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Prorogation de l’état d’urgence

9 Février 2016, 19:38pm

Publié par PCF Villepinte

Éliane Assassi Sénatrice Présidente du groupe CRC

Éliane Assassi Sénatrice Présidente du groupe CRC

 Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues.

 

La France vit depuis plus de deux mois et demi sous un régime d’état d’urgence. Sa mise en œuvre dès le 13 novembre pour rétablir la sécurité et pour répondre à la terrible angoisse de nos concitoyens, suscite aujourd’hui des interrogations, une inquiétude croissante et l’hostilité d’associations et de personnalités dans leur diversité.

Depuis le 16 novembre, le Parlement est accaparé par cette question de l’état d’urgence et par la regrettable - très regrettable - initiative sur la déchéance de la nationalité.

Congrès de Versailles, première prorogation de l’état d’urgence, propositions de loi d’initiative sénatoriale pour « renforcer l’efficacité de la lutte anti-terroriste » ou pour « prévenir les actes terroristes dans les transports » … projet de loi de réforme du code de procédure pénale, projets de loi d’application de la révision constitutionnelle … ce second projet de prorogation prend place au sein d’un Maelstrom, couronné par le débat constitutionnelle qui se déroule en ce moment même à l’Assemblée nationale.

Monsieur le Ministre, vous connaissez bien la principale critique à l’égard de votre dispositif : celle de l’inefficacité dans la lutte contre le djihadisme de Daech. Sur les quelques 3 200 perquisitions administratives, seules 4 enquêtes ont été ouvertes pour des faits de terrorisme et seule une personne a été mise en examen à ce jour …

Le temps me manque pour détailler les effets désastreux de ces perquisitions hors droit, de ces assignations parfois si excessives que les avant-projets de lois d’application de la révision constitutionnelle envisagent même de les assouplir quelque peu.

Le gouvernement serait-il bipolaire ? Aujourd’hui la prorogation de l’état d’urgence stricto sensu est proposée alors que dans le même temps les excès sont en partie reconnus dans les avant projets précités.

Peut-être ces derniers n’ont-ils pour objectif que d’amadouer une gauche récalcitrante ?

Si le dispositif de l’assignation ne respecte pas les libertés publiques selon votre propre aveu, il faut modifier ce projet de loi dès aujourd’hui. C’est ce que nous vous proposerons de faire par voie d’amendement.

Monsieur le Ministre, mes chers collègues, je repose mot pour mot la même question que j’ai posée le 20 novembre dernier : « des mesures très larges doivent être prises pour faire face à la situation, mais ne peuvent-elles pas l’être dans le cadre de notre droit commun avec un contrôle de l’autorité judiciaire ? »

Pouvons-nous accepter de maintenir cette situation qui brise l’équilibre des pouvoirs, avec d’une part, un pouvoir exécutif surpuissant et d’autre part des pouvoirs législatif et judiciaire rabaissés.

L’état d’urgence c’est un état d’exception.

Il entraine une mise en cause significative des droits des citoyens : ce qui suscite interrogations et critiques au-delà même de nos frontières.

Est-il appréciable, Monsieur le Ministre, que notre pays soit pointé du doigt par une association aussi reconnue et rigoureuse qu’Amnesty International ?

Je le dis une nouvelle fois - c’est une constante dans mes interventions depuis le congrès de Versailles - la dérive sécuritaire en cours, les propos martiaux, la remise en cause des libertés publiques c’est une victoire de Daech.

Oui ces intégristes assassins « nous tendent un piège politique » pour reprendre la formule de l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, qui souligne par ailleurs, que « ce n’est pas par les lois d’exception et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre l’ennemi ».

Des forces comme Daech se nourrissent de la violence, du sang, et du malheur.

Oubliez-vous que ce sont des dizaines de milliers de bombes déversées sur l’Irak qui ont donné naissance à ces combattants qui mêlent fanatisme et soif de vengeance contre la destruction insensée de leur pays de leur peuple ?

Face à ce phénomène, l’arme absolue c’est la liberté, la démocratie, la paix.

 

Oui il faut assurer la sécurité de notre peuple. Il faut pour cela donner les moyens humains et matériels à nos forces armées et à notre police, il faut réorganiser notre Renseignement qui lui aussi a été victime de l’austérité.

Cette politique de sécurité doit prendre place dans un vaste effort de reconstruction de notre société dévastée par des décennies de crises.

Monsieur Valls m’a heurtée quand il nous a répondu ainsi qu’à d’autres : « expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser ».

Comme si il pouvait exister une bienveillance de la part de ceux qui s’efforcent d’expliquer. Certes, une grande part de libre arbitre est à prendre en compte, mais le fléau de la radicalisation ne prend pas ses seules racines dans les parcours personnels. Pour mieux lutter et combattre il est nécessaire de comprendre l’ensemble en cherchant toutes les explications.

Oui, le fanatisme religieux se nourrit de terribles fractures : là où la République faillit, là où « liberté, égalité, fraternité » ne demeurent que paroles vaines.

Combien de jeunes tomberont-ils encore dans le fanatisme ? Si des actions d’envergure ne sont pas menées sans attendre, en urgence, en grande urgence !

Le Conseil d’Etat dans son avis sur ce projet de loi de prorogation a lui-même signalé que l’état d’urgence doit demeurer temporaire. Cependant le « péril imminent » qui justifie l’état d’urgence, a été contourné. Ce péril imminent, selon les propos du Premier Ministre lui-même à la BBC, demeurera jusqu’à l’éradication de Daech. Ce péril imminent devient donc un péril permanent.

En conséquence, l’orientation préconisée par le conseil d’état lui-même est de faire entrer dans le droit commun l’état d’urgence ce qui sera l’objet du prochain projet de réforme du code de procédure pénale.

Monsieur le Ministre, il faut dire la vérité : l’état d’urgence va devenir permanent et la justice soumise, dans bien des circonstances, à la puissance administrative et à la puissance policière.

Pour conclure…, à mon sens, l’état d’urgence dépasse largement la réaction à la menace terroriste. C’est l’accélération du processus que nous pressentions : la montée en puissance de l’autoritarisme dans les démocraties occidentales. La violence libérale qui est à l’oeuvre sur le plan économique et social exige un Etat fort comme le souligne par exemple l’affaire des Goodyear. Avec l’état d’urgence, le pouvoir exécutif s’affirme, le Parlement et la Justice s’inclinent.

Nous sommes en guerre martelez-vous ! Mais quels sont donc vos projets de paix Monsieur Le Ministre ? Comment allez-vous apaiser notre pays, redonner l’espoir ? Comment allez-vous participer à l’essor de la fraternité en France et dans le monde ?

Nous sommes de plus en plus nombreux à être las des propos guerriers et des coups de menton.

Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir comprendre, à vouloir des actes et un discours de justice, de progrès de réconciliation ; des actes et un discours républicain et –enfin !- des actes et un discours de gauche !

Vous l’aurez compris, le groupe CRC votera contre cette prorogation de l’état d’urgence

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