras aux laboratoires qui ne délivrent les licences qu’au compte-gouttes. «Il faut lever les brevets sans tarder sinon ça ne va pas avancer. Si les pays du Sud ne sont pas autonomes, ils ne sont pas près de voir leur population vaccinée», a réagi Michel Limousin, responsable du comité français de la campagne européenne pour la levée des brevets sur les vaccins et traitements anti-Covid.

Un pas vers une Europe transnationale

Lors d’un hommage pour l’anniversaire du décès de Valéry Giscard d’Estaing au Parlement européen, le 2 décembre, Emmanuel Macron a fait siennes les propositions du gouvernement allemand. Il s’est dit favorable, pour «créer un espace démocratique unique au monde», à la mise en place de «listes transnationales» pour l’élection des députés européens, dans le but d’ «unifier ce dèmos européen». Il souhaite, comme Berlin, «la création dun droit dinitiative parlementaire pour le Parlement», sur le modèle de ce qui se passe dans les États membres . Aujourd’hui, seule la Commission peut présenter un texte.

 

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