L'injonction au « bon sens », une formule bien pratique pour nous faire taire
L'injonction au « bon sens », une formule bien pratique pour nous faire taire
L'Humanité Samedi 27 Février 2021
Dans le spectre de la droite – des libéraux aux populistes d’extrême droite –, tout le monde se rêve en porte-parole du « bon sens » populaire. Une façon de nier le débat contradictoire en faisant croire que la solution s’impose toujours d’elle-même.
Mi-septembre 2020, alors que les températures flirtent encore avec les 30 degrés, des collégiennes et des lycéennes se mobilisent pour exiger le droit de porter librement des crop-tops et des minijupes. Pour éteindre la polémique, Emmanuel Macron ne s’embarrasse pas de sa « pensée complexe » habituelle, mais appelle simplement ces jeunes filles à faire preuve de « bon sens ».
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Ce même « bon sens » lui a permis, quelques semaines plus tard, de ne pas expliquer concrètement les raisons de l’interdiction arbitraire de se regrouper à plus de six dans l’espace public en raison du Covid-19. « Bon sens. » Deux mots qui, à la faveur d’une pandémie mondiale, sont revenus sur toutes les lèvres de nos responsables politiques. Deux mots qui, à eux seuls, leur suffisent à considérer que la solution coule de source sans avoir à s’encombrer d’un interminable développement technique (et politique). Au diable épidémiologistes, sociologues, météorologues et autres scientifiques, un peu de « bon sens » suffit !
Au nom de la soi-disant majorité silencieuse
Dans l’exécutif, le président est loin d’être le seul à user de cette facilité rhétorique. Jugée techno, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, répond qu’elle est « une femme de terrain et de bon sens ». Olivier Véran, titulaire du portefeuille de la Santé et neurologue de métier, juge qu’il faut s’en remettre au « bon sens » des entreprises pour organiser le télétravail. Donc, en creux, de confirmer qu’il n’y a nul besoin de les y contraindre. Car, si comme l’affirme – non sans ironie – Descartes, « le bon sens est la chose la mieux partagée au monde », pourquoi les entreprises n’en auraient-elles pas aussi ?