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Bienvenue sur le blog des communistes de Villepinte

Essai. Rosa Luxemburg, « socialisme ou barbarie »

18 Février 2019, 07:46am

Publié par PCF Villepinte

 

Lundi, 18 Février, 2019

L'Humanité Pascale Fautrier

Rosa Luxemburg. L’étincelle incendiaire Michael Löwy Le Temps des cerises, 218 pages, 12 euros
Dans un essai biographique, Michael Löwy explore la pensée de la théoricienne et militante spartakiste allemande, assassinée il y a cent ans.

Aujourd’hui, 26 humains possèdent autant que la moitié de tous les autres (rapport Oxfam): cette accumulation capitaliste n’a jamais existé à un tel niveau d’injustice dans toute l’histoire de l’humanité. Si cette prédation qui détruit la biosphère en même temps que les humains (9 millions de morts de faim par an) n’est pas stoppée, nous nous détruirons. L’alternative devant laquelle nous nous trouvons placés est plus que jamais «socialisme ou barbarie», comme nous en prévenait Rosa Luxemburg dès 1915 – et plus précisément «le socialisme ou la mort», pour reprendre la formulation du précurseur de l’écosocialisme, Ernest Mandel, dans les années 1960.

Michael Löwy déplie dans son livre toutes les implications philosophiques et politiques de cette caractérisation de la situation. La révolutionnaire juive polonaise est en prison à la suite de son opposition au vote des crédits de guerre, lorsque, contre le déterminisme réformiste de Jaurès et de Kautsky, elle affirme la nécessité d’imposer de force à la bourgeoisie la socialisation des moyens de production et la redistribution obligatoire de l’odieuse accumulation capitaliste.

La philosophe de la praxis

Cependant, et c’est essentiel, Rosa Luxemburg concevait la «dictature du prolétariat» non comme la prise de pouvoir autoritaire d’une poignée de militants «d’avant-garde», mais comme le résultat de l’«auto-émancipation» de tous les prolétaires (les dominés) dans les réunions délibératives au cours de la lutte révolutionnaire. Saluant la prise du pouvoir par les bolcheviks, elle est en désaccord avec Lénine, non sur la nécessité de s’organiser en parti, mais sur les relations entre le parti et les modes de regroupement spontané des soulèvements populaires: assemblées, comités locaux, groupes Facebook et autres cabanes, ronds-points, conseils ouvriers ou soviets…

Quoique «dans des conditions déterminées», ce sont bien les humains et les groupes qui font leur histoire: l’auteur voit à juste titre en Luxemburg l’inventrice de la «philosophie de la praxis» (l’expression est d’Antonio Gramsci), cherchant à penser les relations de la pensée et de l’action dans le cadre d’une dialectique ouverte, non déterminée d’avance.

Dans la lutte et la délibération, le prolétaire (celui qui n’a que sa force de travail pour assurer ses besoins) devient le porte-parole des intérêts de l’humanité tout entière, si et seulement si la confrontation libre des points de vue permet de dégager l’intérêt général humain. Si tous ont voix au chapitre, l’inégalité des sexes et l’oppression raciale ou coloniale sont mises en cause de fait, et les revendications sont valables bien au-delà du cadre national. Bref, la «démocratie prolétarienne» est à la fois nécessairement locale (la réunion) et internationaliste.

Michael Löwy pointe chez Rosa Luxemburg une certaine influence du romantisme révolutionnaire, dont il ne souligne pas suffisamment les ambiguïtés: la nostalgie du «communisme primitif» prend le risque de réactiver un organicisme traditionaliste autoritaire, qui, sous couvert de la notion de «commun», laisse peu de place à la singularité individuelle. Souvenons-nous que la tentation organiciste (nationaliste et corporatiste) avait permis la convergence, dès avant 1914, d’une partie du syndicalisme révolutionnaire et du fascisme naissant. On retrouve ce problème non résolu dans le «municipalisme libertaire» appliqué au Venezuela sous Chavez ou aujourd’hui au Rojava (Kurdistan syrien).

Pascale Fautrier Écrivaine

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