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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Climat. Au Giec, une fuite échaude les débats climatiques

24 Juin 2021, 06:00am

Publié par PCF Villepinte

Le mouvement climat stoppé par la pandémie se rend à nouveau visble pour rappeler aux chefs d’état qu’il faut changer les modes de production et de consommation. L. Notarianni/Divergence

L'Humanité Jeudi 24 Juin 2021

Pia de Quatrebarbes

À six mois de la COP26, qui doit se tenir à Glasgow en écosse, un rapport pas encore finalisé du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévient que le «pire est à venir». Décryptage dune divulgation qui met en colère la communauté scientifique.

Il est 3h4, ce 23 juin, quand sur le fil de lAgence France-Presse saffiche lalerte: «La vie sur Terre peut se remettre dun changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas.» Le lendemain, la fuite d’un brouillon du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat tourne en boucle. Est-on à l’aube d’un cataclysme? «Jamais un rapport du Giec nest aussi cash. Cest le type de message direct que les scientifiques ont du mal à dire. Mais les éléments sont dans la continuité de ce qui était déjà annoncé», éclaire Anne Bringault, coordinatrice des opérations au Réseau action climat, habituée des rapports du Giec comme des conférences internationales sur le climat.

Que disent exactement les experts? «Pénurie deau, exode, malnutrition, extinction despèces La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt», reprend l’AFP. Les chercheurs – 260 auteurs et 1168 relecteurs , eux, ne font pas de commentaire officiel. La climatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail sur les sciences du climat du Giec, renvoie à son compte Twitter… où elle «refuse de commenter un travail en cours, le brouillon de résumé technique».

Le consensus des scientifiques et des états, force du Giec

Pour comprendre, il faut savoir comment fonctionne le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat. Créé en 1988, il a pour mission d’examiner et d’évaluer les données scientifiques, techniques et socio-économiques les plus récentes publiées dans le monde et utiles à la compréhension des changements climatiques. Il doit aussi éclairer les décisions politiques. Pour chacun des rapports, «on travaille sur plusieurs années, le processus sur ce rapport d’évaluation le sixième a commencé en 2018. Il implique des centaines de chercheurs dans le monde, de régions différentes. C’est un travail de coordination et de consensus avec des allers et retours, des relectures», retrace une autre chercheuse qui officie dans un autre groupe de travail. En «colère devant cette fuite parce que les messages ne sont pas encore acceptés par tous», elle refuse d’être citée.

Car la spécificité et la crédibilité du Giec, «cest le consensus. Tous les rapports sont adoptés à lunanimité par les scientifiques qui travaillent en autonomie totale, puis par les États. Si lun nest pas daccord sur une formulation, on gomme», reprend Hervé Le Treut, climatologue et auteur de précédents rapports du Giec. «Cest aussi le meilleur moyen pour quaucun gouvernement ne rejette ses conclusions», reprend Anne Bringault. Le groupe de travail duquel a fuité le rapport est consacré aux impacts et à l’adaptation. C’est encore une version de travail «qui va subir des changements majeurs qui doivent inclure les milliers de commentaires», précise un autre climatologue.

Le rapport final ne doit pas être rendu public avant février 2022, après avoir été approuvé. Entre-temps, des phrases auront sans aucun doute disparu. Mais les enseignements, eux, resteront: tout simplement parce quils ne sortent pas de nulle part. «Tout le travail du Giec sappuie sur les études scientifiques déjà publiées et librement accessibles. On met en forme une information dense, en opérant des choix», souligne encore Hervé Le Treut.

Parmi les conclusions, plus alarmistes que celles du dernier rapport d’évaluation complet de 2014: le risque imminent de dépasser le seuil de + 1,5 °C. En signant laccord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à moins de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à 1,5 °C.

Pour l’heure, le climat a déjà changé, la hausse moyenne constatée est de + 1,1 °C. Fin mai, l’Organisation météorologique mondiale a déjà prévenu que la probabilité que ce seuil soit dépassé, sur une année, dès 2025 est déjà de 40 %.

Désormais, le Giec estimerait que dépasser ce seuil de +1,5 °C pourrait entraîner «­progressivement des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles».Même à 1,5 °C, «les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à sadapter», souligne le rapport, confirmant des données déjà avancées dans un rapport spécial en 2018.

Près de 2,5 milliards de personnes supplémentaires seront affectées d’ici 2050 par des risques climatiques, des vagues de chaleur aux inondations, en passant par l’impact sur l’agriculture. Pour l’alimentation, l’élevage, la pêche, «dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent», observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme «principal moteur». «Les niveaux actuels dadaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques», prévient le Giec. Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans.

La fonte des calottes glaciaires, un point de non-retour

Le Giec estime qu’avec un réchauffement supérieur à 2 °C, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest pourrait constituer un point de non-retour. Or, à elles seules, elles contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres. En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront ­menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par une hausse du niveau de la mer qui entraînera à son tour des migrations importantes.

À +1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions à + 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

Ces conclusions ont fuité, alors que le 17 juin, les délégués de 197 États ont achevé trois semaines de discussion pour préparer la 26e conférence mondiale sur le climat, la COP26, qui doit se tenir en novembre à Glasgow (Écosse). «Les négociations en visioconférence nont rien donné. Elles patinent notamment sur le financement pour l’adaptation des pays du Sud, comme sur les engagements des États en termes de réduction de gaz à effet de serre», rappelle Anne Bringault.

De là à y voir une manipulation? Des interlocuteurs franchissent le pas. «Les dernières consignes transmises par la direction du Giec étaient de ne pas diffuser de messages catastrophistes, cest exactement ce qui sest passé ici», confie un autre membre du Giec. Une manière pour ceux qui l’ont fait fuiter sans doute de faire bouger les choses, à l’heure où «nous avons besoin dune transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux: individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement», comme le plaide le prérapport. 

 

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