Lumière(s)
Il suffirait d’un rien… pour que beaucoup de choses changent.
Récital. Il suffit parfois d’un rien pour que le soupçon de l’ivresse nous gagne et nous chavire. Quelques lignes d’un poème, d’une prose. Des regards clairs et droits où se mêlent en son creuset ceux de la complicité intime. Des mots, distillant cette musique verbale du passé qui ne s’enfuit pas. Une colère, une passion, une dissemblance, une diversité puis une complémentarité absolue comme ciment de l’autre quand cet(te) autre cherche et trouve la merveilleuse délicatesse d’une fusion de couple dans l’aveuglante lumière de l’amour, premier chemin révolutionnaire en tant que nouveau monde à bâtir.
Oui, il suffit d’une grâce partagée, l’origine d’une odyssée se faisant miroir, celle qui se trouve nichée dans le secret des choses cachées depuis la fondation de la conscience humaine comme clef d’un nouvel âge d’or toujours à-venir… Vous aimez les sentiments? La beauté? Les Lettres de pourpre enfantées dans la singularité de deux êtres uniques? Croyez le bloc-noteur sur parole.
Le récital poétique et littéraire mené par Ariane Ascaride et Didier Bezace ("Il y aura la jeunesse d’aimer"), qui rendent hommage à Elsa Triolet et Louis Aragon, est comme un fragment lumineux capable de redonner goût, force et vigueur aux plus éteints d’entre nous, quand, sournoisement, dans les crépitements d’une actualité brouillonne peu soucieuse des principes, nous négligeons la cause et ses traces, la structure et les événements.
Notre société sacrifie l’important à l’urgent et l’ensemble au détail, pratiquant l’oubli des antécédents. Avouons que le plus savoureux, dans cette histoire, est encore que nous n’y sommes pas pour rien. Nous (osons le «nous»), hommes de cœurs engagés et de bonne volonté, dévots lecteurs des Misérables, qui avons pris fait et cause pour les gens de peu. Notre lignée est coresponsable. Elle n’a pourtant pas à rougir. À leur manière, Elsa et Louis nous y invitent. Nous avons une sorte de créance en faveur de l’aventure collective et de nos beaux emportements. Nous ne nous en sortons jamais seuls; les hommes se sauvent ensemble ou pas du tout.