De Bobigny à Nantes, l’agriculture squatte le bitume
L'Humanité Samedi 27 Février 2021
Version récup ou high-tech, militante ou professionnelle, l’agriculture s’incruste en ville. Plus un seul projet urbain sans un brin de verdure. Les néopaysans veulent approvisionner (un peu) la cité, la reconnecter à une alimentation saine, et recréer du lien entre habitants. REPORTAGE.
Bobigny, coincé entre la nationale et le canal de l’Ourcq, le portail de ce qui fut pendant près de quarante ans l’entrée des ouvriers de l’usine Motobécane est toujours là. Mais, désormais, il ouvre sur la Prairie du canal. L’usine a été rasée dans les années 1990. Les herbes folles comme les arbres à papillons s’y épanouissent. Il y a là « Diesel, la poule, prénommée ainsi parce qu’elle a été trouvée dans une station-service », plaisante Éline Lambert, qui fait la guide. Ici, il ne faut pas chercher la terre, le plancher des vaches, c’est le bitume. Depuis 2017, l’association la Sauge, la Société d’agriculture urbaine et généreuse, y a pris ses quartiers sur 3 000 m2 après un appel à projets de la communauté d’agglomération d’Est Ensemble pour y créer une ferme urbaine.
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L’objectif alors est de « se reconnecter à la nature » et à son alimentation, Pas encore de « soigner la ville ». Pour Antoine Devins et Swen Déral, les deux fondateurs de la Sauge, en permettant à un maximum de monde de jardiner, « on met le pied à l’étrier pour faire de la transition à son échelle ». Le jeudi, c’est leur jour d’accueil des bénévoles : étudiants, chômeurs, en reconversion, mais aussi migrants. L’été, c’est la ruche, en février, beaucoup moins… Lætitia, 22 ans, en service civique, issue d’une école de commerce, trouve ici « du concret. Je me rendais bien compte que la finance, ce n’est pas tellement mon truc, et j’apprends tellement ». Mathieu, en CAP d’horticultrice, lui, a toujours été un urbain, il ne se voyait pas trop « faire (son) stage ailleurs qu’en ville. Mais ici, au-delà de l’agriculture, il y a de la vie ensemble ».